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29/07/2016 | FRANCE | N°15/02693

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 29 juillet 2016, 15/02693


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 JUILLET 2016



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02693



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/09108





APPELANTS



Monsieur [R] [A]

Né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2

]



Représenté par Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1938



Madame [K] [T]

Née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 2]





Représentée pa...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 29 JUILLET 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/02693

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 12/09108

APPELANTS

Monsieur [R] [A]

Né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1938

Madame [K] [T]

Née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1938

INTIMEE

CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) , venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA), venant elle-même aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA)

RCS PARIS B 379 502 644

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-François PUGET de la SELARL C.V.S., avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Caroline FEVRE, Conseillère, et Madame Muriel GONAND, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique LONNE, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique LONNE, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

****************

Selon une offre préalable de prêt acceptée le 7 juin 2006, le Crédit Immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA) a consenti à Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] un prêt d'un montant de 190.000 euros, remboursable en 240 mois avec intérêts au taux de 4,50 %, destiné à financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement d'un appartement à usage locatif situé à [Adresse 4].

S'estimant victimes d'une fraude organisée par la société Apollonia qui les a démarchés pour leur proposer des investissements immobiliers défiscalisant, les notaires et les banques prêteuses, Monsieur [A] et Madame [T] ont cessé de régler leur prêt en 2010 après avoir porté plainte entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille en avril 2009 et fait assigner la société Apollonia, les notaires et les banques en responsabilité au civil devant ce tribunal par actes du 29 mai 2009.

Les échéances du prêts étant impayées, le CIFRAA a prononcé la déchéance du terme le 21 février 2012.

Par actes d'huissier en date du 27 mars 2012, le CIFRAA a fait assigner Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] en paiement.

Par jugement en date du 20 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les exceptions de nullité et la demande de communication du dossier pénal, condamné Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] à payer au CIFRAA la somme de 203.627,38 euros avec intérêts contractuels de 4,50 % et celle de 12.500,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2012, rejeté toutes autres demandes, condamné Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] aux dépens.

La déclaration d'appel de Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] a été remise au greffe de la cour le 5 février 2015.

Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 11 avril 2016, Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] demandent, au visa des articles 4 du code de procédure pénale, 1109 et suivants du code civil, 1147 et 1382 du code civil et L.312.10 et L.312-33 du code de la consommation, de:

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive dans le dossier « Apollonia »,

- rejeter la demande de litispendance formulée par le CIFRAA,

- dire que le prêt qui leur a été consenti par le CIFRAA est nul et de nul effet,

- débouter le CIFRAA de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le CIFRAA au paiement de la somme de 220.000 euros en réparation de leur préjudice et dire que, le cas échéant, tel expert sera désigné avec mission d'évaluer leur préjudice,

- ordonner la compensation entre les sommes dues le cas échéant par les parties,

et, plus subsidiairement,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels du CIFRAA,

- constater que le CIFRAA ne produit pas un décompte apuré des intérêts, et que le montant de sa prétendue créance n'est pas rapporté,

- débouter le CIFRAA de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le CIFRAA au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 8 avril 2016, le Crédit immobilier de France Développement (CIFD), venant aux droits du Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (CIFRAA), demande la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant de la condamnation des consorts [A]-[T] à la somme de 203.627,38 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,50 % e celle de 12.500,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2012 et à la cour statuant à nouveau de :

In limine litis,

Sur la demande de sursis à statuer des appelants

- constater que la cour d'appel n'est pas compétente pour statuer sur la demande de sursis à statuer,

- constater que la procédure pénale de l'affaire Apollonia n'aura pas d'incidence sur la présente procédure de sorte qu'un sursis à statuer serait inopportun et contraire à une bonne administration de la justice,

- juger que la demande de sursis à statuer est irrecevable et mal fondée,

Sur l'exception de litispendance,

- constater la situation de litispendance entre les demandes présentées successivement devant le tribunal de grande instance de Marseille et la cour d'appel de Paris par les consorts [A]-[T] tendant à engager sa responsabilité,

