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08/09/2016 | FRANCE | N°16/00821

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 08 septembre 2016, 16/00821


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2016



(n° 447, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00821



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/7777





DEMANDEUR AU CONTREDIT



Monsieur [L] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4] (GRECE)
>né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2]



Représenté par Me Isabelle FLEURET et Me Aurélie LEPINE-BERGES de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE



DEFE...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2016

(n° 447, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00821

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/7777

DEMANDEUR AU CONTREDIT

Monsieur [L] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4] (GRECE)

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2]

Représenté par Me Isabelle FLEURET et Me Aurélie LEPINE-BERGES de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

Madame [P] [K] épouse [N]

[Adresse 4]

[Localité 1] (GRECE)

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]

Représentée par Me Vassiliki [J], avocat au barreau de PARIS, toque : C0678

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre,

Madame BODARD-HERMANT Agnès, Conseillère,

Madame QUENTIN DE GROMARD Mireille, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme RUFFIER Elodie

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame BODARD-HERMANT Agnès, Conseillère, en l'empêchement du Président, et par Madame Henriette KOM, greffier.

ELEMENTS DU LITIGE :

[F] [K], né le [Date naissance 3] 1922, de nationalité grecque, est décédé le [Date décès 1] 2007 en Grèce, laissant à sa succession son épouse [M] [J] et les deux enfants issus de leur union, Mme [P] [K], épouse [N] et M. [L] [K].

Par testament du 18 février 2005, [F] [K] a institué son fils comme unique héritier de ses biens.

Le 15 mai 2012, M. [L] [K] a assigné [M] [K] et Mme [P] [N] devant le tribunal de grande instance de Paris en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des biens de la succession.

[M] [K] est décédée en cours d'instance, le 18 août 2014.

Devant le tribunal de grande instance, Mme [P] [N] a soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance d'Athènes et par jugement du 30 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris, faisant droit à cette exception de procédure, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en partage, au motif que le dernier domicile de [F] [K] n'était pas situé en France.

Le 10 décembre 2015, M. [L] [K] a formé un contredit de compétence et demandé de réformer le jugement du 30 septembre 2015 et de renvoyer l'affaire devant la juridiction compétente pour qu'elle statue au fond sur la demande en compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [F] [K].

A l'appui de son contredit, par des écritures déposées le 2 juin 2016 et développées oralement lors des débats, M. [L] [K] a fait valoir que son père, à la date de son décès, était domicilié dans un appartement situé à Paris où se trouvait le centre de ses intérêts, alors qu'il n'avait en Grèce qu'une résidence dans laquelle il ne se rendait que pour traiter ponctuellement des affaires ou pour visiter sa famille, de sorte qu'en application des articles 102 et 720 du code civil et 45 du code de procédure civile, le tribunal de grande instance de Paris est territorialement compétent pour statuer sur les demandes relatives au règlement de la succession de [F] [K].

Dans ses écritures déposées et reprises lors des débats, Mme [P] [N] a demandé à la cour de dire que [F] [K] avait son domicile à [Localité 2] à la date de son décès, et donc de confirmer le jugement d'incompétence du 30 septembre 2015.

Subsidiairement, Mme [P] [N] soulève une exception de litispendance au profit du tribunal de grande instance d'[Localité 2], qu'elle a antérieurement saisi d'une action en justice.

Enfin, elle réclame la condamnation de M. [L] [K] à lui verser la somme de 6.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [P] [N] expose en effet que son père avait déménagé en 2004 de l'appartement situé à [Localité 3] où il ne revenait qu'épisodiquement, alors que son domicile était fixé à [Localité 2] où il avait exercé l'essentiel de ses activités publiques et privées jusqu'à son décès en Grèce.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du contredit formé par M. [L] [K]

M. [L] [K], qui demeure en Grèce, a formé un contredit motivé le 10 décembre 2015 contre le jugement rendu le 30 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris ; compte tenu de ce que l'augmentation de délai prévue par l'article 643 du code de procédure civile s'applique en matière de contredit, celui-ci est recevable.

Sur le bien-fondé de ce contredit

Il résulte des dispositions des articles 102 et 720 du code civil et de l'article 45 du code de procédure civile que les actions en justice entre héritiers sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est situé le dernier domicile du défunt, lieu d'ouverture de la succession, ce domicile étant le lieu privé où, à la fin de sa vie, le défunt avait fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts.

A l'époque de son décès, [F] [K] était divorcé et vivait seul.

il avait résidé de nombreuses années dans un appartement situé [Adresse 3] à [Localité 3], mis à sa disposition par sa fille Mme [P] [N] qui en avait fait l'acquisition en 1979, mais il ressort d'une lettre de voiture datée du 7 décembre 2004 qu'il avait fait déménager, à destination d'un garde-meubles situé à une vingtaine de kilomètres d'[Localité 2], une grande partie du mobilier garnissant l'appartement parisien, puisque la « liste de colisage » annexée à cette lettre de voiture énumère de nombreux meubles meublants transportés, tels que tables, chaises, fauteuils, canapé, buffet, commode, meubles de salon, lits et literie, tableaux, cadres, miroirs, meubles TV, lampes, tapis, vaisselle.

