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13/09/2016 | FRANCE | N°13/09762

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 septembre 2016, 13/09762


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 Septembre 2016

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09762



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/14755





APPELANTE



Madame [Y] [F] épouse [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1970 à [LocalitÃ

© 1] (Grande-Bretagne)

comparante en personne, assistée de Me Adel JEDDI, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 208 substitué par Me Danitza PASTEN, avocat au barreau de PARIS, toque :...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 Septembre 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09762

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/14755

APPELANTE

Madame [Y] [F] épouse [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (Grande-Bretagne)

comparante en personne, assistée de Me Adel JEDDI, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 208 substitué par Me Danitza PASTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0668

INTIMEE

Société PARTNER REINSURANCE EUROPE LIMITED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

RCS 498 803 485

représentée par Me Annie THERET, avocat au barreau de PARIS, toque : R012

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La cour est saisie de l'appel interjeté le 13.10.2010 par [Y] [V] du jugement rendu le 10.09.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 en formation de départage, qui a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES :

La société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd a une activité d'opérations de réassurance en France et à l'étranger.

[Y] [V], née en 1970, a été engagée par contrat à durée indéterminée par la SA PARTNER RE le 13.02.2002 en qualité de cadre, pour exercer les fonctions de Responsable de l'équipe de souscription 'speciality property' classe 7 à temps complet ; cette affectation était qualifiée d'évolutive en fonction des nécessités d'adaptation et d'organisation de la société et du groupe. Il était stipulé qu'à compter du 01.01.2003, [Y] [V] serait promue cadre de direction, et relèverait notamment de l'accord collectif du 03.03.1993 relatifs aux cadres de direction des sociétés d'assurance.

Cette promotion s'est réalisée dans les conditions prévues.

L'entreprise est soumise à la convention collective des sociétés d'assurances ; elle comprend plus de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires s'établit à 11.672,65 €.

Le 05.06.2007 l'activité française de la SA PARTNER RE a été apportée à la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd, société de droit étranger. En 2009, PARTNER RE a fait l'acquisition de PARIS RE, la fusion est intervenue en décembre 2009, il est procédé à l'intégration de cette société dans le courant du premier semestre 2010.

[Y] [V] a perçu de son employeur des stock options le 12.03.2010 (150 RSU) en reconnaissance de son activité et de son engagement continu, au vu des résultats obtenus pour l'année 2009 ; par ailleurs un bonus de 35.420 € brut lui a été attribué le 25.03.2010 outre une augmentation de sa rémunération brut mensuelle de base qui est passée à 8.805 €.

Le 21.06.2010, [Y] [V] a sollicité du dirigeant, E. [G], un entretien concernant son souhait de quitter l'entreprise. Elle a formalisé sa candidature au dispositif de plan de départ volontaire le 29.06.2010 et a sollicité une dispense d'activité à compter du 01.01.2011 ou plus tôt si possible.

Le 06.07.2010, la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd a adressé un courriel à [Y] [V] lui indiquant que, après avis de la commission paritaire, la Direction n'avait pas retenu sa candidature à un départ volontaire.

Le lendemain [Y] [V] s'est interrogée sur les motifs du refus qui lui a été opposé en adressant un courriel à [L] [R], Directeur des ressources humaines, et a estimé avoir été rétrogradée au poste de souscripteur senior en raison de la nomination de [U] [S], venant de PARIS RE, aux fonctions de Team leader qu'elle occupait jusqu'alors ; il lui a été répondu le 15 juillet qu'elle ne répondait pas aux critères définis et diffusés par le PSE, son interlocuteur a contesté toute rétrogradation.

Par LRAR du 29.07.2010 reçue le 30, [Y] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

'J'ai été engagée en qualité de responsable de l'équipe de souscription Speciality Property Classe 7, (étant convenu dès le départ que je deviendrai Cadre de Direction le 1er Janvier 2003, ce qui a été le cas) et j'avais toujours eu depuis effectivement des fonctions de Team Leader.

J'avais d'ailleurs quitté mon précédent employeur, la société GENERAL RE (dans laquelle je travaillais depuis 9 ans), pour avoir des responsabilités de management.

J'ai appris au printemps, verbalement, que [U] [S] allait revenir de son expatriation aux Etats-Unis et qu'il était envisagé qu'il prenne des fonctions de Team Leader (alors même qu'il n'a pas, selon ce que j'en sais, d'expérience de management).

Compte tenu notamment de la fusion en cours avec PARIS RE, je ne savais pas trop comment allait se passer la réorganisation, mais j'avais confiance dans la société pour respecter les engagements pris lors de mon embauche, au niveau de mes responsabilités.

Je ne pensais pas, au départ, être candidate au PSE qui a été mis en place.

C'est parce que je me suis interrogée peu à peu sur « ma place » dans la réorganisation en cours (avec l'arrivée de salariés de PARIS RE, celle annoncée de [U] [S] ...) et compte tenu des propos « des uns des autres », que j'ai commencé à me renseigner sur le PSE.

J'ai vu alors Monsieur [L] [R] pour avoir plus d'informations, avoir son avis et, sur ses conseils, car il valait mieux selon lui d'avoir « l'appui de la direction » (cela me paraissait d'ailleurs normal d'en parler avant), j'en ai parlé à ma hiérarchie, à savoir [P] [L] (qui arrivait de PARIS REE et qui, selon ce qui m'avait été indiqué, allait être mon chef, à la place de [S] [X]), son supérieur [A] [U], enfin à [Z] [G].

C'est seulement après avoir fait ce « point » que j'ai établi mon dossier de candidature au PSE, étant souligné qu'envisager ainsi de quitter une société dans laquelle on est depuis 8 ans pour une autre société, n'a rien d'évident (perte de l'ancienneté, période d'essai, ce n'est que quand on y travaille que l'on sait vraiment ce qui s'y passe ...). Le dossier a été long à établir puisqu'il fallait notamment un projet professionnel (en ce qui me concerne une promesse d'embauche), rencontrer la société ALTED1A (chargée d'accompagner les salariés dans leur projet).

J'ai finalement déposé le 29 Juin un dossier complet, avec avis favorable d'ALTEDIA. Je remplissais a priori tous les critères et cela semblait « acquis », avant même le « dépôt formel » du dossier.

En effet, par exemple, [P] [L], me demandait déjà, courant Juin, la date de mon départ, si j'en avais parlé à mon équipe.... De même, [U] [S] (destinataire en copie d'emails de [P] [L] me concernant) me demandait aussi, le 30 Juin, la date de mon départ.

J'attendais quant à moi d'avoir une réponse écrite concernant ma candidature au PSE, (comme je le lui ai rappelé d'ailleurs dans mon email du 12 Juillet), même si cela semblait être « pour tous » une « formalité ».

Je n'aurais jamais imaginé d'ailleurs que l'on puisse ainsi se permettre en outre de

« diffuser » comme cela a été fait, l'annonce de mon départ, envisagé alors uniquement dans le cadre du PSE ! (Et cela « va vite » dans une société !).

Or, j'ai appris par un email du 6 Juillet 2010 que mon dossier de candidature au départ dans le cadre du PSE n'était pas retenu. Je n'ai d'ailleurs toujours pas compris pourquoi, comme je l'ai déjà indiqué à [L] [R] (mon email du 15 Juillet 2010).

Vous imaginez la position extrêmement «inconfortable», vis-à-vis de mon équipe

notamment, et de mes collègues en général, d'autant que dans le même temps [U] [S] s'est comporté comme « titulaire » de mes fonctions de Team Leader !

A titre d'exemple, j'ai été ainsi destinataire, au même titre que celle qui était mon assistante technique ([E] [J]), le 6 Juillet, de son email concernant les entretiens pour définir les objectifs (ce que je faisais précédemment !). Cet email était envoyé en copie à [P] [L] - [E] [J] doit donc à présent reporter à [U] [S], alors que c'était à moi précédemment, et [U] [S] devient donc mon « N+1 ».

Dans le même temps, j'ai été destinataire d'un « email général » de [P] [L]

concernant le « plan 2011 Travel », et parmi les destinataires, il cite expressément lesquels sont Team Leader, et je n'en fais pas partie !!

J'ai alors compris, qu'alors même que ma candidature n'avait pas été acceptée dans le cadre du PSE, aucune fonction de Team Leader n'était prévue pour moi dans la nouvelle organisation, que j'étais purement et simplement déchue de mes fonctions de responsabilité prévues à mon contrat et donc rétrogradée (avec seulement la fonction de souscripteur senior, sans les fonctions de responsable que j'exerçais depuis mon embauche et qui avaient déterminées celle-ci, en ce qui me concerne).

J'ai fait part par écrit (mon email du 12 Juillet 2010) de cette situation incompréhensible à [U] [S] et à [L] [R].

Celui-ci m'a juste répondu, le 15 Juillet 2010, concernant mes fonctions, que je ne faisais pas l'objet d'une rétrogradation ! Or, je ne vois pas comment on peut appeler autrement le fait d'avoir juste des fonctions de souscripteur senior alors que j'étais responsable de l'équipe de souscription ! Il ajoutait par ailleurs « ton management, que j'ai contacté récemment, m'a fait part de sa totale confiance en toi et de la considération qu'il avait pour tes compétences et tes performances ».

Je n'ai effectivement jamais démérité et la rétrogradation dont je fais l'objet est donc d'autant plus incompréhensible, humiliante et inacceptable.

Cette rétrogradation a été confirmée dans la présentation « officielle » du nouvel

organigramme, le 26 Juillet, où « j'apparais » au même niveau que les autres souscripteurs, sans responsabilité de management, [U] [S] prenant cette fonction.

La rétrogradation qui m'est ainsi imposée est en tout état de cause totalement contraire à mon contrat de travail, et j'ajoute que les conditions précitées dans lesquelles elle s'est faite est aussi intolérable.

Je regrette d'en arriver là après tout mon investissement pour la Société pendant toutes ces

années, mais je suis dans l'obligation de tirer les conséquences de l'attitude de la Société à mon encontre.

Je vous informe donc que je prends acte, par la présente, de la rupture de mon contrat de travail aux torts de mon employeur, et que je vais saisir le Conseil de Prud'hommes, pour que cette rupture soit imputée à la Société, avec les conséquences qui en découlent.

Le 30.07.2010, la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd a pris acte de la décision de la salariée.

Par la suite, l'employeur a fait état de l'avis défavorable donné par la commission paritaire ad hoc, confirmé par le Direction, quant à sa candidature à un départ volontaire dans le cadre du plan social de l'emploi ; il a constaté que [Y] [V] avait décidé de quitter l'entreprise de manière précipitée et sans préavis pour rejoindre une société concurrente.

Le 20.08.10 [Y] [V] a contesté cette présentation des faits.

Le CPH de Paris a été saisi par [Y] [V] le 24.11.2010 en qualification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnisation des préjudices subis.

[Y] [V] demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de juger que les fautes de la société PARTNER REINSURANCE EUROPE LIMITED (immatriculée au RCS de Paris 498 803 48585) au préjudice de C. [V] justifient que celle-ci ait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, de dire que la rupture de son contrat de travail est donc imputable à la société PARTNER REINSURANCE EUROPE LTD avec les conséquences qui en découlent, de dire qu'il y a licenciement sans cause réelle et sérieuse.

EN CONSEQUENCE :

Condamner la société PARTNER REINSURANCE EUROPE LIMITED à payer a C. [V] les sommes suivantes :

63 640.48 € à titre d'indemnités conventionnelles de licenciement,

70 035.90 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

7 003.50 € à titre d'indemnité de congés payes sur préavis,

175 089.75 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamner la société PARTNER REINSURANCE EUROPE LIMITED a payer à C. [V] la somme de 20 661 Euros au titre du prorata du bonus 2010 (calculé sur la base du bonus perçu en 2010 pour l'année 2009)

outre les intérêts légaux a compter de saisine, et la capitalisation des intérêts.

La condamner à payer a C. [V] la somme de 4000 Euros au titre de l'article

700 du CPC et aux dépens ; prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

De son côté, la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd demande :

à titre principal de dire que la rupture s'analyse en démission et que [Y] [V] ne remplit pas les conditions d'attribution du bonus pour l'exercice 2010, de condamner la salariée au paiement de :

- 70.035,90 € à titre d'indemnité pour non exécution du préavis,

- 3.000 € en vertu de l'article 700 CPC et aux dépens ;

à titre subsidiaire de débouter [Y] [V] de ses demandes au titre du congés payés sur préavis et rappel de bonus 2010 et de limiter l'indemnisation réclamée.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur la prise d'acte de rupture et ses effets :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient soit dans le cas contraire d'une démission. La rupture du contrat de travail est immédiate et la prise d'acte ne peut être rétractée. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge doit examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans sa lettre de rupture.

En l'espèce, la salariée dans son courrier en date du 29.07.2010 reproche principalement à son employeur les conditions dans lesquelles un refus a été opposé à sa demande de départ volontaire dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place au sein de la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd qui représentait la condition de son départ, mais aussi la rétrogradation qui s'en est suivie.

Le CPH de Paris dans sa formation de départage a estimé que d'une part la rétrogradation n'était pas établie et d'autre part que dès avril 2010 [Y] [V] avait négocié son départ, une promesse d'embauche lui ayant été faite par une société concurrente le 16.06.2010.

Cependant, [Y] [V] fait valoir qu'elle avait été engagée en qualité de Responsable de l'équipe de souscription 'speciality property' ('Team leader') et promue cadre de direction, souscripteur senior, après une année de fonctions ; à ce titre elle exerçait elle même des fonctions hiérarchique sur des collègues souscripteurs ce qu'elle démontre notamment lors de la promotion dont a bénéficié M. [J] en janvier 2009 ; elle travaillait alors sous la hiérarchie directe du Responsable du Département Speciality Property et était très appréciée.

Or il ressort des éléments produits qu'une nouvelle organisation a été mise en place au cours du premier semestre 2010 , à la suite de la fusion avec PARIS RE, son responsable direct devenant S. [L] et l'équipe accueillant [U] [S] venant de PARIS RE ; [Y] [V] déclare sans le justifier avoir appris verbalement que ce dernier devait la remplacer à son poste 'au cours du printemps 2010" ; en effet elle constate qu'il est notamment prévu le 03.06.2010 par S. [L] que M. [J], dont elle avait la responsabilité, reporte à [U] [S], et de fait celui ci adresse un message relatif à la fixation des objectifs ; il est étonnant qu'elle n'ait pas été destinataire du courriel du 07.07.2010 adressé aux Team leaders, ni citée en tant que tel dans ce message, en dépit du fait qu'elle était alors en congés ; elle constate le 15.07.2010 en outre, alors que son employeur lui a notifié son refus de participer au plan de départ volontaire, dans un courriel adressé à son collègue [U] [S], que celui ci l'a remplacée ; ce nouveau positionnement est confirmé par G. [K] mais aussi A. [C], ses collègues, dans leurs attestations.

[Y] [V] produit en outre des organigrammes selon lesquels en 2002 elle était, sous la responsabilité du Directeur du département Speciality property, responsable en tant que Team leader [Localité 2] de 4 personnes dont 2 souscripteurs senior ; en 2008 dans la même position hiérarchique, elle avait la responsabilité des 2 personnes basées à [Localité 2] ; elle était toujours considérée comme remplissant ces fonctions en juin 2010 lors de la présentation de la formation à laquelle elle devait participer à la rentrée ; cependant une nouvelle organisation du département est étudiée début juillet, et il est prévu le 23.07.10 qu'elle aurait un responsable hiérarchique lui même sous la responsabilité du Directeur du département, S. [L], [Y] [V] est alors considérée dans ce projet comme simple senior souscripteur ; l'organigramme dévoilé le 26.07.2010 laisse clairement apparaître que [U] [S] devient son responsable hiérarchique au sein du 'Team 3 / Property Europe'.