- se dessaisir de la demande reconventionnelle des consorts [A]-[T] au profit du tribunal de grande instance de Marseille,

Sur sa demande en paiement

- juger irrecevable la demande de nullité formée par les consorts [A]-[T] et subsidiairement la dire mal fondée,

- débouter les consorts [A]- [T] de leur demande de nullité du prêt,

- constater que la créance qu'elle détient sur les consorts [A]-[T] est certaine, liquide et exigible tant dans son principe que dans son montant,

- constater que l'indemnité contractuelle se calcule sur le capital restant dû et les échéances impayées,

- condamner les consorts [A]-[T] à lui payer la somme de 203.627,38 euros avec intérêts au taux de 4,50 % à compter du 21 février 2012,

- condamner les consorts [A]-[T] à lui payer la somme de 12.500,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2012,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner les consorts [A]-[T] à lui payer la somme de 20.000 euros en réparation de son préjudice financier,

- condamner les consorts [A]-[T] à lui payer la somme de 5.000 euros en raison de leur résistance abusive,

En tout état de cause,

- débouter les consorts [A]-[T] de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement les consorts [A]-[T] à lui payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2016.

SUR CE,

Considérant qu'au soutien de leur appel, Monsieur [A] et Madame [T] expliquent qu'ils sont respectivement ingénieur et architecte et qu'ils ont ensemble un revenu annuel de l'ordre de 76.000 euros ; que, dans le courant de l'année 2006, ils ont été démarchés par la société Apollonia et qu'elle les a convaincus qu'elle pouvait leur assurer une retraite dorée par la biais d'investissements immobiliers, le plus souvent sous le statut de loueur meublé professionnel, garantis sans risques et sans apports personnels ; qu'il leur a été dit que les charges seraient compensées grâce aux avantages fiscaux induits par ce montage et aux loyers versés par les locataires ayant contracté avec les sociétés de gestion exploitant les résidences ; qu'il leur a été indiqué par la société Apollonia qu'elle était le partenaire de différents groupes bancaires, notamment du Crédit Immobilier de France et que les financements seraient obtenus sans difficulté et qu'elle avait l'habitude de travailler avec des notaires ; qu'ils ont ainsi signé six contrats préliminaires de vente le 16 juin 2006 pour un montant total de 617.000 euros financés par six prêts souscrits auprès de quatre établissements financiers ainsi que des contrats de baux commerciaux pour l'exploitation des biens achetés et des procurations aux fins de réitération des ventes par actes authentiques; qu'ils affirment qu'en raison des investissements réalisés, ils sont débiteurs de la somme de 35.000 euros chaque année et que le montage de la société Apollonia est déficitaire ; qu'ils rappellent qu'ils ont adhéré, comme plus de 200 personnes, à une association, l'ASDEVILM, qui a déposé plainte avec constitution de partie civile le 10 avril 2008 auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille pour des faits notamment d'escroquerie, qu'une instruction pénale a été ouverte débouchant sur la mise en examen des principaux dirigeants de la société Apollonia et des notaires ; qu'ils indiquent qu'ils ont assigné les banques prêteuses, les notaires et la société Apollonia par actes d'huissier des 27, 28, 29 mai et 5 juin 2009 devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité et que le tribunal a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ;

- Sur le sursis

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] demandent un sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale définitive devant intervenir dans le dossier dit Apollonia sur le fondement de l'article 4 du code de procédure pénale ; qu'ils soutiennent que leur demande est recevable et qu'elle est liée au fait de pouvoir utiliser le dossier d'information couvert par le secret de l'instruction, qu'il y a une incidence de la procédure pénale sur l'instance civile dès lors que les prêts accordés par le Crédit Immobilier de France sont l'un des moyens de l'escroquerie dont ils ont été victimes ;

