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09/09/2016 | FRANCE | N°14/13298

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 09 septembre 2016, 14/13298


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2016



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13298



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/00321





APPELANTE



SCI PATRIMOINE FONCIER prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de PARIS

sous le numéro 444 098 032

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Pascal SCHEGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0246





INTIMÉ



Monsieur [C] [Q]

Né le [Date na...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/13298

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/00321

APPELANTE

SCI PATRIMOINE FONCIER prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 444 098 032

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal SCHEGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0246

INTIMÉ

Monsieur [C] [Q]

Né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (CAMEROUN)

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représenté par Me Gill DINGOMÉ de la SELARL DINGOME NGANDO & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0027

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne-Marie GALLEN, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre

Madame Anne-Marie GALLEN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

GREFFIÈRE, lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*********

Selon bail commercial en date du 09 juillet 2008 prenant effet à compter du 1er août 2008, la société JV Immobilier - aux droits de laquelle se trouve la société Patrimoine Foncier - a loué à M. [Q], médecin ophtalmologiste, un local commercial à usage de bureau dans un immeuble situé [Adresse 5], exclusivement pour l'activité de médecin, pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le 1er août 2008 jusqu'au 31 juillet 2017, pour un loyer principal annuel de 9.234,00 euros (soit 769,50 euros par mois) hors charges et hors taxes, outre une provision pour charges mensuelle de 115 euros par mois.

Selon les conditions particulières du bail (page 6 du bail commercial), la bailleresse s'engageait à installer, à ses frais, un lavabo dans le bureau, au plus tard le 30 septembre 2008.

Le 31 décembre 2008, la société Patrimoine Foncier a fait délivré commandement de payer visant la clause résolutoire par acte extra judiciaire à M. [Q] d'avoir à régler la somme de 2 833,67 euros au titre de loyers et charges impayés exigibles au 10 décembre 2008.

Faisant valoir que le bailleur avait omis d'effectuer ces travaux d'installation du lavabo dans le bureau, de sorte qu'il n'avait pu intégrer le local commercial pour y exercer son activité médicale et recevoir ses clients, M. [Q] a répondu par lettre du 6 janvier 2009 qu'il avait suspendu le règlement des loyers et charges.

Le commandement délivré le 31 décembre 2008 est resté infructueux, ainsi que les relances amiables et la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple du 12 février 2009 d'avoir à payer la somme de 4 506,28 euros, terme de février 2009 inclus.

A la demande du bailleur, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, par ordonnance du 1er avril 2009 signifiée le 16 avril 2009, a notamment renvoyé les parties à mieux se pourvoir au principal, et au vu de l'artic1e 809 du code de procédure civile et du commandement de payer du 31 décembre 2008, a :

- constaté la résiliation du bail consenti le 9 juillet 2008,

- dit qu'a défaut pour M. [Q] d'avoir libéré de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, le lot 1415 de l'immeuble de copropriété situé [Adresse 5] dans les 15 jours de la signi'cation de la présente ordonnance, il pourra être expulsé avec si besoin est le concours de la force publique et la séquestration de ses biens meubles,

- condamné M. [Q] à payer la société Patrimoine Foncier, 5.541 euros par provision sur arriéré au 1er mars 2009, avec intérêts au taux légal sur 2.435 euros depuis le 31 décembre 2008 et sur le solde depuis l'assignation du 11 mars 2009,

- condamné M. [Q] à payer à la société Patrimoine Foncier une indemnité mensuelle d'occupation égale au loyer et aux charges courants à compter du 1er avril 2009 et jusqu'à parfaite libération effective des lieux,

- condamné M. [Q] à payer à la société Patrimoine Fonciers 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens incluant le commandement de payer.

Les lieux ont été repris le 14 mai 2009 en vertu de ladite ordonnance selon procès-verbal de reprise.

Sur le fondement de cette ordonnance, la société Patrimoine Foncier a fait procéder à une saisie-attribution le 8 septembre 2009 entre les mains de la BNP Paribas, banque de M. [Q], pour la somme de 5.588,40 euros, qui lui a été dénoncée le 17 septembre 2009.

