RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 31 AOÛT 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05274 CB
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/00500
APPELANTE
Madame [O] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de M. [T] [E] [U] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE
SARL LA CHOPE DES VOSGES
[Adresse 3]
[Adresse 2]
représentée par M. [T] [T] (Délégué syndical patronal)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine BRUNET, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoît DE CHARRY, Président
Madame Catherine BRUNET, Conseillère
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Greffier : Mme Eva TACNET, greffière lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [O] [P] a été engagée par la société LA CHOPE DES VOSGES en qualité de serveuse à trois reprises au cours de la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 puis un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel a été conclu le 1er février 2014, Madame [P] étant engagée en la même qualité.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
La société LA CHOPE DES VOSGES occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par lettre en date du 12 septembre 2014, Madame [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Sollicitant la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, des rappels de salaire et des dommages et intérêts, Madame [O] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 24 mars 2015 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a requalifié le contrat à durée déterminée de Madame [O] [P] en contrat à durée indéterminée à temps complet et a :
- condamné la SARL LA CHOPE DES VOSGES à payer à Madame [O] [P] les sommes suivantes :
* 1448,45 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 154,44 euros au titre de l'indemnité de nourriture,
avec intérêts au taux légal de ces sommes à compter de la date de prononcé du présent jugement,
* 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SARL LA CHOPE DES VOSGES de remettre à Madame [O] [P] les documents sociaux conformes au présent jugement,
- rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer en application de l'article R 1454-28 du code du travail (bulletins de paie, certificat de travail...) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées aux articles R 1454-28 et R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités,
- débouté la SARL LA CHOPE DES VOSGES de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens de l'instance,
- débouté Madame [O] [P] du surplus de ses demandes.
Madame [O] [P] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 26 mai 2015.
Madame [O] [P] soutient que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, que plusieurs rappels de salaire lui sont dus et que la rupture du contrat de travail n'a pas été conforme. A l'audience, elle a demandé à la cour que l'on retienne le caractère abusif de la rupture du contrat de travail.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris au titre de la requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et son infirmation pour le surplus. Elle demande à la cour de :
- condamner la société à lui payer la somme de :
* 11 648,96 euros net au titre de l'indemnité de requalification,
* 1 164,89 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 11 648,96 euros brut au titre des salaires du 02 novembre 2013 au 15 septembre 2014 :
* 1 164,89 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 326,20 euros brut au titre des indemnités de nourriture et petits déjeuners,
* 32,62 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 70,88 euros brut au titre de l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage,
* 7,08 euros brut à titre d'indemnité de congés payés,
* 8 200 euros à titre de dommages et intérêts pour les retards de paiements de ces salaires,
* 1 781,53 euros à titre d'indemnité pour l'inobservation de la procédure de licenciement,
* 1 781,53 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 178,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 341,45 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 10 689,18 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle demande en outre à la cour d'ordonner à la société de lui remettre un bulletin de paie conforme en rapport aux différentes condamnations salariales, un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI conformes sous astreinte journalière de 50 euros par document et de condamner la société à lui payer 1 500 euros pour le remboursement des frais d'actions et d'instances. Enfin, elle demande à la cour de condamner la société au paiement d'intérêts au taux légal à compter du jour de la notification du jugement, pour les demandes connues d'elle, ceci en matière prud'homale et d'intérêts au taux légal à compter du jour de la notification de la décision de la Cour d'Appel de Paris, pour les nouvelles demandes, ceci en matière prud'homale,
outre le paiement des dépens. Elle sollicite aussi le débouté de la société de ses demandes reconventionnelles.
En réponse, la société LA CHOPE DES VOSGES fait valoir que les contrats d'extras ne doivent pas être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, qu'aucun rappel de salaire n'est dû et que la rupture du contrat de travail don't elle a pris acte produit les effets d'une démission.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [P] de ses demandes et son infirmation en ce qu'il est entré en voie de condamnation à son encontre et elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires et de la condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet
Il est établi par les bulletins de salaire versés aux débats et par les dires des parties que Madame [P] a été engagée pendant les périodes du 2 novembre au 24 novembre 2013, du 7 au 29 décembre 2013 et du 1er au 31 janvier 2014 sans qu'aucun contrat de travail ne soit signé. Les bulletins de salaire ne précisent pas les jours de travail mais Madame [P] indique qu'elle a travaillé 4 jours en novembre, 4 jours en décembre et 9 jours en janvier.
Madame [P] soutient que ces contrats " d'extra" qui constituent des contrats de travail à durée déterminée doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à défaut d'écrit. Elle souligne qu'elle s'est maintenue à la disposition de la société.
