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07/09/2016 | FRANCE | N°13/02921

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 07 septembre 2016, 13/02921


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 07 Septembre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02921



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/14832







APPELANTS

SYNDICAT CGT FORCE OUVRIERE DU PERSONNEL DES ORGANISMES SOCIAUX DIVERS ET DIVERS DE LA REGION PARISIENNE

[Ad

resse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002



Monsieur [V] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 07 Septembre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02921

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/14832

APPELANTS

SYNDICAT CGT FORCE OUVRIERE DU PERSONNEL DES ORGANISMES SOCIAUX DIVERS ET DIVERS DE LA REGION PARISIENNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [V] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMEE

SAS ALTRAN TECHNOLOGIE venant aux droits de la société ALTRAN CIS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Pierre DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1272

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [V] [K] a été engagé par la Société GENTECH, absorbée ultérieurement par ALTRAN CIS aux droits de laquelle vient la SA ALTRAN TECHNOLOGIE, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 26 décembre 2000 en qualité d'ingénieur consultant.

Monsieur [V] [K] a été élu délégué du personnel en 2003 sur la liste Force Ouvrière. En 2016, il est délégué du personnel et délégué syndical du groupe ALTRAN.

Estimant avoir fait l'objet de discrimination de la part de son employeur en raison de ses fonctions syndicales, Monsieur [V] [K] a saisi en 2005 le conseil de prud'hommes de Paris qui a, le 20 mars 2007, estimé établi la discrimination syndicale alléguée et a condamné l'employeur à payer à Monsieur [V] [K] un euro à titre de dommages-intérêts. Sur appel interjeté par Monsieur [V] [K], la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 9 décembre 2008, confirmé le jugement en ce qu'il a admis la discrimination syndicale et a condamné l'employeur à verser à Monsieur [V] [K] 100 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Estimant que son employeur était redevable de rappel de salaire sur des heures de délégation pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012 ainsi qu'un rappel de salaire sur minimum conventionnel sur la période de mai 2011 à janvier 2012, qu'il subissait une discrimination syndicale ainsi qu'un harcèlement, Monsieur [V] [K] a, le 21 octobre 2011, saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par un jugement rendu le 6 février 2013, a condamné la SAS CIS ALTRAN à payer à M [K] 10 027,05 euros à titre de rappel de salaire sur heures de délégation, 677,07 euros à titre de rappel de salaire et 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté le demandeur du surplus de ses demandes. Le conseil de prud'hommes de Paris a également débouté le syndicat CGT FO, intervenu à l'instance, de sa demande en dommages et intérêts.

Monsieur [V] [K] et le Syndicat CGT Force Ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la Région Parisienne, (ci-après CGT-FO) ont relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 25 mars 2013.

Monsieur [V] [K] soutient qu'il a subi une discrimination salariale par rapport à des salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne, qu'il a subi une discrimination syndicale notamment par le non-versement d'une prime sur objectifs sur les heures de délégation, qu'il a subi un harcèlement moral.

En conséquence, il sollicite la condamnation de la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à lui payer :

*170 432 euros en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale sur le fondement de l'article L.1134-5 du code du travail,

*200.000 euros en réparation du préjudice subi au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale sur le fondement des articles L.1132-1, L.2141-5, L.1152-1 et L.4121-11 du code du travail,

*5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et que la cour :

*ordonne son repositionnement avec un salaire fixe mensuel de 5277 euros,

*confirme la condamnation au paiement de 10 027,05 euros à titre de rappel de salaire sur les heures de délégation pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012,

*condamne la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à lui payer 1002,70 euros au titre des congés payés afférents et 14 023,40 euros au titre des heures de délégation sur la période de novembre 2012 à mai 2016 et 1402,34 euros au titre des congés payés afférents

*assortisse les sommes précitées des intérêts au taux légal, avec anatocisme,

*confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA ALTRAN TECHNOLOGIE au paiement de 677,07 euros à titre de rappel de salaire sur minimum conventionnel sur la période de mai 2011 à janvier 2012 et y ajoute 67,70 euros au titre des congés payés afférents

La CGT-FO sollicite la condamnation de la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à lui payer 10 000 euros sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail.

