Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2016
(no , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10176
Décision déférée à la Cour : Arrêt
Arrêt
Jugement du 10 Décembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de NANTERRE - RG no 09/09592
APPELANT
Monsieur Boris X... né le 31 Janvier 1971 à SAINT LO (50009)
demeurant ...
Représenté par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
Assisté sur l'audience par Me Eric HAUTRIVE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0621
INTIMÉES
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANG UEDOC - CRCAML - constitution sur déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'Appel de PARIS No SIRET : 492 82 6 4 17
ayant son siège au ...
Représentée par Me Marion CHARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0947
Assistée sur l'audience par Me Aude LYONNET de la SCP LYONNET BIGOT BARET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0458
SARL ORCIALIS Société à Responsabilité Limitée au capital de 7.622 euros
immatriculée au RCS de Nanterre sous le no422 179 819 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, No SIRET : 422 179 819
ayant son siège au ...
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée sur l'audience par Me Eric AUDINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502, substitué sur l'audience par Me Farida KACHER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par la conseillère Mme Christine BARBEROT signant en lieu et place de la présidente empêchée et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
*
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Vu le jugement du 10 décembre 2010 du Tribunal de grande instance de Nanterre qui a, notamment :
- prononcé la résolution de la vente consentie à M. Boris X... par la SAS Construction finance des lots no 109 à 241 de l'état de division d'un ensemble immobilier sis au Palais-sur-Vienne (87), lieudit « Les Combeaux », Résidence Le Verger du Palais,
- dit que les lots réintégreraient le patrimoine de la société Construction finance,
- fixé à la somme de 95 707,23 € la créance de M. X... à la liquidation judiciaire de cette société,
- prononcé la résolution du contrat de prêt consenti à M. X... par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Midi aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Languedoc,
- condamné M. X... à payer à la CRAM du Languedoc la somme de 92 857,63 € en deniers ou quittances,
- condamné in solidum les SARL Orcialis et Patrimmo sélection à payer à M. X... la somme de 80 000 € de dommages-intérêts et celle de 3 000 € en application de l'article 700 Code de Procédure Civile,
- condamné les sociétés Orcialis et Patrimmo sélection aux dépens ;
Vu l'arrêt du 8 novembre 2012 de la Cour d'appel de Versailles, qui a, sur l'appel de la société Patrimmo sélection :
- infirmé le jugement du 10 décembre 2010 en ce qu'il avait condamné cette société au paiement de la somme de 80 000 € de dommages-intérêts et celle de 3 000 € en application de l'article 700 Code de Procédure Civile et en ce qu'il avait débouté M. X... de ses demandes formées contre la CRCAM du Languedoc,
- confirmé le jugement pour le surplus,
- statuant à nouveau :
- condamné in solidum la société Orcialis et la CRCAM du Languedoc à payer à M. X... la somme de 80 000 € de dommages-intérêts et celle de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- y ajoutant,
- condamné in solidum la société Orcialis et la CRCAM du Languedoc à payer à M. X... la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- condamné in solidum la société Orcialis et la CRCAM du Languedoc aux dépens d'appel ;
Vu l'arrêt du 30 avril 2014 de la Cour de cassation (1ère chambre civile) qui a, sur le pourvoi principal de la CRCAM du Languedoc et le pourvoi incident de la société Orcialis :
- constaté la déchéance du pourvoi principal en ce qu'il était dirigé contre la société Patrimmo sélection, la société Orcialis et M. Y... ,en qualité de liquidateur de la société Construction finance,
- cassé et annulé l'arrêt du 8 novembre 2012, mais seulement en ce qu'il avait condamné in solidum la société Orcialis et la CRCAM du Languedoc à payer à M. X... la somme de 80 000 € de dommages-intérêts, et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris ;
Vu l'arrêt du 15 janvier 2016 de cette Cour, qui, sur la saisine de M. X..., a :
- dit que le principe de la responsabilité de la CRCAM du Languedoc et de la SARL Orcialis à l'égard de M. X... avait été définitivement tranché et que les demandes de ce dernier, tendant à ce que la Cour de renvoi statuât sur ces responsabilités, étaient irrecevables,
- dit que M. X... était en droit de se prévaloir d'une perte de chance à l'encontre de la CRCAM du Languedoc et de la société Orcialis,
- avant dire droit, sur le quantum des dommages-intérêts réclamés par M. X..., invité :
. les parties à conclure sur la possibilité d'indemniser M. X... du prix et sur l'impossibilité de restitution du prix par le vendeur en raison de la procédure collective ouverte à son endroit,
. M. X... à dire s'il avait été honoré de sa créance sur le vendeur à la suite de la procédure collective de ce dernier,
. les parties à conclure sur les sommes réclamées au titre de la perte des loyers et de l'économie fiscale garantis alors que seules les conséquences d'une perte de ne pas acquérir pouvaient être réparées ;
Vu les dernières conclusions du 1er juin 2016 par lesquelles M. X... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. prononcé la résolution de la vente,
