RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 31 août 2016
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06947
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY - section encadrement - RG n° 13/05450
APPELANT
Monsieur [R] [C]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Djamila RIZKI, avocat au barreau de PARIS, E1080
INTIMEE
SCS CHUBB FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Siret n° 70200052201044
représentée par Me Cyrille FRANCO, avocat au barreau de PARIS, P0107 substitué par Me Elodie MARTIGNY, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUPUY, conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Anne DUPUY, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société UTC FIRE & SECURITY SERVICES devenue CHUBB FRANCE est issue de la fusion en 2010 des sociétés CHUBB SECURITY, SICLI, CIFISEC, EFFEC et MATINCENDIE. La société CHUBB FRANCE commercialise, installe et assure la maintenances d'équipement d'extinction et de détection d'incendie.
M. [R] [C] a été engagé par la société SICLI par contrat à durée indéterminée en date du 13 décembre 1999 en qualité d'agent technico-commercial. Le 1er juillet 2005, par nouveau contrat à durée indéterminée, M. [C] a été promu vendeur grands comptes national, statut cadre, position 2, indice 108 de la convention collective des industries métallurgiques de la région parisienne.
Le 10 avril 2012, M. [C] a été placé en arrêt de travail prolongé jusqu'au 20 septembre 2012.
M. [C] a repris le travail le 24 septembre jusqu'au 28 novembre 2012, étant en congés payés sur cette période du 8 octobre au 2 novembre 2012.
M. [C] a été à nouveau en arrêt de travail pour maladie du 28 novembre 2012 jusqu'au 31 août 2013.
Par lettre en date du 9 juillet 2013, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 juillet 2013.
Par lettre en date du 21 août 2013, la SCS CHUBB FRANCE, venant aux droits de la société SICLI, a notifié à M. [C] son licenciement pour absence de longue durée rendant nécessaire son remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise.
L'entreprise employait plus de dix salariés au jour de la rupture du contrat de travail.
Contestant son licenciement, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 24 octobre 2013 qui, par jugement rendu le 1er juillet 2015, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, débouté la SCS UTC FIRE & SECURITY SERVICES de sa demande reconventionnelle et condamné M. [C] aux dépens.
M. [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 12 avril 2016, a demandé à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
- juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamner la société SICLI, UTC FIRE & SECURITY SERVICES devenue CHUBB FRANCE à lui verser les sommes suivantes :
' 72.842,88 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et résultat et harcèlement moral
' 10.000 € de rappels de salaire pour l'année 2012
' 1.000 € de congés payés afférents
' 38.000 € de rappels de salaire pour la période de mars à août 2013
' 3.800 € de congés payés afférents
' 145.685,76 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ' 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de l'instance
- condamner la société SICLI, UTC FIRE & SECURITY SERVICES devenue CHUBB FRANCE aux dépens
- condamner la société SICLI, UTC FIRE & SECURITY SERVICES devenue CHUBB FRANCE à procéder à l'affichage de l'arrêt à intervenir dans les locaux de la société à l'endroit où les institutions représentatives du personnel disposent de panneaux d'affichage
- assortir cette éventuelle condamnation d'une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la date de l'arrêt à intervenir.
À l'audience, la société CHUBB FRANCE reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, a demandé à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement pour de M. [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a relevé que M. [C] ne justifiait pas de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral
- en conséquence, débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes
- condamner M. [C] à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M [C] aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
A l'audience, la SCS CHUBB FRANCE n'ayant pas respecté, sans motif légitime, le calendrier de procédure fixé contradictoirement par application de l'article 446-2 du code de procédure civile lors de la précédente audience, ses pièces et conclusions déposées tardivement ont été rejetées par la cour à la demande de la partie adverse.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral et de l'obligation de sécurité de résultat
M. [C] sollicite la somme de 72.842,88 € à titre de dommages-intérêts qu'il fonde sur le harcèlement moral qu'il allègue avoir subi et sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.
M. [C] soutient avoir subi un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique M. [J] et invoque à ce titre les éléments suivants : l'inimitié voire l'animosité de M. [J] à son égard, la dégradation de ses conditions de travail (matérialisée par une demande de M. [J] visant à le faire changer de bureau pour un "open-space", par une mise à l'écart progressive et un dénigrement professionnel en lui fixant des objectifs inatteignables alors que la société a perdu l'un de ses principaux clients GDF Suez et a redistribué de façon inéquitable les portefeuilles clients entre les salariés à son détriment), outre la dégradation de son état de santé.