Considérant que le CIFD réplique que la demande de sursis à statuer est irrecevable dès lors qu'elle constitue une exception de procédure et relève de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état en application de l'article 771 du code de procédure civile; que, sur le fond, la demande doit être rejetée dès lors qu'il est facultatif et se heurte à une bonne administration de la justice ; qu'il fait valoir que les consorts [A]-[T] sont partie civile dans l'information pénale en cours et peuvent utiliser les pièces du dossier qui leur semblent utile, ce qu'ils font, puisque le secret de l'instruction ne peut pas leur être opposé ; que l'objet des procédures pénale et civile est distinct et que la procédure pénale n'a pas d'incidence sur la demande en paiement des prêts ;

Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles 73, 771 et 916 du code de procédure civile, le magistrat de la mise en état est seul compétent, à l'exclusion de toute formation de la juridiction, pour statuer sur une demande de sursis à statuer ;

Considérant que par ordonnance du 21 mars 2016, le conseiller de la mise en état a déjà statué sur la demande de sursis à statuer des appelants qui n'ont pas déféré cette ordonnance dans les quinze jours de sa date ; qu'ils sont irrecevables à demander une nouvelle fois devant la cour statuant au fond ce même sursis ;

Considérant qu'il convient de déclarer la demande de sursis à statuer formée par les consorts [A]-[T] irrecevable ;

- Sur la litispendance

Considérant que le CIFD se prévaut de l'exception de litispendance et demande que la cour se dessaisisse au profit du tribunal de grande instance de Marseille ; qu'il fait valoir que les consorts [A]-[T] ont fait assigner la société Apollonia, les notaires et les banques devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité en 2009 et qu'elle les a fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Paris en 2012; que dans le cadre de cette instance, les consorts [A]-[T] ont formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ; qu'il y a identité de parties, d'objet et de fondement du litige ; que les conditions de la litispendance prévues par l'article 101 du code de procédure civile sont réunies et que la cour doit se dessaisir au profit de la juridiction saisie en premier ;

Considérant que les consorts [A]-[T] répliquent que le CIFD vise l'article 101 du code de procédure civile relatif à la connexité au lieu de l'article 100 du même code sur la litispendance ; qu'ils font valoir qu'elle ne peut être soulevée que devant la juridiction inférieure lorsque les deux juridictions saisies ne sont pas de même degré sur le fondement de l'article 102 du code de procédure civile ; que cette exception n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ; que la demande est irrecevable ;

Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles 73, 74, 771 et 916 du code de procédure civile, la litispendance qui est une exception de procédure doit être soulevée avant toute défense au fond et relève de la seule compétence du magistrat de la mise en état ;

Considérant que cette demande du CIFD a été formulée pour la première fois devant la cour sans que la juridiction de première instance qui était du même degré que le tribunal de grande instance de Marseille en ait été saisi ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande des consorts [A]-[T] et de déclarer la demande de dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Marseille de la banque irrecevable ;

- Sur la nullité des prêts

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] excipent de la nullité des prêts dont la société GE Money Bank leur demande le paiement pour dol ; qu'ils soutiennent avoir découvert le vice affectant leur consentement au cours de l'été 2009 ; qu'ils soulèvent la nullité par voie d'exception qui est perpétuelle ; que, sur le fond, ils font valoir que les prêts accordés par le CIFD sont un des éléments qui a permis à la société Apollonia d'organiser une escroquerie dont ils sont victimes ; que les représentants d'Apollonia et de la banque ont été mis en examen ce qui confirme l'existence du dol qui a vicié leur consentement recueilli par la société Apollonia ; que l'offre censée avoir été acceptée le 7 juillet 2006 à Paris a été retournée le même jour par enveloppe portant le cachet de Marseille où se trouvait le siège de intervenants du dossier Apollonia ; que le délai de réflexion de 10 jours n'a pas été respecté ; que l'avenant du mois de mars 2007 n'a fait que proroger l'offre de prêt et qu'ils l'ont signé à une date où ils n'avaient pas conscience de l'escroquerie dont ils ont été victimes ;

