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14/09/2016 | FRANCE | N°13/09498

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 septembre 2016, 13/09498


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 Septembre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09498



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 12/09773





APPELANT

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

représenté par

Me Sigrid PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0369





INTIMEE

SARL TOASTER

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 411 785 207

représentée par Me Jean-raphaël ALTABEF, avocat a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 Septembre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09498

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F 12/09773

APPELANT

Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

représenté par Me Sigrid PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0369

INTIMEE

SARL TOASTER

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 411 785 207

représentée par Me Jean-raphaël ALTABEF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0742, en présence de M. [A] [C], Gérant de la SARL TOASTER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoit DE CHARRY, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoit DE CHARRY, président

Madame Catherine BRUNET, conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [X] [B] a été engagé par la SARL TOASTER par contrat de travail à durée déterminée en date du 21 février 2005 en qualité de graphiste pour la période du 21 février au 21 mai 2005.

Le 23 mai 2005, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée par lequel Monsieur [X] [B] a été engagé par la SARL TOASTER à compter du même jour en qualité de directeur artistique.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des Bureaux d'Etudes Techniques - Cabinets d'Ingénieurs Conseils - Société de Conseils.

Monsieur [X] [B] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 3449,04 euros.

La SARL TOASTER occupait à titre habituel moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre en date du 22 juin 2012, Monsieur [X] [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 juillet suivant et sa mise à pied conservatoire été notifiée.

Par lettre en date du 9 juillet 2012, Monsieur [X] [B] a été licencié pour faute grave.

Contestant notamment son licenciement, Monsieur [X] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 14 juin 2013 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et a débouté la SARL TOASTER de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] [B] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 9 octobre 2013.

Monsieur [X] [B] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il est vexatoire, qu'il n'a pas été informé de ses droits en matière de droit individuel à la formation et que son employeur ne l'a jamais mis en mesure d'occuper le poste de directeur artistique pour lequel il l'avait embauché.

En conséquence, il sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation de la SARL TOASTER à lui payer :

*6898,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*689,80 euros au titre des congés payés sur préavis,

*1819,71 euros au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

*180,97 euros au titre des congés payés sur mise à pied conservatoire,

*62 082,72 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*2000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

*1000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l'absence d'information sur le droit individuel à la formation,

*10 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice professionnel et de carrière subi,

*5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande en outre que soit ordonnée la rectification des bulletins de salaire établis depuis l'embauche, de même que les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail) afin d'y apporter dans la rubrique « poste occupé » la mention « Directeur Artistique » et non pas « graphiste » et ce sous astreintes de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision.

En réponse, la SARL TOASTER fait valoir que le licenciement pour faute grave est parfaitement justifié, que Monsieur [X] [B] ne peut se prévaloir d'un préjudice au titre de l'absence de mention d'information de son droit au DIF dans la lettre de licenciement, que la mention directeur artistique dans le contrat de travail résulte d'une erreur de plume et que le salarié n'a jamais occupé une telle fonction.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [B] et la condamnation de ce dernier à lui verser 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée:

« A la suite de l'entretien du 4 juillet 2012, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs évoqués au cours de ce dernier, à savoir : Faute grave.

Je tiens à vous rappeler les différents événements qui nous amènent aujourd'hui à procéder à votre licenciement, motifs que nous avons longuement évoqués au cours de l'entretien préalable au licenciement qui a eu lieu le 4 juillet 2012 dans nos locaux. Vous étiez assisté, lors de cet entretien, d'un conseiller du salarié.

Nous avons eu à déplorer de votre part, depuis plusieurs semaines, une errance comportementale et, malgré de nombreuses remarques verbales adressées en présence de vos collègues de travail, nous avons été contraints de vous adresser un premier courrier d'avertissement en LRAR le 16 mai 2012, la situation n'étant plus acceptable.

Ce courrier d'avertissement, que vous n'avez pas contesté, faisant état d'un non respect patent de vos horaires de travail, du refus d'arrêter de vous garer sur ma place de parking et de votre attitude m'interrogeant sur ce que je pourrais bien faire si vous continuiez à le faire, le tout accompagné d'une attitude à ce point menaçante à mon égard que vous avez cru bon d'ajouter « c'est bon je n'ai pas levé la main »...

Cette scène s'est déroulée en présence d'une de vos collègues [W] [Q].

