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30/06/2016 | FRANCE | N°15/04219

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 30 juin 2016, 15/04219


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 30 JUIN 2016



(n° 94, 18 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 2015/04219



Décision déférée à la Cour : rendue le 18 décembre 2014

par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS





DEMANDERESSES AU RECOURS :



- La société FAURECIA, S.A.

Prise en la personne de son représentant lég

al

Dont le siège social est : [Adresse 1]

Elisant domicile au Cabinet de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

[Adresse 2]



- M. [Q] [N]

Né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

Nationalité : ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 30 JUIN 2016

(n° 94, 18 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2015/04219

Décision déférée à la Cour : rendue le 18 décembre 2014

par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDERESSES AU RECOURS :

- La société FAURECIA, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

Dont le siège social est : [Adresse 1]

Elisant domicile au Cabinet de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

[Adresse 2]

- M. [Q] [N]

Né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

Nationalité : Française

Elisant domicile au Cabinet de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

[Adresse 2]

Représentés par :

- la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

avocats associés au barreau de PARIS,

toque : C2477

[Adresse 2]

- Maître [C] [O],

avocat au barreau de PARIS,

SELAS [Y] [O] [H],

toque : L0099

[Adresse 3]

- Maître [D] [D] et Maître [T] [A],

avocats au barreau de PARIS,

toque : P0177

Cabinet PAUL HASTINGS (Europe) LLP,

[Adresse 4]

EN PRÉSENCE DE :

- L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

Représentée par son président

Ayant son siège : [Adresse 5]

représentée à l'audience par Mme [N] [I], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM, Présidente de chambre

- Mme Irène LUC, Conseillère

- Mme Laurence FAIVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, présidente et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * * * *

Faits et procédure

La société Faurecia est une société anonyme à conseil d'administration, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation d'équipements automobiles. M. [N] en a été nommé président-directeur général en février 2007.

Le 8 février 2012, la société Faurecia a présenté ses résultats annuels pour l'exercice 2011, en hausse par rapport à ses exercices précédents. Le dernier paragraphe du communiqué de presse relatif à ces résultats indiquait, au titre de l'année 2012, que sur la base des prévisions de production de véhicules légers en Amérique du nord et du sud, en Chine et en Europe, les objectifs de la société étaient les suivants : «- chiffre d'affaires total compris entre 16,3 et 16,7 milliards d'euros, soit une hausse de 1% à 3% du chiffre d'affaires ;

- marge opérationnelle comprise entre 610 et 670 millions d'euros ;

- cash flow net à l'équilibre ».

Le 24 avril 2012, la société Faurecia a publié un communiqué de presse sur ses résultats du 1er trimestre et confirmé à cette occasion les objectifs pour 2012 (ou «guidance ») annoncés le 8 février 2012. Immédiatement à la suite de cette publication, s'est tenue une conférence téléphonique à laquelle ont participé une cinquantaine d'analystes financiers et journalistes, au cours de laquelle le directeur financier, M. [C], s'est exprimé sur ces résultats et sur les perspectives à venir pour le reste de l'année. Le même jour, plusieurs analystes financiers ont diffusé des notes d'analyses.

Le 23 mai 2012, la société Faurecia a tenu son assemblée générale mixte au cours de laquelle elle a rappelé sa « guidance » pour 2012.

Le 25 juin 2012, s'est tenue une réunion de son comité exécutif, à l'ordre du jour de laquelle figuraient les résultats prévisionnels du 1er semestre, qui se sont avérés en deçà des objectifs annoncés. En vue de la publication de ces résultats, prévue le 24 juillet 2012, M. [Q], directeur des relations investisseurs de la société, a adressé au directeur de la communication la première version de la présentation qui serait faite à cette occasion, laquelle faisait état d'une révision à la baisse des objectifs annuels annoncés le 8 février 2012, notamment, en ce qui concerne la marge opérationnelle.

Plusieurs notes de recherche ont été publiées au cours de la première semaine de juillet, mentionnant que la société Faurecia pourrait annoncer, lors de la publication de ses résultats semestriels, que les objectifs annuels ne seraient pas atteints.

Par communiqué de presse du 24 juillet 2012, la société Faurecia a présenté ses résultats semestriels pour le premier semestre 2012, lesquels faisaient ressortir un chiffre d'affaires en hausse de 3,8 % par rapport à celui du 1er semestre 2011 et une marge opérationnelle en baisse par rapport au 1er semestre 2011. Dans le même communiqué, elle révisait ses perspectives pour l'année de la façon suivante :

«- perspectives de chiffre d'affaires revues à 17,0/17,4 milliards d'euros ;

- marge opérationnelle attendue entre 560 et 610 millions d'euros ;

- cash flow net équilibré au second semestre ».

Le 22 novembre 2012, le secrétaire général de l'AMF a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière et le marché du titre Faurecia, à compter du 1er janvier 2012.

L'enquête a abouti à un rapport signé le 10 mars 2014. Celui-ci a été examiné par le Collège de l'AMF qui a décidé, lors de sa séance du 25 mars 2014, de notifier des griefs à la société Faurecia ainsi qu'à son président-directeur général, M. [N].

Il était reproché à la société Faurecia et à M. [N] d'avoir manqué aux obligations d'information prévues aux articles 223-10-1 et 223-1 du règlement général de l'AMF, en communiquant à certains analystes financiers, à l'occasion d'une conférence téléphonique qui s'est tenue le 24 avril 2012, des éléments d'information plus précis que ceux communiqués le même jour au public.

Il leur était aussi fait grief d'avoir manqué à l'article 223-2 du même règlement, en s'abstenant de communiquer dès que possible, à compter du 26 juin 2012, l'information privilégiée selon laquelle la société Faurecia ne pouvait atteindre ses prévisions de résultats, portée à la connaissance du public le 24 juillet 2012.

Enfin, il leur était reproché un manquement à l'article 223-10-1 du règlement précité, en communiquant à certains analystes financiers, au cours de la première semaine de juillet 2012, l'information selon laquelle la société Faurecia ne pouvait atteindre ses prévisions de résultats.

Par sa décision du 18 décembre 2014, la Commission des sanctions de l'AMF a retenu les trois griefs notifiés et a décidé de prononcer les sanction pécuniaires suivantes :

- à l'encontre de la société Faurecia d'un montant de 2 000 000 d'euros ;

- à l'encontre de M. [N] d'un montant de 100 000 euros;

Elle a aussi décidé de publier la décision sur le site Internet de l'AMF.

LA COUR

Vu le recours en annulation ou en réformation contre cette décision formé par déclaration du 26 février 2015, par la société Faurecia et M. [N]

Vu le mémoire exposant leurs moyens invoqués à l'appui du recours déposé au greffe de la cour par la société Faurecia et M. [N], le 13 mars 2015, complété par deux mémoires en réplique pour chacun d'eux déposés le 16 décembre 2015, puis d'un mémoire en duplique déposé au seul nom de la société Faurecia le 12 avril 2016 ;

Vu les observations déposées au greffe de la cour par l'AMF le 4 septembre 2015 et les observations complémentaires déposées le 29 mars 2016.