La société LA CHOPE DES VOSGES fait valoir qu'il n'y a pas lieu à requalification alors que Madame [P] reconnaît avoir été engagée en qualité d'extra à temps partiel, le recours à ce type de contrat d'usage étant prévu par la convention collective. Elle ajoute qu'il appartient à Madame [P] de justifier du bien-fondé de sa demande au titre d'un temps complet ce qu'elle ne fait pas, que l'absence d'écrit n'instaure qu'une présomption simple d'un travail à temps complet et qu'elle ne peut pas prétendre s'être maintenue à la disposition de son employeur. Enfin, elle soutient que le contrat de travail ne peut pas être requalifié en un contrat de travail à temps complet à compter du 1er février 2014, date du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.
Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).
Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.
En l'espèce, Madame [P] a été engagée au cours de la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 sans qu'un contrat de travail écrit soit établi. L'absence de contrat de travail à durée déterminée écrit même pour les contrats dits d'usage, entraîne la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée.
Si en cas de requalification d'une série de contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, il appartient au salarié d'établir qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant les périodes interstitielles pour obtenir le paiement des salaires correspondants, il n'en va pas de même en l'absence totale d'écrit.
En effet, en l'espèce, il y a lieu de considérer que Madame [P] a été employée pendant la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 par un contrat de travail à durée indéterminée non écrit.
Il résulte de l'article L 3123-14 du code du travail que le contrat de travail à temps partiel doit être écrit.
L'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel fait présumer que ce dernier a été conclu pour un horaire à temps complet. Cette présomption étant simple, l'employeur peut la renverser en prouvant que tous les éléments de fond du contrat à temps partiel sont réunis : durée exacte du travail et répartition sur la semaine ou sur le mois. S'il ne rapporte pas cette preuve, l'employeur doit alors apporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Il n'appartient donc pas à Madame [P] de démontrer qu'elle s'est maintenue à la disposition de la société comme l'employeur le prétend. La société LA CHOPE DES VOSGES produit aux débats un document qu'elle nomme registre des salaires versés à la salariée. Il s'agit de photocopies de feuilles portant en tête "[O]", prénom de la salariée, comportant pour le mois de novembre et décembre, des dates, des heures et une somme correspondante. Ces documents ne comportent pas la signature de Madame [P] et ils ne coïncident pas avec les bulletins de paie puisque le bulletin de salaire du mois de novembre 2013 mentionne 64 heures de travail, alors que ce document pour le même mois mentionne au moins 94 heures de travail, une mention n'étant pas lisible. Il en va de même pour le mois de décembre 2013 puisque le bulletin de salaire mentionne 64 heures de travail alors que ce document mentionne 149,5 heures de travail. Enfin, aucun document n'est produit pour le mois de janvier 2014. Le document produit constitue tout au plus un relevé de paiement non authentifié, non signé par la salariée et ne correspondant pas aux bulletins de salaire produits. Il ne comporte aucune précision sur la répartition des horaires et la société ne produit aucun élément fixant les horaires de la salariée comme un planning ou même un affichage d'horaires avec le nom des salariés. Enfin, elle ne produit aucun élément démontrant que la salariée n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas obligée de se tenir constamment à sa disposition.
Dès lors, la relation contractuelle au cours de la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 sera requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Par le contrat en date du 1er février 2014, les parties ont convenu d'un travail à temps partiel de sorte que la requalification à temps complet du contrat de travail à durée indéterminée ne concerne que la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014.
L'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.
Il convient donc de prendre en compte le salaire correspondant à un travail à temps complet.
Il sera alloué à ce titre à Madame [P], compte tenu de son ancienneté et des circonstances de l'espèce telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, une indemnité de 1 781,53 euros.
La décision des premiers juges sera infirmée quant au montant de l'indemnité de requalification.
L'indemnité de requalification n'ayant pas une nature de salaire, elle ne génère pas une indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Madame [P] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur le rappel de salaire
Madame [P] sollicite un rappel de salaire sur la base d'un travail à temps complet pour l'ensemble de la période d'emploi.
La société LA CHOPE DES VOSGES fait valoir qu'en tout état de cause, Madame [P] a travaillé à temps partiel à compter du 1er février 2014.
Le rappel de salaire au titre d'un travail à temps complet est dû pour la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 car l'employeur aurait dû fournir à la salariée un travail à temps complet.
Il est donc dû à ce titre à Madame [P] la somme de 2 508,95 euros (5 344,59 euros - 2 835,64 euros) à titre de rappel de salaire outre la somme de 250,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Sur les indemnités nourriture et petit-déjeuners
Madame [P] soutient qu'elle doit être indemnisée de trois repas par jour, petit-déjeuner, déjeuner, dîner, quelque soit son temps de travail. Elle fonde son argumentation sur la convention collective et les arrêtés Croizat.
