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30/06/2016 | FRANCE | N°14/26218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 30 juin 2016, 14/26218


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8





ARRET DU 30 JUIN 2016



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26218





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014057782







APPELANTS



Monsieur [X] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naiss

ance 2] 1978 à [Localité 2]



Monsieur [M] [C]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3]



Monsieur [D] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 1] (SEN...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRET DU 30 JUIN 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26218

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014057782

APPELANTS

Monsieur [X] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 2]

Monsieur [M] [C]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3]

Monsieur [D] [U]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 1] (SENEGAL)

Représentés par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Assistés de Me Fabien BARBUDAUX, avocat au barreau de Paris, toque : R57

SAS OL & DI CONSULTING

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 799 88 9 9 511

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée de Me Olivier MORIN, substituant Me Sacha BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : B863

INTIMÉE

Société F. INICIATIVAS

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 499 15 4 5 577

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Anna SALABI, avocat au barreau de PARIS, toque : A713

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre, et Mme Odette-Luce BOUVIER, Conseillère chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre

Mme Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

Mme Mireille DE GROMARD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Annie DABOSVILLE, présidente et par Mme Patricia PUPIER, greffière présente lors du prononcé.

La SAS F. Iniciativas, constituée le 19 juillet 2007, est spécialisée dans le financement de l'innovation. Elle a embauché M. [U], M. [T] et M. [M] [C] par contrats de travail à durée indéterminée, respectivement datés des 5 septembre 2011, 17 septembre 2012, et 9 septembre 2013.

M. [U] et M. [M] [C] ont quitté la SAS F. Iniciativas par ruptures conventionnelles de leurs contrats de travail, intervenues respectivement les 25 novembre et le 31 décembre 2013. Ils ont fondé la SAS OL & DI Consulting, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 30 janvier 2014.

Entre décembre 2013 et mars 2014, M. [G], M. [I], Mme [E], M. [T], et M. [K] [C], frère de M. [M] [C], ont quitté la SAS F. Iniciativas pour rejoindre la SAS OL & DI Consulting.

Par ordonnance du 21 mars 2014, le président du tribunal de commerce de Paris saisi sur requête par la SAS F. Iniciativas a commis maître [B], afin de se rendre au siège social de la SAS OL & DI Consulting et d'y faire certaines constations sur le livre d'entrée et de sortie du personnel. Le procès-verbal de constat a été dressé le 14 mai 2014.

Par ordonnance du 18 juin 2014, le président du tribunal de commerce de Paris saisi sur requête par la SAS F. Iniciativas a commis la SCP Chevrier de Zitter & Asperti, huissiers, comme mandataire de justice chargée d'effectuer des recherches et de prendre copie de documents, au siège social de la SAS OL & DI Consulting, et de les conserver sous séquestre, afin d'établir le cas échéant l'existence d'actes de concurrence déloyale.

Par acte du 14 octobre 2014, la SAS OL & DI Consulting a assigné la SAS F. Iniciativas devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête du 18 juin 2014 ; restitution de tous documents en la possession de l'huissier instrumentaire, la SAS F. Iniciativas, et l'expert informatique ayant assisté l'huissier, obtenus par le biais des opérations de constat ou saisie dilligentées en vertu de l'ordonnance ; destruction de toute copie ; outre frais et dépens.

M. [T], M. [M] [C] et M. [U] sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions déposées à l'audience du 28 octobre 2014, aux fins de rétractation de l'ordonnance ; de la dire non-avenue et de dessaisissement rétroactif de l'huissier ; d'annulation de l'ensemble des mesures réalisées en son application ; d'injonction faite à l'huissier de restituer dans les 24 heures du prononcé de l'ordonnance de référé à la SAS OL & DI Consulting l'ensemble des saisies, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, avec réservation de l'astreinte ; injonction faite à l'huissier de détruire toute copie réalisée et défense de communiquer quoi que ce soit à la SAS F. Iniciativas ; outre frais et dépens.