Quelques mois auparavant, Mme [P] [N] avait mis à la disposition de son père un logement situé à [Adresse 2] et les dernières années de sa vie, [F] [K] avait conservé certaines activités en Grèce, puisqu'il y était co-titulaire, avec son fils [L], de quatre comptes bancaires et y disposait de lignes téléphoniques fixe et mobile personnelles, ainsi qu'une adresse mail et qu'en outre il était resté membre du club de golf de Glyfada à [Localité 2] jusqu'en 2006 et membre d'une association Le Club d'Athènes jusqu'en 2007,

Néanmoins, [F] [K] n'avait pas pour autant délaissé l'appartement du [Adresse 3] dans la mesure où, même après le déménagement de décembre 2004, il y avait maintenu un mobilier personnel certes minimal (un lit, un canapé, une table, des chaises, décrits dans l'attestation de Mme [Q]), mais suffisant pour y résider.

Quelques témoins ont prétendu que les séjours de [F] [K] dans cet appartement était devenus rares postérieurement au déménagement de 2004 ; ainsi M. [D], un ami de la famille, a indiqué que [F] [K] n'avait continué de « venir à [Localité 3] [que] deux ou trois fois par an » en y restant « une semaine à dix jours à la fois » et Mme [C], la gardienne de l'immeuble du [Adresse 3], a attesté « qu'à compter de 2004, Mr [F] [K] ne venait que très rarement à l'appartement (') dont sa fille était propriétaire » ; de même, Mme [Q] a affirmé avoir constaté que [F] [K] ne venait que sporadiquement en France » et que lorsqu'elle le rencontrait à [Localité 3], « il était toujours de passage ».

En revanche, de nombreuses autres personnes, qui étaient des proches ou des connaissances de [F] [K], ont expliqué que même après 2004, celui-ci ne venait qu'occasionnellement en Grèce et qu'il avait résidé habituellement à [Localité 3] les dernières années de sa vie :

- selon Mme [W], belle-mère de M. [L] [K], [F] [K] ne venait en Grèce que pour ses voyages d'affaires ou pour les vacances ; il se trouvait à [Localité 3] durant l'hiver 2007 et n'était venu en Grèce que pour les vacances de Pâques 2007, avant de retourner à [Localité 3],

- selon M. [E], ami de [F] [K], celui-ci demeurait à [Localité 3] et visitait la Grèce pour ses voyages d'affaires et pour les vacances,

- selon M. [B], ami de [F] [K], celui-ci avait vécu à [Localité 3] jusqu'à son décès et venait en Grèce pour les vacances,

- selon M. [Z], [F] [K] était resté à [Localité 3] jusqu'en 2007 et il ne le voyait en Grèce qu'au cours des vacances,

- selon M. [N], époux de Mme [P] [N], [F] [K] avait résidé dans l'appartement parisien « à titre permanent jusqu'à son décès » et lorsqu'il venait en Grèce, il habitait dans l'appartement mis à sa disposition par sa fille, au [Adresse 2].

De même, dans son assignation en divorce du 21 novembre 2006, [M] [K], l'épouse de [F] [K] indique qu'il est « domicilié à [Localité 3] et temporairement à [Adresse 2] ».

En outre, [F] [K] avait été enregistré au consulat de Grèce à [Localité 3] jusqu'en 2007 ; il disposait, postérieurement à 2004, d'un compte bancaire et d'un coffre-fort dans une succursale HSBC de Paris, et effectuait régulièrement des retraits d'argent au guichet de cet établissement ; il avait aussi contracté à son nom, en donnant l'adresse de l'appartement du [Adresse 3], des abonnements à un service de téléphonie, à un bouquet de chaînes de télévision et au service de distribution d'électricité, adresse où il recevait divers courriers postaux.

Dans une télécopie qu'il avait adressée à un correspondant le 21 février 2007, [F] [K] avait fait figurer, à la fois, l'adresse [Adresse 3], avec les numéros de téléphone fixe et de fax qui y étaient attachés - fax d'où d'ailleurs avait été émis la télécopie ' et l'adresse [Adresse 2] à [Localité 2], avec les numéros de téléphone fixe, mobile, le numéro de fax et son mail grec.

[F] [K] avait fait transférer depuis la Suisse des sommes sur son compte de dépôt en France : 28.000 euros en 2005, 25.000 euros en 2006 et 13.500 euros en 2007 et le 11 mai 2007 il avait demandé à son conseiller financier Suisse d'effectuer un virement de la somme de 3.500 euros sur son compte bancaire parisien.

