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08/09/2016 | FRANCE | N°15/04934

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 08 septembre 2016, 15/04934


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04934



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2015 -Tribunal d'Instance de CHARENTON - RG n° 14/000656





APPELANTS



Monsieur [C] [C]

Né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (SERBIE)

[Adre

sse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant: Me DUJARDIN Marie-Hélène, toque: B0753

(bénéficie d'une aide juridic...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04934

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2015 -Tribunal d'Instance de CHARENTON - RG n° 14/000656

APPELANTS

Monsieur [C] [C]

Né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (SERBIE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant: Me DUJARDIN Marie-Hélène, toque: B0753

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/015242 du 17/04/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [J] [T] épouse [C]

Née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1] SERBIE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Ayant pour avocat plaidant Me DUJARDIN Marie-Hélène, toque: B0753

INTIMÉE

Madame [V] [K] [I]

Née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-annick PICARD-DUSSOUBS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 58

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Isabelle VERDEAUX, Présidente de chambre

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Monia RANDRIAMBAO et au prononcé Mme Viviane REA ;

Un rapport a été présenté à l'audience par M. Philippe JAVELAS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle VERDEAUX, président et par Mme Viviane REA, greffier présent lors du prononcé.

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 5 novembre 2010, M. [R] et Mme [Y] ont donné à bail à M. et Mme [C] un appartement dans un immeuble sis [Adresse 1].

Le 13 mars 2014, Mme [K] [I] a acquis sur surenchère le logement occupé par les époux [C].

Estimant que le bail consenti aux époux [C] par les anciens propriétaires ne lui était pas opposable, elle a, par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2014, fait assigner les époux [C] en expulsion devant le tribunal d'instance de Charenton-le-Pont, qui, par jugement du 27 janvier 2015 a fait droit à la demande d'expulsion, condamnant, au surplus, les époux [C] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 1 000 euros à compter du 13 mars 2014 et jusqu'à la libération effective des lieux et une somme de 350 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal d'instance a jugé que le bail du 5 novembre 2010 dont se prévalaient les époux [C] était inopposable à Mme [I] et a fait application de l'article L.321-4 du Code des procédures civiles d'exécution qui dispose que " les baux consentis par le débiteur après l'acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur. La preuve de l'antériorité peut être faite par tout moyen". En l'espèce, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement occupé par M. et Mme [C] a fait signifier un commandement de payer valant saisie-immobilière aux précédents propriétaires, M. [R] et Mme [Y], le 21 décembre 2012 et le tribunal d'instance a estimé que le bail consenti aux époux [C] par M. [R] et Mme [Y], le 5 novembre 2010, n'avait pas date certaine en l'absence de tout justificatif de paiement des mensualités de loyers de novembre 2010 à mai 2014 et donc, que ce bail était inopposable à l'acquéreur du logement, Mme [I].

M. et Mme [C] ont interjeté appel de cette décision.

Dans le dispositif de leurs dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 22 avril 2016, ils demandent à la Cour de :

- juger qu'ils rapportent la preuve de l'antériorité du bail conclu le 5 novembre 2010 avec M. [R] et Mme [Y], au commandement de payer valant saisie immobilière et que ce contrat de bail est opposable à Mme [I],

- ordonner à Mme [I] de leur délivrer des quittances de loyer depuis le mois de juin 2014 jusqu'à la signification de leurs dernières conclusions et puis ultérieurement,

- condamner Mme [I] aux dépens et à leur payer une indemnité de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Mme [I], dans le dispositif de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 2 septembre 2015, demande à la Cour de :

- débouter les époux [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner les époux [C] à verser à Mme [I] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

I) Sur l'opposabilité à Mme [I], acquéreur de l'appartement, du bail consenti sur cet appartement aux époux [C] par M. [R] et Mme [Y], prétendument, le 5 novembre 2010

Les époux [C] font grief au premier juge d'avoir jugé que le bail qui leur a été consenti le 5 novembre 2010 n'était pas opposable à Mme [I], acquéreur de l'appartement, au motif que ces derniers ne rapportaient pas suffisamment la preuve de l'antériorité du contrat de location à la procédure d'adjudication, dès lors qu'ils ne justifiaient pas du paiement effectif du loyer sur la période allant de novembre 2010 à mai 2014.

