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07/07/2016 | FRANCE | N°14/09550

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 07 juillet 2016, 14/09550


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 07 Juillet 2016



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09550 - S 14/09580



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13/01683



APPELANT

Monsieur [Q] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Né le [Date naissance 1] 1949 à [LocalitÃ

© 2]

représenté par Me Valérie BOISGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0357

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/041303 du 22/10/2014 accordée par le bureau d'aide ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 07 Juillet 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09550 - S 14/09580

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juin 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 13/01683

APPELANT

Monsieur [Q] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2]

représenté par Me Valérie BOISGARD, avocat au barreau de PARIS, toque : G0357

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/041303 du 22/10/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAISSE DE RETRAITE DES NOTAIRES RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES NOTAIRES (C.R.V.)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Laurent DELVOLVE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0542

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Vénusia DAMPIERRE, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [W] a exercé la profession de notaire à compter de mars 1983 et il a cédé son étude de notaire, sise à [Localité 5], le 25 mars 1993, l'arrêté du 26 juillet 1993 acceptant sa démission a été publié au journal officiel le 5 août 1993.

Par courrier en date du 20 juin 2002, Monsieur [Q] [W] a sollicité de la Caisse de retraite des notaires (la CRN) qu'elle lui fasse parvenir «un dossier de demande de retraite en raison de l'incapacité de travailler qui [l'] a contraint à cesser [ses] fonctions »

Par lettre en date du 2 juillet 2002, la CRN lui a répondu qu'il restait redevable de cotisations au titre des exercices 1992 et 1993 et que le droit aux arrérages ne pouvait être accordé qu'aux personnes à jour de leurs cotisations.

Monsieur [W] a alors sollicité le 26 juillet 2002, l'exonération totale de ses cotisations pour les années 1992 et 1993, mais la Caisse lui répondu qu'il était hors délais et que l'exonération ne pouvait lui être accordée.

Le 3 février 2004, Monsieur [W] a alors demandé à la CRN de faire application de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 afin d'obtenir la liquidation de la retraite sans minoration pour les handicapés.

La CRN lui a répondu le 13 février 2004 en lui répétant que la liquidation de retraite n'était possible que pour les notaires ayant acquitté leurs cotisations et qu'en outre son inaptitude n'avait pas été reconnue au titre du régime de retraite complémentaire. Elle l'invitait à demander le bénéfice de la prestation de base à 60 ans, et à lui adresser la notification de la reconnaissance de son inaptitude par une autre caisse.

Par courrier en date du 5 octobre 2009, Monsieur [W] a sollicité officiellement la liquidation de sa retraite. Il n'a pas contesté être redevable des cotisations 1992 et 1993 et a demandé à ce qu'elles soient prélevées à due concurrence sur ses arrérages à venir. Il a proposé, s'il ne pouvait toucher de retraite, à ce que la CRN lui restitue le montant total des cotisations versées de 1983 à 1992, assorti des intérêts.

La CRN, lui a répondu en lui rappelant encore une fois qu'aucune retraite ne pouvait être liquidée en cas de cotisations impayées. Elle l'informait de l'arriéré était trop important pour permettre de prélever les cotisations sur sa retraite et que la loi n'autorisait pas le remboursement des cotisations du fait du régime de répartition.

Monsieur [W] a alors fait délivrer à la CRN le 21 juin 2012 une assignation à

comparaître devant le Tribunal de grande instance de Paris qui par ordonnance du juge de la mise en état en date du 12 février 2013 s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.

Monsieur [Q] [W] a sollicité devant ce tribunal :

A titre principal la condamnation de la CRN à:

- lui restituer la somme 13.072,00 € correspondant à la cotisation bénéficiant de l'exonération, versée au premier semestre 1992

- lui payer la somme de 135.330,00 € correspondant à l'arriéré de l'allocation retraite dû depuis le 21 juin 2002 jusqu'au 20 mai 2012

- lui payer à compter du 21 mai 2012, les allocations retraite sous astreinte

A titre subsidiaire la condamnation de la CRN à lui restituer la somme de 262.000,00 € correspondant au montant des cotisations versées depuis 1983

Il demandait en outre 150.000€ au titre de la résistance abusive et 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un premier jugement en date du 6 juin 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a jugé que la CRN ne justifiait pas de titres exécutoires relativement aux quatre contraintes : du 30 juin 1992 pour un montant de 85632,66francs correspondant aux cotisations du 1er trimestre 1992, du 6 janvier 1993 pour un montant de 85741,16francs correspondant aux cotisations du 2ème trimestre 1992, du 20 juillet 1993 pour un montant de 80631,28francs correspondant aux cotisations du 1er trimestre 1993 et du 15 décembre 1994 pour un montant de 76707,26 francs correspondant aux cotisations du 2èmer trimestre 1993 et a rouvert les débats pour que les parties produisent des éléments et précisions.