En réponse, la société LA CHOPE DES VOSGES soutient que ces arrêtés sont tombés en désuétude et qu'il convient de se référer à la circulaire du 9 mars 1990 qui prévoit que l'obligation de l'employeur n'existe que si l'entreprise est ouverte au moment des repas et que le salarié est présent lors de ceux-ci. Elle ajoute qu'en vertu d'un usage de la profession, si le salarié travaille plus de 5 heures, il a droit à deux repas. Elle en déduit que, compte tenu des horaires de Madame [P], celle-ci avait droit à deux repas dont elle a bénéficié.
L'obligation de nourriture du personnel des hôtels, cafés, restaurants prévue par l'article 7 de l'arrêté du 22 février 1946 dit "arrêté Croizat", ne s'applique que si l'entreprise est ouverte à l'heure normale du repas et pour autant que les salariés soient présents dans l'entreprise au moment du repas du personnel et de la clientèle, peu important l'existence d'un éventuel usage de la profession ou de conditions particulières de travail.
Pour la période du 1er février 2014 à la rupture du contrat de travail, Madame [P] travaillait de 10 heures à 18 heures 30 et il ressort de ses bulletins de paie, qu'elle a perçu un avantage repas et une indemnité nourriture par jour soit l'indemnisation de deux repas de sorte qu'elle a été remplie de ses droits.
Pour la période antérieure, elle ne soutient pas avoir travaillé au moment du petit déjeuner. Il ressort de ses bulletins de paie qu'elle a perçu pour ces jours de travail un avantage repas et une indemnité nourriture correspondant également à deux repas de sorte qu'elle a été remplie de ses droits pour les jours payés en temps utile par l'employeur. Dans le cadre de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée pour la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014, la cour lui a alloué un rappel de salaire incluant à sa demande un avantage repas et une indemnité nourriture par jour travaillé de sorte qu'elle a été remplie également de ses droits.
Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera infirmée.
Sur l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage
Madame [P] soutient qu'elle devait porter une tenue et sollicite à ce titre une indemnisation de son temps d'habillage et de déshabillage sur le fondement de l'article 7 de l'avenant n°2 de la convention collective ce, prorata temporis.
En réponse, la société fait valoir que Madame [P] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle devait porter un uniforme et qu'au contraire son contrat de travail stipule qu'elle devait simplement avoir une tenue correcte.
Il résulte de l'article 7 de l'avenant n°2 de la convention collective que l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage n'est due que si le port d'une tenue est imposé.
Madame [P] ne produit aucun élément à l'appui d'une obligation de porter une tenue imposée par l'employeur. En outre, le contrat de travail stipule : " Compte tenu de la nécessité pour l'entreprise de conserver sa bonne image de marque, vous vous engagez à porter en toutes circonstances une tenue correcte et de bon aloi." Il en ressort clairement que Madame [P] n'avait pas l'obligation de revêtir une tenue imposée par l'employeur.
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dommages et intérêts au titre du retard de paiement de ces salaires
Madame [P] soutient que "nul ne doit s'enrichir injustement aux dépens d'autrui" et que la société a manqué à ses obligations contractuelles.
La cour a débouté la salariée de ses demandes au titre des repas et de sa tenue. En outre, elle ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par les intérêts moratoires afférents au rappel de salaire octroyé au titre d'un temps complet pour la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014.
Madame [P] sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
Madame [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre en date du 12 septembre 2014 en ces termes :
" (...) A la suite réception de la lettre du 18 juillet 2014 et après avoir été renseignée sur mes droits, je tiens à vous informer que je ne peux accepter votre proposition d'augmenter la durée de mon temps de travail. Ceci est une modification substantielle de notre contrat de travail a durée indéterminée, du 1er février 2014, à temps partiel. D'ailleurs, vous ne m'avez pas indiqué, par écrit, la durée de votre proposition. Votre intention ne correspond pas à mon souhait. Devant mon refus, il vous appartient d'en prendre acte et d'en tirer toutes les conséquences.
Je tiens à vous rappeler que, depuis mon arrêt maladie du 27 juin 2014, vous n'avez toujours pas rempli et retourné le document que je dois transmettre à la Caisse Primaire d'Assurances Maladie.
Cette situation me cause un préjudice certain. C'est un motif légitimant la rupture, abusive, de notre contrat de travail de votre propre fait. Il vous appartient de régulariser cette situation, à rnoins que vous ne m'ayez pas déclaré à l'URSSAF '
Je tiens à vous rappeler qu'a1ors que nous avons un contrat de travail à temps partiel, vous m'avez fait travailler plus que la législation vous l'autorise. Vous devez me rémunérer en conséquence (*).
