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01/07/2016 | FRANCE | N°15/01896

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 01 juillet 2016, 15/01896


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 1er juillet 2016

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01896

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 08/04083





APPELANTE

SAS KDI

[Adresse 1]

représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0270,

substitué par Me David GU

ILLOUET, avocat au barreau de LILLE







INTIME

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 1er juillet 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01896

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 08/04083

APPELANTE

SAS KDI

[Adresse 1]

représentée par Me Anne VINCENT-IBARRONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0270,

substitué par Me David GUILLOUET, avocat au barreau de LILLE

INTIME

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté de Me Sophie DEBRAY, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Président de chambre

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller

Madame Valérie AMAND, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Président et par Madame Ulkem YILAR, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [U] [H] a été engagé par la société FERTUBE en qualité d'attaché commercial à compter du 31 mars 1981.

Il devient représentant de commerce exclusif (VRP) à compter du 1er janvier 1982 et est soumis à la convention collective des VRP selon contrat signé le 4 février 1982.

Selon ce dernier contrat, le secteur confié au salarié est défini à l'annexe A et comprenait plusieurs départements; le contrat précise «toutefois la société FERTUBE se réserve la faculté de modifier la composition territoriale du secteur défini à l'annexe A de changer M. [H] de secteur ...»; le contrat prévoit que «M. [H] visite la totalité de la clientèle du secteur confié. La société FERTUBE se réserve le droit de faire visiter tel ou tel client par toute personne de son choix sans qu'elle ait à justifier sa décision, les commissions de M. [H] étant maintenues dans leur intégralité.

Article 6': Objet de la représentation

M. [H] est chargé dans le secteur qui lui est confié de représenter l'ensemble des produits sidérurgiques vendus par la société FERTUBE.

Article 8- Rémunération

M. [H] percevra à titre de rémunération:

un salaire fixe de 4.000 F par mois évolutif

une commission calculée sur la marge brute de son secteur telle que définie à l'annexe B ci-jointe

Cette commission sera de 4% sur les premiers 100'000 Fr de marge brute mensuelle de son secteur, de 5% sur la part de marge brute mensuelle entre 100'000 et 250'000 F, de 3% sur le surplus

M. [H] aura droit au remboursement de ses frais professionnels sur la base d'une indemnité kilométrique et de frais de repas, aux taux forfaitaires repris en annexe 6.

M. [H] recevra, en communication, avec un mois de décalage un relevé et le montant de son compte de commissions portant sur la marge de son secteur'».

Selon avenant du 12 février 1993, les parties s'accordent pour reconnaître qu'à compter du 20 janvier 1993 Monsieur [U] [H] est intégralement rémunéré à la commission sur 13 mois calculée sur la base d'un taux de 6% de la marge brute M1 plafonnée à un seuil de 600'000 F révisable chaque année en fonction de l'indice construction de l'INSEE.

Par nouvel avenant (n°'3) en date du 12 février 1998, il est prévu:

«Compte tenu de l'extension d'activité de la société Fertube visant à travailler avec des clients répertoriés au sein du groupe KDI, il est convenu et arrêté ce qui suit : les articles 6 et 8 sont dorénavant rédigés comme suit':

Article 6': Objet de la représentation

Monsieur [U] [H] est chargé dans le secteur qui lui est confié de représenter l'ensemble des produits sidérurgiques vendus par la société FERTUBE ainsi que les fournitures industrielles pour le bâtiment et l'industrie.

Article 8- Rémunération

M. [H] percevra à titre de rémunération :

une commission de 6 % calculés sur la marge M1 (définies à l'annexe B non modifiée de l'avenant du 20 janvier 1993) de son secteur compris entre 0 et 600 KF par mois.

Ce plafond de 600 KF sera révisé tous les ans en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction.

La marge supplémentaire dégagée par les clients visés ci-dessus fera l'objet d'un récapitulatif mensuel précis au niveau de chaque client et sera traité, pour le calcul de la commission versée à M.[H], comme suit :

60 % au taux contractuel de 6 %

40 % au taux de 4 %.

Le reste de l'article sans changement.

Les autres clauses et conditions du contrat signé en date du 4 janvier 1982 et modifié par avenant du 2 février 1982'et 20 janvier 1993 demeurent inchangées».

À compter du 1er juillet 1999, le groupe KDI fusionne l'ensemble des sociétés le composant par absorption dont la société FERTUBE, pour créer la SA KDI qui deviendra ensuite la SAS KDI.

Par courrier du 30 juin 1999, Monsieur [U] [H] est informé de la poursuite de son contrat de travail au sein de la société KDI à compter du 1er juillet 1999.