. dit que les lots réintégreraient le patrimoine de la société Construction finance,
. constaté sa créance à la liquidation judiciaire de la société Construction finance,
. prononcé la résolution du contrat de prêt,
. retenu la responsabilité des sociétés Orcialis et Patrimmo sélection en les condamnant à réparer son préjudice,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :
- dire que la CRCAM du Languedoc a engagé sa responsabilité vis-à-vis de lui,
- la condamner au paiement d'une somme de 92857,63 € à titre de dommages-intérêts,
- dire que la société Orcialis et la société Patrimmo sélection ont engagé leur responsabilité envers lui et les condamner solidairement à lui payer la somme de 163 479,42 € et 14 000 € à titre de dommages-intérêts,
- le condamner à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 92 857,63 € sur laquelle devront s'imputer les remboursement effectués par lui et les intérêts intercalaires jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt,
- condamner in solidum M. Y..., ès qualités, la CRCAM du Languedoc, la société Orcialis et la société Patrimmo sélection au paiement de la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus ;
Vu les conclusions en réponse du 1er juin 2016, par lesquelles la CRCAM du Languedoc prie la Cour de :
- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 30 avril 2014,
- débouter M. X... de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement du 10 décembre 2010 en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts formée contre elle,
- condamner M. X... aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les dernières conclusions du 2 juin 2016 de la société Orcialis qui demande à la Cour de :
- vu l'article 1382 du Code Civil,
- débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle,
- le condamner à lui payer la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
SUR CE
LA COUR
Considérant que, par l'arrêt du 15 janvier 2016, cette Cour a déclaré irrecevables les demandes de M. X... tendant à ce que la cour de renvoi après cassation statue sur les responsabilité de la Caisse et de la société Orcialis ;
Que la question de la résolution de la vente et de ses conséquences a été tranchée par l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 8 novembre 2012 qui est passé en force de chose jugée sur ces points ; que cet arrêt a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. X... de sa demande fondée sur la responsabilité de la Caisse pour faute ; que le même arrêt a débouté M. X... de ses demandes contre la société Patrimmo sélection ; que la cassation ne s'étend pas à ces dispositions ;
Qu'en conséquence, sont irrecevables les demandes de M. X... tendant à ce que la Cour de renvoi après cassation partielle statue à nouveau sur ces questions ;
Qu'il en est de même des demandes de M. X... contre M. Y..., ès qualités, qui n'est pas dans la cause ;
Qu'il en est de même, le jugement entrepris ayant définitivement tranché sur ces points, des demandes de fixation de la créance de M. X... au passif de la procédure collective de la société Construction finance et tendant à la condamnation de M. X... à payer à la Caisse la somme de 92 857,63 € sur laquelle s'imputeraient les remboursements et les intérêts intercalaires jusqu'au jour de l'arrêt ;
Considérant que, dans son arrêt du 15 janvier 2016, cette Cour a dit que M. X... était en droit de se prévaloir, à l'encontre de la CRCAM du Languedoc et de la société Orcialis, d'une perte de chance de ne pas contracter ;
Considérant, sur la perte de chance dont M. X... peut se prévaloir à l'encontre de la Caisse, que si celle-ci avait attiré l'attention de l'emprunteur sur la saturation du marché locatif du type de celui de l'immeuble en cause et sur les risques de l'opération étroitement tributaire du succès du projet immobilier en raison de ses capacités financières limitées, il existait une forte probabilité que M. X..., réputé disposer des qualités d'un acquéreur-emprunteur normalement avisé, ne contractât pas ;
Qu'ainsi la chance perdue doit être évaluée à 90 % du préjudice subi à la suite de l'échec de l'opération ;
Considérant qu'après réouverture des débats, M. X... évalue son préjudice imputable à la Caisse à la somme de 92 847,63 €, soit au montant de la condamnation à remboursement prononcée contre lui par le Tribunal au profit de la Caisse, en faisant valoir que, si la société Construction finance n'avait pas été en liquidation judiciaire, c'est elle qui aurait restitué cette somme au prêteur ;
Considérant qu'il est acquis aux débats que les fonds empruntés ont été directement versés par la Caisse à la société Construction finance ; qu'il n'est pas établi que M. X... ait perçu le montant de la créance qu'il a déclarée au passif de la procédure collective ; qu'ainsi, la restitution du capital emprunté a été rendue impossible par l'insolvabilité du promoteur-vendeur, de sorte que la somme de 92 847,63 € est un préjudice indemnisable ; que la perte de chance ayant été évaluée à 90 %, la Caisse doit être condamnée à payer à M. X... la somme de 83 562,86 € de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts formée contre la Caisse ;