Nous pensions que cet avertissement porterait ses fruits et que vous en tireriez toutes conséquences pour l'avenir. Malheureusement il n'en a rien été.

Postérieurement à cet avertissement :

Le 19 juin 2012, je suis rentré de rdv client Vers 17h. Vous étiez à nouveau en train de rédiger

un e-mail personnel et de vaquer à vos occupations personnelles.

Je vous ai demandé de fermer votre boîte mail et de retourner à votre travail. Vous m'avez répondu « oui, oui je vais le faire '' avec un sourire et un air très provoquant.

Environ 10 mn après, je suis repassé devant votre poste de travail et vous étiez toujours sur vos e-mails personnels. Je vous ai alors intimé l'ordre de fermer votre boîte mail et de travailler à la tâche qui vous était assignée.

Je vous ai fait alors remarquer que vous aviez pris 2h15 pour déjeuner ce qui était inacceptable et que votre travail était en retard et compromettait les plannings de l'entreprise.

Vous m'avez alors répondu: « Oui, j'ai été déjeuner avec une vieille copine que je n'avais pas vu depuis longtemps et j'avais besoin de temps », puis vous êtes retourné à vos mails en ignorant ma présence.

J'ai noté la stupéfaction sur le visage de deux de vos collègues qui étaient dans le même bureau à ce moment et tout au long de l'incident qui s'est ensuite déroulé.

Je vous ai alors très explicitement ordonné d'arrêter de rédiger vos e-mails personnels et de commencer à travailler,

Vous m'avez alors répondu « non, je ne vais pas le faire, et tu ne peux rien faire tu n'en as pas les moyens ».

Votre attitude étant très provocante accompagnée d'un sourire de défiance.

Je n'ai pas répondu à ce comportement inacceptable et, situé sur le pas de la porte de communication de nos 2 bureaux, je vous ai de nouveau intimé l'ordre de travailler.

Vous vous êtes alors très rapidement levé, vous vous êtes approché de moi rapidement et vous

vous êtes collé à 10 cm de mon visage en me regardant dans les yeux et en me disant « tu n'as pas les moyens physiques de me contraindre à quoi que ce soit ».

Je n'ai pas répondu à votre provocation, je vous ai signifié que dans la mesure où vous ne vouliez pas travailler et, au vu de la tournure que vous souhaitiez faire prendre à cet incident, il était préférable que vous quittiez les locaux.

Vous m'avez alors répondu « non, je ne pars pas '', toujours en souriant.

J'ai alors éteint votre ordinateur et je vous ai demandé de quitter l'entreprise sur le champ.

Vous m'avez à nouveau dit « non, je fais ce que je veux '', puis vous vous êtes levé et vous êtes allé rallumer votre ordinateur. Vous m'avez alors regardé de nouveau en me disant « tu

ne peux rien faire ».

Le climat que avez installé était tellement violent que j'ai vu une de vos collègues, [H] [U], blêmir et se sentir mal.

Ne sachant plus comment mettre fin aux menaces physiques et redoutant que vous ne mettiez vos menaces à exécution, je me suis résigné à téléphoner au commissariat afin de demander de l'aide.

A ce moment-là, sachant que j'étais en train de téléphoner à la police, vous vous êtes levé et vous êtes parti.

Suite à votre comportement, nous vous avons convoqué le 22 juin 2012, par lettre remise en main propre et signée de votre part, à un entretien préalable de licenciement pour le 4 juillet 2012. Cette convocation étant assortie d'une mise à pied conservatoire.

Au cours de l'entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé dans nos locaux en présence de [X] [P], représentant syndical venu vous assister, et d`[L] [T], salariée de l'entreprise, vous nous avez confirmé les points suivants sans sembler

vous rendre compte de la gravité de vos propos et de vos attitudes :

- « J'ai toujours eu des soucis pour arriver à l'heure et tu le sais »

- « Oui j'ai bien pris 2h15 pour déjeuner sans te prévenir mais j'avais besoin de voir cette copine »

- « Oui nous avons bien eu une altercation verbale mais je n'estime pas avoir été menaçant»

- « Non, je ne regardais pas un match en vidéo sur mon ordinateur, je regardais un résumé de match en vidéo ''.

- « Oui,j'envoie très souvent des mails personnels mais je ne suis pas le seul chez Toaster »

- Vous avez reconnu m'avoir dit que vous continueriez à vous garer sur ma place de parking.

- Vous avez reconnu avoir refusé de retourner à votre poste de travail alors que je vous l'ai commandé a de nombreuses reprises mais avez essayé de m'expliquer que c'était parce que vous n'aviez pas de travail à faire et que vous attendiez que je vous en donne... ce qui est notoirement faux.

L'ensemble de ces faits, qui ont fortement désorganisé et perturbé l'entreprise, constitue une faute grave rendant impossible le maintien de la relation contractuelle.

Ce licenciement prenant effet immédiatement, sans préavis ni indemnité pour faute grave, nous vous adresserons, par courrier séparé, le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée à l'ASSEDIC. »

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve

Les faits antérieurs au 16 mai 2012, date d'un avertissement délivré à Monsieur [X] [B] par son employeur les sanctionnant, ne peuvent fonder une seconde mesure disciplinaire et donc un licenciement pour faute.

La SARL TOASTER reproche à Monsieur [X] [B] les agissements suivants : le 19 juin 2012 avoir refusé de façon répétée de cesser de vaquer à ses occupations personnelles malgré la demande de l'employeur de se consacrer à la tâche qui lui était assignée, avoir pris 2h15 pour déjeuner alors que son travail était en retard et compromettait les plannings de l'entreprise et enfin avoir adopté une attitude et des propos provoquants puis menaçants.

Sur le premier grief

Pour établir le fait que Monsieur [X] [B] vaquait à ses occupations personnelles en rédigeant un e-mail et n'avait pas obtempéré à une injonction d'avoir à fermer sa boîte mail et de travailler, et ce à deux reprises, la SARL TOASTER verse aux débats les attestations rédigées par deux salariés, Mesdames [U] et [Q]. Ces attestations émanent de personnes placées dans un lien de subordination à l'égard de la SARL TOASTER et ne sont pas corroborées par des éléments objectifs de sorte que leur valeur probante est insuffisante.

Sauf abus ou usage déraisonnable, ou encore violation d'une interdiction exprimée par l'employeur, au cas d'espèce non démontrés, l'utilisation à des fins personnelles par le salarié du matériel informatique mis à sa disposition par l'entreprise ne constitue pas une faute.

Le grief n'est pas établi.

Sur le second grief

La SARL TOASTER fait grief à Monsieur [X] [B] d'avoir pris 2 heures15 de pause pour déjeuner, alors que, selon elle, les horaires de l'entreprise ne prévoient qu'une pause d'une heure et qu'il était en retard dans son travail.

Monsieur [X] [B] répond que sur son contrat de travail, les dispositions relatives à l'horaire de travail sont restées volontairement non renseignées. Il conteste qu'un horaire collectif de travail a été fixé par son employeur et soutient que la « note sur les horaires » produite aux débats n'a jamais été affichée. Il ajoute que cette note n'a pas été transmise à l'inspection du travail. Il estime qu'on ne peut lui reprocher d'avoir pris exceptionnellement une pause déjeuner de 2 heures.

Pour établir le caractère fautif de la durée de la pause méridienne de Monsieur [X] [B] le 19 mai 2012, et alors que le contrat de travail de l'intéressé ne mentionne pas ses horaires de travail, la SARL TOASTER produit aux débats une « note sur les horaires » datée du 18 avril 2011, selon laquelle les quatre salariés de l'entreprise ont pour horaire journalier 9h30-18h30, avec pause déjeuner de 12h30 à 13h30. Ce document n'est pas revêtu de la signature de l'employeur. Ce dernier ne justifie pas l'avoir préalablement adressé à l'inspecteur du travail comme il ne justifie pas de son affichage apparent dans l'établissement. Aucun des salariés ayant établi une attestation ne mentionne l'existence de cette note et l'un d'eux, Madame LEMAÎTRE, a indiqué travailler de 9 heures à 18 heures, soit selon des modalités non-conformes à celles édictées par la note en question. En conséquence, l'existence d'un horaire collectif de travail limitant la coupure méridienne à une heure n'est pas démontrée. La SARL TOASTER ne démontre pas que Monsieur [X] [B] faisait durer d'une manière excessive et habituelle sa pause déjeuner, ni qu'elle avait déjà été amenée à lui faire des remontrances à ce sujet. Elle ne produit pas d'élément probant de ce que Monsieur [X] [B] était, ce jour-là, en retard dans son travail ce qui aurait dû le conduire à abréger son absence pour prendre son repas.