Après avoir entendu à l'audience publique du 14 avril 2016 en leurs observations orales, les conseils de la société Faurecia et de M. [N], puis le représentant de l'AMF et le Ministère public, la société Faurecia et M. [N] ayant eu la parole en dernier et eu la possibilité de répliquer ';

SUR CE

La société Faurecia et M. [N] demandent à la cour de

-réformer la décision rendue le 18 décembre 2014 par la Commission des sanctions de l'AMF;

- juger que les griefs qui leur sont reprochés ne sont pas constitués ;

- juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer une sanction pécuniaire à l'encontre de la société Faurecia et de M. [N].

Sur les griefs relatifs à l'information financière portée à la connaissance du public et des analystes financiers le 24 avril 2012, la société Faurecia rappelle que le principal objet de cette communication était la publication du chiffre d'affaires du premier trimestre 2012, à l'occasion de laquelle elle a également confirmé sa « guidance » (ses objectifs) de marge opérationnelle pour 2012. Elle soutient que les retranscriptions de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 ne permettent pas d'établir qu'elle aurait apporté aux analystes financiers une information complémentaire chiffrée. Elle ajoute que les quatre notes d'analyses publiées postérieurement à la conférence téléphonique ne font pas état d'une information chiffrée qui aurait été communiquée par elle'même ou d'une communication selon laquelle la marge opérationnelle serait proche de la limite basse de la fourchette. Elle fait valoir que l'AMF a opéré un renversement de la charge de la preuve qui aboutit à ce que la société et M. [N] sont tenus pour responsables de propos tenus par M. [C].

La requérante ajoute que l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF, qu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté, n'impose pas une égalité d'accès à l'information entre les analystes et le public, mais un égal accès pour les analystes aux sources et canaux d'information que l'émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à leur disposition. Le second alinéa de cet article, en introduisant une exception, confirme le champ d'application du premier alinéa de l'article aux seuls analystes, et non à l'ensemble des investisseurs. Elle rappelle à ce titre le principe d'interprétation stricte des textes pénaux et assimilés.

Enfin, M. [N] soutient que la Commission des sanctions ne rapporte pas la preuve qu'il aurait joué un «'rôle actif'» dans les faits qui lui ont été reprochés. Il rappelle qu'il n'a pas participé à la conférence téléphonique, ne l'a pas préparée et n'en a tiré aucun profit.

Sur le grief relatif à l'information selon laquelle les objectifs de résultats annoncés le 8 février 2012 et confirmés le 24 avril 2012 ne seraient pas atteints, la société Faurecia soutient qu'elle ne disposait pas le 26 juin 2012, c'est-à-dire le lendemain de la réunion de son Comex, de données financières précises sur le premier semestre, lui permettant d'annoncer que sa « guidance » ne serait pas atteinte. Elle conteste l'analyse de la Commission des sanctions sur chacun des motifs de sa décision et indique, notamment, qu'elle ne disposait d'aucune donnée précise au 26 juin qui lui aurait permis de modifier la limite basse de sa « guidance » et que les données dont elle disposait étaient susceptibles d'être modifiées.

Elle ajoute que la préparation de la première version du projet de présentation des comptes semestriels 2012 ne constituait pas une information précise à la date du 26 juin de cette année et, enfin, que la préparation de la présentation des comptes semestriels 2012 n'était pas susceptible d'avoir une influence sur le cours du titre Faurecia, le marché ayant lui même anticipé une baisse des résultats en raison de la baisse du marché de la production automobile en Europe.

M. [N], pour sa part, soutient que la Commission des sanctions n'a pas motivé ni expliqué ce qu'elle entendait par « rôle actif » et il affirme qu'il envisageait avec prudence que la « guidance » pourrait être remise en cause au vu des résultats semestriels, si la situation du marché automobile venait à se dégrader plus gravement. Il fait valoir que sa prudence ne peut être interprétée comme la marque d'une volonté de retarder une possible révision de la prévision de l'exercice en cours.

Sur le grief relatif à l'information financière communiquée par la société Faurecia aux analystes financiers au cours de la première semaine du mois de juillet 2012, la société Faurecia oppose qu'elle n'a pas communiqué d'information financière au cours de la semaine visée et que les contacts établis entre la société et certains analystes ne sont pas susceptibles d'avoir eu une influence sensible sur le cours du titre Faurecia. Sur le premier point, elle expose qu'aucun contact avec les analystes financiers n'a été de son initiative, mais que ce sont eux qui ont contacté M. [Q], son directeur des relations investisseurs, afin d'affiner leurs estimations et elle fait valoir ne pas avoir donné d'information quantitative aux analystes l'ayant contactée. Sur le second point, elle conteste que les notes des analystes financiers retenues dans la décision aient pu avoir une influence sensible sur le cours du titre.

M. [N] soutient qu'il n'a pas eu de rôle actif dans les faits qui lui sont reprochés.

Sur le montant des sanctions, la société Faurecia et M. [N] font valoir que la motivation de la décision n'est ni circonstanciée ni explicite, notamment, en ce qu'elle n'énonce aucun des critères retenus pour apprécier la gravité. Ils soutiennent que dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure d'apprécier la proportionnalité entre les sanctions prononcées, la gravité des faits et le dommage qui en serait résulté. Ils rappellent qu'ils n'ont tiré aucun profit des faits qui leur sont reprochés.

L'AMF invite la cour à constater l'irrecevabilité des moyens nouveaux relatifs à l'absence de fondement en droit des sanctions prononcées sur le fondement de l'article 223'10'1 du règlement général de l'AMF, présentés par les requérants seulement dans leurs mémoires du 16 décembre 2015, mais pas dans l'exposé de leurs moyens du 13 mars 2015.

Elle observe que les éléments cités dans la décision démontrent que la société Faurecia n'a pas délivré, dans son communiqué de presse du 24 avril 2012, une information exacte, précise et sincère au sens de l'article 223-1 du règlement de l'AMF. Elle soutient qu'il aurait été nécessaire que la société indique dans son communiqué de presse du 24 avril 2012 toutes les informations utiles pour permettre aux investisseurs de suivre en direct ou réécouter la réunion de présentation des résultats aux analystes, et qu'un accès à la conférence téléphonique ou à sa retranscription était assuré par une mise en ligne sur son site Internet.

L'AMF ajoute que l'article 223-10-1 de son règlement général, précité, s'applique bien à la conférence téléphonique du 24 avril 2012 et indique qu'il résulte de la jurisprudence que cet article institue une égalité d'accès à l'information entre investisseurs et analystes, et non uniquement entre analystes.

Sur le grief relatif à la communication tardive de l'information selon laquelle la société Faurecia n'atteindrait pas ses objectifs de marge opérationnelle, l'AMF soutient que la société Faurecia et M. [N] se sont abstenus de communiquer dès que possible, à compter du 26 juin 2012, l'information privilégiée portée à la connaissance du public le 24 juillet 2012, selon laquelle la société Faurecia ne pourrait atteindre ses prévisions de résultats. Elle affirme que l'information délivrée le 26 juin 2012 était privilégiée, que cette information était également non publique, et enfin que cette information privilégiée était susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours du titre Faurecia. Elle ajoute que la société ne justifie d'aucun motif légitime pour justifier ce retard.

Sur le grief relatif à la communication sélective de l'information selon laquelle la société Faurecia n'atteindrait pas ses objectifs de marge opérationnelle, l'AMF soutient que la preuve est rapportée que la société Faurecia et M. [N] ont communiqué à certains analystes financiers au cours de la première semaine de juillet l'information selon laquelle la société Faurecia ne pourrait atteindre ses prévisions de résultats. Elle indique que contrairement à ce qu'indiquent les requérants, les informations échangées n'avaient aucun caractère public, et ne concernaient pas l'évolution du marché européen de la production automobile.