Par ordonnance contradictoire du 16 décembre 2014, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, retenant notamment que la SAS F. Iniciativas a établi dans sa requête la réalité d'un litige potentiel, l'absence de preuve de faits de concurrence déloyale au stade de la requête ne pouvant être considérée comme une absence de motif légitime ; que les termes de l'ordonnance sur requête définissent les recherches à mener par mots-clés, dressent la liste des critères précis définissant les documents à rechercher ou se faire remettre concernant la SAS F. Iniciativas et une liste de dix de ses clients ; que les mesures ainsi définies sont clairement limitées à leur objet et ne sauraient être qualifiées de trop générales ; que l'ordonnance constate que le requérant justifie être fondé à ne pas appeler la partie adverse, et précise que les saisies seront maintenues sous séquestre, qu'il en sera donné copie à la partie objet de la mesure et qu'il ne pourra pas en être donné connaissance au requérant ; que les affirmations relatives à la société Synactiv ne sont pas établies ; que les intervenants volontaires ne sont pas concernés à titre personnel par l'instance en concurrence déloyale censée motiver l'ordonnance de sorte qu'il n'y avait pas lieu de la leur signifier ; a, par ces motifs :

- dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 18 juin 2014 ;

- débouté la SAS OL & DI Consulting et M. [U], M. [M] [C] et M. [T] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné la SAS OL & DI Consulting et M. [U], M. [M] [C] et M. [T] à payer, in solidum, à la SAS F. Iniciativas, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS OL & DI Consulting et M. [U], M. [M] [C] et M. [T], in solidum, aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 106,16 euros TTC dont 17,81 euros de TVA.

La SAS OL & DI Consulting a relevé appel de cette décision par déclaration d'appel reçue le 23 décembre 2014 et enrôlée sous le n° RG 14/26218.

M. [T], M. [M] [C] et M. [U] ont relevé appel de cette décision par déclaration d'appel reçue le 23 décembre 2014 et enrôlée sous le n° RG 14/26229.

Les deux affaires ont été jointes sous le n° RG 14/26218 par ordonnance du 3 décembre 2015.

Par ses dernières conclusions régulièrement transmises le 31 mars 2015, la SAS OL & DI Consulting, appelante, demande à la cour de :

- écarter des débats, en raison de son illicéité et son irrecevabilité consécutive, le rapport dressé par la société Synacktiv ;

- rétracter purement et simplement l'ordonnance sur requête du 18 juin 2014 avec toutes conséquences de droit et de fait ;

En conséquence :

- ordonner à l'huissier instrumentaire, à la SAS F. Iniciativas ainsi qu'à l'expert informatique qui l'a assisté dans la conduite de ses opérations de saisie, la restitution de tous documents ou fichiers informatiques en leur possession obtenus par le biais des opérations de saisie ou de constats diligentés en vertu de ladite ordonnance et ordonner la destruction de toute copie ;

- condamner la SAS F. Iniciativas, à payer à la SAS OL & DI Consulting la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS F. Iniciativas aux entiers dépens.

Sur la rétractation de l'ordonnance du 18 juin 2014, la SAS OL & DI Consulting soutient :

- que le recours à une procédure sur requête, qui constitue une exception au principe du contradictoire, ne se justifiait pas ; que le risque de déperdition de preuves allégué n'est pas justifié ; que le fait d'introduire une phase contradictoire après l'exécution de l'ordonnance en plaçant les saisies sous séquestre ne justifie pas qu'il ait été procédé de manière non contradictoire ;

- que la prise en compte par le président du tribunal de commerce d'éléments de preuve illicites constitue une grave violation du principe de loyauté de la preuve ; que la SAS F. Iniciativas a produit au soutien de sa requête un rapport de la société Syntacktiv, sans respecter les prescriptions des dispositions du code de la sécurité intérieure s'appliquant aux agences de recherche privées telles que la société Syntacktiv ;

- que la SAS F Iniciativas n'a démonté aucun motif légitime pour justifier le prononcé de mesures d'instruction in futurum ; que ni le départ de certains de ses salariés et leur embauche par la SAS OL & DI consulting, ni les relations de cette société avec ses clients, ne constituent des motifs légitimes ;

- que les mesures ordonnées ne constituaient pas des mesures légalement admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'il s'agit de mesures à caractère général et déraisonnablement étendues, qui s'apparentent à des mesures d'investigations générales ; qu'elles avaient un caractère intrusif et coercitif ; qu'elles imposaient à l'huissier de porter des appréciations de nature juridique ;

- qu'en tout état de cause, l'ordonnance dont appel ne contient aucune motivation tant s'agissant des circonstances qui exigeraient une entorse au principe du contradictoire, que du prétendu motif légitime supposé justifier les mesures ordonnées.

