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14/09/2016 | FRANCE | N°14/10993

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 14 septembre 2016, 14/10993


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10993



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/09135





APPELANT



Syndicat des copropriétaires SIS [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, le CABINET IFNOR, ex

erçant sous le nom commercial 'CABINET ILE DE FRANCE NORMANDIE', SARL inscrite au RCS de LISIEUX, SIRET n° 490 279 510 00021, pris en la personne de ses représentants légaux d...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10993

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2014 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/09135

APPELANT

Syndicat des copropriétaires SIS [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice, le CABINET IFNOR, exerçant sous le nom commercial 'CABINET ILE DE FRANCE NORMANDIE', SARL inscrite au RCS de LISIEUX, SIRET n° 490 279 510 00021, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Représenté par Me Xavier PAULET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0358

INTIMES

Madame [P], [G] [G] veuve [U]

Née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (PORTUGAL)

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Jean-Pierre WILLAUME, avocat au barreau de PARIS, toque : B1042

Monsieur [Y], [W] [D]

Né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [U], [I] [L] épouse [D]

Née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentés et assistés par Me Franck GODET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0103

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre,

Madame Claudine ROYER, Conseillère,

Madame Agnès DENJOY, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Stéphanie JACQUET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claudine ROYER, faisant fonction de président pour le président empêché en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire, et par Madame Stéphanie JACQUET, greffier présent lors du prononcé.

***

Madame [P] [G] [G] Veuve [U] est propriétaire des lots 102,103 et 204 dans l'immeuble en copropriété sis [Adresse 1]. Victime depuis juillet 2008 d'infiltrations en provenance de l'appartement situé au dessus du sien appartenant à M. [Y] [D] et à son épouse, Mme [U] [L], Mme [U] en a informé le syndic. Ce dernier a missionné la société RJ BATIS, laquelle a indiqué que ces désordres avaient pour origine une fuite sur le bac à douche des époux [D].

A la suite de l'effondrement du plafond de Madame [U] survenu à une date non précisée, le cabinet d'architecte ALTERNA, missionné par le syndic, a constaté le mauvais état de la structure au plafond de la chambre et préconisé la réalisation de travaux par la copropriété.

Dans un rapport du 7 février 2012, le service de l'habitat de la Mairie de [Localité 3] a, de son côté, constaté que les étais mis en place pour éviter l'effondrement du dallage de la salle d'eau des époux [D] rendaient la chambre de Mme [U] inhabitable.

En dépit de travaux votés par les assemblées générales des 23 novembre 2010, 18 juin 2011, 26 octobre 2011 et 20 mars 2012 pour la reprise de la structure du plancher haut de l'appartement de Madame [U], ces travaux n'ont pas eu lieu immédiatement. En effet, lors de l'assemblée générale du 20 mars 2012, le syndic a informé les copropriétaires du refus des entreprises de commencer les travaux en raison du non paiement du solde des travaux de ravalement par la copropriété.

Après avoir mis en demeure d'une part les époux [D] de lui régler les sommes de 5 090,18 euros TTC au titre des travaux et 23 500 euros TTC au titre de son trouble de jouissance, par lettre recommandée AR du 10 mai 2012 et d'autre part le syndicat des copropriétaires de prendre toutes les mesures nécessaires pour la sauvegarde de ses droits par lettre recommandée AR du 14 mai 2012, Madame [U] les a finalement fait assigner les 5 juin et 20 juin 2012 devant le Tribunal de grande instance de Bobigny en responsabilité et indemnisation de ses préjudices, outre demandes accessoires.

Par jugement du 9 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Bobigny a :

- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à faire exécuter les travaux votés par l'assemblée générale pour la reprise de la structure du plafond de Madame [P] [G] [G] Veuve [U] dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision,

- dit que faute du syndicat des copropriétaires de procéder à l'exécution des travaux, il serait redevable, passé ce délai, d'une astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard,

- condamné solidairement Monsieur [Y] [D], Madame [U] [L] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Madame [P] [G] [G] Veuve [U] la somme de 4 256 euros HT au titre des travaux de remise en état, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- dit qu'à cette somme de [P] [G] [G] Veuve [U] s'appliquerait la TVA en vigueur au jour du jugement pour ce type de travaux,