L'AMF ajoute dans son second mémoire que l'article 223-10-1 s'applique aux informations en cause et que dans la mesure où la Commission des sanctions n'était pas saisie par la notification des griefs sur le fondement des articles 223-3 ou 622-1 du règlement précité, elle n'avait pas à déterminer si l'information communiquée à certains analystes au début du mois de juillet 2012 revêtait les caractéristiques d'une information privilégiée.

Enfin, l'AMF soutient que les comportements de la société Faurecia et M. [N] justifient les sanctions prononcées contre eux qui sont proportionnés aux éléments de la cause.

Le Ministère public a conclu oralement au rejet du moyen nouveau fondé sur l'article 223'10'1du règlement général de l'AMF et à la confirmation de la décision attaquée.

Motifs

Sur le caractère nouveau du moyen pris de ce que la Commission des sanctions aurait commis une erreur de droit relative à l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF en l'appliquant aux premier et troisième griefs.

L'AMF fait observer que les requérants ont exposé des moyens nouveaux dans leurs mémoires en réplique déposés le 16 décembre 2015 puisqu'ils y énoncent pour la première fois dans la présente instance que les griefs retenus par la Commission des sanctions en application de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF ne seraient pas fondés en droit.

La société Faurecia oppose que l'AMF ne précise pas quels moyens sont concernés et ajoute que ceux qu'elle a développés sur le fondement du texte visé ne sont pas nouveaux en ce qu'elle s'est bornée à développer un moyen déjà existant et énoncé dans l'exposé des motifs qui ne font que répondre à l'argumentation de l'AMF dans ses observations qui présentaient le texte de façon tronquée.

* *

En application de l'article R. 641-46, I, du code monétaire et financier, lorsque le demandeur au recours ne développe pas les moyens qu'il invoque au soutien de son recours, il doit le faire dans un mémoire séparé déposé au greffe de la cour dans les quinze jours de la déclaration de recours. En application de ce texte, un moyen exposé pour la première fois après l'expiration du délai de quinze jours ainsi prévu doit être déclaré irrecevable.

Dans l'exposé des moyens au soutien de leur recours, déposé le 13 mars 2015, la société Faurecia et M. [N] ont développé de la page 17 à la page 35 un certain nombre de moyens visant à faire constater que la décision était dépourvue de fondement en ce qui concerne le premier grief fondé sur une violation de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF et concernant la conférence téléphonique du 24 avril 2012. Ils ont exposé à ce titre que les éléments sur lesquels s'est appuyée la décision, propos tenus lors de la conférence téléphonique et notes d'analystes publiées ensuite, n'étaient pas prouvés. Ils ont ajouté que les commentaires faits par le directeur financier lors de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 n'étaient pas une « information exacte, précise et sincère », mais une interprétation de données publiques et que ces commentaires n'ont pas été réservés aux analystes, mais ont été dûment communiqués à la presse et ont été publiés sur le site Internet de Faurecia. Ils ont, par ailleurs, exposé de la page 61 à la page 77 des moyens visant à la réformation de la décision en ce qu'elle a retenu comme étant établi le troisième grief, fondé sur une violation de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF et concernant les informations délivrées à certains analystes financiers seulement, au cours de la première semaine du mois de juillet 2012. À ce titre, ils ont fait valoir que la société Faurecia n'a pas communiqué d'information financière au cours de la semaine visée (p. 62 à 72) et que les contacts établis entre la société et certains analystes ne sont pas susceptibles d'avoir eu une influence sensible sur le cours du titre Faurecia (p. 72 à 75).

Aucun développement de ce mémoire ne porte sur l'interprétation de l'article 223'10'1 du Règlement général de l'AMF, moyen soutenu dans le mémoire déposé par la société Faurecia le 16 décembre 2015, d'une part, sous le titre « L'accès ouvert à l'information diffusée lors de la conférence téléphonique est conforme aux dispositions de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF » et selon lequel cette disposition « n'impose en aucun cas, comme le prétend l'AMF, une égalité d'accès entre les analystes et le public », d'autre part, sous le titre « Les contacts établis entre Faurecia et les analystes au début du mois de juillet 2012 n'entrent pas dans le champ de l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF ».

De même, aucun développement de ce mémoire ne remet en cause l'application de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF au grief reproché à M. [N].

Le constat selon lequel l'AMF, dans ses observations du 4 septembre 2015, ait cité ce texte en omettant l'adverbe « spécifiquement » dans le membre de phrase « mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers » pouvait certes conduire la société Faurecia à signaler cette erreur dans sa réplique, mais elle a dépassé le rappel de l'exact libellé du texte en soutenant qu'il ne devait pas s'interpréter comme l'a fait la Commission des sanctions.

D'où il suit que les moyens ainsi soutenus sont nouveaux par rapport à ceux développés dans le mémoire commun à M. [N] et à la société Faurecia, d'exposé des moyens au soutien du recours du 13 mars 2015 et qu'ils doivent être déclarés irrecevables.

* *

Sur le fond

Sur les griefs relatifs à l'information financière portée à la connaissance du public et des analystes financiers le 24 avril 2012

La Commission des sanctions a sanctionné un grief pris de ce qu'« en confirmant la « guidance » qui avait été communiquée au marché le 8 février 2012, la société Faurecia n'a pas, compte tenu des informations dont elle disposait, délivré au public une information exacte précise et sincère ».Elle a considéré que « le manquement à l'article 223-1 du règlement général de l'AMF était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés et était ainsi caractérisé ».

Pour caractériser ce manquement la Commission des sanctions s'est appuyée sur les termes des déclarations faites dans le cadre de la conférence téléphonique ayant suivi la publication du communiqué de presse du 24 avril 2014 et ceux de quatre notes d'analystes financiers ayant suivi cette conférence téléphonique.

Elle a en outre estimé qu'il était établi que le communiqué de presse ne délivrait pas une information exacte, précise, et sincère au motif que ces déclarations permettaient de constater que la société Faurecia avait, dès cette date, des informations lui permettait d'anticiper que la marge opérationnelle serait proche de la limite basse de la fourchette.

Elle a par ailleurs considéré comme constitué le manquement connexe aux dispositions de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF résultant de ce qu'il n'était pas démontré que le public ait eu accès aux déclarations faites dans ce cadre.

Sur les informations délivrées lors de la conférence téléphonique au regard de celles contenues dans le communiqué de presse

La société Faurecia et M. [N] soutiennent que les termes des déclarations faites au cours de la conférence téléphonique ne sont pas établis car le rapporteur qui a précisé ne pas avoir trouvé au dossier de retranscription incontestable a procédé à une comparaison de celle figurant dans le dossier d'enquête (retranscription établie par Thomson Reuters) à une autre réalisée par la société Bloomberg, et qui ne figurait pas au dossier, mais a été lue par M. [J], analyste financier au sein de la société UBS à Londres, lorsqu'il a été interrogé par les enquêteurs, l'enregistrement de cette audition figurant au dossier.

La société Faurecia a produit la retranscription réalisée par la société Bloomberg. La comparaison des deux documents qui concordent entre eux permet en conséquence d'avoir des éléments plus précis sur les propos qui ont été tenus par M. [C], directeur financier de la société. Il importe peu sur ce point que la Commission des sanctions ait indiqué par erreur que l'instruction avait mis au jour deux autres transcriptions, établies par la société Bloomberg, alors qu'il n'en existe qu'une.