Par leurs dernières conclusions régulièrement transmises le 5 mai 2016, M. [T], M. [M] [C] et M. [U], appelants, demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel et leur intervention volontaire ;

- infirmer l'ordonnance rendue le 16 décembre 2014 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- rétracter purement et simplement l'ordonnance en date du 18 juin 2014 sur la requête de la SAS F. Iniciativas avec toutes conséquences de droit et de fait ;

- dire ladite ordonnance non-avenue et déclarer la SCP Chevrier de Zitter & Asperti, huissiers de justice rétroactivement dessaisi de sa mission ;

- annuler l'ensemble des mesures réalisées en application de l'ordonnance du 18 juin 2014 sur la requête de la SAS F. Iniciativas, en ce compris le procès-verbal de constat établi par la SCP Chevrier de Zitter & Asperti, huissiers de justice, le 12 septembre 2014 et la note technique annexée ;

- enjoindre à la SCP Chevrier de Zitter & Asperti, huissiers de justice, de restituer à la SAS OL & DI Consulting, dans les 24 heures du prononcé de l'ordonnance à intervenir, l'ensemble des documents, fichiers, courriels saisis le 9 septembre 2014, ainsi que tous les supports informatiques correspondants, sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard à la charge de la SAS F. Iniciativas, que Monsieur le Président se réservera le droit de liquider ;

- enjoindre également à l'huissier de justice de détruire toutes les copies qu'il aurait pu réaliser, et lui faire défense de communiquer quoi que ce soit à la SAS F. Iniciativas ;

- condamner, la SAS F. Iniciativas à leur payer respectivement la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS F. Iniciativas aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

- leur donner acte de ce qu'ils ne s'opposent pas à toute éventuelle mesure de sursis à statuer que la cour pourrait estimer nécessaire de prononcer en l'état de leur plainte avec constitution de partie civile ;

- réserver les frais irrépétibles et les dépens.

Ils font valoir que leurs interventions volontaires présentent sans contestation possible un lien suffisant avec l'action dont le président du tribunal de commerce était saisi, en ce qu'ils sont expressément visés par la requête.

Sur la rétractation de l'ordonnance litigieuse, ils soutiennent :

- que la SAS F. Iniciativas a produit des éléments de preuve illicites au soutien de sa requête ; que la SAS F. Iniciativas a produit au soutien de sa requête un rapport de la société Syntacktiv, sans respecter les prescriptions des dispositions du code de la sécurité intérieure s'appliquant aux agences de recherche privées telles que la société Syntacktiv ;

- que l'ordonnance contestée, et la requête, ne leur ont pas été signifiées ; qu'il résulte cependant de la jurisprudence prise en application de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile que les ordonnances rendues sur requête au visa de l'article 145 du même code doivent être signifiées non seulement à la personne chez qui la mesure est réalisée, mais encore au défendeur potentiel au procès envisagé par le requérant ; qu'en l'espèce, ils étaient nommément visés par la requête, qui portait de graves accusations à leur égard ;

- que les mesures ordonnées sont illégales au regard des prévisions de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'il s'agit de mesures à caractère coercitif ; qu'elles s'apparentent à une perquisition civile, en ce qu'elles ne sont pas assez limitées dans leur objet ;

- qu'il existait un procès en cours au jour du dépôt de la requête ; que seul le tribunal déjà saisi était donc compétent pour ordonner une mesure d'instruction.

- que la requête n'est pas motivée ; qu'elle ne détaille pas les circonstances justifiant le caractère non-contradictoire de la mesure d'instruction ; qu'elle ne caractérise pas de motif légitime.

Par ses dernières conclusions régulièrement transmises le 4 décembre 2015, la SAS F. Iniciativas, intimée, demande à la cour de :

- débouter la SAS OL & DI Consulting de l'intégralité de ses prétentions ;

- confirmer l'ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Paris du 16 décembre 2014 en toutes ses dispositions ;

Y Ajoutant :

- condamner la SAS OL & DI Consulting à payer à la SAS F. Iniciativas la somme de 7.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS OL & DI Consulting aux entiers dépens de la procédure ;

- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SELARL Lexavoué Paris - Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la parfaite régularité de l'ordonnance, l'intimée soutient :

- que dans sa requête, elle a justifié d'un motif légitime ; qu'il ressort de la jurisprudence que, spécifiquement en matière de concurrence déloyale, l'absence de preuve de faits de concurrence déloyale au stade de la requête ne peut être assimilée à l'absence de preuve du motif légitime ; qu'en l'espèce M. [C] et M. [T] se sont vus lors de leur démission notifier l'application de leur clause de non-concurrence ; qu'ils ont cependant rejoint la SAS OL & DI Consulting, laquelle a une activité concurrente ; qu'elle a par ailleurs établi avoir perdu des clients concomitamment au départ de ses salariés, dont la SAS OL & DI Consulting reconnaît que certains sont passés chez elle ;