Par un deuxième jugement en date du 31 janvier 2014, le tribunal a :

- condamné Monsieur [W] à payer à la CRN la somme de 50111,89€ au titre des cotisations (correspondant au montant des quatre contraintes) et 71272€ au titre des majorations de retard.

- débouté Monsieur [W] de sa demande de liquidation anticipée sans coefficient de réduction au motif qu'il ne remplissait pas la condition d'inaptitude au moment de la cessation de ses fonctions

- condamné la CNR à payer à Monsieur [W] son allocation vieillesse et sa retraite complémentaire à compter du 1er décembre 2009 sur la base des cotisations effectivement versées et l'a renvoyé devant la Caisse pour le calcul de ses droits avec intérêts au taux légal à compter de la date théorique de chaque versement mensuel et capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil

- condamné la CNR à payer à Monsieur [W] la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts

- débouté Monsieur [W] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au motif qu'il bénéficiait de l'aide juridictionnelle et la CRN pour un motif d'équité.

Monsieur [W] a fait appel de cette décision le 22 août 2015 enregistré sous le numéro RG 14/09550 et la CNR le 26 août 2014, appel enregistré sous le numéro RG 14/09580.

Monsieur [W] dans des conclusions écrites soutenues à la barre par son avocat demande à la Cour

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la CRN à lui payer son allocation vieillesse et sa retraite complémentaire, avec les intérêts

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 50.111,89€ au titre des cotisations impayées de 1992 et 1993 et 71.272€ de majorations, a refusé l'exonération , a écarté l'inaptitude pour fixer une retraite sans abattement, et a fixé le point de départ de la retraite au 1er décembre 2009

- statuant à nouveau, de condamner la CRN à lui payer la somme de 378.924€ correspondant aux arriérés de retraite depuis le 21 juin 2002 jusqu'au 6 mai 2016 et une pension de retraite de 2256€ mensuels à compter du 6 mai 2016 sous astreinte de 2000€ par jour, de condamner la CRN à lui payer 300.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 150.000€ au titre de la résistance abusive et 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [W] conteste les cotisations des années 1992 et 1993 qui lui ont été réclamées par la CRN : il estime que ces sommes exigibles au plus tard le 1er juillet 1993 sont aujourd'hui prescrites, qu'il a réglé les premiers semestres 1992 et 1993, que les cotisations été mal calculées puisqu'il aurait du être exonéré du fait d'années déficitaires en 1992 et 1993 tout en gardant ses droits à retraite pour cette période, que la fin de son exercice est celle de l'arrêt de destitution devenu définitif soit le 12 septembre 2001, il soutient que s'il devait malgré tout cotiser pour des montants forfaitaires il ne devrait que1200,38€ en 1992 et 1829,39€ en 1993

La CRN dans des conclusions écrites soutenues oralement par son avocat à l'audience du 6 mai 2016, demande à la Cour:

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur [W] son allocation vieillesse et sa retraite complémentaire à compter du 1er décembre 2009, sur la base des cotisations effectivement versées avec les intérêts, et à lui payer la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [W] à payer à la CRN la somme de 50.111,89€ au titre des cotisations impayées de 1992 et 1993 et celle de 71272€ de majorations de retard.

La Caisse soutient que le régime de retraite complémentaire des notaires salariés obéit à des règles auxquelles il n'est pas possible de déroger, que les cotisations ont été calculées conformément aux textes, que les statuts prévoient la possibilité de demander une exonération de cotisations mais qui doit à peine de forclusion, être formulée dans les trois mois suivant la date d'exigibilité de la cotisation alors que Monsieur [W] l'a demandée plusieurs années après et qu'il était forclos. Elle fait valoir en outre que l'intéressé n'a jamais démontré qu'il avait cessé ses fonctions de notaire pour des raisons d'invalidité et que dans la mesure où il a travaillé et cotisé pour d'autres caisses après 1994, il doit justifier de son invalidité auprès de celles-ci.