Il ressort de la transcription produite que sur une question posée par M. [G], analyste financier de la société Citi, qui interrogeait M. [C] sur l'issue finale de la fourchette des objectifs de bénéfices, ce dernier a répondu que si la société était bien placée par rapport à ses objectifs globaux «Néanmoins, si l'Europe se maintient nettement en-dessous des prévisions, nous atteindrons plutôt le bas de la fourchette (...) ». Puis, après avoir précisé que la société n'avait pas de raison de modifier les objectifs, il a ajouté qu'une telle modification « dépend(ait) largement de la situation en Europe ». Sur une nouvelle question du même analyste en ces termes « (...) Mais quand vous dites que les résultats pourraient être plus proches du bas de la fourchette si les perspectives de production demeuraient faibles en Europe, cela signifie-t-il que l'Europe est plus fragile qu'elle ne l'était à la fin de l'année 2011 ' », le directeur financier a répondu « À l'heure actuelle c'est le cas, nous nous situons dans le bas de la fourchette de notre analyse pour l'Europe, dans la mesure où nous attendions une performance comprise entre moins 6 et moins 12 [%], alors qu'aujourd'hui nous nous rapprochons davantage des moins 12 que des moins 6 [%]. Par conséquent, de toute évidence, si c'était le cas, c'est la raison pour laquelle je le disais, nous nous situerions davantage dans le bas de la fourchette de notre guidance ».

Ainsi, si comme l'a relevé la Commission des sanctions, les déclarations du directeur financier ont été prononcées en réponse à des questions d'un analyste financier, il a clairement indiqué qu'il existait une forte probabilité qu'à terme les résultats s'inscrivent dans la limite basse des prévisions et que tel était le cas au moment où ces propos étaient tenus. Le fait que ces indications aient été données grammaticalement au conditionnel ne change rien à la portée de ces propos. C'est donc à juste titre que la Commission des sanctions a considéré que la société Faurecia avait, lors de la conférence téléphonique du 24 avril 2012, indiqué aux analystes financiers que la marge opérationnelle se situerait dans le bas de la fourchette annoncée le 8 février 2012.

Par ailleurs, la société Faurecia conteste que quatre analystes aient mentionné dans leurs notes que si la « guidance » annoncée le 8 février 2012 avait été confirmée, la direction de Faurecia avait, à l'occasion de la conférence téléphonique « indiqué », « suggéré » ou « déclaré », suivant les termes retenus par chacun, que ses résultats se situeraient plus probablement dans le bas de la fourchette de la marge opérationnelle. Elle expose sur ce point que ces quatre notes ne font pas état d'une communication chiffrée qui aurait été communiquée par la société Faurecia ni d'une indication de sa part selon laquelle la marge opérationnelle serait proche de la limite basse de la fourchette.

Cependant, ces quatre notes d'analystes financiers indiquent :

- Citi - que « Faurecia colle à sa guidance de 610-670 millions de résultat d'exploitation et suggère qu'il est plus probable qu'elle soit proche de la fourchette basse des 610-670 millions prévus en cas de faiblesse de l'Europe (...) » ;

- JP Morgan - que « La société a indiqué qu'en raison des tendances de la production européenne à la baisse, la fourchette basse de la guidance était plus probable (...). Au cours de la conférence téléphonique (...) la direction a estimé que la production européenne atteignait le bas de leur estimation de recul sur l'année de '4'6 % (...). Compte tenu de la concentration des coûts fixes en europe (...) Le management croit que la fourchette basse des 610-670 millions d'euros mentionnés dans la guidance était plus probable (...) » :

- Oddo Midcap - que « Notre estimation se situe dans le bas de la guidance comme cela a été confirmé par le management au cours de la conf call » ;

- Société Générale - que « Faurecia a indiqué que si la production européenne sur l'exercice 2012 se rapprochait du plus bas de la fourchette de '4 % à '6 % anticipée en février lors de l'annonce des résultats de l'exercice 2011, alors ses résultats seraient probablement plus près du bas de la fourchette de 610-670 millions d' euros prévue dans sa guidance ».

Les termes de ces notes, bien que rédigées au conditionnel et avec des précautions rappelant le lien entre les résultats de la production européenne de véhicules et ceux de la société, laissent néanmoins apparaître une forte probabilité de ce que, d'une part, les résultats de la production automobile en Europe demeurent en baisse, d'autre part, le résultat d'exploitation se situe dans la limite la plus basse de la fourchette des prévisions données en février 2012. Ils confortent ainsi les termes de la conférence téléphonique relevés précédemment et montrent que les analystes financiers ont considéré les déclarations du directeur financier comme marqués d'une prévisibilité forte. Il est sans portée que ces notes ne comprennent pas d'éléments chiffrés précis.

Les moyens de la société Faurecia et de M. [N] relatifs aux déclarations faites dans le cadre de la conférence téléphonique et aux notes des analystes financiers doivent en conséquence de ce qui précède, être rejetés.

La société Faurecia et M. [N] contestent que les commentaires sur la dégradation du marché automobile en Europe et son potentiel impact sur les objectifs communiqués lors de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 constituent une information que la société aurait dû communiquer de manière exacte, précise et sincère. Ils font valoir à ce titre que la dégradation du marché européen de l'automobile a été progressive et durable tout au long de l'année 2012 et qu'elle était publique.

Cependant, les termes même des déclarations faites par le directeur financier, lors de la conférence téléphonique, montrent que la société Faurecia disposait de données relatives à la production automobile en Europe qui lui étaient apparues comme suffisamment fiables pour considérer qu'il était nécessaire de prévenir les analystes financiers de la probabilité que son résultat d'exploitation resterait à la limite basse de la fourchette. À ce sujet, si les remontées budgétaires faisaient état d'une « re-prévision », au titre du 1er trimestre, d'une marge opérationnelle de l'ordre de 624 millions, alors que les limites basse et haute de la fourchette étaient de 610 et 670 millions d'euros, cette anticipation conforte plutôt l'idée que la prévision de cette marge serait pour l'année de l'ordre de la limite basse et non l'inverse. Enfin, la société requérante ne démontre pas qu'elle disposait, au contraire, de données qui pouvaient raisonnablement la conduire à penser que sa marge opérationnelle s'orienterait vers la limite haute. Les déclarations à ce sujet de M. [X], analyste financier à la Société Générale, qui, lors de son audition, a indiqué que ces « prévisions étaient raisonnables en espérant que la situation s'améliorerait au second semestre », ne donnent aucun élément sur le point de savoir s'il existait des éléments tangibles permettant de penser que tel serait effectivement le cas et n'apportent aucune confirmation de la crédibilité d'une amélioration probable de la situation du marché de la construction automobile au moment de la conférence téléphonique reprochée. De même, il est sans portée, dans ce contexte, que la Direction des contrôles et des enquêtes de l'AMF n'ait pas considéré que les prévisions de la société Faurecia étaient fausses ou ne pourraient être atteintes.

Sur l'accès du public à la conférence téléphonique

Il convient de rappeler à ce sujet que l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF énonce que « Tout émetteur doit assurer en France un accès égal et dans les mêmes délais aux sources et canaux d'information que l'émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, en particulier à l'occasion d'opérations financières ». La Commission des sanctions a estimé que la société Faurecia ne démontrait pas que le public ait été invité à se connecter à la conférence téléphonique du 24 avril 2012 et que ce manquement était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés et qu'il était ainsi constitué en tous ses éléments.