Considérant que le CIFD réplique que l'exception de nullité ne peut être invoquée tant que la prescription de l'action en nullité n'est pas acquise pour un contrat qui a fait l'objet d'un commencement d'exécution ; que la demande de nullité des prêts est irrecevable en ce qu'elle se heurte à la prescription de l'article 1304 du code civil qui a commencé à courir à compter de la signature de l'offre de prêt pour une demande formée par conclusions du 12 avril 2013 ; que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne rapportait pas la preuve que les emprunteurs avaient connaissance du dol avant le 12 avril 2008 alors qu'ils ont constitué une association avec d'autres emprunteurs le 19 juillet 2007 qui a déposé plainte le 10 avril 2008 ; que la prescription quinquennale est acquise et qu'ils sont irrecevables en leur demande ;

Que, sur le fond, il fait valoir que les appelants évoquent exclusivement les manoeuvres de la société Apollonia ; que le dol doit émaner du cocontractant ; qu'ils ne peuvent pas se prévaloir de leur propre turpitude en lui reprochant d'avoir signé en blanc et rapidement tout un ensemble de documents alors qu'ils ont renseigné et signé la fiche de renseignements bancaire sur leurs revenus et charges ainsi qu'un avenant qui leur a été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mars 2007 reçue le 15 mars suivant et accepté le 27 mars 2007 ; que l'absence de vérification de la situation financière des emprunteurs n'est pas constitutive de manoeuvres et qu'aucune anomalie apparente ne pouvait lui laisser suspecter que les consorts [A]-[T] lui cachaient la réalité de leur endettement ; qu'il n'y a aucun dol prouvé ;

Considérant que la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil de l'action en nullité court, dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts par ceux qui s'en prévalent ;

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] ont demandé la nullité des prêts pour dol par leurs conclusions signifiées le12 avril 2013 ;

Considérant que le CIFD affirme qu'ils avaient nécessairement connaissance des agissements dolosifs allégués avant le 12 avril 2008 sans apporter aucun élément probant faute de justifier que les consorts [A]-[T] ont été membres de l'ASDEVILM dès sa constitution le 19 juillet 2007 et qu'ils se sont portés partie civile dès le 10 avril 2008 avec d'autres emprunteurs ;

Considérant que rien ne démontre que les consorts [A]-[T] ont eu connaissance du dol allégué avant le 12 avril 2008 de sorte que leur demande n'est pas prescrite et est recevable ;

Considérant qu'en application de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Considérant que le dol est une cause de nullité s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation a été contractée ;

Considérant que les appelants invoquent les manoeuvres de la société Apollonia pour les convaincre à signer le prêt en cause qui n'est pas leur cocontractant, reproche au CIFD de s'être contenté des renseignements fournis, mais ne contestent pas avoir signé la fiche de renseignements bancaires qui lui a été remise pour apprécier leurs capacités financières ; que le fait que l'enveloppe de retour de l'offre de prêt porte le cachet de Marseille n'est pas imputable à la banque qui n'a fait que la recevoir ; que la mise en examen de la banque qui a été annulée par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix en Provence du 6 décembre 2012 ne prouve rien ;

Considérant qu'il n'y a aucune preuve d'un dol commis par la banque avec qui ils n'ont eu aucun contact, ni d'une réticence dolosive qui lui serait imputable susceptible de constituer un dol au sens de l'article 1116 du code civil ;

Considérant que les appelants sont mal fondés en leur demande de nullité de l'acte de prêts litigieux ;

- Sur la responsabilité de la banque

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] soutiennent que les règles du code de la consommation n'ont pas été respectées ; que le délai de réflexion de l'article L.312-10 du code de la consommation n'a pas été respecté puisqu'ils n'ont pas pu accepter l'offre le 7 juillet 2006 à Paris et la poster le même jour à Marseille où ils n'habitent pas ; que la sanction des offres irrégulières est la déchéance du droit aux intérêts ; qu'à défaut pour la banque de produire un décompte de sa créance expurgé des intérêts, elle ne justifie pas du montant réclamé et doit être déboutée de sa demande en paiement ;