Le 27 octobre 2008, Monsieur [U] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir la condamnation de la société KDI au paiement de la somme de 454'069,52 euros à titre de commissions, outre 50'000 euros de dommages intérêts pour préjudice financier et réclamait avant-dire droit une expertise judiciaire.

Le conseil de prud'hommes de Bobigny a, par jugement avant-dire droit du 9 décembre 2009, ordonné la nomination d'un expert judiciaire chargé de:

- recueillir la liste précise de tous les clients de l'entité qui se trouve sur le secteur de Monsieur [U] [H] défini en annexe A de son contrat

- définir la nature et le montant exact du chiffre d'affaires réalisé auprès de ces mêmes clients quel que soit le mode de commande et la période de règlement

- définir le montant exact de la marge brute attachée à ses clients tels que définis à l'annexe B de son contrat.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 15 mars 2013.

Aux termes de ce rapport de l'expert a abouti à 4 montants différents de marges brutes servant d'assiettes aux commissions restant dues à Monsieur [U] [H] selon l'étendue du secteur et périmètre de clients à prendre en compte.

Par jugement en date du 27 janvier 2015 rendu en formation de départage, le conseil de prud'hommes de Bobigny, retenant la 3e hypothèse proposée par l'expert judiciaire, a'adopté le dispositif suivant :

- condamne la SAS KDI à payer à Monsieur [U] [H] les sommes suivantes:

1'142'022 euros au titre des rappels de commission,

114'202 euros au titre des congés payés afférents,

104'685 euros au titre du prorata de 13e mois,

15'000 euros au titre des frais d'expertise,

20'000 euros au titre du préjudice moral subi,

- rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la société KDI de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 29 octobre 2008 et que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- condamne la société KDI à remettre à Monsieur [U] [H] les bulletins de paye, le certificat de travail et l'attestation pôle emploi conforme, sous astreinte de 20 euros par document et par jour de retard à compter du 60e jour suivant la notification de ce jugement,

- rejette le surplus des demandes formées par Monsieur [U] [H],

- ordonne l'exécution provisoire,

- condamne la société KDI à payer à Monsieur [U] [H] la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande formée par la société KDI au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société KDI à payer les dépens, y compris de la mesure d'instruction ordonnée par le jugement avant-dire droit du 9 décembre 2009.

Le 17 février 2015, la société KDI a interjeté appel de ce jugement de notifié le 12 février 2015.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffier le 8 mars 2016, la SAS KDI demande à la cour de :

- réformer la décision du conseil des prud'hommes en ce qu'il a condamné la société à verser à Monsieur [U] [H]:

- condamne la SAS KDI à payer à Monsieur [U] [H] les sommes suivantes:

1'142'022 euros au titre des rappels de commission,

114'202 euros au titre des congés payés afférents,

104'685 euros au titre du prorata de 13e mois,

15'000 euros au titre des frais d'expertise,

20'000 euros au titre du préjudice moral subi,

8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau:

- limiter le rappel de commissions aux sommes suivantes : 103'494 euros à titre de rappel de commission, outre 10'349,40 euros de congés payés afférents, 8391 euros de rappel de 13e mois,

À titre subsidiaire,

- limiter le rappel de commissions sur la base des hypothèses revendiquées par Monsieur [U] [H] au plafond mensuel prévu contractuellement, soit les sommes suivantes:

En cas d'application de l'hypothèse 4 : 306'130 euros outre 30'613 euros de congés payés y afférents et 27'857,83 euros de prorata 13e mois,

En cas d'application de l'hypothèse 3 : 378'458 euros outre 37'845,80 euros de congés payés y afférents et 34'439,68 euros de prorata 13e mois,

En tout état de cause,

- ordonner la restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision de première instance,

- débouter Monsieur [U] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice,

- prendre acte du fait que Monsieur [U] [H] renonce sa demande relative à l'indemnité de clientèle,

- débouter Monsieur [U] [H] de sa demande de remboursement des frais d'expertise,

- débouter Monsieur [U] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [U] [H] à verser à la SAS KDI la somme de 10'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Par conclusions visées par le greffier le 8 mars 2016, Monsieur [U] [H] demande à la cour de:

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a jugé bien fondé en ses demandes de rappel de commissions, congés payés afférents, prorata du 13e mois, dommages et intérêts pour préjudice subi, mais en réformer le montant,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS KDI à lui verser 15'000 euros à titre de remboursement des frais d'expertise et 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des intérêts légaux et des dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant

À titre principal,

- dire et juger que Monsieur [U] [H] est bien fondé à formuler ses demandes sur l'hypothèse 4 qui résulte du rapport de l'expert judiciaire, et ce faisant,

- condamner la SAS KDI à payer les sommes suivantes:

9'313'207 euros au titre des rappels de commission du 27 octobre 2003 à août 2013,

931'320 euros au titre des congés payés afférents,

853'710,64 euros au titre du prorata de 13e mois,

- fixer le salaire brut mensuel de Monsieur [U] [H] à 75'246,98 euros,

800'000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice dû aux modifications et à l'exécution déloyale du contrat par l'employeur,

À titre subsidiaire,

- dire et juger que Monsieur [U] [H] est bien fondé à formuler cette demande sur l'hypothèse 3 qui résulte du rapport de l'expert judiciaire,

Ce faisant,

- condamner la SAS KDI à payer à Monsieur [U] [H] les sommes suivantes:

1'142'022 euros au titre des rappels de commission du 27 octobre 2003 à août 2013,

114'202 euros au titre des congés payés afférents,

104'685 euros au titre du prorata de 13e mois

- fixer le salaire brut mensuel de Monsieur [U] [H] à 15'459,13 euros,

800'000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice dû aux modifications et à l'exécution déloyale du contrat par l'employeur,

À titre infiniment subsidiaire

- dire et juger que Monsieur [U] [H] est bien fondé à formuler ses demandes sur l'hypothèse 2 qui résulte du rapport de l'expert judiciaire,

Ce faisant,

- condamner la SAS KDI à verser à Monsieur [U] [H] les sommes suivantes:

235'111 euros au titre des rappels de commission du 27 octobre 2003 à août 2013,

23'511,11 euros au titre des congés payés afférents,

21'468,51 euros au titre du prorata du 13e mois,

- fixer le salaire mensuel brut de Monsieur [U] [H] à 7063,12 euros sur 13 mois,

800'000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice dû aux modifications et à l'exécution déloyale du contrat par l'employeur,

En tout état de cause,

- ordonner à la SAS KDI de remettre à Monsieur [U] [H] les bulletins de salaire mensuels et par année concernée, une attestation de salaire, documents de rupture rectifiés et conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la SAS KDI à lui verser la somme de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- la condamner aux entiers dépens et intérêts légaux.

MOTIVATION

Sur les commissions, prorata de 13ème mois et congés payés

Les parties s'appuient sur l'analyse de l'expert judiciaire mais s'opposent sur les hypothèses à retenir, l'hypothèse 1 étant toutefois exclue par les deux parties.

Les parties s'opposent sur les clients à prendre en compte à partir de la fusion entre la société Fertube et la société KDI.

Selon la société, par application stricte de l'avenant de 1998, nonobstant la fusion avec différentes personnes morales du groupe KDI qui réunit en son sein plusieurs enseignes, et bien que la société FERTUBE soit amenée à travailler désormais avec des clients répertoriés au sein du groupe KDI, le périmètre de produits attribué à M. [H] reste circonscrit aux seuls produits vendus par la société FERTUBE dont un établissement existe toujours et dont les produits restent indentifiables.

Le seul fait que la fusion ait eu lieu n'a pas eu pour effet de modifier le champ contractuel de la représentation. La société KDI revendique à ce titre l'hypothèse 2.

Au contraire M. [H] revendique principalement l'hypothèse 4 et soutient que doivent être prises en compte toutes les ventes réalisées avec l'ensemble des clients de la SAS KDI sur son secteur géographique'; que du fait de la fusion la SAS KDI est venue aux droits de la société FERTUBE qui n'existe plus, en sorte que dans ses avenants la société Fertube doit être comprise comme étant la société KDI et que c'est donc l'ensemble des affaires passées avec toutes les enseignes KDI qui donne lieu à commissionnement.

A titre subsidiaire, M. [H] revendique l'hypothèse 3 qui désigne les ventes passées sur le secteur géographique de M. [H] avec des clients identifiés chez FERTUBE mais également avec les autres entités de KDI.

La cour observe au vu des KBis produits qu'au sein du groupe KDI demeure toujours l'établissement FERTUBE, que nonobstant le transfert du contrat de travail de M. [H] à la SAS KDI qui devient son employeur, les parties n'ont pas modifié les termes du contrat de travail initial ni de ses avenants; que dans ces conditions, M. [H] ne peut être suivi lorsqu'il indique que le transfert impliquerait automatiquement que l'ensemble des produits vendus par la société KDI sur son secteur géographique donnent droit à commission, ce qui est contraire à la lettre des avenants.

Pour cette raison l'hypothèse 4 doit être exclue.

Il reste que compte tenu de la fusion et de l'entrée de nouveaux clients dans le secteur géographique de M. [H] la définition de la clientèle FERTUBE est devenue moins claire; comme le note l'expert judiciaire, au fil des années, l'employeur a refusé à M. [H] de prendre des commandes auprès de tel ou tel autre client au motif qu'il était réservé à une autre enseigne de la société KDI, que des techniques de coût ont été mises en place qui ont eu pour effet de décourager les clients de passer par Fertube; qu'en revanche, certaines ventes réalisées par M [H] ont été commissionnées par la société KDI sur des produits relevant d'autres enseignes KDI, ce qui contredit l'analyse de l'employeur comme le fait valoir l'expert judiciaire (page 17).

Il ressort de ces éléments que l'application faite par l'employeur lui-même de l'avenant de 1998 a intégré les clients identifiés FERTUBE mais pour certaines affaires réalisées avec toutes les enseignes, ce qui exclut l'hypothèse 2.

Dans ces conditions et dans la mesure où l'employeur n'a pas pris la précaution de préciser la portée du contrat et de ses avenants après la fusion et l'introduction sur le secteur géographique de produits Fertube vendus sous d'autres enseignes, la cour retient que l'hypothèse 3 telle qu'émise par l'expert judiciaire reflète la commune intention des parties et respecte intégralement les droits à commissionnement du salarié assis sur l'ensemble des clients situés dans son secteur géographique et pour la totalité des produits identifiés FERTUBE énoncés par l'article 6 de l'avenant de 1993 en y intégrant les opérations que le salarié a effectivement réalisées avec les enseignes KDI et pas toutes celles réalisées par d'autres commerciaux de son secteur géographique.

Par suite, il convient de confirmer le jugement entrepris et retenir que la marge brute servant d'assiette au commissionnement restant dû à compter d'octobre 2003 est celle déterminée par l'expert dans son hypothèse 3.

Sur la base de marge brute servant d'assiette, la société KDI entend voir appliquer le plafonnement à 6% de la M1 conformément à l'avenant de 1993 confirmé en 1998 et soutient que les marges supplémentaires ne s'appliquent pas comme visant exclusivement les clients définis en préambule et donc pas à l'ensemble des clients de l'entité Fertube et encore moins à la totalité des clients KDI.

Mais comme le soutient à juste titre M. [H], il ressort de la clause de l'avenant de 1998, que le plafond de 600'000 F ne représente qu'un palier et que des commissions étaient dues sur marges supplémentaires non plafonnées, étant précisé que les clients donnant lieu à marges supplémentaires sont ceux que la cour a retenu dans l'hypothèse 3.

Dans ces conditions, le calcul de commissions proposé par la société KDI dans l'hypothèse 3 en excluant systématiquement les marges au-delà de 600'000 F est écarté; il est fait droit au calcul de M. [H] (son tableau pièce 46); le jugement qui a condamné la société KDI à payer la somme de 1.142.022 euros à titre de rappel de commissions outre 114.202 euros de congés payés afférents est confirmé de ce chef; compte tenu de ce rappel de commissions, le salaire mensuel doit être revalorisé et fixé à 15.459,16 euros, ce chiffre n'étant pas contesté par la société dans le cadre de l'hypothèse 3; et le prorata du 13 ème mois fixé à 104.685 euros (pièce 46).

Le salarié est fondé à obtenir la délivrance des bulletins de paie mensuels, une attestation Pôle Emploi et une attestation de salaire faisant apparaître les montants des commissions, de congés payés, de 13ème mois rectifiés conformes au présent arrêt; le jugement est confirmé de ce chef mais infirmé sur l'astreinte non justifiée en l'espèce.

Sur le préjudice financier

M. [H] demande la somme de 800'000 euros au titre du préjudice financier et moral subi du fait de la privation des commissions dues sur la période prescrite de juillet 1999 au 26 octobre 2003, de la perte de chance de récupérer la totalité des commissions du fait de certains manquements de l'employeur et de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail pendant 30 années.