- condamné solidairement Monsieur [Y] [D], Madame [U] [L] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Madame [P] [G] [G] Veuve [U] la somme de 14 750 euros au titre du préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- dit que dans les rapports entre les intimés, la responsabilité serait partagée entre eux à hauteur de 50% pour les époux [D] et 50% pour le syndicat des copropriétaires,

- dit que les intérêts des sommes dues seraient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamné in solidum Monsieur [Y] [D], Madame [U] [L] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Madame [P] [G] [G] Veuve [U] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- dispensé Madame [P] [G] [G] Veuve [U] de toute participation au titre des charges de copropriété, au paiement des condamnations prononcées par le jugement à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], au titre des dépens et frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

- condamné in solidum Monsieur [Y] [D], Madame [U] [L] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens dont le recouvrement serait effectué conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel du 22 mai 2014, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 26 janvier 2016, de :

- débouter Mme [U] de toutes ses demandes formées contre lui, celles-ci étant selon lui infondées,

- débouter Monsieur [D] et Madame [L] de leur appel incident,

- à titre subsidiaire, condamner Monsieur [D] et Madame [L] à le garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre lui, pour quelque cause que ce soit,

- en toute hypothèse, condamner Mme [U] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [U] aux entiers dépens à recouvrer par son avocat, la SCP NABOUDET-HATET.

Madame [P] [G] [G] Veuve [U] demande à la Cour par dernières conclusions signifiées le 5 février 2016, de :

- confirmer purement et simplement le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le montant de sa demande de dommages et intérêts, celle-ci s'en rapportant à justice sur le partage de responsabilité retenu par les premiers juges entre le syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [D],

- y ajoutant, constater que les travaux décidés par l'assemblée générale du 23 novembre 2010 n'ont été réceptionnés finalement que le 23 mars 2015,

- fixer à 25 750 euros le montant total de son trouble de jouissance subi jusqu'au 23 mars 2015, et condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [D] à lui payer cette somme,

- liquider à 57 000 euros le montant de l'astreinte prononcée par le jugement déféré et condamner le syndicat des copropriétaires à payer cette somme par application de l'article L.134-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes dirigées contre elle,

- dire qu'elle sera déchargée de toute participation aux frais de procédure supportés par le syndicat des copropriétaires,

- dire que les sommes qui lui sont dues seront capitalisées par périodes annuelle conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [D] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et Monsieur et Madame [D] en tous les dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par son avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur et Madame [D] demandent à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2014 de :

- débouter le syndicat des copropriétaires de son appel,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a admis le partage de responsabilité,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la valeur locative de la chambre dont l'usage a été troublé à la somme de 250 euros mensuels,

- mais l'infirmer en ce qu'il a fixé à 50% leur quote-parts de responsabilité,

- fixer à 70% la quote-part de responsabilité du syndicat des copropriétaires, et leur quote-part à 30% seulement,

- débouter Mme [U] de la demande formée contre eux en paiement de la somme de 4 256 euros au titre des travaux et réformer de ce chef le jugement entrepris,

- la débouter de sa demande de condamnation solidaire contre eux en paiement de la somme de somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la débouter de sa demande de condamnation solidaire les concernant avec le syndicat des copropriétaires au titre des dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mars 2016

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Sur les responsabilités

Le syndicat des copropriétaires conteste en substance la responsabilité retenue contre lui en soutenant qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission. Il fait valoir en substance que les syndics successifs (les cabinets ARTPRIM et IFNOR) ont tout mis en oeuvre pour obtenir des époux [D] la cessation des désordres provenant de leur bac à douche et pour faire voter les travaux de reprise nécessaires; qu'il n'a pu faire réaliser les travaux en raison des difficultés de trésorerie de la copropriété, situation assimilable à un cas de force majeure de nature à l'exonérer de toute responsabilité.