- qu'elle a sollicité des mesures légalement admissibles ; que le périmètre des mesures est strictement précisé dans l'ordonnance, de manière beaucoup plus précise que dans la jurisprudence citée par les appelants ;

- qu'elle a caractérisé les circonstances justifiant qu'il ne soit pas procédé contradictoirement ; que les circonstances de fait exposées dans la requête justifiaient qu'un effet de surprise soit ménagé pour éviter le déperdition des preuves ;

- que c'est à tort que les appelants soutiennent que le juge n'aurait pas eu le pouvoir d'ordonner le concours de la force publique ; que ce pouvoir fait partie de l'imperium du juge et ne dépend pas d'une habilitation législative ;

- que les appelants ne justifient pas du fait que la société Synacktiv aurait une activité relevant des dispositions du code de la sécurité intérieure règlement l'activité des agences de renseignement privées ; que l'applicabilité des dispositions du code de la sécurité intérieure ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation ; qu'il n'est pas établi que les dispositions pénales visées par les appelants s'appliquent à la société Syntacktiv ; qu'il n'est pas justifié de leur non-respect par cette société ; que les appelants n'indiquent pas les suites qui ont été données au dépôt de plainte contre X de la SAS Ol & DI Consulting ;

SUR QUOI LA COUR

Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, il peut être ordonné en référé toute mesure d'instruction légalement admissible ;

Lorsqu'il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n'est pas soumis aux conditions imposés par l'article 808 du code de procédure civile, qu'il n'a notamment pas à rechercher s'il y a urgence, que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l'application de cet article n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ;

L'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe « en germe » possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et donc la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ; le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure 'in futurum' est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions ;

Dans sa requête, la SAS F Iniciativas qui rappelle que plusieurs de ses salariés l'ont quittée pour aller créer la société OL DI Consulting ou y travailler alors que cette société exerce dans le même domaine qu'elle et qui soutient que plusieurs de ses clients dans le même temps l'ont abandonnée pour aller travailler avec la société OL DI Consulting, précise qu'elle s'estime victime de manoeuvres illicites de détournement de clientèles constitutives d'acte de concurrence déloyale (pages 9 et 10 de la requête) et qu'elle envisage une procédure au fond à l'encontre de cette société et/ou ses anciens collaborateurs en réparation de son préjudice.

MM. [U], [M] [C] et [T] font valoir qu'il existe déjà un procès en cours puisqu'en réponse à un procès intenté par M. [U] en mars 2014 à son encontre devant le conseil des prud'hommes de NANTERRE pour rappel d'heures supplémentaires, 13ème mois et travail dissimulé, la société F. Iniciativas a formulé une demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté à hauteur de 50.000 euros par des conclusions en date du 28 octobre 2014.

Mais l'absence d'instance au fond qui constitue une condition de recevabilité de la demande doit s'apprécier à la date de saisine du juge des requêtes : en l'espèce la requête ayant donné lieu à l'ordonnance du 18 juin 2014 est en date du 13 juin 2014 de sorte que les conclusions de la société F. Iniciativas du 28 octobre 2014 étant postérieures à la saisine du juge des requêtes, il n'y a pas lieu à rétractation de ce chef.

MM. [U], [M] [C] et [T] soutiennent ensuite que l'ordonnance litigieuse du 18 juin 2014 devait, en tant que défendeurs potentiels au procès envisagé par la société F. Iniciativas, leur être notifiée ce qui n'a pas été le cas de sorte que l'ordonnance doit être rétractée.

Mais l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile qui impose de laisser copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à qui elle est opposée, ne s'applique qu'à la personne qui supporte l'exécution de la mesure, en l'espèce la société OL 1 DI Consulting, qu'elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé.

Dès lors en l'espèce il est indifférent que la requête et l'ordonnance du 18 juin 2014 n'aient pas été notifiées à MM. [U], [M] [C] et [T] : l'ordonnance et la requête ont bien été signifiées lors de l'exécution de la mesure le 12 septembre 2014 au sein de la société OL DI Conulting (pièce n°5 de l'intimée) à ladite société en la personne de M. [U] qui a déclaré à l'huissier être associé de la société. Il n'y a pas lieu à rétractation de ce chef.

MM. [U], [M] [C] et [T] et la société OL & DI Consulting font ensuite valoir que l'ordonnance du 18 juin 2014 s'abstient purement et simplement de caractériser les raisons qui légitimeraient la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire et qu'il en est de même de la requête de la société F. Iniciativas.