Le second grief n'est pas établi.

Sur le troisième grief

La SARL TOASTER verse aux débats des attestations rédigées par deux de ses salariés qui, selon elle, démontrent l'attitude provocatrice et menaçante de Monsieur [X] [B] à l'égard du dirigeant de l'entreprise le 19 juin 2012.

Monsieur [X] [B] fait valoir que son employeur s'est adressé à lui sur un ton dur et agressif, qu'il a débranché son ordinateur avant de le sommer de quitter son poste de travail. Il souligne qu'il n'a pas été aussitôt mis à pied, cette mesure n'étant intervenue que le 22 juin 2012.

Si l'existence d'une discussion vive sur un fond de différends opposant le dirigeant de la SARL TOASTER à Monsieur [X] [B] n'est pas contestée, la forme de celle-ci et les propos tenus par le salarié ne sont pas clairement établis, dans la mesure où les attestations de Mesdames [U] et LEMAÎTRE émanent de personnes placées sous un lien subordination vis-à-vis de la SARL TOASTER et que, par ailleurs, leur contenu est loin de reproduire l'ensemble des propos prêtés au salarié. En conséquence, il n'est pas prouvé qu'à l'occasion de cette discussion, Monsieur [X] [B] a adopté une attitude provocatrice et menaçante à l'égard de Monsieur [C], lequel, de son côté, venait de débrancher l'ordinateur de ce salarié et lui intimait l'ordre de quitter sur-le-champ le lieu de son travail.

Pas plus que les deux autres, ce grief n'est prouvé.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré que le licenciement de Monsieur [X] [B] était justifié par une faute grave.

En l'absence de grief établi, le licenciement de Monsieur [X] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié en application de l'article L.1234-5 du code du travail est égale au salaire brut, assujetti au paiement des cotisations sociales, que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé. Ce salaire englobe tous les éléments de rémunération auxquels le salarié aurait pu prétendre s'il avait exécuté normalement son préavis, à l'exclusion des sommes représentant des remboursements de frais.

Compte tenu de la durée du délai-congé et de la rémunération mensuelle de Monsieur [X] [B], le montant de l'indemnité compensatrice de préavis se calcule comme suit : 3449,04 x 2 = 6898,08 euros. Il s'y ajoute les congés payés afférents, soit 689,80 euros.

Sur le rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents

Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l'employeur du paiement du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire.

La cour jugeant dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [X] [B], la SARL TOASTER reste devoir à ce dernier le salaire retenu au titre de la mise à pied conservatoire, soit 1819,71 euros, augmenté de 180,97 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Cette indemnité est égale à 1/5ème de mois de salaire par année d'ancienneté. Compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [X] [B] qui se calcule à partir du 21 février 2005 et du montant de sa rémunération brute rappelée ci-dessus, il lui revient 5094,48 euros à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [X] [B], de son âge, 40 ans,de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Monsieur [X] [B] estime vexatoires les circonstances de son licenciement en ce que rien ne justifiait la mise à pied.

Monsieur [X] [B] ne démontre pas avoir subi, du fait des circonstances de son licenciement, un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif.

Sur les autres demandes

Au titre de l'absence d'information sur le droit individuel à la formation

Monsieur [X] [B] fait valoir que la lettre de licenciement ne contenait pas des éléments d'information relatifs à ses droits en matière de droit individuel à la formation.

La SARL TOASTER répond que cette information figurait sur le certificat de travail envoyé le 12 juillet 2012.

Aux termes de l'article L.6323-19 du code du travail, dans la lettre de licenciement, l'employeur informe le salarié, s'il y a lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation. Cette information comprend les droits visés à l'article L6323-17.

Aux termes de l'article L. 6323-21 de ce même code, à l'expiration du contrat de travail, l'employeur mentionne sur le certificat de travail prévu à l'article L. 1134'19, les droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à la formation ainsi que l'organisme collecteur paritaire agréé compétent pour verser la somme prévue au 2° de l'article L. 6323'18.

Ainsi la mention dans le certificat de travail édicté par l'article L. 6323'21 se cumule avec l'information dans la lettre de licenciement prévue par l'article L.6323-19.