Considérant que le CIFD réplique que l'offre de prêt est régulière et qu'elle lui a été retournée paraphée, acceptée et signée par les emprunteurs le 7 juillet 2006 ; que le cachet de la Poste sur l'enveloppe de retour fait foi et que les appelants ne peuvent pas soutenir que l'offre a été postée de Marseille à leur insu alors qu'ils l'ont acceptée ; qu'ils ont, en outre, signé et acceptée un avenant à l'offre le 27 mars 2006, ce qui prouve qu'ils ont eu un délai de réflexion suffisant avant d'accepter le prêt ;

Considérant que c'est par d'exacts motifs, que la cour fait siens, que les premiers juges ont considéré que l'offre de prêt émise à Lyon le 23 juin 2006 a été reçue par les emprunteurs le 26 juin 2006 et qu'ils l'ont acceptée le 7 juillet 2006 après l'avoir paraphée sur chaque page et retournée à la banque dans une enveloppe portant un cachet de la Poste des Bouches du Rhône du même jour qui fait foi de la date ; qu'il est indifférent de savoir si ce sont les emprunteurs eux-mêmes qui l'ont postée ou pas ; que le lieu d'expédition de la lettre est sans incidence sur la régularité de l'offre ;

Considérant que les emprunteurs ne contestent pas avoir signés l'offre de prêt émise par le CIFD et paraphés chacune des pages, ce qui valide l'ensemble des mentions qu'elles contiennent et notamment les dates de réception et d'acceptation ; que rien ne vient accréditer et prouver l'affirmation des appelants sur la signature en blanc de l'offre qui se contente de considérations générales contre les banques sans apporter de preuve sur le dossier de prêt litigieux ;

Considérant que le délai de réflexion de 10 jours a été respecté ; que la déchéance des intérêts n'est pas encourue ;

- Sur la responsabilité du Crédit immobilier de France (CIFD)

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] soutiennent que le CIFD a engagé sa responsabilité du fait des agissements de la société Apollonia qui était son mandataire et qui a commis des agissements frauduleux pour les convaincre de souscrire des engagements disproportionnés à la valeur réelle des biens et inadaptés à leur situation;qu'elle a joué le rôle d'intermédiaire entre eux et les banques qui ont adressé les offres de prêt et reçu leur acceptation par son intermédiaire en la rémunérant à cet effet ; que la société Apollonia a accompli de nombreux actes juridiques au nom et pour le compte des banques concernées de sorte qu'elle doit être considérée comme leur mandataire en application de l'article 1984 du code civil ; qu'elle a agi en qualité d'intermédiaire pour le compte des banques qui ont débloqué les fonds prêtés à la suite des démarches qu'elle avait entreprises pour constituer les dossiers, recueillir les informations utiles et faire signer les documents nécessaires à l'opération ratifiant ainsi les actes accomplis ; que le Crédit Immobilier de France est responsable des agissements de son mandataire et de sa propre faute dans le défaut de surveillance de son intermédiaire en le laissant distribuer des crédits excessifs sans aucun contrôle sur ses activités ; qu'ils se prévalent de la consultation réalisée à leur demande par Monsieur le Professeur [P] qui démontre le comportement fautif de la société Apollonia et des banques qui ont accordé des crédits à sa demande ; qu'ils estiment avoir subi un préjudice égal au montant de leur endettement causé par la banque et être fondés à lui en demander réparation ; qu'ils prétendent également que la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde puisqu'elle a établi l'offre de prêt sans avoir aucun contact direct avec eux selon des informations censées être fournies par les emprunteurs malgré des incohérences sur les revenus déclarés au regard des justificatifs joints et des insuffisances sur leurs charges en tenant compte d'une seule charge constituée par leur loyer sans impôts, ni charges locatives et qu'elle leur a accordé des crédits excessifs;