Madame [U] s'en rapporte à justice sur le partage de responsabilité retenu par les premiers juges en indiquant qu'elle ne pouvait s'adresser qu'au syndicat des copropriétaires pour obtenir la réalisation des travaux votés à quatre reprises par l'assemblée générale des copropriétaires depuis 2010. Elle demande donc la confirmation de la condamnation à exécuter les travaux de reprise de la structure, assortie de l'astreinte dont elle demande par ailleurs la liquidation. Elle précise que si les travaux de gros 'uvre ont été réalisés, elle a dû attendre jusqu'au 23 mars 2015 pour obtenir la remise en état de son installation électrique. Elle indique qu'un nouveau dégât des eaux s'est produit les 10, 11 et 14 août 2014 n'ayant fait qu'aggraver les désordres, ce qui prouve selon elle la mauvaise qualité des travaux réalisés par les époux [D].

Monsieur et Madame [D] reconnaissent que leurs installations sanitaires étaient à l'origine des désordres subis par Mme [U] et que leur responsabilité ne peut être écartée. Ils prétendent cependant n'avoir pas reçu les lettres de mise en demeure qui leur ont été adressées les 6 août 2008 et 8 septembre 2009 et relèvent que les investigations menées ont révélé la faiblesse des structures porteuses de l'immeuble, ce qui a distendu les joints périphériques de leur bac à douche et ôté toute étanchéité à l'ensemble ; que l'essentiel des désordres subis par Mme [U] était dû à cette faiblesse des structures porteuses ; que depuis la pose d'étais dans l'appartement de cette dernière, le sol s'est stabilisé et les joints ont rempli leur office. Ils affirment que le sinistre survenu en 2014(purement accidentel selon eux) était sans rapport avec celui objet de la présente procédure. Ils demandent à la Cour de fixer à 70% la part de responsabilité du syndicat des copropriétaires en soutenant qu'ils ne peuvent être déclarés responsables de la lenteur avec laquelle les travaux ont été votés, puis réalisés.

Sur ce,

Il n'est pas contesté et il résulte des pièces versées aux débats, notamment d'un rapport d'expertise amiable réalisé le 31 août 2011 par le cabinet MEDIANS, expert de la MACIF (assureur de Mme [U]) que les désordres causés à l'appartement de Madame [U], à savoir un dégât des eaux et l'effondrement partiel du plancher haut d'une chambre de l'appartement, étaient dues à plusieurs causes :

des sinistres dégâts des eaux répétitifs ayant pour origine le logement supérieur, qui ont occasionné au fil du temps un pourrissement des solives en bois et l'apparition de champignons de type «'mérule'» se développant sur les bois humides,

des travaux de rénovation et transformation des pièces d'eau, réalisés dans le logement de M. [D], avec mise en 'uvre d'une chape de béton d'environ 6 cm d'épaisseur prenant appui sur le revêtement de tomettes d'origine. Cette chape a été un facteur de surcharge du plancher qui a fragilisé la stabilité de l'ossature en bois,

la vétusté, entrant également pour une bonne part dans la survenance des désordres. L'expert a précisé que le phénomène de dégradation s'était étendu sur plusieurs années et que l'effondrement ne relevait pas d'un événement accidentel.

Ces constatations ont confirmé l'état défectueux de la structure porteuse, déjà constaté le 2 février 2011 par le cabinet d'architecte ALTERNA, missionné par le syndic de la copropriété.

Au vu de ces éléments, la responsabilité des époux [D] doit être retenue sur le fondement du trouble anormal de voisinage, leurs installations sanitaires (bac à douche fuyard), et les travaux réalisés par eux étant partiellement à l'origine des désordres causés à l'appartement de Madame [U].

La responsabilité du syndicat des copropriétaires doit également être retenue sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyant que le syndicat « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ». Compte tenu des constatations effectuées par l'expert de la compagnie d'assurances de Mme [U], qui ne sont pas contestées, le défaut d'entretien des parties communes est avéré compte tenu de l'état très endommagé et vétuste de la structure de l'immeuble, partie commune dont la conservation est l'objet même du syndicat.

S'agissant d'une responsabilité objective, le syndicat ne peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il n'a commis aucune faute ou en invoquant les difficultés de trésorerie de la copropriété. En aucun cas ces difficultés de trésorerie ne peuvent être assimilées à un cas de force majeure. Le syndicat ne peut éviter sa responsabilité qu'en prouvant la faute de la victime ou la faute d'un tiers. Il n'établit pas la faute de la victime. Quant à la faute d'un tiers, cette question sera examinée plus loin dans le cadre de l'appel en garantie formé contre les époux [D].