En réponse, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE fait valoir qu'elle a confié à Monsieur [V] [K] un travail conforme à son contrat de travail en adéquation avec ses mandats. Elle conteste la représentativité du panel de salarié choisi par Monsieur [V] [K]. Elle conteste toute discrimination syndicale et tout harcèlement moral. Elle conteste que ce salarié a été rémunéré à niveau inférieur au minimum conventionnel. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE estime que la CGT-FO ne démontre pas le préjudice qu'elle prétend avoir subi.

En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] de ses demandes au titre de la discrimination syndicale et du harcèlement moral et le Syndicat CGT-FO du personnel des organismes sociaux divers et divers de la région parisienne de ses demandes, ainsi que le rejet des nouvelles demandes de l'appelant.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la demande de rappel de salaire

Monsieur [K] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné son employeur à lui verser 677,07 euro à titre de rappel de salaire sur le minimum conventionnel sur la période de mai 2011 à janvier 2012.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE sollicite l'infirmation de cette disposition en faisant valoir que les calculs du salarié sont contestables, que sa rémunération brute annuelle a été en 2011 de 52 576,10 euros ce qui est supérieur à la somme de 3961,68 euros mensuels, somme à laquelle le salarié chiffre le minimum conventionnel, et que depuis 2012 le salaire fixe mensuel de l'intéressé est de 4500 euros bruts alors que le minimum conventionnel est de 4024,92 euros.

Dans les barèmes des appointements minimaux garantis afférents aux positions définies, sont inclus les avantages en nature évalués d'un commun accord et mentionnés dans la lettre d'engagement ainsi que les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par la lettre d'engagement ou par un accord ou une décision ultérieure. Pour établir si l'ingénieur ou cadre reçoit au moins le minimum le concernant, les avantages prévus doivent être intégrés dans la rémunération annuelle dont le 12ème ne doit, en aucun cas, être inférieur à ce minimum. Les primes d'assiduités d'intéressement, les primes et gratifications à caractère exceptionnel et non garanties ne sont pas comprises dans le calcul des appointements minimaux, non plus que le remboursement des frais et les indemnités en cas de déplacement ou de détachement.

Au vu des bulletins de salaire de Monsieur [K] pour l'année 2011, qui indique qu'il lui a été versé 52 576,10 euros, et de l'augmentation de salaire à compter du 1er janvier 2012 qui lui a été notifiée le 24 mai 2012, portant sa rémunération annuelle à 54 000 euros, il apparaît que la rémunération mensuelle moyenne de l'intéressé n'a pas été, au cours de la période revendiquée, inférieure au minimum conventionnel de 3961,68 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [V] [K] invoque les faits suivants : Alors qu'il occupe depuis plusieurs années les fonctions syndicales au sein de l'entreprise, l'évolution de son salaire par rapport à celui d'un panel constitué de salariés dans une situation comparable à la sienne fait apparaître que la quasi totalité de ceux-ci bénéficie d'un salaire supérieur au sien. Il fait valoir également que, depuis 2012, son employeur lui a versé une prime sur objectifs calculée uniquement sur les heures de mission et non sur les heures de délégation.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur [V] [K] produit notamment un tableau reprenant l'évolution du salaire fixe mensuel des salariés du panel année par année depuis 2009 ainsi qu'un tableau qui reprend l'évolution du salaire annuel total, incluant le variable, des salariés de ce panel année par année depuis 2009.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE répond que le panel de salarié choisi par Monsieur [K] n'est absolument pas représentatif et ne permet pas une comparaison avec des salariés placés dans une situation similaire, notamment par ce que deux des salariés qui y figurent n'exercent pas les fonctions de consultant, que six d'entre eux n'ont pas été embauchés en 2000, que l'un d'eux a quitté la société. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE produit aux débats un panel constitué de salariés occupant, comme Monsieur [K] des fonctions de consultant sénior engagés au cours de l'année 2000.