Considérant que le CIFD réplique qu'il n'a jamais eu aucun rapport avec la société Apollonia qui n'était pas son mandataire et est seule responsable des délits qu'elle pourrait avoir commis ; qu'il ignorait tout du comportement frauduleux allégué de la société Apollonia et de l'endettement des emprunteurs auprès des autres banques ; qu'il soutient qu'il a accordé le prêt en cause aux consorts [A]-[T] qui sont des emprunteurs avertis compte tenu de leur expérience des prêts contractés pour devenir loueur de biens immobiliers ; qu'il n'avait aucun devoir de mise en garde à leur égard dès lors qu'ils lui ont caché leur situation réelle et les autres prêts qu'ils avaient déjà souscrits ; qu'il a examiné les renseignements recueillis sur la situation financière des consorts [A]-[T] avant de leur consentir le prêt en cause adapté à leurs capacités afin de faire l'acquisition d'un bien immobilier à usage locatif leur procurant des revenus ; qu'il n'avait pas à vérifier les informations qu'ils lui ont communiqués ; qu'il ajoute qu'il n'y a pas de préjudice démontré par les appelants qui ont contracté plusieurs prêts concomitants confiants dans la réussite de leur projet d'investissement afin d'obtenir des avantages fiscaux et financiers et qui n'auraient pas renoncé à leur projet même s'il les avait mis en garde ;

Considérant que le banquier qui accorde un prêt à un emprunteur non averti a un devoir de mise en garde en cas de crédit excessif ;

Considérant que c'est par d'exacts motifs, que la cour fait siens, que les premiers juges ont considéré qu'il n'y avait aucun manquement du CIFD à son devoir de mise en garde compte tenu de la fiche de renseignements en date du 16 juin 2006 signée par les consorts [A]-[T] mentionnant l'activité professionnelle des emprunteurs, leurs revenus, leurs charges et aucun emprunt immobilier et des justificatifs remis à la banque comprenant leurs bulletins de salaires, leur avis d'imposition, leurs relevés de compte et de leur patrimoine de 16.500 euros démontrant que le prêt de 190.000 euros contracté pour réaliser un investissement immobilier locatif défiscalisant était compatible avec les éléments d'information justifiés portés à la connaissance de la banque qui ne pouvait pas avoir connaissance des autres emprunts souscrits par les consorts [A]-[T] ;

Considérant que les emprunteurs sont eux-mêmes tenus à une obligation de loyauté sur leur solvabilité et ne peuvent pas reprocher à la banque de ne pas avoir tenu compte des autres crédits qu'ils avaient contractés pour un montant total de 617.000 euros qu'ils lui ont dissimulés, ni de s'être abstenue de procéder à des vérifications qui ne s'imposaient pas ;

Considérant que le CIFD est intervenu uniquement en tant que prêteur de deniers et n'avait aucun devoir de conseil sur l'investissement financé par le crédit accordé ; qu'il n'avait pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de ses clients qui ne peuvent pas lui reprocher un manquement à son obligation de conseil sur l'opportunité de réaliser une opération de défiscalisation qu'il n'avait pas initiée et dont il ignorait la globalité ; qu'il n'a pas commis de faute en contractant à distance sans prendre de contact direct avec les emprunteurs ;

Considérant que les appelants produisent une consultation établie à leur demande par Monsieur [P], professeur à l'université [Établissement 1], en date du 29 septembre 2008 qui estime que la qualité de mandataire de la société Apollonia est acquise et que la responsabilité des banques dans les opérations en cause est susceptible d'être retenue, que rien ne s'oppose qu'on retienne la responsabilité des banques à raison des fautes commises par la société Apollonia, intermédiaire, ayant proposé aux emprunteurs les opérations de défiscalisation, que la responsabilité personnelle des banques peut aussi être retenue pour avoir facilité la distribution de crédits excessifs en n'exerçant aucun contrôle sur les activités de cette société ;

Considérant que les conclusions de cette consultation sont fondées sur le postulat que les crédits sont excessifs et que les banques étaient liées par un contrat de mandat avec la société Apollonia ; qu'elle est dénuée de pertinence et de valeur probante dans la mesure où elle concerne la responsabilité des banques dans leur ensemble alors que la responsabilité du CIFD doit être appréciée au regard du prêt de 190.000 euros qu'il a consenti à Monsieur [A] et Madame [T] dans l'ignorance des autres prêts, sans caractère excessif;