M. [C] fait valoir également une absence de réaction de son employeur, en violation de son obligation de sécurité de résultat, alors que le comportement de M. [J] lui était dénoncé et qu'il avait connaissance d'une demande d'aménagement de poste préconisée par le médecin du travail qui déconseillait les trajets prolongés en voiture.
La SCS CHUBB FRANCE répond que les accusations de harcèlement de M. [C] sont particulièrement imprécises et ne sont étayées par aucun fait concret, l'altération alléguée de sa santé mentale n'étant par ailleurs reliée par aucun lien de causalité aux faits imputés à l'employeur.
*
En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.
En application de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de l'inimitié alléguée de son responsable hiérarchique, M. [C] produit le témoignage de M. [H] [E] versé en trois exemplaires en date des 28 février 2014 et 9 mars 2016, qui affirme que "lors de mes nombreux échanges avec le responsable du service des Comptes Clés, M. [J], ce dernier m'avait indiqué à maintes reprises n'avoir jamais supporté M. [R] [C] et être satisfait de son licenciement".
Le seul courriel adressé le 26 novembre 2012 par M. [C] lui-même à un représentant du personnel de la société intimée indiquant que M. [J] lui aurait demandé, au cours d'une réunion de service, de déménager de bureau est insuffisant à établir la réalité du fait invoqué.
La perte d'un du client EDF Suez est établie par des échanges de courriels internes à la SCS CHUBB France. Le retrait des clients Air liquide et Groupe Alcan du portefeuille de M [C] est également établi. A partir de ces éléments, M [C] soutient mais toutefois sans en justifier que la redistribution des portefeuilles clients lui aurait été préjudiciable en ce que M. [J] lui aurait retiré l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé au titre des clients Air liquide et Groupe Alcan sur toute l'année et ne lui aurait reversé en compensation le chiffre d'affaire des clients Hygena et RTE que sur le seul mois de septembre 2012.
L'absence de réponse de M. [J] aux doléances et de demandes d'explication sur la nouvelle répartition des portefeuilles clients, adressées par de nombreux courriels de M [C] à son supérieur hiérarchique du 8 au 23 novembre 2012 est établie, n'étant que partiellement contredite par la production des réponses apportées par l'employeur à plusieurs des interrogations du salarié.
Il est également établi que M. [J] a demandé à M. [C] de se rendre à [Localité 4] (59) en rendez vous client le 27 novembre 2012 ("merci de noter le RDV. Le 27/11.2012 Mr [O] [Localité 4] à 14 H 30"), alors que le médecin du travail avait émis, lors d'une visite de reprise du 26 septembre 2012, un avis d'aptitude avec réserves en ces termes "apte avec aménagement de poste, éviter déplacements VL prolongés, à revoir dans 2 mois".
M. [C] produit par ailleurs également des certificats médicaux établis par son médecin traitant et un médecin psychiatre qui indique, le 27 juin 2013, que le salarié "présente un syndrome anxio-dépressif réactionnel sévère avec répercussion somatique et comportementale. Il y a une nécessité réelle de prise en charge psychothérapique et une adaptation de son traitement médicamenteux; il me semble tout à fait nécessaire, vu le contexte professionnel de surseoir à une reprise de son activité professionnelle dans l'immédiat en raison de risques potentiels de passages à l'acte auto et altero-agressif", ainsi qu'une lettre du médecin du travail du 27 novembre 2012 indiquant "Cher confrère, je vois ce jour à sa demande M. [C] qui a fait une tentative de reprise de travail il y a 2 mois. La situation professionnelle est vécue comme particulièrement stressante avec crise d'angoisse, trouble de concentration et du sommeil malgré son traitement. Je préfère poser ce jour une inaptitude temporaire". La cour constate toutefois qu'à la suite d'une visite de contrôle du médecin conseil en date du 26 mars 2013, la CPAM a considéré que l'arrêt de travail de M. [C] n'était plus médicalement justifié et a informé le salarié qu'il ne percevrait plus d'indemnités journalières à compter du 31 mars suivant.
Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble que si les difficultés professionnelles de M. [C] sont manifestes avec un ressenti de souffrance au travail exprimé auprès des médecins consultés, le salarié n'établit pas l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral qui n'est donc pas établi. Le jugement qui a rejeté la demande indemnitaire à ce seul titre sera donc confirmé.