Par suite, la rétrogradation est démontrée.

Néanmoins, [Y] [V] a formé une demande de départ volontaire dans le cadre du plan mis en place dans l'entreprise le 29.06.2010. La société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd rappelle dans ses écritures que cette demande restait conditionnelle. L'employeur devait donc respecter le positionnement hiérarchique de ses salariés dans l'attente de la décision devant être prise mais aussi a posteriori dans l'hypothèse où cette demande n'aurait pas été satisfaite, ce qui a été le cas.

Sur ce point, la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd ne produit pas aux débats le plan de départ volontaire qui avait été proposé aux salariés, ni l'avis de la commission de suivi ; elle se borne à affirmer sans le démontrer, par un simple courriel du 15.07.2010, qu' 'il n'était pas possible de répondre positivement (à la salariée) au vu des trois critères mentionnés' soient : la suppression du poste du candidat, à défaut de suppression du poste ce poste permettait il le reclassement d'une personne dont le poste était lui même supprimé, à défaut encore, le poste en question pouvait il être supprimé pour permettre le maintien d'un poste devant l'être.

Il est constant que dans son dossier de candidature, [Y] [V] avait transmis une lettre d'embauche de MUNICH RE du 16.06.2010 qui était nécessaire à la constitution de son dossier de départ volontaire et qui avait impliqué des démarches préalables ; cependant ce n'est que le 30.08.2010 qu'elle a signé un nouveau contrat de travail avec ce nouvel employeur, qui a commencé en septembre 2010 ainsi qu'il ressort de ses bulletins de salaire donc après la prise d'acte ; sa volonté de quitter l'entreprise en dehors des dispositions du plan de départ volontaire n'est pas prouvée.

En conséquence, la rupture du contrat de travail doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, eu égard aux manquements graves de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail empêchant la poursuite de ce contrat.

[Y] [V] aura droit aux indemnités de rupture telles que calculées par la salariée, ainsi qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée à 150.000 € eu égard à son âge au moment de la rupture, son ancienneté, son expérience professionnelle, et ses chances de retrouver un emploi, le tout avec intérêts au taux légal et capitalisation conformément à l'article 1154 du code civil.

En ce qui concerne la non exécution du préavis, la rupture ayant été prononcée aux torts de l'employeur, le salarié a bien droit à une indemnité compensatrice de préavis.

Le jugement rendu sera donc infirmé.

Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, le conseil ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur l'attribution du bonus 2010 au prorata du temps passé, la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd justifie de ce que, à la date du versement du bonus, soit en avril de l'année N+1, la salariée devait pour en bénéficier toujours être sous contrat et ne pas être en période de préavis.

Il est constant qu'en avril 2011 [Y] [V] ne faisait plus partie des effectifs de la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd ; elle n'était donc pas éligible à un bonus au titre de l'exercice 2010.

Néanmoins, la condition de présence exigée par les textes contractuels est réputée accomplie dès lors que la rupture intervient du fait exclusif de l'employeur.

En conséquence le jugement rendu qui a débouté [Y] [V] de cette demande sera infirmé.

Il serait inéquitable que [Y] [V] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 10.09.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 en formation de départage mais seulement en ce qu'il a débouté la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd de sa demande reconventionnelle et l'infirme pour le surplus, statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de rupture du 29.07.2010 doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd à payer à [Y] [V] les sommes de :

20.661 € au titre du bonus au prorata de l'année 2009,

63 640.48 € à titre d'indemnités conventionnelles de licenciement,

70 035.90 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

7 003.50 € à titre d'indemnité de congés payes sur préavis,

150.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées,

Y ajoutant,

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à [Y] [V] à concurrence de un mois de salaire,

Condamne la société PARTNER REINSURANCE EUROPE Ltd aux dépens aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [Y] [V] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/09762
Date de la décision : 13/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°13/09762 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-13;13.09762 ?
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