La société Faurecia fait valoir à ce sujet qu'elle a bien respecté l'égalité d'accès « dans les mêmes délais aux sources et canaux d'information » en conviant plus de 900 personnes à cette conférence téléphonique, parmi lesquelles les grandes agences de presse internationales.

Cependant, le fait qu'elle ait ainsi procédé par 'invitation' démontre par lui seul que le public n'a pas eu accès à la conférence téléphonique au sujet de laquelle aucune autre information ne permettait l'accès du public, l'invitation des grandes agences de presse internationales n'étant sur ce point pas suffisante pour constituer une invitation du public.

Par ailleurs, si la société Nasdaq OMX, prestataire de service de la société requérante, a attesté que « Selon les termes du contrat [conclu entre elle et la société Faurecia] elle a mis à disposition de la société Faurecia un lien Internet vers le 'replay' de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 pour une durée d'un an (12 mois) soit jusqu'au 24 avril 2013 », cette attestation ne démontre toutefois pas à quel moment ce lien a été actif, ni à quelle place il se trouvait sur le site, ce qui ne permet pas de constater que l'indication de la possibilité d'audition de la retransmission de la conférence téléphonique était visible et accessible au public. Il n'est enfin pas démontré que des personnes n'ayant pas reçu d'invitation à la conférence téléphonique se soient néanmoins connectées à la diffusion de celle-ci, la liste de personnes produite par la société Faurecia en pièce 48, n'ayant aucun intitulé et étant insuffisante à rapporter la preuve invoquée.

Il s'en déduit que c'est à juste titre que la Commission des sanctions a considéré que le manquement à l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF était constitué et les moyens développés sur ce point par la société requérante et M. [N] doivent être rejetés.

C'est donc à juste titre que compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la Commission des sanctions a, sans inverser la charge de la preuve, considéré que le communiqué de presse du 24 avril 2012, qui ne mentionnait pas les précisions sur la forte probabilité que la marge opérationnelle escomptée se situerait dans la limite basse de la fourchette de ses prévisions, informations que la société Faurecia a néanmoins communiquées aux seuls analystes financiers, sans démontrer que cette information était aussi accessible pour le public, ne délivrait pas une information exacte, précise et sincère.

Le moyen relatif à l'implication de M. [N] dans les faits constitutifs de ce grief sera étudié dans des développements ultérieurs.

Sur le grief relatif à l'information selon laquelle les objectifs de résultats annoncés le 8 février 2012 et confirmés le 24 avril suivant ne seraient pas atteints

Ce grief est fondé sur l'article 223-2 du Règlement général de l'AMF qui dispose que « tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement ». La Commission des sanctions a retenu sur ce point qu'en portant à la connaissance du public seulement le 24 juillet 2012, à l'occasion de la publication de ses résultats trimestriels, l'information privilégiée depuis le 26 juin 2012, selon laquelle elle n'atteindrait pas les objectifs annoncés précédemment, la société Faurecia n'a pas communiqué cette information « dès que possible » et commis un manquement au regard de ce texte.

Sur le caractère précis de l'information

La Commission des sanctions a fondé son appréciation relative au caractère précis de l'information sur deux éléments qui sont, d'une part, les indications données lors du comité exécutif (comex) de la société et transcrites dans son compte-rendu, d'autre part, la première version du projet de présentation des comptes semestriels 2012 datés du 26 juin 2012.

La société Faurecia soutient à ce sujet que l'interprétation du compte rendu du comex a été tronquée. Elle traduit ce document de la façon suivante : « Malgré tous les efforts de convergence déployés ces deux derniers mois, le plan à moyen terme montre pour 2012, un écart par rapport au résultat d'exploitation prévu à l'origine, dans la guidance fournie au marché financier en février 2012 et une importante consommation de trésorerie.

Pour 2013, un flux de trésorerie tout juste équilibré. Une maigre génération de liquidités à partir de 2014.

(...) Nous avons bon espoir de contrôler à nouveau la situation.

Les conclusions sont les suivantes :

Nous devons réduire les coûts en Europe et garantir les performances en Europe en cas de faiblesse additionnelle du marché. (...)

La seule hausse potentielle concerne le volume supplémentaire en Amérique du nord; nous devons parvenir à améliorer la performance du résultat d'exploitation en Amérique du nord et obtenir un bénéfice marginal si la hausse se matérialise (...)».

Selon elle, ces termes démontrent qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer cette baisse de marge opérationnelle et qu'elle ne pouvait donc communiquer de façon « exacte, sincère et précise » une révision de la marge d'autant que des améliorations étaient envisagées à la fin du mois de juin (« Improvements expected end of june » ).

Il ressort cependant des termes précédemment retranscrits que la société disposait d'informations qui lui permettaient de constater que pour l'année 2012, elle allait connaître, en dépit des efforts déployés, un résultat d'exploitation moindre que celui qui avait été communiqué au marché et que, de plus, ces résultats moindres s'accompagnaient d'une importante consommation de trésorerie. Le fait qu'elle ait espéré des améliorations, dont l'origine n'est pas précisée, mais que l'on peut penser provenir de la baisse de certains coûts, notamment, de l'acier et des matières plastiques, demeurait à ce stade de simples conjectures face à des résultats avérés par les données chiffrées pour les mois de janvier à mai. Enfin, la conclusion selon laquelle il était nécessaire de réduire les coûts en Europe et il fallait améliorer les performances des résultats d'exploitation en Amérique du nord, invoque des éléments qui pouvaient certes constituer des leviers mais demeuraient toutefois incertains et aléatoires

Par ailleurs, ainsi que l'a relevé la décision, le premier projet de présentation des résultats semestriels, établi le lendemain (26 juin), faisait état d'une révision à la baisse des prévisions pour l'année 2012, la nouvelle fourchette de marge opérationnelle étant fixée entre 580 et 620 millions d'euros, proche de celle finalement retenue de 560 - 610. Ces données démontrent que, contrairement à ce qu'elle prétend, la société Faurecia, compte tenu des seuls éléments existants à la date des faits, était en mesure de chiffrer la baisse de marge opérationnelle de façon précise et ce quand bien même elle n'aurait pas disposé des données du mois de juin en raison de son processus de reporting budgétaire. À ce sujet, la cour relève d'ailleurs qu'il n'a pas été reproché à la société de ne pas avoir communiqué dès le 26 juin 2012 qu'elle n'atteindrait pas les résultats programmés, mais qu'elle ne l'ait pas fait « dès que possible », notamment, pas au début du mois de juillet, au moment où elle a pu avoir connaissance des résultats pour le mois de juin 2012 et donc pour le premier semestre de cette année. En outre, si, comme elle l'indique, la « guidance » concernait l'année 2012 et non le seul semestre, il n'en demeure pas moins que le constat auquel le comex a procédé concernait toute l'année et que dès le lendemain de cette réunion, son directeur de la communication a pu inscrire dans le projet de présentation des comptes un montant de marge opérationnelle réduit par rapport à ce qui avait été annoncé en février et confirmé en avril. Enfin, si la société Faurecia a publié à la fin du mois de juillet une marge opérationnelle de 302,5 millions d'euros, cette circonstance démontre que les données dont elle disposait pouvaient être ajustées à la hausse, mais elle ne remet pas en cause le constat qu'au 26 juin 2012, la société Faurecia disposait d'éléments précis qui permettaient d'affirmer que les prévisions de résultats annoncées en début d'année ne seraient pas atteintes.

