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30/06/2016 | FRANCE | N°14/07263

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 30 juin 2016, 14/07263


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 30 JUIN 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07263



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013011345





APPELANTE



SOCIÉTÉ IRIS FINANCE

RCS PARIS B 424 119 246

Prise en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaida...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 30 JUIN 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07263

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013011345

APPELANTE

SOCIÉTÉ IRIS FINANCE

RCS PARIS B 424 119 246

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Maître Philippe GLASER, avocat au barreau de PARIS, toque:J10

INTIMEE

SARL ABOUTBATTERIES

RCS STRASBOURG 424 119 246

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Caroline FEVRE, Conseillère, et Madame Muriel GONAND, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique LONNE, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRÊT :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique LONNE, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

Par jugement rendu le 21 mars 2014, le Tribunal de commerce de PARIS a :

-dit que la SAS à associé unique IRIS FINANCE n'a pas respecté le type de gestion prudent stipulé au mandat qui lui a été confié par la SARL ABOUTBATTERIES,

-dit que la clause exonératoire de responsabilité de la SAS à associé unique IRIS FINANCE est inapplicable en l'espèce,

-condamné au titre de la perte de capital la SAS à associé unique IRIS FINANCE à payer la somme de 615.725,79 euros à la SARL ABOUTBATTERIES avec anatocisme à compter du 17 juin 2013,

-condamné au titre de la perte de rendement la SAS à associé unique IRIS FINANCE à payer la somme de 26.541,37 euros à la SARL ABOUTBATTERIES avec anatocisme à compter du 17 juin 2013

-débouté la SARL ABOUTBATTERIES de sa demande de dommages et intérêts consécutifs au préjudice allégué dans la gestion de l'entreprise,

-condamné la SAS à associé unique IRIS FINANCE à payer à la SARL ABOUTBATTERIES la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres, ou contraires,

- condamné la SAS à associé unique IRIS FINANCE aux entiers dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 € dont 13,52 € de TVA.

La déclaration d'appel de la société IRIS FINANCE a été déposée au greffe de la Cour le 01/04/2014.

Dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 2 mai 2016, la société IRIS FINANCE demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS le 21 mars 2014 en toutes ses dispositions,

- Dire qu'elle n'a pas outrepassé les termes de son mandat en se conformant au profil de gestion stipulé dans le mandat de gestion conclu en date du 14 janvier 2010,

- Dire et Juger qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du mandat de gestion conclu avec la société ABOUTBATTERIES en date du 14 janvier 2010,

A titre subsidiaire,

- Dire que la clause limitative de responsabilité stipulée dans le mandat de gestion conclu en date du14 janvier 2010 est opposable à la société ABOUTBATTERIES,

- Dire que le préjudice allégué par la société ABOUTBATTERIES n'est pas établi,

- Débouter la société ABOUTBATTERIES de l'ensemble de ses prétentions,

- Condamner la société ABOUTBATTERIES à payer la somme de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du code de procédure civile, signifiées le 3 mai 2016, la société ABOUTBATTERIES demande à la Cour de :

- dire la société IRIS FINANCE irrecevable, en tout cas mal fondée en son appel,

- rejeter toutes les demandes, fins, exceptions et conclusions de la société IRIS

FINANCE,

- confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions qui lui sont favorables,

Y ajoutant :

- condamner la société IRIS FINANCE à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice dans la gestion de l'entreprise,

- condamner la société IRIS FINANCE à payer la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP LECOQ VALLON & FERON POLONI.

L' ordonnance de clôture est intervenue le 03/05/2016.

SUR CE

Considérant que le 14 janvier 2010, la société ABOUTBATTERIES a régularisé un mandat de gestion auprès de la société IRIS FINANCE pour valoriser son excédent de trésorerie d'un montant de 3 millions d'euros, sans prendre de risque, avec un type de gestion qualifié de prudent ;

Considérant qu'en exécution de son mandat, la société IRIS FINANCE a investi les sommes qui lui avaient été confiées par la société ABOUTBATTERIES dans diverses obligations et notamment la somme globale de 887.887,14 euros dans des obligations émises par l'état grec en février 2010 et avril 2010 ;

Considérant que le 8 juin 2012, la société ABOUTBATTERIES a constaté une perte de plus de 75 % sur les obligations grecques souscrites ;

Considérant que par lettre du 4 octobre 2012, la société ABOUTBATTERIES a résilié le mandat de gestion ;

Considérant que c'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 12 février 2013, la société ABOUTBATTERIES a assigné la société IRIS FINANCE devant le tribunal de commerce de Paris et que le jugement déféré a été rendu ;

Considérant que la société IRIS FINANCE fait grief au tribunal d'avoir fait une mauvaise application du droit et une appréciation erronée des faits de la cause ; qu'elle soutient avoir respecté les termes du mandat qui lui avait été confié et n'avoir commis aucune faute ; qu'elle estime que le respect par une société de gestion de portefeuille du profil de gestion prévue au mandat doit être apprécié de manière objective au regard des stipulations contractuelles ; qu'elle indique que le profil de gestion qualifié de prudent tel qu'il a été proposé à la société ABOUTBATTERIES et accepté par cette dernière consistait en une gestion investie à 95-100% en obligations ou obligations convertibles de bonne qualité, définies comme émises par des entités notées dans la catégorie investissement au sens des agences de notations Moody's et Standard & Poor's, que ce profil de gestion était conforme aux objectifs de la société ABOUTBATTERIES ; qu'elle précise que le mandat confié ne lui imposait aucune limite quant à la proportion d'un même titre dans le portefeuille de la société ABOUTBATTERIES et qu'en souscrivant 25 % d'obligations par une même entité, elle a respecté les termes de son mandat sans outrepasser ses pouvoirs; qu'elle prétend aussi que le portefeuille de la société ABOUTBATTERIES doit être apprécié dans sa globalité, qu'il était diversifié, de sorte qu'aucun reproche ne saurait être fait à ce titre ; qu'elle rappelle que lors de la souscription des obligations litigieuses, la Grèce était noté A2, c'est-à-dire dans la catégorie «investissement », selon la nomenclature de l'agence de notation Moody's, que les titres émis par la Grèce présentaient un faible risque de crédit et que la souscription de tels titres ne saurait être considérée comme non conforme à un profil de gestion prudent ; qu'elle considère que les taux relativement élevés pratiqués par la Grèce pour se refinancer semblaient constituer une opportunité pour les investisseurs et que la Grèce ait fait défaut n'autorise pas la société ABOUTBATTERIES à qualifier les obligations grecques d'actifs à risque, au regard des éléments d'information de l'époque ; qu'elle affirme encore que la clause exonératoire contenue dans le mandat de gestion est opposable à la société ABOUTBATTERIES, qu'en sa qualité de gestionnaire de portefeuille, elle est tenue d'une obligation de moyen et ne saurait voir sa responsabilité engagée en cas d'erreur de jugement appréciée a posteriori, au regard des résultats ; qu'elle ajoute que le préjudice subi par un investisseur doit s'apprécier dans sa globalité, que la société ABOUTBATTERIES n'a subi aucune perte en capital ni aucun manque à gagner en dépit du défaut de la Grèce, ce qui atteste du caractère prudent de la gestion mise en 'uvre et qu'elle ne peut en conséquence prétendre à une quelconque indemnisation au titre d'une soi-disant perte en capital inexistante ;

Considérant que la société ABOUTBATTERIES rappelle que les prestataires de services d'investissement doivent agir de manière honnête, loyale et professionnelle, servant aux mieux les intérêts des clients en vertu de l'article L.533-11 du Code monétaire et financier et que l'article L.533-12 de ce code dispose que toutes les informations doivent présenter un contenu exact, clair et non trompeur ; qu'elle fait valoir que la société IRIS FINANCE a violé les termes du mandat de gestion de trésorerie prudente et qu'elle a également manqué à ses obligations de diligence et de loyauté ; qu'elle mentionne que la société IRIS FINANCE l'a catégorisée pertinemment comme client non professionnel et que le mandat prévoyait expressément un investissement à 95-100 % en obligations ; qu'elle allègue que la société IRIS FINANCE ne peut valablement soutenir que le terme prudent varie selon la sensibilité du mandataire, que le mandat de gestion signé le 14 janvier 2010 confirme l'objectif «sans prendre de risque», que la société IRIS FINANCE a investi près de 30 % de l'épargne dans un même produit, que le fait d'investir massivement dans un même produit apparaît peu prudent et est fautif, qu'en outre la souscription d'obligations grecques a été opérée en dépit de la plus élémentaire des prudences, ce qui ressort de l'analyse des spécialistes antérieure aux premiers investissements ; qu'elle affirme en effet que dès fin 2009 les obligations grecques ont connu une dégradation de notation, qu'un abaissement de la note financière des obligations grecques implique nécessairement à tout le moins un risque potentiel, alors que le mandat de gestion excluait tout risque et que les grandes difficultés économiques de la Grèce dès fin 2009 ne pouvaient être ignorées de la société IRIS FINANCE, professionnel de la finance ; qu'elle souligne que dés janvier 2010, la banque centrale européenne s'exprimait défavorablement sur la situation de la Grèce, que la divergence des analyses et des opinions sur les obligations grecques avant les souscriptions litigieuses aurait dû alerter la société IRIS FINANCE sur le risque lié à ces obligations et que le choix d'investir dans des obligations grecques les 1er et 4 février 2010, puis le 12 avril 2010, apparaît donc particulièrement inopportun et imprudent ; qu'elle expose que la société IRIS FINANCE reconnaît qu'elle connaissait le risque de défaut de la Grèce, mais qu'elle comptait sur l'Union Européenne, la BCE, le FMI pour renflouer cet Etat, qu'elle reconnaît également avoir eu conscience des taux d'intérêts élevés qui étaient indicateurs d'un risque et qu'elle ne peut soutenir que les obligations grecques pouvaient être considérées comme étant de « bonne qualité » au moment de leur souscription ;