Sur appel interjeté par M. [Q], la Cour d'Appel de Paris, par arrêt du 30 juin 2010, a infirmé l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions, estimant qu'il existait une contestation sérieuse.

Par acte d'huissier délivré le 14 novembre 2011, M. [Q] a assigné la société Patrimoine Foncier au fond devant le tribunal de grande instance de Meaux en résolution judiciaire du bail pour exception d'inexécution..

Par jugement en date du 20 mars 2014, le tribunal de grande instance de Meaux a:

- déclaré M. [Q] recevable et bien fondé en ses demandes,

- prononcé la résolution du bail du 1er août 2008 aux torts de la société Patrimoine Foncier,

- condamné la société Patrimoine Foncier à payer à M. [Q] la somme de 12.659,43 euros en remboursement des sommes réglées par lui au titre et à l'occasion du bail,

- condamné la société Patrimoine Foncier à payer à M. [Q] 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Patrimoine Foncier à payer à M. [Q] 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Patrimoine Foncier aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société Patrimoine Foncier a relevé appel de ce jugement le 24 juin 2014.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mars 2016, elle demande à la cour de:

- la recevoir en ses entières demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement du 20 mars 2014 et débouter M. [Q] de ses entières demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [Q] à porter et payer par provision à la requérante, la somme de 7 821,75 euros en principal, charges et accessoires arrêtée après reprise des lieux le 14 mai 2009, majorée de la clause pénale de 10 % figurant en page 7 du bail, des intérêts légaux de retard, mensuellement et d'avance, sauf à parfaire,

- déclarer le dépôt de garantie acquis au bailleur tel que prévu à la clause résolutoire en pages 8 et 9 du bail,

- condamner le demandeur à payer la somme de 2 000 euros, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le demandeur en tous les dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 avril 2016, M. [Q] demande, au visa des articles 1183 et suivants, 1134 et 1147 du code civil, à la cour de :

- déclarer la société Patrimoine Foncier mal fondée en son appel,

- dire que l'installation du lavabo est un élément substantiel du bail dans la mesure où il ne peut pas ouvrir et faire fonctionner un cabinet médical sans lavabo (et sans point d'eau) en vertu des normes en vigueur et de la réglementation applicable,

- dire qu'il ne pouvait pas procéder au cloisonnement du local loué et à sa division en espaces distincts (salle d'attente et bureau de consultation) tant que l'emplacement du lavabo n'était pas choisi puisque le lavabo doit nécessairement se trouver dans le bureau de consultation

- dire que la société Patrimoine Foncier est de mauvaise foi pour avoir :

- délivré le commandement de payer et l'assignation en référé, ainsi que toutes les notifications à une adresse différente de celle convenue contractuellement et inaccessible au preneur du fait du changement de serrure

- changé la serrure du local loué à compter de novembre 2008, alors qu'il n'a pas respecté son propre engagement d'installer le lavabo pour le 30 septembre 2008 au plus tard

- falsifié la mention du bail concernant l'élection du domicile en se rendant ainsi coupable de faux et d'usage de faux

- dire que le bailleur a falsifié la mention du bail concernant l'élection du domicile et que cette falsification destinée à tromper la religion et la sagesse de la cour enlève tout crédit à l'argumentation du bailleur dont la mauvaise foi caractérisée doit être sévèrement sanctionnée par la cour (fraus omnia corrumpit)

- dire qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier la société Patrimoine Foncier venant aux droits de la société JV Immobilier n'a pas respecté son obligation contractuelle à savoir installer, à ses frais, un lavabo dans M. [Q] est recevable et bien fondée,

- prononcer la résolution du bail aux torts du bailleur,

- ordonner la restitution des sommes versées par le preneur au titre des loyers et charges et les frais accessoires ainsi que le dépôt de garantie ,

En conséquence,

- condamner la société Patrimoine Foncier venant aux droits de la société JV Immobilier à verser à M. [Q] la somme de 12.659,43 euros au titre de la restitution des loyers, charges et frais accessoires et le dépôt de garantie,

- condamner la société Patrimoine Foncier venant aux droits de la société JV Immobilier à verser à M. [Q] la somme de 10.000,00 euros en réparation du préjudice subi,

- condamner la société Patrimoine Foncier venant aux droits de la société JV Immobilier à la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel en sus de celle de 2.000 euros accordée au même titre par le jugement du 20 mars 2014 pour la procédure de première instance,

- condamner la société Patrimoine Foncier venant aux droits de la société JV Immobilier aux entiers dépens.

SUR QUOI

Sur la résolution du contrat pour exception d'inexécution

La société Patrimoine Foncier appelante fait valoir à l'appui de son appel que l'installation du lavabo n'était en rien une condition substantielle du bail, ni même une condition suspensive, les parties n'ayant pas différé la prise d'effet de la location à la date effective d'installation du lavabo ; elle produit une attestation d'un plombier montrant que le preneur a manqué les différents rendez-vous d'installation du dit lavabo, occasionnant ainsi lui-même le retard dans son installation et considère dès lors que le preneur ne peut invoquer de prétendues nullités d'actes et une mauvaise foi de sa part, ni même qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles pour justifier d'une prétendue exception d'inexécution et solliciter la résolution du contrat ; la bailleresse demande dès lors que le preneur lui règle la somme en principal de 7 821,75 euros au titre des loyers, charges et accessoires payables mensuellement et à échoir, à majorer des intérêts légaux et de la clause pénale de 10 % telle que figurant en page 7 du bail ainsi que la somme de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

M. [Q] réplique que la Haute Autorité de la Santé en France interdit d'ouvrir un cabinet médical sur le territoire français sans lavabo point d'eau, que cela est même de nature à engager la responsabilité disciplinaire, civile et pénale du médecin en cas de contamination subie par un patient ;

Il fait valoir que le bailleur est un professionnel de l'immobilier et non un simple particulier qui s'est engagé au titre des "charges et conditions" du bail commercial signé le 09 juillet 2008 au paragraphe VI des conditions particulières "à installer, à ses frais, un lavabo dans le bureau, au plus tard le 30 septembre 2008" et qu'en tant que preneur, il a réglé le dépôt de garantie correspondant à trois mois de loyer principal soit la somme de 2 308,50 euros ainsi que les loyers et charges d'août à octobre 2008, le paiement des loyers et charges se faisant par prélèvement direct sur son compte professionnel et qu'en octobre, en novembre et en décembre 2008, l'intimé n'a pas pu emménager dans les locaux, faute de lavabo installé dans le local loué;

Il explique que le bailleur a fait délivrer le commandement de payer et l'assignation en référé, ainsi que toutes les notifications à une adresse différente de celle convenue contractuellement et inaccessible au preneur du fait du changement de serrure, l'adresse du preneur figurant en tête du bail commercial étant [Adresse 6] ;

Il estime que le bailleur a frauduleusement signifié en date du 16 avril 2009, une ordonnance de référé le 1er avril 2009, à l'adresse du local, le bailleur sachant que le preneur n'y avait plus accès et que c'est en vertu de cette ordonnance de référé en date du 01 avril 2009 et d'une prétendue signification du 16 avril 2009 que le bailleur a procédé à la saisie irrégulière des comptes du preneur entre les mains de la BNP Paribas Bussy ST Georges et qu'en outre, le bailleur a également falsifié la mention du bail concernant l'élection du domicile, en se rendant ainsi coupable de faux et d'usage de faux ; il réclame dès lors la résolution du bail signé le 9 juillet 2008 pour non-respect par le bailleur de ses obligations contractuelles et qu'en conséquence lui soient restituées les sommes qu'il a versées au titre des loyers, charges et frais accessoirs ainsi que le dépôt de garantie de 7.071,03 euros et le montant de la saisie attribution de5.588,40 euros effectuée sur son compte BNP Paribas, soit un montant total de 12.659,43 euros;