Il est fait référence aux écritures déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions

MOTIFS

Les deux appels concernant la même décision il convient de joindre les procédures 14/09550 et 14/095580.

Conformément au principe d'autonomie consacré par la loi n° 48-101 du 17 janvier 1948, un régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse a été institué pour tous les notaires de France (Statuts, art. 3 approuvés par A. 28 décembre. 2004), et le régime d'assurance vieillesse complémentaire des notaires a été défini par le décret 49-578 du 22 avril 1949 (modifié notamment par des décrets du 20 octobre 2004 et du 14 décembre 2006), qui a institué une 'cotisation complémentaire destinée à financer un régime d'assurance vieillesse complémentaire fonctionnant à titre obligatoire ».

La CRN bénéficie d'une totale autonomie pour gérer son régime de retraite complémentaire dans la limite dans la limite des statuts du régime d'assurance vieillesse complémentaire de la section professionnelle des notaires ont été approuvés par arrêté du 24 avril 1962, modifiés par les arrêtés du 28 décembre 2004 et du 16 décembre 2013.

Tous ces textes ont valeur légale et la CNR ne peut donc y déroger.

Sur les cotisations 1992 et 1993

Sur la prescription de ces cotisations

"L'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard dues par un employeur ou un travailleur indépendant, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, se prescrit par cinq ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L 244-2 et L 244-3".

Cette prescription obéit aux règles générales de la prescription du code civil.

Ainsi que relevé par la CNR le point de départ de la prescription est celui où la Caisse a connaissance des éléments permettant de calculer les cotisations. En l'espèce, elle a elle-même produit quatre contraintes des 30 juin 1992, 6 janvier 1993 , 20 juillet 1993 et 15 décembre 1994, dates à compter desquelles elle ne peut prétendre ne pas avoir été informée des montants dus.

Ainsi l'ont relevé les premiers juges, la Caisse n'a jamais produit les actes de signification de ces quatre contraintes correspondant aux cotisations de 1992 et 1993 mais a seulement produit des factures d'huissier dont rien n'établit qu'elles correspondent à ces significations et qui ne peuvent remplacer les actes d'huissier eux-même dont la régularité doit pouvoir être vérifiée et qui permettraient seul de donner un caractère exécutoire aux contraintes et de faire courir une nouvelle prescription de 30 ans.

Le seul acte interruptif est le commandement délivré le 5 juillet 1995, pour les cotisations de 1993 seulement, qui a donc refait courir un délai de 5 ans pendant lequel la Caisse n'apporte la preuve d'aucun nouvel acte de poursuite.

Aux termes de l'article 2240, la reconnaissance par le débiteur des droits du créancier interrompt également la prescription, mais si dans ses lettres à compter de 2002, Monsieur [W] demande l'exonération du paiement des cotisations 1992 et 1993 et reconnaît ainsi devoir ces sommes, ces reconnaissances sont intervenues alors que la prescription était déjà acquise.

Il convient donc de constater la prescription et d'annuler le jugement en ce que, après avoir relevé que la CRN ne justifiait pas de la signification des contraintes, il a condamné Monsieur [W] au paiement de la somme de 50111,89€ au titre des cotisations et 71272€ au titre des majorations de retard.

Sur l'exonération ou le paiement de ces cotisations

Monsieur [W] prétendait avoir payé une partie des cotisations 1992 mais le Tribunal des affaires de sécurité sociale dans le jugement déféré a constaté qu'il ne prouvait pas avoir payé ces quatre semestres et il ne fournit nouvel aucun argument à l'appui cette demande dans ses dernières conclusions.

Il a présenté en outre une demande d'exonération ou de diminution de ces cotisations afin de pouvoir malgré tout valider les quatre semestres pour le calcul de sa retraite.

Monsieur [W] a fourni à l'appui de sa demande d'exonération un extrait non daté d'une documentation relative à la Caisse Nationale des professions libérales, qui est sans rapport avec la CRN qui obéit à des règles spécifiques. Le texte applicable est celui de l'article D642-4 du code de la sécurité sociale qui disposait que des réductions de la cotisation forfaitaire prévue à l'article L. 642-1 pouvaient être accordées sur demande de l'assuré en fonction des revenus professionnels non salariés de l'avant-dernière année retenus pour le calcul de la cotisation proportionnelle. Le texte précisait que 'toute demande à l'effet d'obtenir une réduction de cotisation est adressée à la section professionnelle dont relève l'assujetti et instruite selon la procédure fixée par ses statuts'.

L'article 2bis des statuts de la Caisse des notaires précise que la demande de réduction doit être formulée à peine de forclusion dans les trois mois suivant l'exigibilité de la première fraction de la cotisation. Monsieur [W] n'ayant présenté sa demande d'exonération pour des cotisations exigibles en 1992 et 1993, qu'en 2002 était largement forclos.

Il demande subsidiairement à ce que, compte-tenu de revenus négatifs en 1992 et 1993, ses cotisations soient calculées de façon forfaitaire. La CRN a calculé les cotisations ainsi que le prévoient les statuts 'sur la moyenne des produits de l'étude réalisés pendant les cinq années précédant l'année antérieure à celle du recouvrement', les années négatives 1992 et 1993 ne sont donc pas incluses dans l'assiette des cotisations. Il convient de rappeler enfin, que comme dans la plupart des régimes de retraite, aucune régularisation n'est prévue en cas de cessation d'activité. En outre Monsieur [W] a attendu plus de 5 ans après leur date d'exigibilité pour réclamer une diminution des cotisations et n'est plus recevable à le faire aujourd'hui.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont constaté que la CRN avait bien calculé le montant des cotisations des semestres 1992 et 1993 et que Monsieur [W] ne les avait pas réglées.

Sur la demande de Monsieur [W] relative à sa retraite

Sur la date de demande de la retraite

Monsieur [W] est né le [Date naissance 1] 1949 et n'avait donc que 53 ans le 20 juin 2002 lorsqu'il a sollicité de la Caisse 'un dossier de demande de retraite en raison de l'incapacité de travailler'.

La Caisse lui a répondu qu'il devait régler ses cotisations avant de pouvoir prétendre à toucher une retraite et lui a rappelé qu'aucune retraite ne pouvait être demandée avant l'age de 65 ans, et que pour l'obtenir plus tôt, il fallait fournir des documents médicaux attestant de son incapacité à travailler depuis 1993. Elle lui indiquait également les différents montants de retraite dans les deux hypothèses. Monsieur [W] à qui il avait été expliqué les démarches pour obtenir une liquidation pour inaptitude n'a plus effectué aucune démarche, fourni de documents ou demandé à pouvoir remplir un dossier de retraite jusqu'au 5 octobre 2009, le mois précédent celui où il atteignait effectivement l'âge de 60 ans . A cette date, il a expressément demandé 'la liquidation de sa retraite' et c'est bien à compter de cette date qu'il doit être considéré comme ayant demandé celle-ci et elle devra lui être versée à compter du 1er décembre 2009, date anniversaire de ses 60 ans.

Sur les demandes relatives à l'invalidité

Le législateur a souhaité aider les travailleurs souffrant d'un handicap ou d'une invalidité par plusieurs mesures dont Monsieur [W] sollicite l'application avec une certaine confusion.

Le travailleur, indépendant ou salarié, qui a régulièrement cotisé un nombre de trimestres minimum, peut en cas de survenance d'un handicap ou d'une incapacité demander à être placé sous le régime de l'invalidité, et c'est le régime dans lequel il a cotisé et auquel il adhère au moment de la survenance de l'incapacité qui gère la procédure de mise en invalidité et verse éventuellement dans cette hypothèse une allocation invalidité proportionnelle à son incapacité. En l'espèce, Monsieur [W] n'a pas demandé en 1993, au moment où il cessé son activité de notaire et cédé son étude, à bénéficier d'un régime d'invalidité, et rien ne permet d'établir qu'il était à cette date atteint d'une invalidité. Il a attendu 2002 pour effectuer cette demande, soit 9 ans après et n'est plus recevable à le faire.

Aux termes de l'article L643-3 du code de la sécurité sociale, la condition d'âge de la retraite à 65 ans est abaissée à 55 ans pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente d'au moins 50 %, une durée d'assurance dans le régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré.

Pour bénéficier de ce régime, l'invalidité du travailleur doit avoir été reconnue alors qu'il travaillait et il doit avoir cumulé un certain nombre de trimestres travaillés et cotisés avec ce handicap. Il n'apparaît pas que Monsieur [W] ait fait reconnaître son statut de travailleur handicapé pendant son activité salariée et notamment pendant ses années de notariat, et il ne peut donc prétendre au bénéfice de cette mesure

La Caisse des notaires a mis en place un régime particulier prévu à l'article 14 du règlement d'assurance vieillesse complémentaire, qui prévoit que le conseil d'administration peut accorder à celui que des infirmités ou une maladie grave ont contraint de cesser ses fonctions et rendent inapte à toute activité professionnelle, la jouissance à partir de 50 ans des retraites auxquelles il pourrait prétendre sans réduction d'anticipation. Une procédure très précise de reconnaissance de cette invalidité est organisée par cet article.

La CNR tout en rappelant en 2002 à Monsieur [W] qu'il devait des cotisations 1992 et 1993, lui a malgré tout offert cette possibilité de démontrer son invalidité en 1993 en lui demandant de produire les documents imposé par cet article 14 : un certificat d'un médecin agréé par la Caisse et le certificat du président de la Chambre dont dépend l'intéressé attestant que celui-ci ne pouvait plus exercer ses fonctions en 1993. Monsieur [W] n'a jamais fourni ces pièces et ne paraît d'ailleurs pas avoir cessé son activité pour cause d'invalidité en 1993, celle-ci ainsi que rappelé plus haut, n'ayant été constaté qu'en 2002 ou 2005. Il ne peut donc prétendre à toucher une retraite sans abattement à 50 ans sur le fondement de l'article 14 du règlement spécifique de la Caisse des notaires.

L'article L643-4 du code de la sécurité sociale permet également la liquidation de la retraite à 60 ans sans abattement pour les travailleurs indépendants ou salariés reconnus inaptes au travail dans les conditions prévues à l'article L. 643-5 du code de la sécurité sociale. Cet article précise que l'inaptitude au travail s'apprécie en déterminant si, à la date de la demande ou à une date postérieure, le requérant, compte tenu de son âge, de son état de santé, de ses capacités physiques et mentales, de ses aptitudes ou de sa formation professionnelle, n'est plus en mesure d'exercer une activité professionnelle.

Cette possibilité de toucher la retraite sans abattement s'applique à tous les régimes de retraite , et dans l'hypothèse d'un travailleur qui a cotisé à plusieurs caisses différentes, c'est la Caisse du dernier régime auquel a cotisé l'assuré qui assure l'instruction du dossier de retraite et qui notamment constate l'invalidité.

En l'espèce, il apparaît au vu du relevé de carrière de Monsieur [W], fourni par la CRAM de l'Aquitaine, qu'en 1994, soit après la cessation de son activité de notaire il a touché des salaires jusqu'en 1998. C'est en vain qu'il prétend aujourd'hui que les sommes qui apparaissent sur ce relevé correspondraient au versement d'une allocation adulte handicapé dont il n'a jamais justifié, et alors même que l'intitulé serait différent sur ce relevé et que les sommes qui apparaissent, notamment celle de105.000F (soit 16000€) en 1994 ne peuvent correspondre à ces allocations.

Des cotisations au régime général apparaissent encore en 1996, 1997 et 1998, et il est noté sur cette période 'assurances vieillesse de bénéficiaires de prestations familiales'. Monsieur [W] dépendant pour ces dernières cotisations d'une autre Caisse que celle des notaires, c'est donc la Caisse du régime général qui doit procéder à la constatation de l'invalidité lui permettant de toucher sa retraite sans abattement. Monsieur [W] malgré la demande expresse qui lui a été faite par la CRN puis par le tribunal des affaires de sécurité sociale de justifier de son activité salariée de 1994 à 1998 et de la constatation, par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse, de l'invalidité lui permettant de prendre une retraite anticipée, n'a fourni aucun document et ne pourra donc prétendre à une liquidation anticipée sans abattement s'il demande à toucher sa retraite dès l'âge de 60 ans..