S'agissant des facteurs exogènes qui pouvaient, pour le deuxième semestre, constituer un effet de levier, outre que le montant de l'apport de ces facteurs aux résultats de la société Faurecia n'était pas connu au 26 juin 2016 et ne peut donc être pris en compte dans l'analyse menée au sujet de la précision des données en cause, il n'en demeure pas moins que la confirmation d'un impact positif à ce sujet demeurait soumise à un aléa.

Concernant le projet de présentation des résultats semestriels du 26 juillet, il est sans effet que celui-ci n'ait été qu'un document de travail dès lors que les seules données qu'il comporte montrent que la société était en possession d'éléments qui la conduisait, dans le cadre de la publication de ses résultats semestriels, à préparer une annonce de réduction des objectifs. De même, le fait que le projet ait fait l'objet de vingt-huit versions est inopérant, puisqu'aucune des autres versions communiquées ne font apparaître une évolution notable par rapport à la première version, si ce n'est dans la 14ème pour laquelle la limite basse de la fourchette est diminuée par rapport à la première version (570 millions / 580 millions), puis la dernière pour laquelle cette limite est encore réduite de 10 millions pour atteindre 560 millions. Ces deux diminutions progressives ne sont pas de nature à constituer un motif légitime pour la société de ne pas annoncer l'information en cause au plus près possible de la date du 26 juin 2012, à laquelle il est établi que la société Faurecia détenait des éléments crédibles lui permettant de savoir qu'elle ne réaliserait pas les prévisions de marge opérationnelle annoncées en février de la même année.

Sur l'influence sensible sur le cours du titre Faurecia

En application de l'article 621-1, alinéa 1, du règlement général de l'AMF, une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique et qui, si elle l'était, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés.

La société Faurecia soutient que dès lors que la tendance baissière de la production automobile en Europe était une donnée commune du marché, la préparation de la présentation de ses comptes n'était pas susceptible d'avoir une influence sensible sur son cours et qu'en tout état de cause, le marché avait anticipé l'impact potentiel de la baisse de la production automobile sur ses objectifs.

Toutefois, s'il n'est pas contesté que la tendance baissière de la production automobile en Europe était une donnée connue du marché, il n'en demeure pas moins que, comme l'a relevé la Commission des sanctions, un consensus établi par la société Faurecia le 21 juin 2012 démontre que les analystes financiers prévoyaient une marge opérationnelle pour la médiane à 610 millions d'euros, soit le bas de la fourchette et pour la moyenne à 622 millions d'euros, à l'intérieur de la fourchette. Il s'en déduit que dans le contexte de la tendance baissière de la production automobile, et quand bien même pourrait-on constater une forte corrélation entre les titres Faurecia et ceux de la société Peugeot, les analystes n'avaient pas anticipé le fait que la société Faurecia n'arriverait pas à atteindre les résultats annoncés dans sa « guidance ».

Par ailleurs, l'information de la non réalisation des projections communiquées au public, qui est susceptible de traduire des difficultés rencontrées par elle et donc un affaiblissement de la valeur de ses titres, est un élément qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement.

Sur l'existence d'un motif légitime pour différer la publication d'une nouvelle « guidance »

La société Faurecia oppose que pour pouvoir émettre un communiqué d'alerte aux résultats, il faut pourtant être en mesure, lorsqu'il s'agit de rectifier une « guidance », de s'assurer de la fiabilité de la nouvelle prévision avant de la publier. Elle précise sur ce point que la première ébauche de la présentation des comptes semestriels ne saurait être assimilée à un projet de révision de sa « guidance » et rappelle que cette démarche ne peut être réalisée sans un certain nombre de données dont elle ne disposait pas encore et d'analyse de ces données.

Cependant, ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, il n'a pas été reproché à la société Faurecia de ne pas avoir fait connaître dès le 26 juin 2012, qu'elle ne pourrait pas atteindre le minimum de sa « guidance », mais de ne pas l'avoir fait « dès que possible ». Il importait peu à cet égard qu'elle ne puisse pas chiffrer exactement la nouvelle marge opérationnelle, dès lors que les différentes versions de son document relatif à la publication de ses résultats semestriels démontrent qu'elle disposait de suffisamment de données pour lui permettre de faire connaître cette information au public avec un degré de précision proche de ce qu'elle a finalement annoncé le 24 juillet 2012. À ce sujet, la cour relève que la société elle même indique que le 11 juillet, soit douze jours avant l'annonce qu'elle a délivrée au marché, elle disposait des éléments lui permettant de chiffrer plus précisément sa marge opérationnelle (p .29 de ses dernières conclusions). Elle ne justifie en conséquence pas d'un motif légitime justifiant le retard pris à la communication de l'information selon laquelle elle ne pourrait atteindre la marge opérationnelle prévue par sa « guidance ».

En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, c'est à juste titre et par une motivation que la cour d'appel adopte pour le surplus, que la Commission des sanctions a considéré que la société Faurecia n'avait pas communiqué dès que possible l'information privilégiée selon laquelle elle n'atteindrait pas les résultats annoncés par sa « guidance » annoncée en février 2012, et qu'elle avait de ce fait manqué aux obligations prévues par l'article 223-2 du Règlement général de l'AMF.

Il s'ensuit que les moyens développés sur ce point par la société Faurecia sont rejetés.

Le moyen pris par M. [N] de l'absence d'éléments démontrant qu'il ait pris un rôle actif dans ce manquement sera examiné dans les développements ultérieurs.

Sur le grief relatif à l'information financière communiquée par la société Faurecia aux analystes financiers au cours de la première semaine du mois de juillet 2012

Ce grief est fondé sur l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF qui, pour mémoire, dispose que « Tout émetteur doit assurer en France un accès égal et dans les mêmes délais aux sources et canaux d'information que l'émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, en particulier à l'occasion d'opérations financières ».

La Commission des sanctions a retenu sur ce point qu'il ressort de divers courriers électroniques que des échanges ont eu lieu entre M. [Q], directeur des relations investisseurs, et trois analystes financiers, lesquels ont ensuite publié des notes abaissant leurs estimations et anticipant un abandon par Faurecia de sa « guidance annuelle », à l'occasion de la publication des résultats semestriels. Elle en conclut que la société Faurecia a communiqué à certains analystes financiers seulement, des éléments d'information concernant les prévisions de la société et que ce manquement était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés.

La société Faurecia et M. [N] contestent cette analyse.

À ce titre, ils exposent que la société n'a pas pris l'initiative d'appeler les analystes financiers, mais qu'il résulte des échanges retenus par la Commission des sanctions que ce sont eux qui ont pris contact avec le directeur des relations investisseurs.

Cependant, les dispositions de l'article 223-10-1 du Règlement général de l'AMF, qui imposent aux émetteurs d'assurer un accès égal et dans les mêmes délais aux sources et canaux d'information qu'ils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, visent à assurer une égalité d'information, à tout le moins, entre ces professionnels. Elles n'excluent pas les informations délivrées à l'occasion de contacts bilatéraux qui peuvent survenir entre les analystes financiers et la société et il n'y a, dès lors, pas lieu d'en réduire la portée aux seuls contacts dont la société prendrait l'initiative. C'est en conséquence à juste titre que la Commission des sanctions a considéré que ce moyen développé devant elle était inopérant.