Ceci étant exposé, il est constant que dans le bail commercial du 9 juillet 2008 figure un chapitre VI intitulé 'Conditions particulières', qui prévoit que 'Le Bailleur s'engage à installer à ses frais un lavabo dans le bureau au plus tard le 30 septembre 2008 ;

Il n'est pas contesté que le 5 septembre 2008, la SCI Patrimoine Foncier est venue aux droits de la bailleresse d'origine JV Immobilier et que le 30 septembre 2008, le lavabo n'avait pas été installé ;

S'il est établi par le locataire qu'il a bien réglé les loyers et charges d'août à octobre 2008, il a ensuite cessé de les régler régulièrement, sans en avertir la SCI Patrimoine Foncier et sans réclamer l'installation du lavabo, ce qui a conduit la bailleresse à lui délivrer le 31 décembre 2008 un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte extra judiciaire d'avoir à régler la somme de 2 833,67 euros au titre de loyers et charges impayés exigibles au 10 décembre 2008 ;

Il doit être relevé à ce stade que le commandement a été délivré à l'adresse des locaux sous bail, et non pas à l'adresse personnelle de M. [Q] à [Adresse 6], et que M. [Q] l'a bien reçu puisqu'il y a répondu par courrier du 6 janvier 2009 adressé à SOFIGEST, l'administrateur de la bailleresse, invoquant alors pour la première fois la difficulté liée au non achèvement des travaux, sans faire référence d'ailleurs au lavabo, difficulté qui l'autorise, annonce-t-il, à suspendre le paiement des loyers pour cause de non respect des engagements pris par son bailleur, et même à exiger le remboursement des prélèvements reçus ;

Il résulte d'un courrier daté du 9 janvier 2009 adressé par SOFIGEST à M. [Q] que l'entreprise chargée d'installer le lavabo a tenté de le joindre vainement à plusieurs reprises pour procéder aux travaux;

Le gérant de cette entreprise MC Renov atteste le 2 mars 2009 selon pièce versée aux débats qu'il s'est déplacé à trois reprises dans les locaux loués à la demande de M. [Q], qu'à chaque fois celui-ci était absent et qu'il n'a pu finalement installer le lavabo qu'à la mi-janvier 2009 ;

L'argument de M. [Q] selon lequel sa bailleresse aurait délibérément agi en fraude de ses droits en le contactant à un endroit où il ne se trouvait plus, le lieu du bail, notamment parce que la serrure aurait été changée par voie de fait par la bailleresse depuis novembre 2008 est inopérant puisque M. [Q] a bien reçu le commandement à cette adresse fin 2008 comme le prouve sa réponse du 6 janvier 2009 et qu'il n'établit par aucune pièce telle qu'un constat que le changement de serrure serait intervenu comme il le prétend au mois de novembre 2008, le constat auquel il fait référence datant du 14 mai 2009 et étant celui de reprise des lieux par la SCI Patrimoine Foncier ;

M. [Q] fait valoir, en demandant la confirmation du jugement qui a prononcé la résolution du contrat pour exception d'inexécution, que l'installation du lavabo était un élément substantiel du bail dans la mesure où il n'a pas pu ouvrir et faire fonctionner un cabinet médical sans lavabo et sans point d'eau, en vertu des normes en vigueur et que le cloisonnement du local loué et sa division en espaces distincts (salle d'attente et bureau de consultation)devait impérativement tenir compte de l'emplacement du lavabo qui constituait un préalable et qui devait nécessairement se trouver dans le bureau de consultation ; il considère qu'il était donc en droit de réclamer en justice la résolution du contrat de bail signé le 9 juillet 2008 pour cause d'inexécution par le bailleur, professionnel de l'immobilier, d'une de ses obligations contractuelles essentielles ;

Or l'exception d'inexécution invoquée à l'appui d'une demande de résolution judiciaire du bail en application de l'article 1184 du code civil nécessite de la part du preneur qui l'invoque qu'il rapporte la preuve d'une inexécution telle de la part du bailleur qu'elle rend impossible l'utilisation des lieux ;

Il est en effet constant que l'inexécution par l'une des parties de certains de ses engagements n'affranchit pas nécessairement l'autre partie de toutes ses obligations, car il doit être apprécié d'après les circonstances si cette inexécution est suffisamment grave pour entraîner pareil résultat ;

En d'autres termes, il doit être apprécié si le fait que le lavabo n'ait pas été installé par la bailleresse le 30 septembre 2008 constituait un manquement suffisamment grave pour affranchir M. [Q] de son obligation de payer les loyers ;

Les éléments précédemment rappelés démontrent que jusqu'à ce que des loyers et charges impayés lui soient réclamés, M. [Q] n'avait jamais fait de l'installation de ce lavabo la condition sine qua non de son installation professionnelle, qu'il ne l'a invoquée qu'ensuite et pour la première fois plus de cinq mois après le début du bail, après le commandement, sans faire d'ailleurs référence précisément à ce lavabo dans son courrier du 6 janvier mais qu'au surplus et pour des raisons qu'il n'appartient pas à la cour de déterminer, il s'est dérobé aux sollicitations de l'artisan qui tentait précisément de l'installer à la demande de la bailleresse ;

M [Q] n'explique nullement pourquoi, alors qu'il soutient qu'en octobre, en novembre et en décembre 2008, il n'a pas pu emménager dans les locaux faute de lavabo installé, il n'a effectué aucune démarche en ce sens auprès de la bailleresse alors que celle-ci prouve à l'inverse que c'est lui qui s'est dérobé à la dite installation et que si elle n'avait pas installé le lavabo le 30 septembre, elle a fait toute diligence ensuite qu'il le soit en proposant à plusieurs reprises des rendez-vous à son locataire ;

Il s'infère de ces observations que même si le lavabo n'était pas installé le 30 septembre 2008, M. [Q] a manqué les différents rendez-vous d'installation du dit lavabo, occasionnant ainsi lui-même le retard dans son installation et qu'il ne peut dès lors invoquer une mauvaise foi de la bailleresse, ni même que celle-ci n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles pour justifier d'une prétendue exception d'inexécution et solliciter la résolution du contrat ;

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. [Q] de l'ensemble de ses demandes ;

Le bail s'est donc trouvé résilié par l'effet de la clause résolutoire contenue dans le commandement de payer délivré le 31 décembre 2008 et resté infructueux; les locaux ayant été restitués le 14 mai 2009, le preneur se trouve redevable de la somme en principal de 7 821,75 euros correspondant aux loyers, charges et indemnités d'occupation dus à cette date selon le décompte produit par la SCI Patrimoine Foncier, somme à majorer des intérêts légaux ;

Il y a lieu de réduire la clause pénale de 10 % telle que figurant en page 7 du bail à un euro, celle-ci étant manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par la bailleresse suffisamment indemnisée par l'octroi du dépôt de garantie qui lui reste acquis en exécution des chapitres du bail intitulés dépôt de garantie et clause résolutoire ;

M. [Q] sera condamné en outre à verser la somme de 2.000 euros à l'appelante en vertu de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à sa charge.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [C] [Q] de l'ensemble de ses demandes,

LE CONDAMNE à payer à la SCI Patrimoine Foncier la somme de 7 821,75 euros en principal, loyers, charges et indemnités arrêtée à la date de restitution des locaux loués le 14 mai 2009, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 2 833,67 euros et pour le surplus à la date du jugement ,

RÉDUIT la clause pénale à 1 euro,

DIT que le dépôt de garantie est acquis au bailleur,

CONDAMNE M. [C] [Q] à payer à la SCI Patrimoine Foncier la somme de 2 000 euros, conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/13298
Date de la décision : 09/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°14/13298 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-09;14.13298 ?
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