Le panel proposé par Monsieur [V] [K] regroupe 13 salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne pour avoir été recrutés dans les douze mois ayant précédé ou suivi sa propre embauche et qui, en janvier 2009, occupaient comme lui des fonctions de consultant niveau 3.1. Les montants de rémunération de ces salariés sont ceux qui résultent des documents communiqués par l'employeur. Il n'y a pas lieu d'écarter de ce panel, comme étant dans une situation non comparable à celle de Monsieur [K], les salariés qui ont ultérieurement changé de fonction ou quitté l'entreprise.

S'agissant du panel proposé par l'employeur, il ne mentionne la rémunération de base annuelle de ses membres que pour les années 2011 à 2015, et se présente sous forme de tableaux non corroborés par des éléments objectifs tels que les contrats de travail et les bulletins de salaire de ses membres établissant la date de leur entrée dans l'entreprise, leur qualification, le montant de leur rémunération et l'évolution de cette dernière.

L'examen des rémunérations des différents membres du panel, placés à l'origine dans une situation identique à celle de l'appelant, fait apparaître que, s'agissant du salaire mensuel fixe, un seul de ces salariés perçoit en 2015 un salaire inférieur à celui de Monsieur [V] [K], et que le salaire mensuel de ce dernier est, en 2015, inférieur au salaire mensuel moyen des membres du panel. De même l'examen du montant de la rémunération annuelle brute des membres du panel révèle, là encore, que Monsieur [V] [K] a perçu en 2015 une rémunération annuelle inférieure de plus de 21 000 euros à la rémunération moyenne annuelle des membres du panel.

Ainsi les éléments présentés par Monsieur [V] [K] font apparaître que sa situation en terme de rémunération a été, au cours des années 2009 à 2015, en-deçà de celles des salariés ayant une situation comparable à la sienne.

Par ailleurs, il est constant que l'employeur n'a pas versé à Monsieur [V] [K] la prime sur objectifs qu'elle verse à l'ensemble des consultants seniors à l'occasion des missions internes, au titre des heures de délégation prises par M [K], alors que l'exercice de mandat représentatif ne peut avoir aucune incidence défavorable sur la rémunération du salarié, de sorte que Monsieur [V] [K] aurait dû percevoir, au titre de la prime précitée, une somme fixée en tenant compte de la totalité de ses heures d'activité, qu'elles soient de production ou de délégation.

Eu égard aux fonctions syndicales occupées par le salarié, l'ensemble de ces éléments laisse supposer l'existence d'une discrimination prenant sa source dans l'appartenance syndicale et l'exercice de fonctions syndicales de Monsieur [V] [K].

Il revient donc à la SA ALTRAN TECHNOLOGIE de prouver que ses décisions quant à la rémunération de Monsieur [V] [K] sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE ne démontre pas que le différentiel de rémunération entre la moyenne de celle du panel et le montant de la rémunération de Monsieur [V] [K] est objectivement justifié, pas plus qu'elle ne démontre que le défaut de prise en compte des heures de délégation dans le calcul de la prime variable, fait non contesté par l'employeur, est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En conséquence, la discrimination est établie.

Le jugement sera infirmé.

En l'absence de toute contestation quant au montant de la prime sur objectifs afférents aux heures de délégation pour la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012, au vu du taux de celle-ci et du nombre d'heures de délégation effectuées par Monsieur [V] [K] sur cette période, le montant dû par l'employeur au salariée est de 10 027,05 euros, somme que la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à payer en deniers ou quittance. Il y sera ajouté la somme de 1002,70 euros au titre des congés payés afférents.

