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08/09/2016 | FRANCE | N°15/09030

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 08 septembre 2016, 15/09030


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 08 Septembre 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09030



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 24 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° R15/00020





APPELANTE

SAS SENI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Hugues WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P

0511 substituée par Me Caroline COLLET





INTIMEES

Madame [X] [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne



SAS SNI APPT

N° SIRET : 753 793 801

[Adresse 3]

[Localité 3...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 08 Septembre 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09030

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 24 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° R15/00020

APPELANTE

SAS SENI

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Hugues WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0511 substituée par Me Caroline COLLET

INTIMEES

Madame [X] [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne

SAS SNI APPT

N° SIRET : 753 793 801

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par M. [K] [C] (Gérant)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Statuant sur l'appel interjeté par la société SENI d'une ordonnance de référé rendue le 24 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, saisi par cette société d'une demande tendant au transfert du contrat de travail de sa salariée Mme [X] [D] à la société SNI APPT à compter du 1er janvier 2015, a dit que ce contrat de travail n'avait pas lieu d'être transféré à la société SNI APPT en vertu de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus et laissé les dépens à la charge de la société SENI,

Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 13 avril 2016 pour la société par actions simplifiée SENI, qui demande à la cour de':

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- constater l'existence d'un trouble manifestement illicite la rendant compétente pour trancher un litige relatif à l'exécution du contrat de travail de Mme [X] [D],

- constater que Mme [X] [D] remplit les conditions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté,

en conséquence,

- dire et juger que le contrat de travail de Mme [X] [D] a été transféré à la société SNI APPT à compter du 1er janvier 2015, pour la totalité du temps de travail effectué sur le site «'[Adresse 4]'», soit 43,33 heures,

- ordonner à ce titre à la société SNI APPT de poursuivre le contrat de travail de Mme [X] [D],

- la déclarer «'bien fondée à solliciter de la société SNI APPT le remboursement des sommes qu'elle a versées en ses lieu et place à Mme [X] [D] au titre de ses salaires depuis le 1er janvier 2015'»,

- condamner la société SNI APPT à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SNI APPT aux entiers dépens,

Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 13 avril 2016 pour la société par actions simplifiée SNI APPT, intimée qui demande à la cour de':

- déclarer l'appel irrecevable,

- à défaut, confirmer l'ordonnance entreprise,

- condamner la société SENI à lui payer la somme de 10 000 € «'de dommages et intérêt au terme de l'article 700 du code de procédure civile pour les préjudices causés à cette affaire'»,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de ces parties,

Vu les observations orales présentées à l'audience du 13 avril 2016 par Mme [X] [D], autre intimée, qui déclare ne pas vouloir être transférée et indique qu'elle a toujours travaillé sur le site «'[Adresse 4]'» jusqu'au 07 janvier 2015,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

La société SENI a embauché Mme [X] [D] le 23 janvier 2014 sous contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'agent de service, moyennant un salaire mensuel brut de 422,47 € pour 43,33 heures travaillées par mois.

A effet au 1er janvier 2015, la société SENI a perdu au profit de la société SNI APPT le marché de nettoyage de l'immeuble en copropriété «'[Adresse 4]), sur lequel était affectée pour la totalité de ses heures Mme [X] [D].

Se réclamant de la convention collective des entreprises de propreté et services associés, l'entreprise sortante a demandé en vain à l'entreprise entrante d'accepter le transfert du contrat de travail de Mme [X] [D].

C'est dans ces conditions que le 13 janvier 2015, la société SENI a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Bobigny de la procédure qui a donné lieu à l'ordonnance entreprise.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel':

Contrairement à l'argumentation de la société SNI APPT et à la mention erronée «'en dernier ressort'» figurant dans le dispositif de l'ordonnance entreprise, celle-ci a nécessairement été rendue en premier ressort dès lors que la demande de la société SENI tendant au transfert conventionnel du contrat de travail de sa salariée est une demande indéterminée.

Par ailleurs, l'appel a bien été formalisé le 17 septembre 2015 dans le délai légal de quinze jours à compter de la notification de la décision attaquée, dont la société SENI a accusé réception le 02 septembre 2015.

En conséquence, l'appel diligenté par la société SENI doit être déclaré recevable.

Sur le transfert conventionnel du contrat de travail':

L'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés, qui se substitue aux stipulations de son ancienne annexe VII, fixe les «'conditions de garantie d'emploi et continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire'».

Son article 7-2 met à la charge de l'entreprise entrante de se faire connaître auprès de l'entreprise sortante dès qu'elle obtient ses coordonnées. Il fixe les conditions que doivent remplir les salariés affectés au marché repris pour voir leur contrat transféré, à savoir notamment, pour le personnel appartenant à l'un des quatre premiers niveaux de la filière d'emplois «'exploitation'», «'passer sur le marché concerné 30'% de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante'» (les agents de maîtrise devant pour leur part être affectés exclusivement sur le marché concerné), «'justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat'», «'ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat'», que ce soit dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'un contrat de travail à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent et remplissant ces mêmes conditions, et être en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers. Il prévoit aussi que lorsque le marché initial est redistribué en plusieurs lots, la (ou les) entreprise(s) entrante(s) a (ont) l'obligation d'assurer la continuité des contrats de travail des personnes affectées sur le (ou les) lot(s) qu'elle(s) reprend (reprennent) dès lors que les conditions définies ci-dessus, appréciées alors à l'égard du marché initial détenu par l'entreprise sortante, sont remplies.

L'entreprise sortante doit, aux termes de l'article 7-3, établir une liste de tout le personnel affecté au marché, qui comporte les renseignements énumérés à l'annexe I, lesquels incluent notamment le nom et l'adresse du marché, la date d'affectation sur le marché et le nombre d'heures effectuées sur le marché avec horaire habituel.

À cette liste, doivent être notamment joints les six derniers bulletins de paie, la dernière fiche d'aptitude médicale, la copie du contrat de travail et, le cas échéant, de ses avenants et l'autorisation de travail des travailleurs étrangers.

L'article 7-2 précise que ces documents doivent être transmis à l'entreprise entrante au plus tard dans les huit jours ouvrables après que l'entreprise entrante se sera fait connaître, de sorte que cette dernière puisse remettre au salarié l'avenant à son contrat de travail au plus tard le jour du début effectif des travaux (cette remise pouvant être différée d'au plus tard huit jours ouvrables en cas d'annonce tardive de la décision de l'entreprise utilisatrice). L'entreprise entrante, à défaut de réponse de l'entreprise sortante dans le délai de huit jours, la met en demeure de lui communiquer les renseignements prévus par la convention, et ce par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'article 7-2 précise encore que «'la carence de l'entreprise sortante dans la transmission des renseignements prévus ['] ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché'».

La société SNI APPT soutient que les conditions conventionnelles du transfert du contrat de travail relatives au temps de présence de la salariée sur le site, à son affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat et à la limitation de son temps d'absence à moins de 4 mois à la date d'expiration du contrat commercial ne sont pas remplies.

C'est néanmoins à la société sortante de rapporter la preuve que la salariée concernée remplissait les conditions exigées par les dispositions sus-rappelées.

Contrairement à l'argumentation de la société SNI APPT retenue à tort par les premiers juges, le temps de présence de 30 % au moins consacré au marché considéré n'est pas calculé en fonction d'un plein temps théorique (151h67) mais en fonction du temps de travail total effectué au sein de l'entreprise sortante.

Or, il résulte du contrat de travail signé le 23 janvier 2014 que Mme [X] [D] était affectée pour la totalité de ses heures (43h33 par mois) au marché de l'immeuble «'[Adresse 4]'», de sorte qu'elle y effectuait 100 % de son temps de travail.

La condition du volume de temps de présence sur le site est donc remplie.

La société intimée relève certes à juste titre qu'à l'examen des bulletins de paie de la salariée, il apparaît qu'elle a travaillé un nombre d'heures beaucoup plus important que les 43h33 prévues dans son contrat de travail.

Mais si Mme [X] [D] a accompli un nombre d'heures complémentaires considérable entre le 1er juillet et le 31 octobre 2014 de sorte que le total de ses heures sur la période de référence (le second trimestre 2014) s'élève à 613h77, celui des heures consacrées au site «'[Adresse 4]'» s'élève à 259h98 (6 x 43h33), soit 42,35 % du temps de travail total réellement effectué au sein de l'entreprise sortante.