Qu'en réplique au moyen tiré de l'opposabilité de la clause exonératoire de responsabilité, elle soutient à titre principal que cette clause lui est inopposable, qu'une telle clause insérée dans un contrat même entre professionnels n'est valable qu'à la condition qu'elle ne cause pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, qu'en l'espèce cette clause dégage de toute responsabilité la Société IRIS FINANCE en cas d'erreurs de jugement ou de fait et qu'une telle exonération de responsabilité est contraire à l'obligation de résultat dont elle est tenue quant au respect des objectifs de gestion ; qu'a titre subsidiaire, elle considère que les conditions d'exonération de la clause invoquée par la société IRIS FINANCE ne sont pas remplies en l'espèce, dès lors qu'elle n'a pas mis en 'uvre tous les moyens de nature à assurer une gestion sécurisée de l'épargne confiée, qu'en souscrivant des obligations grecques elle lui a fait prendre des risques trop élevés et que son attitude fautive est caractérisée et se trouve directement à l'origine du préjudice subi ; qu'elle ajoute que le lien de causalité entre le non respect du mandat de gestion par la société ABOUTBATTERIES et le dommage final résultant de la perte en capital, est certain, que le préjudice correspond à la totalité de la perte financière subie au titre des obligations grecques et que le jugement doit être confirmé au titre des sommes allouées ; qu'elle souligne qu'elle a été contrainte de procéder à la vente de ces 287 500 obligations le 29 février 2016, pour un montant total dérisoire de 287,50 euros bruts ; qu'elle invoque en outre un préjudice dans la gestion de l'entreprise et réclame également à ce titre la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la société IRIS FINANCE fait en premier lieu grief au tribunal d'avoir jugé qu'elle n'avait pas respecté le type de gestion prudente stipulé au mandat ;

Considérant que par offre de gestion en date du 2 décembre 2009, la société IRIS FINANCE a notamment indiqué à la société ABOUTBATTERIES que 'dans ce contexte économique extrêmement incertain et instable et afin de sécuriser au mieux votre épargne et vous apporter des rendements récurrents, nous vous préconisons un profil prudent investi à 100% en obligations, obligations convertibles de bonne qualité...' ;

Considérant que par acte du 14 janvier 2010, la société ABOUTBATTERIES a régularisé un mandat de gestion auprès de la société IRIS FINANCE ; qu'il est indiqué à l'article 2 -'objectif assigné à la gestion' que l'objectif assigné à la gestion est d'obtenir la valorisation du capital confié sans prendre de risque', que 'l'optique de gestion est prudente et vise l'obtention d'une performance régulière' et que 's'agissant de la composition du portefeuille : les portefeuilles prudents seront investis à 95-100 % en obligations, obligations convertibles et monétaires' ;

Considérant que le 29 janvier 2010, la société ABOUTBATTERIES a confié à la société IRIS FINANCE la somme de 3 millions d'euros ;

Considérant qu'en exécution de son mandat, la société IRIS FINANCE a investi les sommes qui lui avaient été confiées par la société ABOUTBATTERIES dans diverses obligations et notamment dans des obligations émises par l'état grec, les 29 janvier 2010, 1er février 2010 et 8 avril 2010 ;

Considérant que la société IRIS FINANCE affirme avoir respecté son mandat, puisque les obligations émise par l'Etat grec était notées A2 par l'agence MOODY'S ;

Considérant que dans l'offre de gestion établie par la société IRIS FINANCE, il est indiqué que 'la sélection des émetteurs s'appuie sur des analyses d'agence de notation et de banques d'investissement. Les investissements resteront limités, quant à eux, dans des émissions d'émetteurs notés dans les catégories 'investissement' au sens des définitions des agences de notation MOODY'S et STANDARD & POOR'S' ;