Au soutien de leur demande d'infirmation du jugement querellé, les époux [C] font valoir que

- le premier juge ne pouvait exiger d'eux un bail ayant acquis date certaine dès lors qu'un bail ne peut avoir acquis date certaine que s'il est établi chez un notaire, ce qui est rarement le cas pour les baux d'habitation, et que l'article L.321-4 du Code des procédures civiles d'exécution dit que l'antériorité du bail peut être faite par tout moyen,

- la preuve de l'antériorité du bail est rapportée en l'espèce puisqu'ils versent aux débats le contrat de location, les attestations ds précédents propriétaires, les quittances de loyers de 2010 à 2014 et trois chèques de règlements correspondant aux loyers des mois de mars, avril et mai 2014, leurs relevés bancaires faisant apparaître, sur la période allant du 23 octobre 2010 au 23 septembre 2013, des débits mensuels de 1 000 euros correspondant aux talons des chèques émis en règlement des loyers,

- Mme [I] connaissait leur existence avant d'acheter, suite au procès-verbal de description des lieux établi le 22 février 2013 par huissier de justice et à la visite des lieux effectuée lors des opérations d'adjudication le 18 octobre 2013 et qu'elle était libre de ne pas acheter ce logement si elle ne souhaitait pas acquérir un bien occupé.

Mme [I] réplique que :

- à titre principal, le bail pour être opposable à l'acquéreur doit avoir date certaine avant la délivrance du commandement immobilier et que, l'enregistrement n'étant pas une formalité obligatoire en matière de baux d'habitation, le juge, à défaut d'enregistrement qui n'est pas obligatoire en matière de baux, apprécie en fonction des circonstances de la cause, si le bail a date certaine ou non,

- si le bail n'a pas date certaine avant la délivrance du commandement immobilier, il n'est opposable à l'adjudicataire que si ce dernier en a eu connaissance avant l'adjudication, ce qui n'est pas le cas de Mme [I],

- à titre subsidiaire, les occupants ne rapportent pas la preuve de la date certaine du bail ni de la cause de leurs débits de 1 000 euros, en produisant trois débits bancaires de 1 000 euros car l'on ne sait pas qui est bénéficiaire de ces débits.

Sur ce

L'opposabilité du bail à l'acquéreur est régie par l'article 1743 du Code civil qui s'applique en matière de vente volontaire comme de vente sur adjudication. Toutefois, b ien qu'il résulte de cet article que l'acquéreur de l'immeuble n'est tenu de respecter le bail en cours que tout autant qu'il s'agit d'un bail authentique ou ayant date certaine antérieure à la vente, la connaissance du bail ou même de la seule existence du bail s'il s'agit d'un bail verbal, même dépourvu de date certaine au sens de l'article 1328 du code civil, avant la date de la vente suffit à rendre ce bail opposable à l'acquéreur du bien grevé et ne lui permet donc pas d'obtenir l'expulsion du locataire.

En l'espèce, l'huissier de justice qui a procédé à la visite des lieux le 22 février 2013, soit plus d'un an avant la vente sur adjudication, indique dans son procès-verbal de description du bien " Sur place, j'ai rencontré Mme [C], locataire, à qui j'ai décliné mes nom, qualité et objet de ma mission..... Mme [C] me précise qu'elle occupe les lieux en vertu d'un bail sous seing privé datant d'environ trois ans et qu'elle règle à ce titre un loyer mensuel de 1 000 euros charges comprises. Mme [C] n'a toutefois pas été en mesure de me justifier de ces déclarations par la présentation de son bail". Par ailleurs, l'huissier de justice, M. [B], indique dans le procès-verbal de visite aux fins de vente immobilière judiciaire du 18 octobre 2013:

" l'appartement dont s'agit est situé au 6ème étage, porte gauche. Sur place, j'ai rencontré M. [C], locataire, en présence de qui les opérations de visite ont été réalisées".

Il ressort de ces deux procès-verbaux que Mme [I], adjudicataire, n'était informée avant l'adjudication, que des seules allégations, non étayées et non prouvées, des occupants selon lesquelles ces derniers seraient titulaires d'un bail sous seing privé, mais pas de l'existence même de ce bail écrit qui n'était pas établie, dès lors que les occupants n'ont jamais produit le bail litigieux pendant le cours de la procédure immobilière malgré les sollicitations de l'huissier de justice, de sorte que ce bail n'a pu être annexé au cahier des charges, et n'ont consenti à le communiquer à Mme [I] que le 25 mai 2014, soit postérieurement à l'adjudication.

Mme [I] n'étant pas été informée du bail litigieux avant l'adjudication et ce bail n'ayant pas date certaine en application de l'article 1328 du Code civil, du fait qu'il s'agit d'un bail passé sous seing privé n'ayant pas été enregistré, il incombe aux époux [C], pour démontrer que le bail qui leur a été consenti est opposable à l'intimée, en application des dispositions de l'article L.321-4 du Code des procédures civiles d'exécution, de rapporter par tout moyen la preuve de l'antériorité du bail au commandement valant saisie immobilière, qui a été signifié aux précédents propriétaires, M. [R] et Mme [Y], à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], le 21 décembre 2012.

A cette fin, les appelants produisent, outre le bail litigieux signé le 5 novembre 2010,

- des attestations de M. [R] et de Mme [Y] indiquant qu'ils ont donné à bail l'appartement du [Adresse 1] aux époux [C] et que ces derniers ont rempli leurs obligations contractuelles jusqu'à l'évincement par adjudication,

- des quittances de loyers portant sur la période allant du mois de novembre 2010 au mois de mai 2014, numérotées en continu de 1 à 42,

- des relevés de compte bancaire de la société générale et de la banque postale portant sur la période allant du 23 octobre 2010 au 23 septembre 2014 faisant apparaître presque chaque mois des débits mensuels de 1000 euros, correspondant au montant du loyer, charges comprises,

- la photocopie de talons de chèques assorties de mentions manuscrites indiquant que les chèques ont été libellés à l'ordre des époux [R], pour un montant de 1 000 euros et en paiement des loyers,

- plusieurs factures d'électricité portant sur les années 2011, 2012 et 2013 et se rapportant à l'appartement du [Adresse 1],

- leurs avis d'imposition à la taxe d'habitation pour les années 2013 et 2014,

- leurs avis d'imposition sur le revenu pour les années 2011, 2012 et 2013,

- un contrat d'assurances multirisques habitation portant sur la période allant du 17 juillet 2014 au 31 mars 2015,

- un courrier de la banque postale du 19 mai 2015 contenant la photocopie du recto de trois chèques bancaires émis par les époux [C] à l'ordre de M. et Mme [R], précédents propriétaires du logement, pour un montant de 1 000 euros et débités du compte des époux [C] les 6 mars 2014, 15 avril 2014 et 9 mai 2014.

Les avis d'imposition, les factures d'électricité et l'attestation d'assurance pour l'année 2014, rapportent la preuve d'une occupation des lieux, mais pas celle de l'existence d'un bail ni de la date à laquelle ce bail a été effectivement signé.

Les relevés bancaires font la preuve de débits mensuels de 1 000 euros sur les comptes des époux [C], mais ne permettent pas de démontrer, à l'exception de trois d'entre eux, que les bénéficiaires de ces paiements sont les anciens propriétaires, M. [R] et Mme [Y], dès lors que les mentions manuscrites portées par les époux [C] sur les talons de chèques produits n'ont pas date certaine et ont été écrites par les appelants eux-mêmes.

Les trois seuls paiements effectivement prouvés au profit des anciens propriétaires - ceux des mois de mars, avril et mai 2014 - ne peuvent rapporter la preuve de l'antériorité du bail au commandement valant saisie immobilière, dès lors qu'ils sont postérieurs à ce commandement et sont intervenus à une époque à laquelle le litige était déjà noué entre les parties.

Ils en va de même des attestations délivrées par les anciens propriétaires saisis, du fait que les relations d'amitié qu'ils entretiennent avec les appelants laissent planer un doute sur la sincérité de leur témoignage, et des quittances de loyers délivrées par les anciens propriétaires, qui ne permettent pas de donner date certaine au bail, d'autant moins qu'elles n'ont pas été rédigées chronologiquement comme en atteste le courrier du 8 septembre 2014 adressé par les époux [C] au conseil de Mme [I] dans lequel les appelants indiquent " être toujours en attente de ces quittances".

Par suite faute d'avoir produit la photocopie de chèques antérieurs au commandement valant saisie du 21 décembre 2012, les époux [C] ne rapportent pas la preuve de l'antériorité du bail à ce commandement.

En conséquence, le jugement querellé sera confirmé en toutes ses dispositions.

Subséquemment, les appelants seront déboutés de leurs demandes de Mme [I] à leur délivrer des quittances de loyers et à leur payer une indemnité de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

II) Sur les demandes accessoires

Les époux [C], qui succombent, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses disposition ;

Y ajoutant

DÉBOUTE M. [C] [C] et Mme [J] [T], épouse [C], de leurs demandes, fins et prétentions ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne M. [C] [C] et Mme [J] [T], épouse [C], à payer à Mme [K] [I] une indemnité de 1 500 euros ;

CONDAMNE M. [C] [C] et Mme [J] [T], épouse [C], aux dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/04934
Date de la décision : 08/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°15/04934 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-08;15.04934 ?
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