Par ailleurs, au vu du contrat de travail et en l'absence d'éléments de preuve pertinents, la société SNI APPT ne saurait soutenir utilement que la condition d'affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat n'était pas remplie.

Enfin, s'agissant du temps d'absence, Mmes [X] et [W], membres du conseil syndical de la résidence «'[Adresse 4]», attestent qu'à compter de mars ou avril 2014, elles n'ont plus vu Mme [X] [D], laquelle aurait subitement réapparu sur le site pour travailler après la résiliation du contrat commercial, tandis que Mme [S], autre membre du conseil syndical, témoigne seulement de la circonstance que plusieurs représentants différents de la société SENI se sont succédé sur le site durant l'année 2014, «'aucun d'eux n'étant resté durant une période significative'» (pièces n° 1 de la société SNI APPT).

En outre, après avoir attesté que Mme [X] [D] avait travaillé sur le site toute l'année 2014 de façon continue (pièce n° 14 de la société SENI), M. [V], copropriétaire dans la même résidence, s'est rétracté en affirmant cette fois-ci qu'il avait vu la salariée sur le site au début de l'année 2015 et non pendant toute l'année 2014 (pièces n° 20 et 21 de la société SNI APPT).

Ces témoignages insuffisamment circonstanciés sont toutefois contredits par la salariée elle-même, qui pourtant ne souhaite plus le transfert de son contrat de travail, et par la société SENI, qui justifie avoir été informée de la grossesse de sa salariée en octobre 2014 et avoir dès lors décidé de l'assister en affectant un second salarié sur le site.

En effet, si Mme [X] [D] ne se trouvait pas en congé maternité à la date du transfert d'activité, la société SENI justifie par la production d'un certificat médical du 14 octobre 2014 que l'accouchement de sa salariée enceinte était prévu pour le 29 avril 2015 et que celle-ci a de ce fait été aidée sur le site par un autre salarié, M. [Q], qui témoigne en ce sens, à l'instar de l'inspectrice du site Mme [U] (pièces n° 11, 12 et 13 de l'appelante).

Dans ces conditions, la société SENI rapporte suffisamment la preuve que Mme [X] [D] remplissait les conditions prévues par la convention collective applicable pour que son contrat de travail soit transféré à la société SNI APPT à compter du 1er janvier 2015.

Mme [X] [D] n'est pas fondée aujourd'hui à refuser le transfert de son contrat de travail après l'avoir accepté lors du changement de prestataire, en ne contestant pas la lettre de son employeur lui annonçant ce transfert puis en se rendant sur le site les premiers jours de janvier 2015 pour y poursuivre son travail.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'accueillir les demandes de la société SENI tendant au transfert du contrat de travail de Mme [X] [D] à la société SNI APPT à compter du 1er janvier 2015 (43,33 heures) et à la poursuite par la société SNI APPT dudit contrat de travail, sur le fondement des articles R 1455-6 et R 1455-7 du code du travail.

En revanche, la demande de la société SENI tendant à voir consacrer une obligation à la charge de la société SNI APPT de lui rembourser les salaires versés depuis le 1er janvier 2015 à la salariée est sérieusement contestable, le paiement des salaires n'étant pas sans cause si Mme [X] [D] a continué à travailler au sein de la société SENI, laquelle n'allègue même pas le contraire et ne produit aucun bulletin de paie postérieur au transfert d'activité.

Par voie de conséquence, la SNI APPT sera déboutée de sa demande d'octroi de la somme de 10 000 €, présentée tant en réparation de divers préjudices qu'au titre de ses frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société SENI.

La société SNI APPT, qui succombe sur l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel interjeté par la société SENI';

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le contrat de travail de Mme [X] [D] conclu le 23 janvier 2014 avec la société SENI a été transféré à la société SNI APPT à compter du 1er janvier 2015, pour la totalité du temps de travail effectué sur le site «'[Adresse 4]'», soit 43,33 heures';

Ordonne à ce titre à la société SNI APPT de poursuivre le contrat de travail de Mme [X] [D]';

Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la société SNI APPT aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/09030
Date de la décision : 08/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°15/09030 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-08;15.09030 ?
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