Au cas d'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [X] [B] ne contient aucune information relative aux droits de celui-ci en matière de droit individuel à la formation, alors que l'intéressé avait acquis 120 heures à ce titre.

Dans la mesure où il incombait à l'employeur d'informer dans la lettre de licenciement Monsieur [X] [B] du solde du nombre d'heures acquises ainsi que de la possibilité de demander, avant la fin du préavis, à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, et où la SARL TOASTER n'a pas satisfait à son obligation, ce manquement a causé un préjudice à Monsieur [X] [B] qui peut être évalué à la somme de 1000 euros.

Au titre des dommages-intérêts du fait du préjudice professionnel et de carrière subi

Monsieur [X] [B] fait valoir qu'il a été embauché en qualité de directeur artistique, que ses bulletins de paie font ressortir que sa rémunération était supérieure à celle des graphistes de la société TOASTER, mais qu'il n'a jamais été en mesure d'occuper le poste pour lequel il avait été embauché, ce qui lui occasionne un préjudice professionnel et de carrière notamment lors de ses recherches d'emploi.

La SARL TOASTER répond que la qualité de « directeur artistique » qui figure dans le contrat de travail résulte d'une erreur de plume et ajoute que l'intéressé ne satisfait pas à l'exigence d'une qualification élevée et concordant au profil du poste de cadre, qu'il ne disposait d'aucun pouvoir de commandement sur ses collaborateurs, qu'il n'exerçait pas des fonctions à responsabilité et ne bénéficiait d'aucune autonomie dans l'exercice de ses fonctions.

Il est constant que le contrat de travail conclu entre les parties le 23 mai 2005 stipule : « Monsieur [B] est engagée à compter du 23 mai 2005 par la Société TOASTER en qualité de Directeur Artistique ».

Monsieur [X] [B] ne revendique pas une reclassification comme cadre, de sorte que les observations de la SARL TOASTER sur ses fonctions sont sans emport.

La SARL TOASTER ne démontre nullement que la mention « directeur artistique » dans le contrat de travail résulte d'une erreur.

Il est établi que Monsieur [X] [B] n'a, en définitive, occupé dans l'entreprise qu'une fonction de graphiste et ce tout au long de la durée de la relation de travail.

Ce faisant, son employeur n'a pas satisfait à son obligation de lui fournir un travail conforme à celui contractuellement prévu.

Ce manquement a occasionné à Monsieur [X] [B] un préjudice, notamment au plan de son avenir professionnel, dans la mesure où, durant sept ans, il a occupé des fonctions moindres que celles pour lesquelles il avait été recruté, ce qui obère son curriculum vitae, préjudice qui sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 10 000 euros.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les sommes à caractère salarial et l'indemnité de licenciement seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 7 septembre 2012, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la remise de documents

Le certificat de travail qui doit être remis au salarié par son employeur, mentionne la nature de l'emploi ou des emplois successivement occupés et les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus et donc la qualification exacte des fonctions réellement remplies par l'intéressé. L'attestation POLE EMPLOI que délivre l'employeur au salarié au moment de la rupture du contrat de travail est rédigée sur un modèle établi par l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage. Cette attestation contient une rubrique « dernier emploi tenu ».

Ainsi, l'employeur était-il tenu de mentionner, aussi bien dans le certificat de travail que dans l'attestation POLE EMPLOI, la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié, et donc au cas d'espèce, celui de graphiste, ce qu'il a fait.

En conséquence la demande de remise de documents de fin de travail rectifiés sera pas accueillie.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la SARL TOASTER sera condamnée à payer à Monsieur [X] [B] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Partie succombante, la SARL TOASTER sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant débouté la SARL TOASTER de sa demande de titre des frais irrépétibles :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit abusif le licenciement de Monsieur [X] [B]

Condamne la SARL TOASTER à payer à Monsieur [X] [B] les sommes de :

*6898,08 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*689,80 euros au titre des congés payés afférents,

*1819,71 euros à titre de salaire durant la mise à pied,

*180,97 euros au titre des congés payés afférents,

*5094,48 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2012,

*17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

*1000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information sur le DIF,

*10 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice professionnel et de carrière,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la SARL TOASTER à payer à Monsieur [X] [B] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SARL TOASTER aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/09498
Date de la décision : 14/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/09498 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-14;13.09498 ?
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