Compte tenu des constatations effectuées, les époux [D] et le syndicat des copropriétaires sont indiscutablement co-responsables des dommages matériels et immatériels causés à Madame [U]. Ils ont tous deux, à parts égales, concouru à la réalisation des désordres subis par cette dernière. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a partagé entre eux par moitié la responsabilité des désordres subis par Madame [U].

Sur l'évaluation du préjudice de Madame [U]

Préjudice matériel

Bien que les époux [D] et le syndicat des copropriétaires contestent l'évaluation du préjudice matériel de Madame [U], celle-ci justifie que le montant des travaux de réparation à effectuer dans son appartement a été estimé à la somme de 4 256 euros HT selon devis de l'entreprise SNPG du 3 avril 2012, aucune indemnisation ne lui ayant été versée par son assureur. Ces travaux sont distincts des travaux votés en assemblée générale qui ne concernaient que les travaux relatifs à la reprise des désordres sur les parties communes. Ils sont en lien avec les dégâts subis y compris la reprise partielle du sol et de l'électricité endommagés par le sinistre. L'évaluation de ce préjudice, retenue par le Tribunal en première instance, sera confirmée en appel et augmentée de la TVA en vigueur au jour du jugement.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et les époux [D] au paiement de cette somme de 4.256 euros HT, outre TVA en vigueur au jour du jugement, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, avec capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière, en application de l'article 1154 du code civil.

Préjudice de jouissance

Ce préjudice a été évalué en première instance à hauteur de 14.750 euros sur la base de 50% de la valeur locative de l'appartement sur une période allant du 1er juillet 2008 au 31 mai 2013 (59 mois), la valeur locative ayant été estimée à 500 euros par mois.

Madame [U] demande que ce préjudice soit revu à la hausse et fixé à la somme de 25 750 euros. Elle demande que soit ajoutée à l'indemnité allouée en première instance, une somme de 11.000 euros correspondant au préjudice de jouissance subi postérieurement, du 1er juin 2013 au 23 mars 2015, soit 22 mois supplémentaires sur la base d'une valeur locative de 500 euros par mois.

Le syndicat et les époux [D] contestent le montant de la valeur locative retenue qui ne concernait pas un studio, mais une simple pièce dans un appartement de trois pièces principales. Les époux [D] estiment par ailleurs que le syndicat des copropriétaires doit supporter seul la persistance du trouble de jouissance après le vote des travaux et les appels de fonds effectués.

Madame [U] a produit une estimation de valeur locative faite par le Cabinet CHAUVET et Cie (agent immobilier). Cette estimation a fixé la valeur locative d'un studio sis [Adresse 3] à la somme de 500 euros par mois hors charges.

Compte tenu de la configuration de l'appartement de Mme [U], appartement de trois pièces, constitué de deux lots réunis comprenant la pièce sinistrée (une chambre devenue totalement inhabitable à la suite du dégât des eaux et de la pose d'étais), la valeur de 250 euros par mois retenue par le tribunal sur la base de la valeur locative d'un logement plus petit (un studio) sera confirmée et correspond à une juste évaluation du préjudice de jouissance.

S'agissant de la durée de ce préjudice, il résulte des pièces produites que les travaux de reprise de la structure ont été réceptionnés (selon les pièces produites par le syndicat des copropriétaires) le 16 octobre 2012. Les travaux complets de remise en état de l'installation électrique dans l'appartement de Madame [U] n'ont quant à eux été terminés par le syndicat qu'en février 2015. Ces derniers travaux ne pouvaient empêcher Madame [U] de procéder à la réfection de son appartement depuis octobre 2012, mais leur réalisation plus tardive doit être prise en compte dans l'évaluation du préjudice de jouissance.

Au vu de ces éléments, le préjudice de jouissance sera retenu essentiellement sur la période de juillet 2008 à octobre 2012, soit pendant 52 mois sur la base de 250 euros par mois. Ce préjudice sera évalué pour cette période à la somme de 13 000 euros.

Ce préjudice de jouissance sera supporté in solidum par le syndicat des copropriétaires et les époux [D]. Dans leurs rapports entre eux, il sera réparti à parts égales, observation étant faite que les époux [D], qui ne s'estiment pas responsables du temps mis par le syndicat à réaliser les travaux, n'ont de leur côté pas justifié de l'exécution de leurs propres travaux d'étanchéité ainsi que l'avait relevé le tribunal en première instance. Aucune facture des travaux effectués après sinistre n'a été produite. La facture de 2008 versée aux débats ne peut être prise en compte car elle concerne les travaux initiaux de réfection et d'aménagement de leur appartement. L'attestation de leur mandataire (le cabinet GUERRA) indiquant que des travaux ont été effectués en 2009 ne peut être tenue pour suffisante dans l'administration de la preuve, en l'absence de facture produite sur la nature des travaux réalisés pour faire cesser les fuites sous le bac à douche notamment.

Le préjudice de jouissance s'étant prolongé jusqu'en février 2015 pour la réfection complète de l'installation électrique, il sera indemnisé pour la période de novembre 2012 à février 2015 (soit 28 mois) sur la base de 50 euros par mois. Ce préjudice de jouissance complémentaire sera fixé au total à 1400 euros et sera supporté par le seul syndicat des copropriétaires.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré sur l'indemnisation du préjudice de jouissance de Madame [U] en condamnant :

d'une part in solidum le syndicat des copropriétaires ainsi que Monsieur et Madame [D] à payer à Madame [U] la somme de 13 000 euros au titre de son préjudice de jouissance sur la période de juillet 2008 à octobre 2012,

d'autre part le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Madame [U] la somme de 1.400 euros au titre du préjudice complémentaire de jouissance subi par cette dernière sur la période de novembre 2012 à février 2015 inclus.

Les sommes allouées à Madame [U] au titre du préjudice de jouissance porteront intérêts à compter du présent arrêt et pourront être capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.

Sur la demande de liquidation d'astreinte formée par Madame [U]

Madame [U] demande à la Cour de liquider l'astreinte prononcée par le jugement déféré en fixant cette astreinte à la somme de 57.000 euros. Elle fait valoir qu'elle a dû attendre jusqu'au 23 mars 2015 pour que les travaux votés par l'assemblée générale du 23 novembre 2010 soient enfin terminés.

Le Tribunal avait condamné le syndicat des copropriétaires en première instance à effectuer les travaux de reprise de la structure du plafond votés par l'assemblée générale. Cette condamnation avait été assortie du mesure d'astreinte provisoire de 250 euros par jour de retard, prenant effet trois mois après la signification du jugement.

Madame [U] n'explique pas en quoi la Cour serait compétente pour liquider l'astreinte ordonnée alors que l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit clairement que «'l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.'»

En tout état de cause, il résulte des pièces versées aux débats que les travaux de reprise de structure ont été effectués et réceptionnés le 16 octobre 2012, de telle sorte que l'astreinte ordonnée par les premiers juges était en réalité inutile. Elle ne pouvait s'appliquer aux travaux de reprise de l'installation électrique, distincts des travaux de reprise de la structure du plafond, seuls concernés par la mesure d'astreinte.

La demande de liquidation d'astreinte sera donc rejetée, celle-ci étant irrecevable.

Sur les appels en garantie formés par les époux [D] et par le syndicat des copropriétaires

Les époux [D] et le syndicat des copropriétaires se sont mutuellement appelés en garantie.

Les époux [D] estiment que les désordres subis par Madame [U] procédaient de l'affaissement du sol de la salle d'eau à la suite de la fragilité des structures vétustes de l'immeuble. Ils s'estiment bien fondés à appeler en garantie le syndicat des copropriétaires pour les relever des condamnations prononcées contre eux vis à vis de Madame [U].

Il a cependant été indiqué plus haut à propos des responsabilités encourues à l'égard de Madame [U] que les époux [D] et le syndicat des copropriétaires avaient tous deux concouru à parts égales à la réalisation des dommages causés à Madame [U] :

les époux [D] en raison de la défectuosité de leurs installations sanitaires, en particulier d'une fuite sur le bac à douche, et des travaux qu'ils avaient entrepris dans leur appartement,

le syndicat des copropriétaires, en raison de la vétusté et du défaut d'entretien des structures porteuses de l'immeuble.

Au vu de ces éléments, l'appel en garantie des époux [D] contre le syndicat des copropriétaires ne pourra qu'être rejeté en ce qui concerne les condamnations prononcées contre eux au bénéfice de Madame [U].

En ce qui concerne l'appel en garantie formé par le syndicat des copropriétaires contre les époux [D] il concerne l'ensemble des condamnations prononcées contre lui.

Le syndicat des copropriétaires a été condamné d'une part à effectuer sous astreinte les travaux de réfection de la structure de l'immeuble, et d'autre part à indemniser les préjudices subis par Madame [U].

Pour les mêmes raisons que celles opposées aux époux [D], le syndicat des copropriétaires ne pourra être exonéré de sa part de responsabilité (50%) vis à vis de Madame [U], celui-ci ayant été reconnu responsable du défaut d'entretien de la structure porteuse, partie commune de l'immeuble. Sa demande de garantie portant sur les condamnations prononcées contre lui au bénéfice de Madame [U] sera donc rejetée.

En revanche, s'agissant de la condamnation à effectuer les travaux de remise en état des planchers et structures porteuses de l'immeuble séparant les logements [U] et [D], il ressort du rapport d'expertise amiable de l'expert de la MACIF (ci-dessus évoqué) que les fuites d'eau répétées en provenance de l'appartement des époux [D] et la pose d'une chape béton sur les tomettes existantes, ont contribué au pourrissement des bois et au développement de champignons type «'mérule'», ainsi qu'à la surcharge du plancher, fragilisant encore plus l'ossature en bois de l'immeuble, déjà atteinte par la vétusté. Ces éléments ont de tout évidence joué un rôle dans l'affaiblissement du plancher et participé à son effondrement partiel.

Dans ce contexte, sans faire disparaître la responsabilité du syndicat des copropriétaires qui avait une obligation d'entretien et de surveillance de cette structure porteuse, les époux [D] ont indiscutablement une part de responsabilité dans la dégradation de cette partie commune. Cette part de responsabilité vis à vis du syndicat des copropriétaires sera fixée à 10%. Ils seront donc condamnés à indemniser la copropriété à hauteur de 10% pour les travaux de réfection du plancher haut (partie commune) séparant leur appartement de celui de Madame [U]. Le coût de ces travaux ayant été évalué à 2 959,28 euros TTC et voté à hauteur de ce montant par l'assemblée générale du 22 novembre 2011, il y a lieu de condamner Monsieur et Madame [D] à garantir le syndicat des copropriétaires à hauteur de la somme de 295, 92 euros.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de son appel en garantie.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [U] les frais irrépétibles supportés par elle tout au long de la procédure. Il y a lieu de confirmer la condamnation prononcée in solidum contre le syndicat des copropriétaires et les époux [D] à son profit en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'y ajouter une somme supplémentaire de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées par le syndicat des copropriétaires et les époux [D].

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés in solidum par le syndicat des copropriétaires et les époux [D]. Dans leurs rapports entre eux, chacun supportera la moitié de ces dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement déféré,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ainsi que Monsieur et Madame [Y] et [U] [D] à payer à Madame [P] [G] [G] Veuve [U] la somme de 13 000 euros au titre de son préjudice de jouissance sur la période de juillet 2008 à octobre 2012,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Madame [U] la somme de 1 400 euros au titre du préjudice complémentaire de jouissance sur la période de novembre 2012 à février 2015 inclus,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que ces intérêts pourront être capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Condamne Monsieur et Madame [Y] et [U] [D] à garantir le syndicat des copropriétaires pour les travaux de réfection de la structure porteuse de l'immeuble à hauteur de la somme de 295, 92 euros,

Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,

Y ajoutant,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ainsi que Monsieur et Madame [Y] et [U] [D] à payer à Madame [P] [G] [G] Veuve [U] une somme supplémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ainsi que Monsieur et Madame [Y] et [U] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Dit que dans leurs rapports entre eux, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et les époux [D] supporteront chacun la moitié de ces dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/10993
Date de la décision : 14/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°14/10993 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-14;14.10993 ?
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