Il avait, à quelques reprises (au moins pour les années fiscales 1990, 1991, 1992 et 2000), déclaré ses revenus à l'administration des impôts en Grèce, étant précisé qu'aucune pièce produite aux débats ne permet de savoir si, pour les années postérieures jusqu'à son décès, il avait déclaré ses revenus dans quelque pays que ce soit.

Il est avéré que [F] [K] avait consulté des médecins ou reçu des traitements médicaux à [Localité 2] d'avril 2004 à avril 2007 ; l'on ne saurait cependant exclure qu'il ait choisi d'aller se faire soigner en Grèce dans le seul but de bénéficier des prestations d'assurance maladie auxquelles il avait droit, en tant que retraité affilié au régime de sécurité sociale grec ; en effet, l'en-tête des ordonnances médicales qui lui ont été alors délivrées portent la mention « entreprise publique d'électricité ' Direction de couverture du personnel », entreprise dans laquelle il avait occupé des fonctions d'ingénieur puis de directeur général, ainsi que l'a relaté son épouse dans son assignation en divorce.

Enfin, le fait que [F] [K] soit décédé en Grèce n'est pas déterminant, puisqu'il n'y était arrivé que cinq jours avant la date de son décès, en provenance de [Localité 3], où il se trouvait encore le 27 mai 2007, via Zurich puis l'Italie.

Il ressort de l'ensemble de ces faits survenus les dernières années avant le décès de [F] [K], que celui-ci avait maintenu des liens avec la Grèce, mais que le principal centre de ses intérêts restait situé en France.

Il a d'ailleurs expressément manifesté dans son testament, reçu par un notaire grec le 18 février 2005, sa volonté de fixer son domicile dans ce pays plutôt qu'en Grèce, puisqu'il a fait mentionner dans cet acte qu'il était « domicilié à titre permanent à Paris, France, [Adresse 3], [Localité 3], et résid[er] à titre temporaire à [Adresse 2] », une telle précision, portée dans un acte dont la solennité de l'expression garantit la volonté résolue et consciente de son auteur, révélant sans la moindre ambiguïté que [F] [K] considérait l'appartement parisien comme son véritable domicile et l'appartement athénien comme une simple résidence.

Il apparaît ainsi que le dernier domicile du défunt était bien situé à Paris et que le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour statuer sur les demandes des parties, contrairement à ce qui a été jugé en première instance.

Il y a lieu en conséquence de faire droit au contredit et de dire que le tribunal de grande instance de Paris est territorialement compétent pour statuer sur la demande en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [F] [K].

Sur le bien-fondé de l'exception de litispendance soulevée par Mme [P] [N]

Mme [P] [N] soulève subsidiairement une exception de litispendance en faisant valoir qu'elle a engagé contre son frère devant le tribunal de grande instance d'Athènes une action relative à sa réserve légale et que la décision que rendra la juridiction grecque sera susceptible d'être reconnue en France.

Dans sa demande formée par assignation du 19 septembre 2008, Mme [P] [N] ne sollicitait cependant pas le règlement global de la succession de [F] [K], mais seulement la reconnaissance de sa vocation à recevoir un quart du montant d'une indemnité versée à la suite de l'expropriation d'un terrain ayant appartenu à son père, et si dans ses conclusions en réponse en date du 18 février 2011, [L] [K] opposait que Mme [P] [N] avait été gratifiée par leur père au-delà de cette réserve légale, il ne s'agissait que d'un moyen de défense, puisqu'il se contentait au final de solliciter le rejet de la demande adverse en paiement du quart de ladite indemnité d'expropriation.

L'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Paris en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [F] [K] a donc un objet différent de celle dont est saisi le tribunal de grande instance d'Athènes, de sorte que les conditions de la litispendance ne sont pas toutes réunies.

Vu les articles 88 et 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner Mme [P] [N] à payer à M. [L] [K] une indemnité de procédure de 1.000 euros et aux frais du contredit.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE recevable le contredit formée par [L] [K] contre le jugement rendu le 30 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en partage ;

DIT que [F] [K] était domicilié à [Localité 3] (France) au jour de son décès survenu le [Date décès 1] 2007 et déclare en conséquence bien-fondé ce contredit ;

en conséquence, DÉCLARE le tribunal de grande instance de Paris compétent pour connaître de cette demande en partage et, vu l'article 97 du Code de procédure civile, ORDONNE le renvoi de l'affaire à ce tribunal.

CONDAMNE Mme [P] [N] à payer à M. [L] [K] une indemnité de procédure de 1.000 euros.

CONDAMNE Mme [P] [N] à payer les frais du contredit.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER, pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/00821
Date de la décision : 08/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°16/00821 : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-08;16.00821 ?
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