Mais la cour observe que la prescription quinquennale s'appliquait bien au salarié qui n'a pas demandé au conseil de prud'hommes d'étendre la mission de l'expert à la période couverte par la prescription et ne démontre pas avoir été empêché d'agir en rappels de commissions avant le 27 octobre 2003 alors que litige relatif aux commissions résultait essentiellement de la portée à donner aux différents avenants au contrat de travail au regard du transfert de son contrat de travail après la fusion de 1999, tous éléments que le salarié connaissait au plus tard en 1999'; en outre, le salarié était en possession des documents établissant les marges brutes selon les clients retenus sur lesquelles étaient calculés ses commissionnements, l'expert ayant expressément relevé que le salarié était doté d'un ordinateur équipé d'un logiciel de suivi lui permettant de contrôler au jour le jour l'assiette de son commissionnement; par suite l'intimé ne peut demander l'indemnisation de la perte de commissions sur la période prescrite.

S'agissant de l'exécution fautive et de mauvaise foi du contrat de travail, l'expert judiciaire relève au vu des échanges entre les parties «au fil des années d'une part, l'employeur a refusé à Monsieur [H] de prendre des commandes auprès de tel ou tel autre client au motif qu'il était réservé à une autre enseigne de la société Kdi et d'autre part des modalités techniques de coût (VRI) ont été mis en places qui ont pour effet de majorer artificiellement les prix standards d'achat, si bien que les commissions sur les ventes réalisées sont, à prix de vente égale, réduite par rapport à ce qu'elles sont lorsque la vente intervient par rapport à une autre enseigne Kdi. Au-delà même du calcul de la commission, cette situation crée une distorsion de concurrence interne à Kdi qui a pour effet de décourager les clients de passer par Fertube ( et donc par Monsieur [H])'».

Si la société appelante justifie l'existence de prix standards d'achat différents en se fondant sur la prise en compte de particularités de chaque enseigne du groupe en termes de produits, d'activité, et de clients, il reste qu'en adoptant cette politique, elle a exécuté de manière déloyale le contrat de travail et modifié sans son accord les règles de commissionnement applicables au salarié en excluant arbitrairement unilatéralement certains clients relevant normalement du secteur de Monsieur [H].

L'expert a mesuré l'impact de cette exécution déloyale du contrat de travail et fixé à 803'447,96 euros le montant des marges supplémentaires donnant droit à commission au profit de Monsieur [H] (rapport page 50) pour compenser cette distorsion de concurrence.

La cour observe toutefois que ce montant a été pris en compte dans le tableau global (pièce 46 du salarié) de marges ouvrant droit à commissions, en sorte que ce préjudice matériel et économique a déjà été réparé par la cour; le salarié qui réclame 520'000 euros sur la base de prospects perdus du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail ne peut ainsi être à nouveau indemnisé.

En revanche, l'exécution déloyale du contrat de travail depuis 1999 a occasionné un préjudice moral au salarié qui sera intégralement réparé par la somme de 7.000 euros'; le jugement sera réformé sur le quantum alloué.

Sur le coût des opérations d'expertise

Les opérations d'expertise ont été rendues nécessaires et se sont avérées d'autant plus complexes que la société appelante n'a pas fourni à M. [H] comme le contrat l'y obligeait les relevés mensuels de commissions et que le logiciel informatique à la disposition permettait certes un contrôle des chiffres par le salarié mais relativement difficile. En toute hypothèse, l'expertise a mis en évidence que quelles que soient les hypothèses retenues la société appelante restait largement débitrice à l'égard de son salarié.

Les frais de l'expertise doivent donc être mis à la charge définitive de la société qui succombe largement en ses prétentions.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Il convient d'observer que devant la cour M. [H] ne réclame plus l'indemnité de clientèle sollicitée en première instance et qu'il n'y a pas lieu de répondre au moyen de la société appelante sur ce point et qu'il ne formule plus de demande relative à la retraite et à la prévoyance.

C'est à une exacte application des articles 1153 et 1153-1 du code civil que le premier juge a procédé et ses dispositions relatives aux intérêts au taux légal sont confirmées.

L'issue du litige commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance, aux frais irrépétibles exposés par M. [H] devant les premiers juges, et au rejet de la demandes reconventionnelle de la société KDI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient d'y ajouter la condamnation de la société KDI à payer à M. [H] la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de débouter l'employeur de sa propre demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum alloué au titre du préjudice moral et sur l'astreinte assortissant la remise de documents sociaux,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la SAS KDI à payer à Monsieur [U] [H] la somme de 7.000 euros au titre du préjudice moral,

Dit que la délivrance des documents ordonnée par le jugement déféré n'est pas assortie d'une astreinte,

Condamne la SAS KDI à payer à Monsieur [U] [H] la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS KDI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS KDI aux dépens d'appel,

Rejette toute autre demande.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/01896
Date de la décision : 01/07/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°15/01896 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-01;15.01896 ?
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