S'agissant de la période postérieure, c'est-à-dire du mois de novembre 2012 au mois de mai 2016, dont le salarié demande la prise en compte, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE indique que Monsieur [K] ne justifie pas d'un avenant de rémunération variable. Il est constant que le salarié a perçu de 2009 à 2011 des primes sur objectifs dont le montant a été arrêté par divers avenants à son contrat de travail, dont le dernier en date, à effet du 1er janvier 2011, précise que les modalités de détermination des primes seront examinées et réajustées par la société à la date anniversaire de sa signature. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE ne justifie pas que ces modalités ont été examinées depuis lors. En conséquence, c'est sur la base de ce dernier avenant que doit être calculée la prime sur le chiffre d'affaires et il appartient à l'employeur de justifier du versement de la prime due. En conséquence, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à payer à Monsieur [K], au titre de la prime afférente aux heures de délégation la somme de 14 023,40 euros outre 1402,34 euros au titre des congés payés afférents

Du fait de la discrimination dont il a été l'objet, Monsieur [V] [K] n'a pas perçu la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre et la SA ALTRAN TECHNOLOGIE doit réparer dans sa totalité le préjudice financier qui en découle. Ce préjudice est constitué d'une part de la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été discriminé et ce qu'il a effectivement perçu, et d'autre part de l'incidence de l'insuffisance de rémunération sur le montant de la retraite et des avantages dérivés du salaire, incidence qui peut être calculée à 30 % de la rémunération de base. Au regard de la rémunération annuelle moyenne des membres du panel, calculée année par année, le différentiel de salaire sur la période de janvier 2009 à mai 2016 est de 131 102 euros. En tenant compte de la majoration de 30%, le préjudice financier subi par Monsieur [V] [K] est de 170 432 euros, somme que la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à lui payer.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE devra, pour rétablir Monsieur [V] [K] dans ses droits, le repositionner de telle manière que, pour l'avenir, son salaire soit celui qu'il aurait dû percevoir en l'absence de discrimination. Sur la base du salaire mensuel moyen du panel qui détermine le montant du salaire auquel Monsieur [V] [K] devait être rémunéré s'il n'avait pas été discriminé, il sera ordonné à la SA ALTRAN TECHNOLOGIE de le repositionner avec un salaire mensuel fixe de 5277 euros.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Monsieur [V] [K] invoque notamment les faits suivants : une absence d'affectation à des missions chez un client alors qu'il est consultant, et un très petit nombre de propositions de mission.

Monsieur [V] [K] a été recruté pour exercer des fonctions de consultant et il n'est pas contesté que depuis la fin de la mission INNOVATION LAB, en 2011, son employeur ne l'a pas affecté à une mission de consultant chez un client, et qu'il lui a confié, depuis le mois de septembre 2015 une mission interne. Il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur n'a, au cours de cette période, proposé à son salarié que deux missions externes, la première au mois de septembre 2014 et la seconde au mois de novembre 2015, missions que l'intéressé a déclinées, ce dont il résulte que son employeur ne l'a pas affecté durant plusieurs années à des tâches qui étaient normalement les siennes et ne lui a proposé, depuis 2011, que deux missions correspondant à son métier de consultant, un délai de plus d'un an s'étant écoulé entre ces propositions.

En conséquence, le salarié établit qu'alors qu'il est consultant, son employeur l'a laissé durant plusieurs années sans affectation à des fonctions correspondant à son emploi, et ne lui a fait que de très rares propositions de mission. Monsieur [K] fait valoir à juste titre que l'absence de missions externes a une incidence sur son CV puisqu'il n'a aucune expérience professionnelle à faire valoir, ce qui peut avoir une incidence sur sa carrière future. L'ensemble de ces éléments ajoutés à la discrimination syndicale dont le salarié a été victime, permettent, de par leur caractère répété dans le temps, de la pluralité des agissements, et de leur incidence sur les conditions de travail du salarié, susceptibles de porter atteinte à ses droits ou de compromettre son avenir professionnel, de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE à qui il revient de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, fait valoir que le travail qu'elle a confié à Monsieur [V] [K] été conforme à l'accord de groupe sur le dialogue social et le droit syndical aux termes duquel la direction demande à la hiérarchie d'adapter l'organisation du travail des représentants du personnel élus et/ou désignés pour prendre en compte le volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat, que Monsieur [K] était très pris par ses mandats et qu'elle a été dans l'impossibilité de l'affecter, postérieurement à 2011 à des missions compte tenu de son comportement obstructeur, mais ne démontre nullement que la non-affectation du salarié à des misions de consultant sur une période de plusieurs années résulte de l'impossibilité de lui confier des missions externes ou du refus injustifié de l'intéressé d'accepter de telles missions, puisque d'une part deux missions lui ont été offertes, ce qui démontre la compatibilité des tâches qu'elles supposent avec l'exercice de mandats, et d'autre part l'employeur n'apporte pas de réponse pertinente aux observations du salarié selon lesquelles des deux missions envisagées ne correspondaient pas à son domaine de compétence technique.