Ceci est sanctionnable pénalement.
De plus, vous ne me fournissez plus de bulletins de paie, ceci depuis le 31 mai 2014, alors que vous me fournissez, journalièrement, l'équivalent de l0,00 € par heure de travail. I1 s'ensuit qu'il s'agit du travail dissimulé, donc sanctionnable pénalement.
J'ajoute qu'alors que mes bulletins de paie font état de paiements par chèque, je n'ai aucune trace sur mon compte bancaire. Veuillez me démontrer le paiement de ceux-ci.
Veuillez noter que toutes ces inobservations de vos obligations m'obligent à constater la rupture de notre contrat de travail à la charge de votre Société.
De plus, j'ajoute que différentes situations, non conformes à l'exécution d'un contrat de travail, m'ont mise dans plusieurs situations stressantes. Ce qui a fait que, par réactions allergisantes, j'ai eu des boutons, notamment, sur mon visage.
Dans la mesure où vous ne voulez pas me fournir le document de la C.P.A.M., ainsi que le solde de mes salaires, avec, notamment, un bulletin de paye, je serais contrainte de faire saisir la Juridiction prud'homale.
Dans la mesure où vous souhaiteriez régler ce litige par une transaction, veuillez m'indiquer vos intentions, ainsi que vos prétentions, sinon par une rupture conventionnelle de notre contrat de travail. (...)".
Madame [P] reprend en page 2 de ses écriture des éléments de cette lettre. Elle demande que la rupture du contrat de travail soit considérée comme abusive. Dans ses écritures, elle soutient que la procédure de licenciement est irrégulière et que cela entraîne que les indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont dues.
La société LA CHOPE DES VOSGES fait valoir que Madame [P] ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir respecter la procédure de licenciement alors qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, que la salariée ne développe pas les griefs énoncés dans sa lettre de prise d'acte, qu'en tout état de cause, ces griefs n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail et que les nouveaux griefs formulés par la salariée dans le cadre de la présente procédure de la justifient pas plus.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte de rupture du contrat de travail permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. La lettre de prise d'acte ne fixe pas les limites du litige et il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur. Si les faits invoqués justifiaient la prise d'acte, la rupture produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, à défaut, d'une démission.
La société n'a pas procédé au licenciement de la salariée de sorte que Madame [P] sera déboutée de sa demande au titre d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. En tout état de cause, un tel non-respect ne rend pas abusive la rupture du contrat de travail.
Madame [P] ne développe pas de moyens dans le cadre de la présente procédure quant aux manquements allégués dans la lettre de prise d'acte et ne produit pas d'éléments à l'appui des griefs qu'elle invoque. Elle ne développe pas non plus de moyens quant à la conséquence du non-respect par l'employeur de la réglementation sur les contrats précaires sur la poursuite du contrat de travail et sur la rupture du contrat de travail dont elle a pris acte. En tout état de cause, la relation de travail s'est poursuivie au-delà du 1er février 2014 ce qui démontre suffisamment que la poursuite du contrat de travail n'était pas impossible.
Dès lors, la rupture du contrat de travail dont Madame [P] a pris acte produit les effets d'une démission.
Elle sera déboutée de ses demandes au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le cours des intérêts
Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, le rappel de salaire et l'indemnité compensatrice de congés payés afférents seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, et l'indemnité de requalification allouée sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la remise de documents
Il sera ordonné à la société LA CHOPE DES VOSGES de remettre à Madame [O] [P] un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision.
Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.
Sur les frais irrépétibles
C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à payer à Madame [O] [P] la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.
La société sera condamnée en outre à lui payer la somme de 500 euros pour la procédure d'appel au même titre.
Sur les dépens
Partie succombante, la société LA CHOPE DES VOSGES sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a requalifié la relation contractuelle du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014 en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la société LA CHOPE DES VOSGES à verser à Madame [O] [P] la somme de :
- 1 781,53 euros à titre d'indemnité de requalification,
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la société LA CHOPE DES VOSGES à payer à Madame [O] [P] la somme de :
- 2 508,95 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 2 novembre 2013 au 31 janvier 2014,
- 250,89 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes,
Déboute Madame [O] [P] de sa demande au titre d'une indemnité de nourriture-petits- déjeuners,
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Ajoutant,
Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,
Ordonne à la société LA CHOPE DES VOSGES de remettre à Madame [O] [P] un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne la société LA CHOPE DES VOSGES à payer à Madame [O] [P] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne la société LA CHOPE DES VOSGES au paiement des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT