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14/09/2016 | FRANCE | N°14/05386

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 14 septembre 2016, 14/05386


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 14 Septembre 2016



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05386



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° F13/00446





APPELANTE

ASSOCIATION OLGA SPITZER - ITEP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avo

cat au barreau de PARIS, toque : G0874





INTIME

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1970

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

assisté de Me Brigitte CURCHOD, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 14 Septembre 2016

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05386

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° F13/00446

APPELANTE

ASSOCIATION OLGA SPITZER - ITEP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0874

INTIME

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1970

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

assisté de Me Brigitte CURCHOD, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2016

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [J] [E] a été engagé le 16 juillet 1999 selon un contrat à durée indéterminée à temps plein par l'association Olga Spitzer en qualité d'élève éducateur en « cours d'emploi ». Il est devenu éducateur spécialisé le 18 juin 2003 et a été affecté en 2009 à l'ITEP « le Petit Sénart » à [Localité 1].

La convention collective applicable est celle des établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées. L'association compte plus de onze salariés.

Par lettre du 2 février 2013, Monsieur [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 mars suivant avec mise à pied conservatoire. Il a été licencié pour faute grave par courrier du 29 mars 2013.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Monsieur [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry qui, par jugement du 3 avril 2014, a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal :

- 4.613,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 13.836 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2.801,10 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés afférents,

- 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement ordonne en outre la remise d'un certificat de travail et du bulletin de salaire pour la période du 22 février au 30 mars 2013 conformes sous astreinte de 15 euros par jour à compter du 15ème jour de la notification du jugement.

L'association Olga Spitzer a régulièrement interjeté appel de ce jugement, demande à la cour de l''infirmer de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions et de lui allouer la somme de 2.500 euros au titre des frais de procédure.

Monsieur [E] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de lui allouer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur le licenciement

Sur la validité de la lettre de licenciement

L'article L1232-6 du code du travail dispose que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Monsieur [E] soutient que la lettre de licenciement qui lui a été envoyée, n'a pas été signée par la directrice de l'ITEP, Madame [S], seule habilitée par délégation du conseil d'administration de l'association à embaucher ou à licencier, mais par son directeur adjoint, Monsieur [O].

Il conteste avoir reçu l'exemplaire de la lettre signée par la directrice produite par l'association Olga Spitzer lors des débats.

L'association Olga Spitzer fait valoir que la notification du licenciement incombe à l'employeur et qu'en pratique, elle peut également être établie par un mandataire ou un représentant de l'employeur appartenant à l'entreprise. Dans les associations, la mise en 'uvre de la procédure de licenciement appartient en principe au président qui peut déléguer ses pouvoirs notamment au directeur général, avec autorisation du conseil d'administration et conformément aux statuts. L'association Olga Spitzer ajoute que l'article 9 des statuts de l'association prévoit expressément la possibilité pour le président de déléguer ses pouvoirs et qu'en application de l'article 12, la directrice de l'ITEP était parfaitement habilitée à mettre en 'uvre la procédure de licenciement.

L'article XIV du règlement prévoit en outre qu'en cas d'absence ou empêchement, le directeur est autorisé à déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un suppléant. C'est ainsi que le contrat de travail du directeur adjoint prévoit que ce dernier assure le remplacement total et permanent de la directrice en cas d'absence. Il était donc habilité à licencier Monsieur [E].

Par ailleurs, le défaut de signature manuscrite en bas de la lettre de licenciement ne constitue qu'une simple irrégularité de procédure. L'association Olga Spitzer constate que les noms et qualités de Monsieur [O] mais également de Madame [S] figurent en bas de la lettre de licenciement notifiée au salarié.

L'employeur peut se faire représenter dans le cadre d'un licenciement. Cette délégation de pouvoir n'est pas soumise à des modalités rigoureuses ; il n'est ainsi pas nécessaire que la délégation de pouvoir soit donnée par écrit et le pouvoir reconnu à un salarié de représenter l'employeur dans toutes les actions liées à la gestion des ressources humaines emporte pouvoir de licencier.

L'association Olga Spitzer ne justifie pas avoir envoyé au salarié la lettre de licenciement signée par la directrice de l'ITEP, même si son nom et sa qualité y figurent.

Il n'est pas contesté que la directrice de l'ITEP, Madame [S], avait qualité pour licencier un salarié de l'association. Le contrat de travail du directeur adjoint, Monsieur [O], signé par le directeur de l'ITEP, prévoit qu'il « assure le remplacement total et permanent de la directrice en cas d'absence »

Dès lors, Monsieur [O] en sa qualité de directeur adjoint avait le pouvoir de représenter l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement et de signer la lettre de licenciement de Monsieur [E], sans qu'il soit même besoin de justifier de l'absence de Madame [S].

En tout état de cause, la cour relève que le défaut de signature de la lettre de licenciement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais constitue une irrégularité de la procédure de licenciement qui entraîne pour le salarié un préjudice que l'employeur doit réparer. Or Monsieur [E] ne formule aucune demande d'indemnisation à ce titre.

Au regard de ces éléments, la Cour rejettera donc la demande du salarié.

Le jugement sera infirmé.

Sur la faute grave

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

« Vous occupez au sein de notre établissement la fonction d'éducateur et, à ce titre, vous étiez le tuteur désigné d'une jeune stagiaire, Mademoiselle [V], accueillie au sein de l'ITEP de [Localité 1] dans le cadre de la 3ème année de formation d'éducateur spécialisé.

A la fin du mois de janvier 2013, celle-ci signale auprès de la direction de l'établissement, de graves difficultés relationnelles avec vous-même et une présomption d'actes s'apparentant ou pouvant s'apparenter à du harcèlement de nature sexuelle à son encontre.

Face à cette situation le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) se réunissait le 5 février 2013 en séance exceptionnelle afin d'engager une enquête menée par la directrice de l'établissement, présidente du CHSCT et le secrétaire de cette instance.

Dans ce cadre, cette stagiaire faisait part des événements tels qu'ils s'étaient déroulés, qu'ils ont été vécus et du comportement déviant que vous aviez eu envers elle.

Au cours de l'enquête, pas moins de 12 personnes ont été entendues y compris vous, l'intéressée également.

Il ressort de ces éléments que, cette jeune stagiaire placée sous votre responsabilité vous a immédiatement fait confiance dans le cadre du suivi de son stage.

Il apparaît ensuite, que vous avez manifestement usé de votre position de référent afin de lui proposer des rencontres en dehors du cadre professionnel afin de gagner sa confiance et de vous rapprocher d'elle sur un plan plus personnel.

Vous avez par exemple usé de man'uvres demandant à cette stagiaire de garder vos papiers officiels qu'elle a dû, de fait, amener à son domicile dans le but de vous donner l'occasion de la rencontrer de manière isolée en dehors du cadre du travail.

Par la suite à la fin du mois d'août 2012, vous avez profité de sa séparation avec son concubin afin de vous rapprocher d'elle et de lui proposer des sorties nocturnes.

Suite à votre insistance mais surtout compte tenu du lien de tutorat existant entre elle et vous, il apparaît que cette jeune personne a finalement accepté de vous accompagner.

C'est alors que vous vous êtes montré de plus en plus insistant et notamment de retour d'une sortie nocturne à Paris, et dans votre véhicule, vous vous êtes montré entreprenant, posant des questions dérangeantes et manifestement orientées dans le but de créer une pression grave présentant une finalité de nature sexuelle ou qui pouvait être interprétée comme telle.

Après lui avoir demandé si elle était « aventurière » vous lui avez proposé de partir en tête-à-tête jusque dans la maison de vacances de ses parents, puis au cours de la conversation, vous avez posé votre main sur sa jambe alors que vous étiez au volant créant ainsi un contact physique plus que gênant et surtout non consenti !

Cette situation choquante a manifestement et profondément perturbé cette jeune femme qui a repoussé vos avances.

Vous avez pourtant insisté malgré le refus opposé.

Consécutivement à cet épisode, vous avez à nouveau relancé la stagiaire dont vous deviez vous occuper professionnellement et lui proposer à nouveau des sorties hors du cadre professionnel.

Vous l'avez ensuite relancée à plusieurs reprises pour des sorties le week-end à l'occasion et pendant les heures de travail au sein de l'établissement. Les nombreux SMS et les appels pendant et en dehors des heures de travail traduisent entre autres ces relances insistantes.

C'est alors qu'elle vous a clairement répondu qu'elle ne partirait pas avec vous et vous a opposé un refus ferme.

Si vous avez semble-t-il cessé vos avances, vous n'avez pas pour autant adopté à l'égard de la stagiaire dont vous êtes le référent un comportement adéquat.

En effet, à compter du refus opposé à vos avances, vous avez purement et simplement ignoré cette stagiaire qui a manifestement eu et exprimé le sentiment d'avoir été trahie, non respectée et « objetisée » de votre part.

S'ajoutait à cela la crainte de représailles qui l'a conduite à cesser son stage dans le cadre d'un arrêt maladie qui l'a évidemment pénalisée et empêchée de rédiger son rapport de stage.

Il apparaît en effet que vos agissements en qualité de référent de stage dans l'exercice de vos fonctions d'éducateur présentent un caractère particulièrement déviant d'une part au regard des tentatives de rapprochement à titre privé sous couvert d'une dimension professionnelle, puis le discrédit de la stagiaire devant les enfants ignorant manifestement la présence de cette dernière consécutivement au refus qu'elle vous avait opposé.

Finalement la perspective que vous deviez l'évaluer au terme du stage a contribué de par votre comportement, à une profonde déstabilisation et une perte de confiance.

Au final, vous avez adopté un comportement ayant pour conséquence de caractériser des actes déviants notamment par un contact physique non consenti et une pression morale continue soit par votre insistance soit par votre ignorance après avoir été éconduit, n'est pas tolérable dans notre Association.

Vous avez en effet profité d'une part de votre position professionnelle afin de tenter de séduire par des actes insistants pour tenter d'arriver à vos fins et finalement aboutir au contact physique qui a profondément perturbé cette jeune personne.

Vous avez ensuite adopté un comportement dénigrant au lieu de l'accompagner dans son cursus de formation et professionnel.

Le fait que vous soyez tuteur et donc le référent dans le cadre de la convention de stage de cette jeune personne qui nous est confiée dans le cadre de ses études, est un facteur aggravant.

Nous avons vis-à-vis de l'ensemble des personnes exerçant une activité au sein de nos établissements une obligation de sécurité de résultat qui nous a conduits à les protéger contre tout type d'attitude malsaine et déviante et ce, de la part de quiconque.

Nous vous notifions en conséquence votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité ».

L'association Olga Spitzer indique que Mademoiselle [V] a signalé ces faits à la direction de l'établissement, au mois de janvier 2013. Le CHSCT a ensuite décidé, lors de sa réunion exceptionnelle du 5 février 2013, d'engager une enquête. C'est au terme de cette enquête après avoir entendu douze personnes ainsi que la stagiaire et le salarié, qu'une procédure de licenciement a été engagée.

A l'appui de ses griefs, l'association Olga Spitzer produit notamment :

un courrier de la stagiaire [X] [V], dans lequel elle détaille les agissements dont elle prétend avoir été victime de la part du salarié,

un courrier non signé de Madame [O] [D], collègue du salarié, indiquant « [V] [X] est venue me trouver au cours du mois d'octobre 2012 afin de me faire connaître sa gêne suite à des propositions répétées que Monsieur [E] lui aurait faites. Mademoiselle [V] m'a rapporté le fait qu'il l'avait invitée à plusieurs reprises et que cela la mettait mal à l'aise. »,

un courrier du Docteur [T] [Y], médecin psychiatre, adressé à la direction de l'ITEP et indiquant qu'il existait depuis plusieurs mois une difficulté de collaboration entre Monsieur [E] et [O] [D], tous deux éducateurs sur le même groupe. Elle indique également avoir « appris indirectement le 25 janvier 2013 que la stagiaire [X] [V] disait subir des avances sexuelles de Monsieur [E] alors qu'il est son responsable de stage et qu'elle avait prévu d'en parler bientôt à la direction »,

le rapport d'enquête du CHSCT en date du 18 février 2013 concluant « il apparaît que les accusations formulées par [X] [V] sont corroborées par nombre d'exemples précédents du comportement de Monsieur [E] envers d'autres »,

les comptes rendus des auditions menées par le CHSCT,

un courrier de [X] [V] indiquant qu'elle a reçu 29 messages écrits entre le 9 juin 2012 et le 10 janvier 2013 de la part de Monsieur [E] ainsi que plusieurs appels de sa part en dehors des heures de travail,

le procès-verbal de la réunion du CHSCT du 20 février 2013 indiquant « après enquête auprès de collègues, il apparaît que les accusations formulées sont corroborées par de nombreux exemples du comportement du salarié envers d'autres ».

Monsieur [E] conteste l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.

Il estime que le CHSCT n'a pas été réuni dans le respect des dispositions légales et que dès lors l'enquête qu'il a menée en dehors de tout cadre juridique, ne peut avoir une quelconque valeur probante.

Il ajoute que les comptes rendus d'entretien produits par l'employeur ne sont jamais signés par les personnes auditionnées, lesquelles n'ont pas pu contrôler la manière dont leur propos étaient rapportés et ne sont donc pas probants. Il constate que ces comptes rendus rédigés par deux personnes différentes ne rapportent pas les mêmes dires et sont soumis à l'interprétation de leur rédacteur.

Monsieur [E] fait valoir que le choix des auditionnés est discutable et orienté et qu'en tout état de cause, ils ne constatent jamais rien.

Il produit une attestation d'un collègue Monsieur [Q] indiquant que Mademoiselle [V] avait demandé la modification de son emploi du temps afin de travailler avec lui le lundi. Il produit également une copie des messages téléphoniques échangés avec la stagiaire et des attestations de collègues indiquant n'avoir jamais constaté le moindre comportement fautif.

S'agissant de la validité de l'enquête menée par le CHSCT, la cour relève que le moyen tiré du non-respect des dispositions légales applicables à la saisine puis la convocation du CHSCT, n'est pas pertinent dans le présent débat. En effet, le CHSCT n'a pas été réuni dans le cadre d'une auto saisine mais consécutivement à la demande de l'employeur informé d'une possible situation de harcèlement sexuel et ayant ainsi, dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, le pouvoir de le saisir afin qu'il recueille les témoignages des salariés de son choix, à charge pour la cour d'apprécier la pertinence des éléments ainsi obtenus.

Enfin, il convient de rappeler que l'avis du CHSCT sur l'existence d'une situation de harcèlement moral ou sexuel dans l'entreprise ne lie pas la cour qui peut considérer qu'un salarié n'a pas subi un harcèlement moral, même si le CHSCT avait, pour sa part, conclu le contraire.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des comptes rendus des auditions menées par le CHSCT que si plusieurs salariés ont exprimé un avis sur les accusations portées par Mademoiselle [V] à l'encontre de Monsieur [E], indiquant ne pas être étonnés de cette situation de harcèlement, force est de constater qu'aucun n'a personnellement assisté aux faits révélés par cette stagiaire.

Ainsi, Madame [D] ne fait que rapporter les propos tenus par [X] [V]. De même les autres salariés mettant en cause le comportement de Monsieur [E] n'expriment qu'un sentiment personnel et général sur l'attitude du salarié vis-à-vis des femmes, sans jamais relevé un fait précis et en rapport avec la situation de [X] [V].

Madame [F], éducatrice, indique qu'elle n'a pas constaté ou entendu des propos choquants de la part de Monsieur [E] mais qu'elle « sent des choses bizarres de sa part dans son attitude et n'est pas étonnée de la situation de harcèlement envers [X] [V] ».

De même, la psychologue Madame [I] indique qu'il n'est pas possible que la stagiaire ait inventé des choses car elle a la « tête sur les épaules » sans pour autant rapporter le moindre fait constitutif d'un harcèlement sexuel dont elle aurait été le témoin direct.

Seul le témoignage de Mademoiselle [V] met en cause Monsieur [E], personne ne pouvant attester de la véracité de ses déclarations.

Par ailleurs, il est fait état de nombreux messages et appels téléphoniques.

Or, ces échanges tels qu'ils sont produits révèlent l'existence d'une bonne entente entre ces deux collègues, mais ne sont nullement constitutifs de faits de harcèlement sexuel.

Dès lors, au regard de ces éléments, l'association Olga Spitzer ne justifie pas que Monsieur [E] ait harcelé sexuellement sa collègue [X] [V].

Son licenciement se trouve par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé par substitution de motif.

Sur les conséquences financières du licenciement

Il résulte des documents versés aux débats et notamment l'attestation pôle emploi que le salaire mensuel brut moyen de Monsieur [E] s'élevait à 2.306,82 euros.

Seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire. Monsieur [E] peut donc prétendre au remboursement des salaires qui ne lui ont pas été versés durant cette période.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Aux termes de l'article 17 de la convention collective, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Monsieur [E] la somme de 13.836 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

A la date du licenciement, Monsieur [E] percevait une rémunération mensuelle brute de 2.306,82 euros, avait 42 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 13 ans et 8 mois au sein de l'association.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'association, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [E], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, c'est part une juste évaluation de la situation que le conseil de prud'hommes d'Evry lui a alloué la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour brusque rupture

Monsieur [E] estime qu'il a été mis à l'écart pendant des semaines au vu et au su de ses collègues et des enfants qu'il encadrait et ce d'autant plus qu'il résidait dans l'ITEP.

Monsieur [E], qui a été l'objet d'accusations graves de harcèlement sexuel, justifie d'un préjudice moral distinct de celui afférent à la perte de son emploi, réparé par l'indemnité allouée précédemment. Il convient donc de lui allouer, en outre, la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct subi.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes, dans les termes du dispositif sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette remise d'une astreinte.

Sur les frais de procédure

L'équité commande de condamner l'association Olga Spitzer à verser à Monsieur [E] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Comme elle succombe dans la présente instance, l'association Olga Spitzer sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié que la cour ordonnera dans le cas d'espèce dans la limite de trois mois.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui a trait au montant des dommages et intérêts alloués pour le préjudice moral distinct,

Le réforme sur ce point,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'association Olga Spitzer à verser à M. [E] une somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct,

Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision,

Ordonne le remboursement par l'association Olga Spitzer à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [E] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois,

Condamne l'association Olga Spitzer à verser à Monsieur [E] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute l'association Olga Spitzer de sa demande de ce chef,

Condamne l'association Olga Spitzer aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/05386
Date de la décision : 14/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/05386 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-14;14.05386 ?
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