Considérant que rien ne démontre que le CIFD, qui reconnaît le rôle d'apporteur d'affaires de la société Apollonia, lui a confié un mandat pour accomplir des actes juridiques en nom et pour son compte et qu'elle l'a rémunérée à cette fin ;

Considérant qu'il ressort au contraire de la chronologie des frais, pertinemment reprise par les premiers juges, que Monsieur [A] et Madame [T] ont été démarchés par la société Apollonia qui s'est chargée pour eux de trouver un financement ; que le CIFD est intervenu pour accorder le prêt après la signature du contrat de réservation du bien destinée à la location en meublée ;

Considérant que la banque n'est pas responsable des agissements de la société Apollonia qui n'est pas son mandataire et n'a pas agi comme intermédiaire de banque et aurait trompé les emprunteurs sur la rentabilité économique de l'opération de défiscalisation et sur les risques encourus, opération que la société Apollonia seule avait proposée aux consorts [A]-[T] en prenant le soin de cacher à chacun des établissements financiers sollicités l'existence d'autres emprunts grevant la solvabilité des emprunteurs qui ne lui ont rien dit non plus ; que la banque ne peut pas avoir ratifié ce qu'elle ignorait ;

Considérant qu'aucun manquement à une obligation de surveillance de la société Apollonia n'est caractérisé dès lors que la banque a vérifié la compatibilité du prêt accordé aux capacités financières des emprunteurs et que rien ne lui permettait d'appréhender la globalité de l'opération réalisée par les consorts [A]-[T] et de déceler une opération douteuse ;

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T] sont mal fondés en leur demande en dommages-intérêts à l'encontre du CIFD ;

- Sur la créance de la banque

Considérant que la créance du CIFD au titre du prêt en cause n'est pas contestée dans son principe et dans son montant ;

Considérant que la banque demande la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.312-23 du code de la consommation, aucune indemnité, ni aucun coût autres que ceux mentionnés aux articles L.312-21 et 22 du même code ne peuvent être mis à la charge des emprunteurs défaillants ;

Considérant que la demande de capitalisation des intérêts doit être rejetée ;

- Sur les autres demandes

Considérant que le CIFD sollicite la condamnation des consorts [A]-[T] à lui payer des dommages-intérêts du fait de leur comportement fautif pour avoir omis de l'informer des autres prêts qu'ils avaient souscrits l'ayant empêché d'apprécier correctement leur solvabilité ; qu'il prétend qu'ils n'ont pas exécuté la convention de bonne foi en obtenant de la banque un financement intégral de leur acquisition immobilière en conservant les loyers du bien sans rembourser le prêt et qu'ils lui ont fait subir un préjudice financier ; qu'il y ajoute une demande en dommages-intérêts pour résistance abusive à lui payer ce qu'ils lui doivent ;

Considérant que le CIFD ne rapporte aucune preuve du préjudice financier qu'il allègue avoir subi du fait de l'octroi d'un crédit impayé aux consorts [A]-[T];

Considérant que le retard de paiement des emprunteurs est déjà réparé par les intérêts moratoires produits par sa créance et la clause pénale appliquée ;

Considérant que les demandes en dommages-intérêts de la banque seront rejetées;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la banque le montant de ses frais irrépétibles d'appel ; qu'il convient de condamner Monsieur [A] et Madame [T] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que Monsieur [A] et Madame [T], qui succombent, supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables la demande de sursis à statuer formée par les consorts [A]-[T] ainsi que l'exception de litispendance soulevée par le CIFD,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] à payer au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Monsieur [R] [A] et Madame [K] [T] aux dépens d'appel avec distraction au profit de l'avocat concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/02693
Date de la décision : 29/07/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/02693 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-29;15.02693 ?
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