Considérant que la société IRIS FINANCE indique dans ses écritures que les titres notés Aaa sont considérés comme étant de meilleure qualité et présentant un risque de crédit minime, que les titres notés Aa1, Aa2 et Aa3 sont considérés comme de grande qualité et présentant un très faible risque de crédit et que les titres notés A1, A2 et A3 sont considérés comme des produits de qualité moyenne supérieure présentant un faible risque de crédit sans caractère spéculatif' ;

Considérant qu'il ressort de l'échelle de notation de MOODY'S, communiquée aux débats par la société IRIS FINANCE, que les titres notés Aaa sont considérés comme étant de la meilleure qualité et présentant un risque de crédit minime, que les titres notés Aa sont considérés comme étant de grande qualité et présentant un très faible risque de crédit, que les titres notés A sont considérés comme se situant dans la moyenne supérieure et présentant un faible risque de crédit, que les coefficients appliqués de 1 à 3 correspondent à chaque catégorie de notation de Aa à Caa, le coefficient 1 indiquant que le titre se situe dans la fourchette haute de l'échelle, que le coefficient 2 correspond à une notation intermédiaire alors que le coefficient 3 correspond à la fourchette basse ;

Considérant qu'il est établi par les pièces versées aux débats que l'agence de notation FITCH RATINGS a dégradé la note financière de la dette de la Grèce de A à A- le 22 octobre 2009, puis de A- à BBB+ le 8 décembre 2009, que le 16 décembre 2009 l'agence STANDARD & POOR'S a également dégradé la note de la Grèce et que le 22 décembre 2009 l'agence de notation MOODY'S a aussi abaissé la note de la dette de l'Etat grec de A1 à A2 ;

Considérant que la dégradation par toutes les agences de notation et notamment à deux reprises par l'agence FITCH RATINGS de la note financière de la dette grecque constituait manifestement une alerte concernant les obligations grecques au début de l'année 2010 ;

Considérant qu'il résulte des articles de presse communiqués par la société ABOUTBATTERIES que dès janvier 2010, la situation de la Grèce était manifestement préoccupante et qu'il était avéré qu'elle avait dissimulé l'ampleur de sa dette et de son déficit, ce qui affectait la crédibilité de ses comptes publics ; qu'en outre dans un article paru dans le Monde le 10 avril 2010, il est rappelé que l'agence FITCH a décidé à nouveau d'abaisser la note de la dette grecque de BBB+ à BBB- avec perspective négative, ce qui correspond à un investissement de qualité moyenne inférieure, selon la classification de l'agence ;

Considérant que la société IRIS FINANCE ne conteste pas avoir eu connaissance des avis mentionnés dans la presse grand public mais fait valoir qu'elle avait la conviction que les institutions financières, BCE et FMI ne prendraient pas le risque d'un défaut de la Grèce ; qu'elle reconnaît également que les taux d'intérêts pratiqués par la Grèce en février et avril 2010 étaient élevés et qu'ils étaient considérés par les analystes comme déconnectés du marché ;

Considérant que l'augmentation du taux d'intérêt d'une obligation est un critère de la dépréciation corrélative de la valeur du titre sur le marché, ce que ne pouvait ignorer la société IRIS FINANCE, en sa qualité de professionnelle ;

Considérant que la société IRIS FINANCE qui avait connaissance d'un risque concernant la situation de la dette de l'Etat grec, a fait souscrire à la société ABOUTBATTERIES des obligations émises par l'Etat grec les 29 janvier et 1er février 2010, puis à nouveau le 12 avril 2010 et pour un montant total de plus de 25 % de l'épargne totale de la société ABOUTBATTERIES ;

Considérant qu'à la date de leur souscription, les titres choisis ne répondaient pas aux orientations du mandat de gestion prudente et à l'absence de tout risque expressément voulus par la société ABOUTBATTERIES et que ces titres n'entraient même plus à la date du 12 avril 2010 dans la catégorie des obligations de bonne qualité définies par l'une des agences mentionnées dans l'offre de gestion ;

Considérant dans ces conditions que la société IRIS FINANCE n'a pas respecté son mandat et qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant que la société IRIS FINANCE se prévaut en second lieu de la clause exonératoire de responsabilité du mandat de gestion, en affirmant que les griefs de la société ABOUTBATTERIES consistent en une erreur de jugement et que la clause susvisée est donc opposable à la société ABOUTBATTERIES ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 -'responsabilité' du mandat, 'le mandant reconnaît avoir pleine connaissance de l'étendue des risques financiers pouvant découler de l'exécution des opérations faisant l'objet du présent mandat de gestion. Le mandataire n'assume aucune responsabilité quant au résultat des opérations qu'il effectue pour le compte du client ni pour les erreurs de jugement ou de fait, dans la mesure où les termes du mandat de gestion ont été respectés' ;

Considérant que la société IRIS FINANCE n'ayant pas respecté les termes du mandat confié, les conditions d'exonération de la clause susvisée ne sont pas remplies en l'espèce, de sorte que la société IRIS FINANCE ne peut se prévaloir de cette clause ;

Considérant que l'inopposabilité de cette clause invoquée par la société ABOUTBATTERIES est dès lors dépourvue d'intérêt et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette prétention ;

Considérant s'agissant du préjudice, que la société IRIS FINANCE soutient qu'il doit être apprécié sur la globalité du portefeuille et que la société ABOUTBATTERIES n'a subi aucune perte en capital ;

Considérant qu'elle communique une 'évaluation du portefeuille de la société ABOUTBATTERIES au 25 juin 2014 en l'état de la gestion de la société IRIS FINANCE', qui est une reconstitution a posteriori des valeurs du portefeuille dans l'hypothèse où elle aurait continué la gestion et qui est donc purement hypothétique et inopérante, dès lors que le mandat a été résilié le 4 octobre 2012 et que la société ABOUTBATTERIES a cédé en 2012 et 2013 la plupart des obligations grecques ;

Considérant que la société ABOUTBATTERIES est en droit de réclamer la réparation de l'entier préjudice subi du fait de la faute de la société IRIS FINANCE et qu'elle est fondée à se prévaloir de la perte financière résultant de la cession des titres ;

Considérant qu'il ressort de l'attestation de l'expert comptable de la société ABOUTBATTERIES en date du 21 janvier 2014, qui n'est pas sérieusement critiquée par la société IRIS FINANCE, que les acquisitions des obligations grecques ont été faites les 29 janvier, 1er février et 8 avril 2010 pour un montant total de 884.712,19 euros et que les cessions des 12 septembre, 13 novembre, 12 mars et 17 juin 2013 ont permis de créditer le compte de la société ABOUTBATTERIES d'un montant de 268.986,40 euros, soit une perte en capital de 615.725,79 euros ;

Considérant que la société ABOUTBATTERIES justifie que le solde résiduel des obligations grecques a été cédé le 29 février 2016 au prix de 287,50 euros ;

Considérant que cette somme de 287,50 euros doit être déduite de celle de 615.725,79 euros et que le préjudice de la société ABOUTBATTERIES au titre de la perte en capital doit être fixé à la somme de 615.438,29 euros ;

Considérant que la société ABOUTBATTERIES a également subi un préjudice certain résultant de la perte de tout rendement suite à l'investissement dans les opérations grecques ;

Considérant que l'estimation faite par la société ABOUTBATTERIES correspondant à 1% des sommes investies pendant les trois années de gestion de la société IRIS FINANCE n'apparaît pas exagérée au regard des rendements obtenus au cours de ces trois années pour des obligations et qu'il convient donc de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 26.541,37 euros à ce titre ;

Considérant que la société IRIS FINANCE n'a opposé aucun moyen de contestation concernant la décision du tribunal relative à l'anatocisme à compter du 17 juin 2013 et que la société ABOUTBATTERIES sollicite la confirmation du jugement de ce chef;

Considérant qu'il convient toutefois de dire que les intérêts au taux légal seront dus sur les sommes allouées au titre des préjudices de la société ABOUTBATTERIES à compter du 17 juin 2013 et que ces intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que la société ABOUTBATTERIES sollicite également la somme de 30.000 euros au titre du préjudice dans la gestion de l'entreprise, mais qu'elle ne fournit aucun document à l'appui de cette demande et qu'elle ne justifie donc pas ce préjudice ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Considérant que la société IRIS FINANCE, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ABOUTBATTERIES les frais non compris dans les dépens, exposés en appel et qu'il convient de condamner société IRIS FINANCE à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société IRIS FINANCE à payer à la société ABOUTBATTERIES la somme de 615.725,79 euros au titre de la perte de capital avec anatocisme à compter du 17 juin 2013.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société IRIS FINANCE à payer à la société ABOUTBATTERIES la somme de 615.438,29 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2013 et dit que ces intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, sauf à préciser que les intérêts au taux légal seront dus sur la somme de 26.541,37 euros allouée à la société ABOUTBATTERIES au titre de la perte de rendement, à compter du 17 juin 2013 et que ces intérêts seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil.

Y ajoutant,

Condamne la société IRIS FINANCE à payer à la société ABOUTBATTERIES la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne la société IRIS FINANCE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/07263
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°14/07263 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;14.07263 ?
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