En conséquence, le harcèlement moral est avéré.

Le jugement sera infirmé.

Sur la demande de réparation du préjudice résultant du harcèlement moral de la discrimination syndicale.

Outre le préjudice matériel réparé par ailleurs, Monsieur [V] [K] a souffert, du fait du harcèlement moral et de la discrimination syndicale, un préjudice moral résultant notamment de la situation dévalorisante dans laquelle il a été placé, tant au plan de sa rémunération qu'au plan de ses activités, puisqu'il a été privé de celles constituant son c'ur de métier. Compte-tenu de l'ensemble des éléments produits aux débats et de la durée des agissements constitutifs de harcèlement moral et de discrimination, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par Monsieur [V] [K] à la somme de 150 000 euros.

Sur l'intervention volontaire de CGT-FO

Ce syndicat fonde sa demande de dommages et intérêts sur les dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail.

La SA ALTRAN TECHNOLOGIE répond que ce syndicat, à qui il appartient de démontrer le préjudice qu'il prétend avoir subi, ne développe pas la moindre argumentation au soutien de sa demande et sollicite la confirmation du jugement et le débouté de cette demande.

Les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

Les faits de discrimination syndicale dont a été victime au premier chef Monsieur [V] [K] ont également causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat CGT Force Ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la Région Parisienne.

La CGT-FO est donc fondée à intervenir à l'instance. La SA ALTRAN TECHNOLOGIE doit réparer le préjudice résultant de ses agissements fautifs, préjudice qui peut être évalué à la somme de 5000 euros.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, la condamnation au titre du rappel de salaire sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, soit le 26 octobre 2011, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est demandée. Elle sera ordonnée sur le fondement de l'article 1154 du Code civil.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée à payer à Monsieur [V] [K] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Partie succombante, la SA ALTRAN TECHNOLOGIE sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en sa disposition ayant fixé à 10 027,05 euro le montant du rappel de salaire sur heures de délégation du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2012.

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant :

Condamne la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à payer à Monsieur [V] [K] les sommes de :

*10 027,05 euros au titre de la prime sur les heures de délégation, et ce en deniers ou quittance,

*1002,70 euros au titre des congés payés afférents,

*14 023, 40 euros au titre de la prime sur les heures de délégation sur la période de novembre 2012 à mai 2016,

*1402,34 euros au titre des congés payés afférents,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011,

*170 432 euros en réparation du préjudice financier subi au titre de la discrimination syndicale,

*150 000 euros en réparation du préjudice moral subi au titre du harcèlement moral et de la discrimination syndicale,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu'ils soient dus pour une année entière au moins,

Ordonne à la SA ALTRAN TECHNOLOGIE de repositionner Monsieur [V] [K] avec un salaire mensuel fixe de 5277 euros,

Condamne la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à payer au syndicat CGT Force Ouvrière du personnel des organismes sociaux divers et divers de la Région Parisienne 5000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la SA ALTRAN TECHNOLOGIE à payer à Monsieur [V] [K] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SA ALTRAN TECHNOLOGIE au paiement des dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/02921
Date de la décision : 07/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/02921 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-07;13.02921 ?
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