Sur la liquidation de la retraite

Le système français de sécurité sociale d'une manière générale, et plus particulièrement le système de retraite complémentaire des notaires est fondé sur l'existence d'une solidarité intergénérationnelle. A chaque période, les pensions de retraite reçues par les retraités sont directement financées par les cotisations sociales prélevées sur les actifs. Le paiement de la retraite est donc subordonnée au paiement des cotisations exigibles, et c'est donc pour cette raison que la CRN a refusé le paiement de sa retraite à Monsieur [W].

Cependant dans la mesure où il a été démontré que les cotisations pour les années 1992 et 1993 sont prescrites et ne présentent donc plus de caractère d'exigibilité, la Caisse ne peut subordonner le paiement de la retraite de notaire à Monsieur [W] au paiement de sommes dont elle a négligé de poursuivre le règlement et dont elle ne peut plus réclamer le paiement et doit donc lui payer les arrérages de sa pension à compter du mois suivant l'anniversaire de ses 60 ans.

Il résulte cependant des dispositions d'ordre public de l'article R 643-10 du code de la sécurité sociale applicables à la caisse nationale d'assurance vieillesse des notaires que lorsque les cotisations arriérées n'ont pas été acquittées dans le délai de cinq ans suivant la date de leur exigibilité, les périodes correspondantes ne sont pas prises en considération pour le calcul de la pension de retraite. La Caisse devra donc verser les arrérages de la pension de retraite , mais en tenant compte pour le calcul de celle-ci des cotisations effectivement versées de 1983 à 1991, la Caisse ne pouvant valider que des années pour lesquelles les cotisations ont été versées

La Caisse devra donc liquider sa retraite à compter du 1er décembre 2009 sur la base de cotisations de 1983 à 1991 avec l'abattement pour retraite anticipée à 60 ans, avec intérêts à compter de l'exigibilité de chacun des arrérages.

Les intérêts courant sur les arrérages, il n'apparaît pas opportun en revanche de fixer d'astreinte pour la liquidation de la retraite.

Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [W]

Les intérêts au taux légal, élevé au regard des taux d'intérêts pratiquées aujourd'hui , a déjà pour objet de compenser le retard de paiement.

Il en peut cependant être contesté que la résistance de la Caisse à payer sa retraite à Monsieur [W] lorsque celui-ci pouvait y prétendre, a causé à ce dernier un préjudice en le privant de ressources qui lui étaient nécessaires et entraînant une baisse de niveau de vie pour lui et sa famille et lui a causé un préjudice moral incontestable.

Compte-tenu de ces éléments, mais également du fait que Monsieur [W] a participé à son préjudice et touchera une retraite sans avoir payé deux ans de cotisations, la CRN sera condamnée à payer à Monsieur [W] la somme de 2000€, à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [W] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Cependant aux termes de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le juge peut condamner la partie qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, même totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

En l'état, il apparaît équitable d'accorder à Monsieur [W] la somme de 2500€ A700, sous réserve que son avocat renonce à percevoir l'aide juridictionnelle de l'Etat.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 14/09550 et RG 14/09580, sous le premier numéro.

Confirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 6 juin 2014 en ce qu'il a condamné la Caisse de retraite des notaires à payer à Monsieur [W] son allocation vieillesse et sa retraite complémentaire de notaire à compter du 1er décembre 2009, sur la base des cotisations effectivement versées, avec l'abattement pour retraite anticipée, avec intérêt au taux légal à compter de la date théorique de chaque versement mensuel et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné Monsieur [W] à payer à Caisse de retraite des notaires la somme de 50111,89€ au titre de cotisations impayées et 712072€ de majorations.

- condamné la Caisse de retraite des notaires à payer à Monsieur [W] la somme de 10.000€ de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau,

-constate la forclusion des demandes de la Caisse de retraite des notaires relativement aux cotisations 1992 et 1993 et la déboute de ses demandes en paiement

- condamne la Caisse de retraite des Notaires à payer à Monsieur [W] la somme de 2.000€ de dommages et intérêts

- condamne la Caisse de retraite des notaires à payer la somme de 2500€ à Monsieur [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 14/09550
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°14/09550 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;14.09550 ?
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