Les requérants soutiennent que le directeur des relations investisseurs s'est borné à fournir une explication qualitative et non quantitative et qu'il n'a pas divulgué d'information confidentielle. Ils invoquent le fait que d'autres analystes financiers que ceux avec lesquels ce responsable a eu des contacts ont publié des notes de recherche dès la fin du mois de mai sans pour autant avoir été en contact avec la société, ce qui démontre, selon eux, que les notes d'analyses des 4,5 et 6 juillet 2012, publiées à la suite des contacts en cause ne résultent pas de ceux-ci.

Les éléments du dossier contredisent toutefois cette analyse.

En effet, il résulte, en premier lieu, d'un échange de courriers électroniques, le 3 juillet 2012, entre le directeur des relations investisseurs et un analyste financier de la société Natixis que ceux-ci ont eu un entretien téléphonique, à la suite duquel, l'analyste a adressé à ce directeur la note qu'il avait rédigée révisant à la baisse le cours du titre Faurecia et expliquant que « La publication du S1 12, qui pourrait être marquée par l'abandon des guidances annuelles pourrait cependant constituer un point d'inflexion si le groupe présente un plan de redressement solide (...). ». Puis « Nous attendons une MOP [marge opérationnelle] de 568 M€ (VS 610 M€, soit une baisse de 7 % et 3,4 % du CA (...) ». Par un message du lendemain le directeur des relations investisseurs transmettait cette note à MM. [N], [C] et [Z] (directeur de la communication ) en précisant « Hier j'ai parlé avec l'analyste financier et je lui ai fortement conseillé de se mettre assez bas (il s'est calé à 568m€ sur 2012) avec une dette élevée (1,5mds€) ... ce qu'il a fait. Je continue de contacter les analystes sous le prétexte du S1 pour les faire baisser, ainsi le 24 juillet le consensus devrait être vers les 580m€ ... ainsi on ne fera pas de 'profit warning' ».

Par ailleurs, par un message du 6 juillet 2012, le directeur des relations investisseurs a adressé aux mêmes personnes, un message transmettant une note d'analyse de la société Kepler en indiquant « Au tour de Kepler de baisser ses attentes sur nous (après un coup de fil) (...) ». Cette note faisait elle aussi mention d'une marge opérationnelle inférieure à la limite basse de la « guidance ». En outre, dans une note du 5 juillet 2012, l'analyste de la société CM-CIC, après avoir eu un contact avec M. [Q], écrivait « (...) Nous pensons donc que le groupe n'atteindra donc pas ses guidances de ROC dont la fourchette basse était de 610 M€ (...) » De même, le 19 juillet M. [Q] a transmis aux mêmes interlocuteurs une étude de la société HSBC faisant état d'une nouvelle « guidance » à 580 millions d'euros de marge opérationnelle, en indiquant «L'analyste révise à la baisse des attentes sur mes 'conseils'».

Ces messages démontrent que les contacts entre le directeur des relations investisseurs et les analystes financiers ont conduit ceux-ci, à tout le moins, à conclure que la « guidance » ne serait pas atteinte, ce que la société n'a annoncé que le 24 juillet suivant.

Ce faisant, le directeur des relations investisseurs a excédé le rôle qu'invoque la société Faurecia qui prétend que celui-ci se serait borné à aider les analystes financiers dans leur travail par la présentation ainsi que l'explicitation de la stratégie et en s'assurant de leur bonne compréhension des messages. Au regard de la force probante des termes des messages adressés par le directeur des relations investisseurs lui'même, retranscrits ci-dessus, les dénégations des analystes lors de leurs auditions par les enquêteurs, apparaissent peu convaincantes.

Enfin, il est sans portée que des notes publiées au mois de mai 2012 par d'autres analystes n'ayant pas eu de contact avec le directeur des relations investisseurs, fassent état pour l'une de l'éventualité d'une révision à la baisse de la « guidance » , et pour les deux autres d'une forte probabilité de résultats dans la limite basse de la fourchette. En effet, si ces analystes ont pu déduire des données disponibles des conclusions que le directeur des relations investisseurs a ensuite communiquées à d'autres, il n'en demeure pas moins que les contacts relevés ont rompu l'égalité d'information entre les analystes financiers.

Il s'ensuit que la Commission des sanctions a à juste titre considéré que ce comportement qui portait atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés constituait un manquement aux dispositions de l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF, sans avoir à rechercher si les contacts en cause avaient pu avoir une influence sensible sur le cours du titre Faurecia, ce que ce texte ne requiert pas.

Les moyens développés au sujet du troisième grief sont en conséquence de ce qui précède rejetés.

Sur le rôle de M. [N]

M. [N] conteste dans ses conclusions avoir eu un rôle actif dans la mise en 'uvre des trois manquements. Il oppose que la Commission des sanctions s'est fondée à son sujet sur le seul courrier électronique du 4 juillet 2012 adressé par lui au directeur de la communication précisant qu'il souhaitait « Revoir les axes de com en fonction des dernières nouvelles sur les résultats et des contacts [du directeur des relations investisseurs] avec les analystes ».

S'agissant du premier grief relatif à la conférence téléphonique du 24 avril 2012, il précise qu'il n'a pas participé à cette conférence et n'a pas été interrogé par les enquêteurs à ce sujet. Il fait valoir qu'aucun élément du dossier ne démontre qu'il aurait participé à la préparation de cet événement alors que lors du conseil d'administration du 17 avril 2012, il a lui même confirmé les termes de la « guidance ». Il estime « inacceptable » de lui opposer des propos dont il n'a pas été témoin, alors que la preuve de ceux-ci n'est pas rapportée, il fait valoir que même dans le cas d'une application mécanique de l'article 221-1, dernier alinéa, du Règlement général de l'AMF, il n'est pas justifié de lui infliger une sanction à ce titre.

En ce qui concerne le deuxième grief relatif à l'information de la non-réalisation de la « guidance », M. [N] oppose qu'il s'est exprimé avec prudence lors du conseil d'administration du 17 avril 2012. Il ajoute que la décision a reconnu, d'une part, que les effets des plans de réduction des coûts ne pouvaient être anticipés au 25 juin 2012, d'autre part, que les différentes versions du projet de présentation des résultats signifient bien qu'à la date du 26 juin 2012, il n'avait aucune indication fiable permettant de communiquer au public une nouvelle « guidance ». Il indique en outre qu'il n'a pas eu connaissance de ce projet qui est la pièce maîtresse de l'argumentation de la Commission des sanctions. Il confirme que comme il l'a indiqué aux enquêteurs, il n'a eu conscience de la remise en cause des prévisions qu'autour de la mi-juillet.

Au sujet du troisième grief, outre le moyen nouveau relatif à l'inapplicabilité en droit de l'article 223-10-1 du règlement général de l'AMF, déclaré précédemment irrecevable, M. [N] fait valoir qu'il lui est reproché un rôle actif dans les échanges entre M. [Q] et les analystes financiers sur la base de simples courriers internes qui ne sont pas échangés entre lui-même et les analystes. Il rappelle qu'il ne s'agissait pas en l'espèce de « piloter » le consensus mais de s'assurer que ceux-ci prenaient bien en considération les éléments exogènes de plus en plus déterminants affectant la situation de la société ce qu'il a désigné comme étant une opération d'assainissement. Il oppose qu'il était tout à fait légitime que le directeur des relations investisseurs lui transmette les notes des analystes financiers qui sont déterminantes pour un émetteur et qu'il ne saurait lui être reproché de s'être intéressé au consensus, alors que précisément, il est exigé des émetteurs qu'ils s'assurent de la bonne perception des risques qui pèsent sur leur situation financière.