Cependant, en demandant à son salarié de se rendre à [Localité 4] dans la banlieue de [Localité 5] en rendez vous client le 27 novembre 2012, en violation des préconisations du médecin du travail qui, le 26 septembre 2012, avait contre-indiqué les "déplacements VL prolongés" et en ne donnant pas de suite aux alertes émanant à la fois de M. [C] par courriel du 21 novembre 2012 adressé à M. [G] [B], directeur commercial de la SCS CHUBB France, accompagné en pièce jointe d'une note récapitulative des difficultés rencontrées avec M. [J], en ces termes "Veuillez trouver en annexe jointe, la note explicative que j'ai laissé à [S] [S] lors de notre rdv d'hier à [Localité 3]. Vous y retrouverez la chronologie des faits expliquant l'origine de mon absence pour maladie depuis plusieurs mois", et des représentants du personnel demandant des informations relatives au salarié auxquels la direction a répondu qu'elle ne pouvait transmettre la fiche de poste individualisé et le statut d'une personne précise en sollicitant davantage d'explications sur les motivations de la question, précisant "les élus rencontrent un problème au niveau du service des Comptes Clés. Nous avons à ce jour plusieurs personnes absentes (maladie) la situation a été identifiée par D. [Z]", la SCS CHUBB FRANCE qui a laissé le salarié face à des difficultés dont elle connaissait l'existence, a manqué à son obligation de sécurité de résultat.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande indemnitaire sur ce seul fondement et de condamner la SCS CHUBB FRANCE à verser à M. [C] la somme de 4.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'intéressé.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
" [...] nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement en raison de la désorganisation de l'entreprise du fait de votre absence et de la nécessité de vous remplacer définitivement.
Vous travaillez dans notre société depuis le 13 décembre 1999 et occupez aujourd'hui la fonction de Vendeur Grands comptes.
Votre absence, depuis le 28 novembre 2012, entraîne une désorganisation de l'entreprise:
- importante surcharge de travail , de fatigue et de stress pour les salariés amenés à reprendre les dossiers que vous gériez (prise de rendez vous, gestion des dossiers, suivi de la facturation, etc.) Avec un risque de ne pas pouvoir satisfaire les demandes des clients (certains clients se sont déjà plaints d'une dégradation du service, un client a même déférencé la société sur certains départements qu'il nous avait confié) et un risque, pour ces salariés, de ne pas atteindre leurs objectifs et de ne pas percevoir leurs primes de résultats;
- impossibilité, également, pour ces salariés de prospecter de nouveau clients comme le requiert pourtant leur mission, ce qui génère des conséquences sur le chiffre d'affaires de la société et les objectifs qui leurs sont fixés.
Compte tenu de l'importance et de la nature des fonctions que vous occupez et des conséquences de votre absence sur la société qui s'en trouve désorganisée, il ne nous est pas possible de procéder à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant du service. Il est donc nécessaire de procéder à votre remplacement définitif.
L'ensemble des explications et commentaires que vous nous avez fournis lors de l'entretien du 23 juillet 2013 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre absence de longue durée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise".
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Des absences répétées pour cause de maladie ne peuvent justifier un licenciement que si elles entraînent des perturbations qui rendent nécessaire le remplacement définitif du salarié.
*
L'absence du salarié pendant plus de 15 mois du 10 avril 2012 jusqu'à son licenciement le 21 août 2013 est établie et non contestée.
