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05/09/2016 | FRANCE | N°14/24069

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 05 septembre 2016, 14/24069


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISEaux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARISPôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2016
(no 16/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24069
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/10769

APPELANTE

Association BUREAU CENTRAL FRANÇAIS délégataire de la compagnie de droit croate Grawe Hrvaska Osiguravaj1 rue Jules Lefevre75009 PARIS

Représentée par Me Eric NOUAL de la SCP NOUAL DUVAL, avo

cat au barreau de PARIS, toque : P0493
INTIMÉES
Madame Dominique X... ...
née le 06 Juin 1953 à ROANNE (42...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISEaux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARISPôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2016
(no 16/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24069
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 13/10769

APPELANTE

Association BUREAU CENTRAL FRANÇAIS délégataire de la compagnie de droit croate Grawe Hrvaska Osiguravaj1 rue Jules Lefevre75009 PARIS

Représentée par Me Eric NOUAL de la SCP NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493
INTIMÉES
Madame Dominique X... ...
née le 06 Juin 1953 à ROANNE (42300)

Représentée par Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079Assistée de Me Laurent PETRESCHI, avocat plaidant substituant Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque: K0079

Mutuelle MGEN, prise en la personne de ses représentants légauxB.P. 506269601 VILLEURBANNE cedex

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :M. Thierry RALINCOURT, PrésidentMadame Catherine COSSON, ConseillèreMadame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry RALINCOURT, Président et par Mme Zahra BENTOUILA, greffier présent lors du prononcé.
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 24 août 2003, à PERSAC (86320) , Madame Dominique X... a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule appartenant à Monsieur Ranko Y... et assuré auprès de la Compagnie Croate GRAWE HRVADSKA , accident qui a entraîné le décès de son mari et de leur enfant unique Sophie, alors âgée de 15 ans, et occasionné des blessures à Madame X... ainsi qu'un grave état dépressif réactionnel.
Madame Dominique X... a été indemnisée de ses préjudices sur la base d'un procès verbal de transaction régularisé le 28 décembre 2006.
Faisant état d'une perte de revenus, elle a saisi le Tribunal de Grande Instance de PARIS pour voir réparer son préjudice professionnel.
Par jugement en date du 3 novembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :Mis hors de cause la SARL AVUS FRANCE ;Dit recevables les demandes présentées par Mme Dominique X... ;Sursis à statuer sur ses demandes et l'a invitée à attraire en la cause l'Agent Judiciaire de l'Etat ;Réservé les dépens ;Renvoyé à une audience de procédure ultérieure.

Le BCF a relevé appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 mai 2015, il demande à la cour l'infirmation du jugement et de :Déclarer irrecevable Madame Dominique X... en ses demandes,Subsidiairement, et en cas d'évocation,Débouter Madame Dominique X... de toutes ses demandes,Condamner Madame Dominique X... au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC au profit du Bureau Central Français ès qualités de délégataire de Grawe Hrvaska Osiguravaj,Condamner Madame Dominique X... en tous les dépens, de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Maître Eric Noual de la SCP Noual Duval, dans les formes prévues à l'article 699 du CPC.

Par dernières conclusions signifiées le 16 juin 2015 Madame Dominique X... demande à la cour de :
DEBOUTER le Bureau Central Français de toutes ses demandes fins et conclusions ;CONFIRMER le jugement rendu le 3 novembre 2014 par la 19ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris en ce qu'il a dit recevable les demandes de Madame X...;RENVOYER s'agissant des demandes indemnitaires, les parties devant la 19ème Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Paris ;POUR le cas ou la Cour souhaite évoquer les demandes indemnitaires formulées par la concluante devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, elle enjoindra le Bureau Central Français d'attraire dans la cause l'Agent Judiciaire de l'Etat; et invitera Madame X... à conclure sur ces demandes;CONDAMNER le Bureau Central Français à payer à Madame X... la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Paul PETRESCHI, avocat aux offres de droit .

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Le BCF soutient à l'appui de son appel qu'un procès-verbal de transaction a été signé le 28 décembre 2006, aux termes duquel Madame X... a été indemnisée à hauteur de 125.737 € "pour le règlement définitif et sans réserve de son préjudice corporel et économique consécutif à l'accident de son époux et de sa fille survenu en France le 24 août 2003".Il fait valoir que :- Madame Dominique X... fait état d'un préjudice antérieur à la transaction puisqu'il serait apparu à la rentrée de l'année scolaire 2004/2005 et que le fait générateur du préjudice allégué est antérieur à la transaction- la transaction est régulière bien que ne comprenant pas le détail des préjudices indemnisés poste par poste, puisque l'article R 211-40 du code des assurances qui impose que l'offre soit détaillée, ne vise pas la transaction mais l'offre d'indemnité que doit présenter l'assureur à la victime.

Madame Dominique X... fait valoir que le procès-verbal de transaction ne comporte pas ce chef de préjudice et qu'il ressort aussi bien des négociations précontractuelles que des échanges postérieurs entre les parties que le préjudice personnel professionnel de Madame X... n'a pas été indemnisé dans le cadre du protocole transactionnel.
Sur la base d'un rapport d'examen médical amiable effectué le 16 novembre 2005, ayant consolidé l'état de la victime à la date du 24 août 2005, un procès-verbal de transaction a été signé par les parties le 28 décembre 2006, indemnisant le préjudice de Madame X... par la somme de 125.737 euros.
Ce protocole transactionnel ne détaille pas les postes de préjudices indemnisés, mais l'article R.211-40 du code des assurances ne fait obligation à l'assureur de mentionner l'évaluation de chaque chef de préjudice que dans l'offre, et ne vise pas la transaction.
Il résulte sans équivoque des pourparlers transactionnels (offres indemnitaires D'AVUS en date du 28/06/2006 - pièce no6 du BCF ; contre-demandes indemnitaires de l'avocat de Madame X... du 7/07/2006 - pièce no 12 de cette dernière) que les parties n'ont discuté, puis transigé que sur le préjudice économique causé à Madame X..., en qualité de victime par ricochet, par le décès de son époux, et qu'aucun préjudice professionnel de Madame X... à titre de victime directe n'a été évoqué par l'une ou l'autre partie.Il est donc établi que le préjudice professionnel invoqué par Madame X... dans la présente instance n'a pas donné lieu à indemnisation transactionnelle en 2006.

Concernant en premier lieu la période antérieure à la conclusion de la transaction, les notices annuelles de notation administrative de Madame X..., enseignante, antérieures à l'accident de 2003 (pièces no 8 de cette dernière) étaient constamment élogieuses et dépourvues de réserves (2001 : "d'une rare conscience professionnelle" ; 2003 : "professeur très investi dans ses tâches").
En revanche, le rapport d'inspection de mars 2004 (sept mois après l'accident) énonce: "(...) Elle semblait avoir la force de surmonter cette douloureuse épreuve mais à l'évidence sa vie professionnelle semble en être affectée (...). Cet état de fait est préoccupant d'autant plus que Madame X... n'avait jamais au cours de sa carrière fait preuve de difficultés majeures dans l'exercice de son activité. Dans l'intérêt des élèves et de Madame X... il serait souhaitable de conseiller à ce professeur un suivi médical, celui-ci lui permettrait sans doute d'exprimer ses difficultés dans un contexte extra-scolaire (...)".Lors de la notification de ce rapport, Madame X... a refusé de le signer en apposant la mention manuscrite suivante : "je refuse de signer le rapport, je demande un entretien avec l'inspectrice".

Le rapport d'inspection du 24 mai 2005 énonce : "(...) L'entretien s'est déroulé dans un climat d'échange positif. Madame X... a exprimé son inquiétude devant l'ampleur du travail à réaliser. Elle ne refuse pas de s'y engager mais éprouve une sensation de saturation à enseigner. Un poste à mi-temps d'adjoint aux chef de travaux (s'agissant d'un lycée professionnel) a été demandé par l'établissement. (...) J'ai donné un avis favorable à cette proposition avec une mise à l'essai sur une année scolaire. Je fais confiance à Madame X... pour que le travail pédagogique demandé se poursuive sur le mi-temps restant".Madame X... a signé la notification de ce rapport, sans apposer d'observations.

Le rapport d'inspection du 10 janvier 2007 confirme l'antériorité de la modification des fonctions de Madame X... à la conclusion de la transaction le 28/12/2006 ("Madame Dominique X... assure depuis trois ans une mission à temps partagé : 9 h. en qualité d'aide technique au chef de travaux et 9 h. d'enseignement en Sciences et Techniques médico-sociales").
Il résulte des éléments qui précèdent que si, en 2004, Madame X..., ainsi qu'elle l'allègue dans ses conclusions page 8, n'avait pas conscience de son état psychologique et était en situation de dénégation totale de l'état dans lequel elle se trouvait, en revanche, elle en avait pris conscience en 2005.En conséquence, elle était en mesure de demander, lors des pourparlers transactionnels de 2006, l'indemnisation du préjudice professionnel pouvant résulter de l'altération de ses aptitudes pédagogiques depuis l'accident de 2003, et de la dévalorisation professionnelle causée par la perte, à concurrence d'un mi-temps, de ses fonctions d'enseignement.Faute d'avoir présenté une telle demande, et alors qu'elle était assistée d'un avocat lors des pourparlers transactionnels, elle est présumée avoir renoncé à un droit acquis, et sa demande indemnitaire est présentement irrecevable à ce titre.

Concernant en second lieu la période postérieure à la conclusion de la transaction, en droit, l'autorité de la chose jugée édictée par l'article 2052 du code civil n'est pas opposable lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement connue au jour de la conclusion de la transaction, et elle ne rend pas irrecevable l'engagement postérieur d'une action portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s'est révélé postérieurement.En fait, Madame X... a indiqué, en page 9 de ses conclusions, qu'elle avait "perdu sa profession d'enseignante définitivement en 2008" - sans autre précision ni référence à une quelconque pièce produite -.Sa pièce no 3 est constituée par une correspondance d'AVUS en date du 22/11/2012 adressée à la MACIF (présumée assureur de Madame X...) dans les termes suivants : "en l'état on n'apporte pas la preuve d'une aggravation ni les motifs exacts de licenciement".

L'article 122 du code de procédure civile dispose : constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel (...) la chose jugée.
Il en résulte que Madame X... est recevable à demander l'indemnisation d'un éventuel préjudice professionnel survenu postérieurement à la transaction du 28/12/2006.Dès lors que la Cour n'est présentement saisie que de la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de Madame X... en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à cette transaction, il ne lui appartient pas d'apprécier si la demande - recevable - d'indemnisation d'un préjudice professionnel survenu postérieurement à la transaction est fondée, notamment quant à la preuve du préjudice invoqué, et quant à son lien de causalité avec l'accident du 24/08/2003, étant observé que les conditions d'application de l'évocation ne sont pas réunies au sens de l'article 568 du même code.

Dès lors que le jugement entrepris est partiellement confirmé et partiellement infirmé, chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel exposés par elle, et leurs demandes indemnitaires réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile doivent être écartées.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 3/11/2014 sur la recevabilité de l'action indemnitaire de Madame Dominique X....
Statuant à nouveau dans cette limite,
Déclare irrecevables les demandes de Madame Dominique X... en indemnisation de son préjudice professionnel survenu avant la transaction conclue le 28/12/2006;
Confirme la recevabilité, sans préjudice de leur bien fondé, des demandes de Madame Dominique X... en indemnisation d'un préjudice professionnel susceptible d'être survenu postérieurement à la transaction conclue le 28/12/2006;
Renvoie les parties devant le Tribunal de grande instance de Paris pour qu'il soit statué sur le bien ou mal fondé des demandes de Madame Dominique X... en indemnisation d'un préjudice professionnel susceptible d'être survenu postérieurement à la transaction conclue le 28/12/2006;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;
Dit que chacune des partes conservera la charge des dépens d'appel exposés par elle.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/24069
Date de la décision : 05/09/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2016-09-05;14.24069 ?
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