* *

Ainsi que l'a rappelé la décision, l'article 221-1, dernier alinéa, du Règlement général de l'AMF dans sa version non modifiée issue de l'arrêté du 26 février 2007 énonce que « Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l'émetteur, de l'entité ou de la personne morale concernée ». En application de cette disposition, il importe peu que le dirigeant ait, ou non, pris une part active aux pratiques sanctionnées. Il est en conséquence sans portée que M. [N] n'ait pas pris part à la conférence téléphonique, ni à la préparation de celle-ci, ou encore s'agissant du deuxième grief, qu'il n'ait pas reçu le projet de communication des résultats.

Par ailleurs, si la décision relève, s'agissant du deuxième grief, que les effets des plans de réduction des coûts ne pouvaient être anticipés au 25 juin 2012, ce n'est pas pour admettre qu'une incertitude relative à ce plan pouvait légitimer le fait de ne pas informer le marché de ce que la limite basse de la « guidance » ne serait pas atteinte, mais seulement pour écarter le moyen développé à ce sujet. En effet, la mise en 'uvre d'un tel plan ne pouvait, en tout état de cause, pas avoir d'effet dans un délai aussi bref que celui du second semestre et ne pouvait légitimer le retard avec lequel la société Faurecia a communiqué l'information relative à la non réalisation de ses prévisions. Par ailleurs, ainsi que la cour l'a relevé dans les motifs du rejet des moyens de la société Faurecia sur ce point, les différentes versions de son document relatif à la publication de ses résultats semestriels démontrent qu'elle disposait de suffisamment de données pour lui permettre de faire connaître cette information au public avec un degré de précision proche de ce qu'elle a finalement annoncé le 24 juillet 2012 et M. [N], en sa qualité de dirigeant, ne pouvait ignorer cette situation et devait la faire communiquer dès que possible.

S'agissant du troisième grief, il résulte des termes des courriers électroniques précédemment détaillés que M. [N] était informé des contacts du directeur des relations investisseurs avec certains seulement des analystes financiers, ainsi que de la teneur des informations délivrées par celui-ci. Il ne saurait en conséquence être exonéré de la responsabilité qui lui incombe de ne pas avoir veillé au respect des dispositions de la réglementation boursière.

Les moyens de M. [N] sont en conséquence rejetés.

Sur le montant des sanctions

La Commission des sanctions compte tenu de la gravité des manquements et des éléments fournis sur la situation de la société a prononcé une sanction pécuniaire de 2 000 000  euros à l'encontre de la société et de 100 000 euros à l'encontre de M. [N].

La société Faurecia et M. [N] soutiennent que la décision ne permet pas à la cour d'apprécier la proportionnalité entre les sanctions prononcées et la gravité des faits relevés ainsi que le dommage qui en serait résulté.

Ils font valoir, que la société n'avait jamais fait l'objet d'aucune sanction de l'AMF et que la Commission des sanctions a relevé qu'elle ne disposait d'aucun élément sur un profit réalisé. Elle oppose que la motivation ne permet pas d'identifier ce que la Commission des sanctions considère comme un manquement grave, ni ce qui est entendu par la « situation de la société ». Elle soutient enfin que la motivation ne respecte pas les termes de la directive 2014.57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 qui énonce les critères sur lesquels doit s'apprécier la gravité du manquement relevé.

C'est à juste titre que les parties soutiennent que la motivation de la décision ne permet pas à la cour d'apprécier la proportionnalité des sanctions prononcées à la gravité des pratiques et à la situation de la société Faurecia. La seule référence, de façon générale à « la gravité des manquements relevés » et aux « éléments fournis sur la situation de la société » ne permettent ni à la cour, ni aux personnes concernées, de savoir ce que la Commission des sanctions a retenu à ces titres.

La décision doit en conséquence être réformée sur ce point et la cour doit, en vertu de l'effet dévolutif du recours, statuer à nouveau sur ce chef.

Il convient de relever à ce titre que les trois manquements relevés ont porté atteinte aux règles instituées pour la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, pour le premier et le troisième en ne respectant pas le principe d'égalité de l'accès à l'information, pour le deuxième en ne délivrant pas, dès que possible, aux investisseurs une information susceptible de déterminer leurs décisions.

Ces comportements émanant d'une entreprise importante par sa taille, son chiffre d'affaires et sa place sur le marché mondial des équipements automobiles sont graves en ce qu'ils ont entretenu et amplifié une distorsion entre, d'un côté, les attentes des investisseurs, de l'autre, la réalité des perspectives de résultats. Par ailleurs, même s'ils ont été mis en 'uvre durant une période réduite, ils ont été répétés.

Par ailleurs, il résulte du document de référence de la société Faurecia qu'elle a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 18 milliards d'euros, une marge opérationnelle de 538 millions d'euros et que sa capitalisation boursière s'est élevée, la même année, à 3,3 milliards d'euros. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour fixe la sanction pécuniaire infligée à la société Faurecia à la somme de 1 000 000 d'euros.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance du rôle d'impulsion que les dirigeants d'entreprise se doivent d'exercer dans la mise en 'uvre du respect des dispositions relatives à l'information et la protection des investisseurs, les griefs retenus contre la société Faurecia constituent aussi des manquements graves de la part de M. [N]. Eu égard à la rémunération communiquée dans le document de référence de la société Faurecia pour l'année 2013, la cour fixe la sanction pécuniaire infligée à M. [N] à la somme de 100 000 euros.

PAR CES MOTIFS

- Déclare irrecevables les moyens développés par la société Faurecia dans ses mémoires des 16 décembre 2015 et 26 février 2016, pris, d'une part, de l'erreur de droit commise dans l'interprétation de l'article 223'10'1 du Règlement général de l'AMF, d'autre part, du caractère inapplicable de cette disposition aux contacts établis entre elle et les analystes au début du mois de juillet 2012 ;

- Déclare irrecevable le moyen développé par M. [N] dans son mémoire du 16 décembre 2012, pris du caractère inapplicable de l'article 223'10'1 du Règlement général de l'AMF aux contacts établis entre la société Faurecia et les analystes au début du mois de juillet 2012 ;

- Réforme la décision attaquée en ce qu'elle a fixé à l'encontre de la société Faurecia une sanction pécuniaire de 2 000 000 euros et à l'encontre de M. [N] une sanction pécuniaire de 100 000 euros ;

Statuant à nouveau sur ces points,

- Fixe à 1 000 000 d'euros la sanction infligée à la société Faurecia ;

- Fixe à 100 000 euros la sanction infligée à M. [N] ;

- Rejette les autres moyens plus amples ou contraires de la société Faurecia et de M. [N] ;

- Condamne la société Faurecia et M. [N] aux dépens du recours.

LE GREFFIER,

Benoît TRUET-CALLU

LA PRÉSIDENTE,

Valérie MICHEL- AMSELLEM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/04219
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°15/04219 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;15.04219 ?
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