La désorganisation de l'entreprise, du fait de l'absence du salarié, liée à la nécessité de répartir le suivi des client de M. [C] entre ses collègues, augmentant ainsi leur charge de travail est établie par le courriel de M. [T] [V], salarié de la SCS CHUBB FRANCE, en date du 22 juillet 2013, alertant sa hiérarchie en ces termes : "j'attire votre attention sur la surcharge de travail que génère l'absence de notre collègue M. [C] sur mon quotidien. Je gère déjà un très grand nombre de clients multi-site suivis sur les facturations, rendez vous clients, négociation relation agence, etc... en plus de mon quotidien j'ai pris en charge une partie des clients de M. [C] pour maintenir une relation et un suivi commercial. Cela perturbe mon organisation et j'accumule des retards dans le suivi de mes dossiers clients. Cela me stresse et me fatigue, me pèse énormément en fin de journée. Mais ce qui me frustre le plus, est que je n'ai plus le temps nécessaire pour réaliser de la prospection qui est un élément important dans notre mission des comptes clés. La non-réalisation de nouveaux clients me pénalise sur ma rémunération; - perte de prime nouveaux clients, - perte de prime d'objectif mensuel dû à la perte de CA,- perte de prime trimestrielle. Il est primordial de remplacer cette personne ou d'envisager une autre solution", ainsi que par la lettre de M. [Q] [N], également salarié de la société, adressée à la responsable des ressources humaines, indiquant notamment "Depuis plus de 16 mois, bien qu'ayant à plusieurs reprises signalé suite à l'absence de M. [C] qu'il existe une risque physique et psychique pour l'ensemble des Comptes Clés Portables, en effet, nous devons supporter une surcharge de notre travail ainsi que de notre objectif et d'un grand manque de temps afin de pouvoir réaliser l'ensemble de nos obligations, tel que la prospection. Pour le travail nous avons dû, afin de ne perdre les clients précédemment en gestion par M. [C] au nom de Sicli prendre la totalité de la charge, soit une surcharge de 25% car notre équipe est composée de quatre membres à ce jour. L'objectif lui est passé à 35 millions d'euros pour quatre, soit aussi une surcharge et un risque de la perte de notre variable, celui-ci étant basé sur un objectif d'une équipe comptes clés Sicli et ne varie pas par manquement de personnel.[...]Nous subissons aussi une perte directe de notre variable car nous avons de plus en plus de mal à effectuer de la prospection[...]".
Les conséquences sur le chiffre d'affaire de la société résultant nécessairement de cette désorganisation et de l'impossibilité pour les salariés de consacrer suffisamment de temps à leur mission de prospection du fait du suivi des clients de leur collègue absent, sont ainsi démontrées, peu important que des restructurations et changements de direction au sein de la société soient intervenus par ailleurs.
Le remplacement définitif de M. [C], rendu nécessaire compte de l'importance et de la nature des fonctions qu'il exerçait en qualité de "vendeur comptes clés nationaux", est établi par la promotion en interne de M. [N] [A] sur le poste du salarié licencié, suivant avenant du 30 octobre 2013 à son contrat de travail du 1er février 2010, le salarié passant de l'indice 100 à l'indice 108 qui était celui de M. [C], et par le remplacement de M. [A] par l'embauche de M. [O] [U] par contrat de travail à durée indéterminée du 28 mars 2014, le remplacement étant intervenu dans un délai raisonnable après le licenciement de M. [C].
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le licenciement de M. [C], intervenu en raison de ses absences répétées pour cause de maladie ayant entraîné des perturbations rendant nécessaire son remplacement définitif, est fondé sur une cause réelle et sérieuse ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée à ce titre.
Sur les demandes de rappel de salaires
M. [C] sollicite un rappel de salaires de 10.000 € pour l'année 2012, calculé sur le montant de ses rémunérations en 2011, outre les congés payés afférents, au motif que du fait des agissements fautifs de M. [J], il aurait été privé de la part de sa rémunération liée à la réalisation de ses objectifs qu'il n'a pu atteindre.
Le comportement fautif de M. [J] n'étant pas démontré, il convient de débouter M. [C] de ce chef de demande.
M. [C] sollicite également un rappel de salaires pour la période de mars à août 2013 et les congés payés afférents au motif qu'en raison des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, il aurait été arrêté pour raisons médicales et privé injustement d'indemnités journalières à la suite de la décision de la CPAM.
Il n'est cependant nullement établi que la décision de la CPAM, en mars 2013, de cesser les versements d'indemnités journalières au profit du salarié soit imputable à l'employeur.
M. [C] doit donc être débouté de ses demandes de rappels de salaire.
Sur les autres demandes
Aucune circonstance ne justifie de faire procéder à l'affichage de l'arrêt à intervenir dans les locaux de la SCS CHUBB FRANCE.
La SCS CHUBB FRANCE supportera les dépens et sera condamnée à verser à M. [C] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement de M. [R] [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté celui-ci de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, de rappels de salaires et de dommages et intérêts pour absences de ressources entre mars et août 2013;
INFIRME le jugement déféré pour le surplus;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SCS CHUBB FRANCE à payer à M. [R] [C] la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat;
DÉBOUTE M. [R] [C] du surplus de ses demandes;
CONDAMNE la SCS CHUBB FRANCE à verser à M [R] [C] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SCS CHUBB FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT