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02/09/2016 | FRANCE | N°11/11715

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 02 septembre 2016, 11/11715


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 02 Septembre 2016

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11715



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL- RG n° 10/00093









APPELANT

Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]



comparant en pers

onne,

assisté de Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238







INTIMEE

SARL SOLEDA NEGOCE

[Adresse 2]



représentée par Me Bruno TOURRET, avocat au barreau de PARIS, to...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 02 Septembre 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/11715

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL- RG n° 10/00093

APPELANT

Monsieur [L] [J]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Philippe ACHACHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 238

INTIMEE

SARL SOLEDA NEGOCE

[Adresse 2]

représentée par Me Bruno TOURRET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0993,

substitué par Me Esther VOGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0993

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Valérie AMAND, Conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Ulkem YILAR, lors des débats

ARRET :

-contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Valérie AMAND, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Ulkem YILAR, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société SOLEDA NEGOCE a employé Monsieur [L] [J] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 mars 2004 en qualité de responsable des ventes.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne sur les 12 derniers mois travaillés s'élevait à la somme de 4.046,03 euros. (pièce n° 21 employeur)'; son salaire est composé d'une partie fixe de 2.800 € et le surplus est une rémunération variable composée de commissions sur les ventes réalisées et encaissées.

Monsieur [L] [J] a adressé une lettre formulant divers reproches à la société SOLEDA NEGOCE le 19 août 2009 (pièce n° 9 salarié) et il lui a été répondu le 21 août 2009 (pièce n° 17 employeur).

Par lettre notifiée le 27 août 2009 Monsieur [L] [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société SOLEDA NEGOCE'; à l'appui de cette prise d'acte de la rupture, Monsieur [L] [J] a articulé les griefs suivants à l'encontre de son employeur'(pièce n° 10 salarié) :

«'Je suis obligé de revenir vers vous concernant une dégradation très nette de mes conditions de travail'; j'ai bien noté que vous souhaitez vous séparer de moi et que vous refusez une rupture à l'amiable.

Je suis obligé de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs pour les raisons suivantes':

la perte de mes commissions est estimée à (illisible) 500,00 €'; j'attends toujours le versement des commissions du 2e trimestre 2009 qui s'élèvent à environ 3906,00 €

de plus vous refusez toujours de me fournir le détail de mes commissions afin de contrôler

non paiement des salaires du mois de juin et juillet 2009 malgré mes relances

non paiement des jours de congé paternité pris fin juin 2009

absence de l'attestation de salaire suite à l'arrêt de maladie juillet (IJSS)

Enfin depuis mon retour de congé, vous m'avez repris l'ensemble de mes outils de travail': voiture de fonction, ordinateur, fermeture de mon accès à la gestion commerciale (commandes + fiches clients) donc absence de fourniture de travail.

Je n'ai pas pu réaliser les ventes du mois de ramadan qui représente une perte de commissions estimée à 4.548,00 €

Je n'ai plus de bulletin de paie depuis mai 2009.»

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant la prise d'acte de la rupture, Monsieur [L] [J] avait une ancienneté de 5 ans et 5 mois'; la société SOLEDA NEGOCE occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail dans le cadre de la prise d'acte de la rupture du 27 août 2009, Monsieur [L] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 3 novembre 2011 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :

«DIT que la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [J] doit s'interpréter comme une démission à la date du 17 août 2009

DEBOUTE Monsieur [L] [J] de la totalité de ses demandes

CONDAMNE Monsieur [L] [J] à verser à la société SOLEDA NEGOCE 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

INVITE la Société SOLEDA NEGOCE à acter son renoncement à la clause de non concurrence.

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [L] [J]»

Monsieur [L] [J] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 17 novembre 2011.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 mai 2016.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, Monsieur [L] [J] demande à la cour de :

«Infirmer le jugement du Conseil de Prud'homme de Créteil du 15 novembre 2011, de requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle sérieuse et de condamner la Société SOLEDA NEGOCE à :

indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 16 mois': 182 189 euros,

indemnités de préavis - 3 mois : 15 410, 60 euros,

congés payés sur préavis : 1 541 euros,

indemnité conventionnelle de licenciement: 8 352,54 euros,

rappel de commission au titre des années 2008 et 2009 : 7 480,46 euros

congés payés incidents 1 748 euros,

indemnité de non concurrence : 26 218,28 euros,

rappel de salaires sur retraits indus et amende : 953,73 euros,

congés payés y afférent : 95,37 euros,

salaire du 15 au 27 août 2009: 2 512, 88 euros,

congés payes incident : 251,28 euros,

congés payés du 1er au 14 août 2009 : 3583,25 euros

complément patronal : 3568,19 euros

indemnités au titre de l'article 700 CPC : 2 000 euros,

remise du Certificat de travail, Attestation pour l'emploi, et Bulletins de paie de janvier à avril 2009 conformes, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document,

entiers dépends »

A l'appui de ces moyens, Monsieur [L] [J] fait valoir en substance que:

- la prise d'acte de la rupture est justifiée par divers griefs relatifs aux commissions non payées ou dont le mode de calcul n'est pas justifié, au non paiement des salaires de juin et juillet 2009, au non paiement des jours de congé paternité, à l'absence de l'attestation de salaire, au retrait du téléphone portable, de la voiture de fonction, de l'ordinateur portable, des accès informatiques, à l'absence de fourniture de travail et à l'absence de bulletins de salaire depuis mai 2009, auxquels s'ajoute les retenues sur salaire injustifiées dont il a fait l'objet

- les commissions du 2e trimestre 2009 ne lui ont pas été payées en juillet 2009 mais en janvier 2010

- le détail des calculs de ses commissions ne lui a pas été communiqué'; les justificatifs communiqués sont insuffisants (pièces n° 31, 40 employeur)

les salaires de juin (inclus les jours de congé paternité), juillet et août 2009 ne lui ont été versés qu'en janvier 2010

- l'attestation de salaire ne lui a été remise qu'en janvier 2010

- l'employeur oppose à tort que les salaires, l'attestation de salaire et les commissions sont quérables

- il a été privé des moyens de faire son travail dès lors que la société SOLEDA NEGOCE lui a demandé de restituer ses outils de travail et ne lui a plus fourni de travail

- une retenue sur salaire de 2.512,88 € a été faite en août 2009 au prétexte d'une absence injustifiée du 1er au 15 août 2009 alors qu'il avait demandé à prendre des congés payés sur cette période et que sa demande n'a pas été formellement refusée

- des retenues sur salaire indues ont été faites à hauteur de 746,71 € en janvier 2008 pour un prétendu acompte et à hauteur de 207,02 € en août 2009 pour une amende

- il conteste l'intention de démissionner et les actes de détournement de clientèle que lui impute la société SOLEDA NEGOCE'; les éléments de preuve produits par l'employeur sont dépourvus de valeur probante

- la rupture du contrat de travail étant imputable à la société SOLEDA NEGOCE il a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité compensatrice de préavis, à l'indemnité de licenciement, et à des rappels de commissions calculée sur la base d'estimations,

- la clause de non concurrence est nulle faute de limitation géographique et en raison de la modicité de la contrepartie financière, ce qui justifie des dommages et intérêts de 26.218,28 €.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, la société SOLEDA NEGOCE s'oppose à toutes les demandes de Monsieur [L] [J] et demande à la cour de':

«Vu les pièces ci-dessus rappelées ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 3 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil.

Dire et juger Monsieur [L] [J] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes,

En conséquence :

Débouter Monsieur [L] [J] de l'ensemble de ses demandes.

Condamner Monsieur [L] [J] à payer a la société SOLEDA NEGOCE la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.»

A l'appui de ces moyens, la société SOLEDA NEGOCE fait valoir en substance que':

- Monsieur [L] [J] voulait démissionner'; cela ressort de ce qu'il a demandé le 28 mai 2009 à «'négocier son départ'» (pièce n° 9 employeur) et que son dernier jour travaillé a été le 21 juin 2009'; il n'est revenu au travail que le 18 août 2009 pour restituer son véhicule et son ordinateur'; il a été en congé du 22 juin au 12 juillet, en arrêt de maladie du 13 juillet au 31 juillet, et en absence injustifiée du 1er août au 19 août 2009

il lui a été demandé de restituer ses instruments de travail en substance parce qu'il était déloyal, qu'il fragilisait la trésorerie de l'entreprise, qu'il voulait démissionner et plus exactement être licencié pour percevoir les allocations de chômage, qu'il était en absence injustifiée, mais il lui a aussi été précisé le 21 août 2009 qu'ils lui seraient à nouveau remis s'il voulait reprendre son travail (pièce n° 17 employeur)

- Monsieur [L] [J] n'a pas donné suite parce qu'en réalité il travaillait déjà pour une autre société concurrente, la société EURORIENT, dont il est devenu associé en janvier 2010'; ce faisant il tentait de détourner la clientèle de la société SOLEDA NEGOCE au profit de cette société (pièces n° 1 à 6, 23, 24, 35, 25 à 28, 41 employeur)

Monsieur [L] [J] a été rempli de ses droits à commission (pièces n° 31, 15, 14 employeur) et ne prouve pas le contraire

- il a été rempli de ses droits à salaire et à congés

- la retenue sur salaire pour absence injustifiée en août 2009 est justifiée (pièce n° 17 employeur)

- il ne produit pas de pièce sur les autres retenues sur salaire qu'il mentionne

- Monsieur [L] [J] n'ayant pas été licencié mais ayant démissionné, la société SOLEDA NEGOCE n'a pas d'initiative à prendre en ce qui concerne la clause de non concurrence.

Lors de l'audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les débats ont notamment porté sur les faits invoqués à l'appui de la prise d'acte de la rupture et les éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs arguments contraires.

Les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 2 septembre 2016 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la prise d'acte de la rupture

Il est constant que le contrat de travail de Monsieur [L] [J] a été rompu par la prise d'acte de la rupture du 27 août 2009.

Il entre dans l'office du juge, dans le contentieux de la prise d'acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231 ' 1, L 1237 ' 2 et L 1235 ' 1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En ce qui concerne le risque de la preuve, lorsque le juge constate qu'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, il peut estimer à bon droit que le salarié n'a pas établi les faits qu'il alléguait à l'encontre de l'employeur comme cela lui incombait (Cass. soc., 19 déc. 2007, n° 06-44.754) ; en effet, c'est au salarié d'apporter la preuve des faits réels et suffisamment graves justifiant la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur'; il appartient donc au juge de se prononcer sur la réalité et la gravité des faits allégués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte et non de statuer «'au bénéfice du doute'» (Cass. soc., 28 nov. 2006, n° 05-43.901).

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqué devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnées dans cet écrit.

Monsieur [L] [J] soutient que la prise d'acte de la rupture est justifiée par divers griefs relatifs aux commissions non payées ou dont le mode de calcul n'est pas justifié, au non paiement des salaires de juin et juillet 2009, au non paiement des jours de congé paternité, à l'absence de l'attestation de salaire, au retrait du téléphone portable, de la voiture de fonction, de l'ordinateur portable, des accès informatiques, à l'absence de fourniture de travail et à l'absence de bulletins de salaire depuis mai 2009, auxquels s'ajoute les retenues sur salaire injustifiées dont il a fait l'objet.

La société SOLEDA NEGOCE conteste ces manquements.

Sur les griefs relatifs aux salaires

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [L] [J] n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement au refus de paiement des salaires, du congé paternité et de remise de l'attestation de salaire'; en effet il ressort de la lettre du 21 août 2009 (pièce n° 17 employeur) que la société SOLEDA NEGOCE a demandé à Monsieur [L] [J] de se déplacer à l'entreprise'; cela ne constitue pas un manquement au motif que l'employeur qui tient à disposition du salarié son salaire et son indemnité de congés payés n'a pas à faire parvenir ces sommes au salarié. En effet, à défaut de convention entre les parties, le salaire est quérable. (Soc., 11 avr. 1991, n° 89-43.337)

Dans ces conditions, c'est en vain que Monsieur [L] [J] soutient que la prise d'acte de la rupture est justifiée au motif que les salaires de juin (inclus les jours de congé paternité), juillet et août 2009 et les commissions du 2e trimestre 2009 ne lui ont été versés qu'en janvier 2010 et que l'attestation de salaire ne lui a été remise qu'en janvier 2010'; en effet les salaires et l'attestation de salaire et les commissions sont quérables.

En outre il est constant que les bulletins de salaire de juin, juillet et août 2009 ont été finalement remis à Monsieur [L] [J] en janvier 2010 avec les salaires en cause.

Sur les griefs relatifs aux commissions

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [L] [J] n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement aux commissions'; en effet il ressort de la lettre du 21 août 2009 (pièce n° 17 employeur) que la société SOLEDA NEGOCE a invité Monsieur [L] [J] à vérifier les factures payées de son portefeuille clients s'il voulait contester le calcul automatique sur le CA réalisé et encaissé par l'application informatique de gestion commerciale'; cela ne constitue pas un manquement au motif que si l'employeur a une obligation de transparence dans le calcul du salaire variable et si le salarié doit être en mesure de vérifier qu'il a bien perçu ce qui lui est normalement dû en application de son contrat de travail, il n'y a de manquement grave justifiant que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que lorsque l'employeur refuse de communiquer au salarié les données comptables lui permettant de vérifier qu'il a bien été rempli de ses droits à commissions. (Soc., 18 juin 2008, n° 07-41.910)

Tel n'a pas était le cas en l'espèce et c'est donc en vain que Monsieur [L] [J] soutient que la prise d'acte de la rupture est justifiée au motif que le détail des calculs de ses commissions ne lui a pas été communiqué et que les justificatifs communiqués sont insuffisants (pièces n° 31, 40 employeur) ; en effet il n'est pas établi que la société SOLEDA NEGOCE a refusé de communiquer à Monsieur [L] [J] les données comptables lui permettant de vérifier qu'il avait bien été rempli de ses droits à commissions, étant précisé qu'il n'est pas contesté que les tableaux édités automatiquement par le logiciel de gestion commerciale lui ont été remis.

Sur les griefs relatifs aux outils de travail et à la fourniture de travail

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [L] [J] n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement aux outils de travail et à la fourniture de travail ; en effet il ressort de la lettre du 21 août 2009 (pièce n° 17 employeur) que la société SOLEDA NEGOCE a demandé à Monsieur [L] [J] de restituer ses instruments de travail en substance parce qu'il était déloyal, qu'il fragilisait la trésorerie de l'entreprise, qu'il voulait démissionner et plus exactement être licencié pour percevoir les allocations de chômage, qu'il était en absence injustifiée, mais elle lui a aussi été précisé le 21 août 2009 que ses outils de travail lui seraient à nouveau remis s'il voulait reprendre son travail (pièce n° 17 employeur).

Dans ces conditions, c'est en vain que Monsieur [L] [J] soutient que la prise d'acte de la rupture est justifiée au motif qu'il a été privé des moyens de faire son travail dès lors que la société SOLEDA NEGOCE lui a demandé de restituer ses outils de travail et ne lui a plus fourni de travail ; en effet il n'est pas établi que l'employeur a refusé de lui fournir du travail et de lui restituer ses outils de travail'; par ailleurs, la cour retient que la demande de restitution provisoire des outils de travail était justifiée dans le contexte où elle est survenue'; en effet Monsieur [L] [J] était en absence injustifiée, et l'entreprise lui reprochait d'avoir des comportement déloyaux fragilisant sa trésorerie.

Sur les griefs relatifs à la retenue sur salaire pour absence injustifiée

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [L] [J] n'apporte pas suffisamment d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement à la retenue sur salaire pour absence injustifiée du 1er au 15 août 2009 ; en effet il ressort de la lettre du 21 août 2009 (pièce n° 17 employeur) que la société SOLEDA NEGOCE a rappelé à Monsieur [L] [J] qu'elle ne lui avait pas donné son accord pour les congés payés qu'il voulait prendre en août, que c'était d'ailleurs une provocation de sa part de demander des congés pendant le ramadan durant lequel l'activité est intense et que son absence injustifiée a nui au chiffre d'affaires de l'entreprise

Dans ces conditions, c'est en vain que Monsieur [L] [J] soutient que la prise d'acte de la rupture est justifiée au motif qu'une retenue sur salaire de 2.512,88 € a été faite en août 2009 au prétexte d'une absence injustifiée du 1er au 15 août 2009 alors qu'il avait demandé à prendre des congés payés sur cette période et que sa demande n'a pas été formellement refusée; en effet un salarié doit respecter les dates de congé autorisées par l'employeur et ne peut pas en décider unilatéralement; il n'est d'ailleurs pas contesté que, dans la société SOLEDA NEGOCE qui emploie 22 salariés, les demandes de congés devaient être signées pour être acceptées.

Sur les griefs relatifs aux retenues sur salaire injustifiées

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que Monsieur [L] [J] n'apporte pas d'éléments de preuve pour établir le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement à la retenue sur salaire injustifiée de 746,71 € ; en effet le bulletin de salaire de janvier 2008 susceptible de mentionner la retenue sur salaire litigieuse n'est pas produit et il n'est mentionné aucun élément de preuve à l'appui de ce moyen.

En revanche il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et notamment du bulletin de salaire du mois d'août 2009 que Monsieur [L] [J] établit le manquement invoqué à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE relativement à la retenue sur salaire injustifiée de 207,02 € pour amende'; en effet les contraventions liées au véhicule de fonction mis à la disposition du salarié ne sont pas compensables par retenue sur salaire (Soc., 11 janv. 2006, n° 03-43.587)

Mais la cour dit que ce manquement n'est pas suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Il ressort de ce qui précède que Monsieur [L] [J] n'établit pas suffisamment les manquements allégués à l'encontre de la société SOLEDA NEGOCE ; sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur est donc rejetée ainsi que les demandes de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement) qui en découlent.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] [J] n'est pas imputable à faute à la société SOLEDA NEGOCE et qu'elle produit les effets d'une démission.

Sur la demande de rappels de commissions

Monsieur [L] [J] demande la somme de 7.480,46 euros à titre de rappels de commissions au titre des années 2008 et 2009 et cela sur la base d'estimations.

La société SOLEDA NEGOCE s'y oppose et fait valoir que Monsieur [L] [J] a été remplie de ses droits à commissions.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Monsieur [L] [J] a été rempli de ses droits à commissions (pièces n° 31, 15, 14, 40 employeur).

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [J] de sa demande de rappels de commissions.

Sur les rappels de salaires

Monsieur [L] [J] demande les sommes de':

1.748 euros à titre de congés payés incidents

953,73 euros à titre de rappel de salaires sur retraits indus et amende

95,37 euros au titre des congés payés y afférent

2.512, 88 euros à titre de salaire du 15 au 27 août 2009

251,28 euros au titre des congés payes incident

3.583,25 euros au titre des congés payés du 1er au 14 août 2009

3.568,19 euros à titre de complément patronal

La société SOLEDA NEGOCE s'y oppose.

Aucun moyen n'est articulé à l'appui des demandes suivantes':

1.748 euros à titre de congés payés incidents

3.568,19 euros à titre de complément patronal

Dans ces conditions, la cour déboute Monsieur [L] [J] de ses demandes en paiement de ces sommes au motif qu'aucun moyen de droit ou de fait n'est articulé à leur appui, en sorte que la demande n'est pas fondée.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour rejette les demandes en paiement suivantes':

746,71 euros à titre de rappel de salaires sur retraits indus en janvier 2008

95,37 euros au titre des congés payés y afférent

2.512, 88 euros à titre de salaire du 15 au 27 août 2009

251,28 euros au titre des congés payes incident

3.583,25 euros au titre des congés payés du 1er au 14 août 2009

En effet la cour retient que Monsieur [L] [J] a été en absence injustifiée durant tout le mois d'août 2009 comme cela est indiqué sur le bulletin de salaire d'août 2009 au motif que Monsieur [L] [J] ne justifie pas avoir obtenu l'autorisation de partir en congés payés du 1er au 15 août 2009 et qu'il ne justifie pas avoir repris son travail entre le 18 août 2009 et la date de la prise d'acte de la rupture, le 28 août 2009'; par ailleurs la cour a déjà indiqué que le bulletin de salaire de janvier 2008 susceptible de mentionner la retenue sur salaire de 746,71 € n'est pas produit et que Monsieur [L] [J] ne mentionne aucun élément de preuve à l'appui de ce moyen.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [J] de ses diverses demandes de rappels de salaires.

En revanche, la cour retient que la société SOLEDA NEGOCE a imputé à tort la somme de 207,02 € sur le salaire du mois d'août 2009 de Monsieur [L] [J] en mentionnant «'retenue amende 27/12/2008'»'; en effet, les contraventions liées au véhicule de fonction mis à la disposition du salarié ne sont pas compensables par retenue sur salaire (Soc., 11 janv. 2006, n° 03-43.587)

La cour condamne donc la société SOLEDA NEGOCE à payer à Monsieur [L] [J] la somme de 207,02 € en remboursement de la retenue sur salaire du mois d'août 2009.

Le moyen formulé dans ces termes est nouveau.

Sur la clause de non concurrence

Monsieur [L] [J] demande la somme de 26.218,28 euros au titre de la clause de non concurrence et fait valoir, à l'appui de cette demande que la clause est nulle, faute de limitation géographique et en raison de la modicité de la contrepartie financière.

La société SOLEDA NEGOCE s'y oppose.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la clause est nulle; en effet la délimitation géographique de l'interdiction n'est pas suffisamment précise.

Cependant la cour retient que cette clause ou ses vices n'ont occasionné à Monsieur [L] [J] aucun préjudice comme cela ressort du fait qu'il travaillait depuis l'été 2009 pour une autre société concurrente, la société EURORIENT, dont il est devenu associé en janvier 2010 et qu'il tentait de détourner la clientèle de la société SOLEDA NEGOCE au profit de cette société comme cela ressort des pièces n° 1 à 6, 23, 24, 35, 25 à 28, 41 produites par l'employeur, et dont la valeur probante est retenue par la cour.

Dans ces conditions, le moyen de ce chef est rejeté.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [J] de sa demande au titre de la clause de non concurrence.

Sur la délivrance de documents

Monsieur [L] [J] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletins de paie, attestation destinée à Pôle Emploi) sous astreinte.

Il est constant que les documents demandés lui ont déjà été remis ; la demande de remise de documents est donc rejetée.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [J] de sa demande de délivrance des certificat de travail, bulletins de paie et attestation destinée à Pôle Emploi.

Sur les demandes accessoires

La cour condamne Monsieur [L] [J] aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile au motif qu'il succombe de façon prépondérante.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Condamne la société SOLEDA NEGOCE à payer à Monsieur [L] [J] la somme de 207,02 € en remboursement de la retenue sur salaire du mois d'août 2009,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne Monsieur [L] [J], qui succombe de façon prépondérante, aux dépens,

Déboute la société SOLEDA NEGOCE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,Le conseiller faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/11715
Date de la décision : 02/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°11/11715 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-02;11.11715 ?
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