Considérant, sur la perte de chance dont M. X... peut se prévaloir à l'encontre de la société Orcialis, que si celle-ci avait informé M. X... des risques de l'opération en cause, dont le montage était risqué puisque chacun de ses éléments, vente, prêt, vente des autres appartements, paiement des entreprises, étaient liés aux autres, de sorte qu'il suffisait qu'un seul de ces éléments fût fragilisé pour que l'ensemble s'écroulât, il existait une forte probabilité que M. X..., réputé disposer des qualités d'un acquéreur normalement avisé, ne contractât pas ;
Qu'ainsi la chance perdue doit être évaluée à 90 % du préjudice subi à la suite de l'échec de l'opération ;
Considérant qu'après réouverture des débats, M. X... évalue son préjudice imputable à la société Orcialis au montant de sa créance déclarée, soit la somme de 150 613 €, aux intérêts du prêts, arrêtés au 1er juillet 2011 à la somme de 9 249,42 €, à la perte de l'économie fiscale garantie, soit la somme de 3 617 €, soit un total de 163 479,42 € ;
Considérant que le préjudice subi consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter, M. X... ne peut réclamer l'indemnisation de la perte de l'économie fiscale dont il aurait bénéficié s'il avait contracté ;
Qu'ainsi, M. X... doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 3 617 € ;
Que le jugement entrepris a fixé à la somme de 95 707,23 € la créance de M. X... à la liquidation judiciaire du promoteur vendeur ; qu'il n'est pas établi que dans le cadre de la procédure collective, M. X... ait perçu le montant de cette créance ; qu'ainsi, la restitution du prix a été rendue impossible par l'insolvabilité du promoteur-vendeur, de sorte que la somme de 95 707,23 € est un préjudice indemnisable ; que le montant des intérêts versés par M. X... arrêté au 1er juillet 2011 à la somme de 9 249,42 € n'est pas critiqué par la société Orcialis ; qu'ainsi le préjudice s'élève à la somme de 104 956,65 € ; que la perte de chance ayant été évaluée à 90 %, la société Orcialis doit être condamnée à payer à M. X... la somme de 94 460,98 € à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Orcialis à payer à M. X... la somme de 80 000 € de dommages-intérêts ;
Considérant que la Caisse et la société Orcialis doivent être condamnés in solidum au paiement de ces dommages-intérêts à concurrence de la plus faible des deux sommes, soit celle de 83 562,86 €, le surplus devant être payé par la société Orcialis ;
Considérant que les fautes commises par la Caisse et la société Orcialis ont causé à M. X..., engagé dans une opération immobilière périlleuse qui l'a, de surcroît, contraint de subir les tracas d'une action en justice pour faire valoir ses droits, un préjudice moral certain, qui n'est pas une perte de chance et doit être évalué à la somme de 7 000 € au paiement de laquelle il convient de condamner in solidum la Caisse et la société Orcialis ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes de la Caisse et de la société Orcialis fondées l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de M. X... en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile devant la Cour de renvoi après cassation, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans le cadre de sa saisine :
Déclare irrecevables les demandes de M. Boris X... tendant à ce que la Cour de renvoi après cassation partielle :
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
. prononcé la résolution de la vente,
. dit que les lots réintégreraient le patrimoine de la société Construction finance,
. constaté sa créance à la liquidation judiciaire de la société Construction finance,
. prononcé la résolution du contrat de prêt,
. retenu la responsabilité des sociétés Orcialis et Patrimmo sélection en les condamnant à réparer son préjudice,
- infirme le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur la responsabilité de la Caisse pour faute,
- fixe sa créance au passif de la procédure collective de la société construction finance à la somme de 150 613 €,
- le condamne à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 92 857,63 € sur laquelle s'imputerait ses remboursements et les intérêts intercalaires jusqu'au jour de l'arrêt ;
Déclare irrecevables les demandes de M. Boris X... formées contre la SARL Patrimmo sélection et contre M. Y..., ès qualités ;
Dit que M. Boris X... est en droit de se prévaloir d'une perte de chance à l'encontre de la CRCAM du Languedoc et de la SARL Orcialis ;
Infirme le jugement du 10 décembre 2010 en ce qu'il a :
- débouté M. Boris X... de sa demande de dommages-intérêts l'encontre de la CRCAM du Languedoc,
- condamné la société Orcialis à payer à M. Boris X... la somme de 80 000 € de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau :
Condamne la CRCAM du Languedoc à payer à M. Boris X... la somme de 83 562,86 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de ne pas contracter ;
Condamne la SARL Orcialis à payer M. Boris X... la somme de 94 460,98 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de ne pas contracter ;
Dit que les condamnations qui viennent d'être prononcées à l'encontre de la CRCAM du Languedoc et de la SARL Orcialis le sont in solidum à hauteur de la plus faible des deux sommes soit 83 562,86 €, le surplus devant être payé par la société Orcialis ;
Condamne in solidum la CRCAM du Languedoc et de la SARL Orcialis à payer à M. Boris X... la somme de 7 000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum la CRCAM du Languedoc aux dépens de la procédure de renvoi après cassation, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Condamne in solidum la CRCAM du Languedoc et de la SARL Orcialis à payer à M. Boris X... la somme de 7 000 €.
Le Greffier, La Présidente,