Selon l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas ou le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, les mesures destinées à conserver ou à établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, ne peuvent donc être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement.

Les circonstances propres au cas d'espèce justifiant une dérogation au principe de la contradiction doivent être caractérisées et le juge saisi d'une demande de rétractation doit vérifier, au besoin d'office, si cette exigence est satisfaite.

En l'espèce, la requête du 13 juin 2014 est ainsi libellée ( page 13) : « La requérante est parfaitement fondée à ne pas appeler les sociétés OL & DI Consulting et E.S.E.M Holding et ses anciens collaborateurs afin que les éléments de preuve ne puissent pas être détruits préalablement à toute procédure. Il est donc indispensable que la mesure sollicitée soit non contradictoire afin de préserver les preuves ».

L'ordonnance du 18 juin 2014, rendue au visa « de la requête déposée par la société F. Iniciativas, les motifs y exposés et les pièces produites » précise simplement sur ce point: « Constatons, au vu des justifications produites, que le requérant est fondé à ne pas appeler la partie visée par la mesure ».

Or, ni la requête, ni l'ordonnance qui se contente de paraphraser l'article 493 du code de procédure civile ne caractérisent les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, lesquelles ne découlent ni de la mention que la requérante est fondée à ne pas appeler les parties adverses ce qui correspond au visa de l'article 493 précité ni de de la mention « afin que les éléments de preuve ne puissent être détruits préalablement à toute procédure » ce qui constitue une clause de style. Tant la requête que l'ordonnance, sans démonstration à l'appui et sans prise en compte des éléments propres au cas d'espèce, ne satisfont donc pas à l'exigence de motivation dudit texte

Il s'ensuit que la requête n'a pas régulièrement saisi le juge des requêtes et que l'ordonnance du 18 juin 2014 n'est pas non plus régulière de sorte qu'il y a lieu de rétracter cette ordonnance sans qu'il soit besoin de statuer sur les mérites de la requête. L'ordonnance du 16 décembre 2014 est donc infirmée en toutes ses dispositions.

Par voie de conséquence, il doit être fait droit aux demandes des appelants tendant à l'annulation de l'ensemble des mesures réalisées en application de l'ordonnance du 18 juin 2014 sur la requête de la société F.Iniciativas en ce compris le procès-verbal de constat établi par la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice le 12 septembre 2014 et la note technique annexée, à la restitution à la société OL & DI Consulting par la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice dans les 24 heures de l'ordonnance à intervenir sous astreinte telle que précisé au dispositif du présent arrêt sans que la cour ne se réserve la liquidation de l'astreinte, de l'ensemble des documents, fichiers, courriels saisis le 9 septembre 2014 ainsi que tous les supports informatiques correspondant, à la destruction par la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice de toutes les copies qu'il aurait ou réaliser et lui faire défense de communiquer quoi que ce soit à la société F. Iniciativa.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du présent dispositif.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance du 16 décembre 2014 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Ordonne la rétractation de l'ordonnance rendue le 18 juin 2014 par le président du tribunal de commerce de Paris à la requête de la SAS F. Iniciativas,

Annule l'ensemble des mesures réalisées en application de l'ordonnance du 18 juin 2014 sur la requête de la société F.Iniciativas en ce compris le procès-verbal de constat établi par la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice le 12 septembre 2014 et la note technique annexée,

Ordonne la restitution à la société OL & DI Consulting par la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice ainsi qu'à l'expert informatique qui l'a assisté dans ses opérations de saisie, dans les 24 heures de la signification du présent arrêt sous astreinte de 500 euros par jour de retard à la charge de la SAS F.Iniciativas, de l'ensemble des documents, fichiers, courriels saisis le 9 septembre 2014 ainsi que tous les supports informatiques correspondant,

Ordonne à la SCP Chevrier de Zitter-Asperti huissiers de justice de détruire toutes les copies qu'elle aurait pu réaliser et de ne pas communiquer quoi que ce soit à la SAS F. Iniciativas,

Condamne la SAS F.Iniciativas à verser à MM. [U], [M] [C] et [T] ensemble la somme de 4.000 euros d'une part et à la société OL & DI Consulting d'autre part la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS F.Iniciativas de sa demande du même chef,

Condamne la SAS F. Iniciativas aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ces derniers conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/26218
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A8, arrêt n°14/26218 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;14.26218 ?
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