La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2016 | FRANCE | N°15/09068

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 29 juin 2016, 15/09068


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 Juin 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09068 EMJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/02022





APPELANTE

SA VEOLIA ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-philippe DESANLIS, avocat au bar

reau de PARIS, toque : C2130





INTIMEE

Madame [G] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Marie-hél...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 29 Juin 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09068 EMJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13/02022

APPELANTE

SA VEOLIA ENVIRONNEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean-philippe DESANLIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2130

INTIMEE

Madame [G] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Marie-hélène EYRAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1195

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Greffier : Mme Eva TACNET, greffière lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Eva TACNET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [G] [L] a été engagée par la compagnie générale automobile par contrat à durée indéterminée du 23 avril 1970 et son contrat a été transféré à la société VEOLIA ENVIRONNEMENT qui applique une convention collective d'entreprise du 20 février 2002 et occupe plus de 10 salariés, le 1er juillet 2002.

Elle occupait en dernier lieu les fonctions de gestionnaire de trésorerie qualification cadre avec une moyenne de salaire sur les 12 derniers mois de 5 513 euros.

Le 22 novembre 2012, Madame [G] [L] a signé une rupture conventionnelle prévoyant la cessation de son contrat de travail au 31 décembre 2012 et le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle de 160'000 euros bruts.

Le 18 février 2013 Madame [G] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande d'annulation de la convention de rupture conventionnelle qui, par jugement en départage en date du 10 septembre 2015 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties :

' a annulé la rupture conventionnelle,

'a condamné la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à verser à Madame [G] [L] les sommes suivantes':

*155'480 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*16'539 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*1 654 euros au titre des congés payés afférents,

*66'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

'a ordonné la compensation entre ces sommes et la somme versée par la société au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle,

'a débouté Madame [G] [L] du surplus de ses demandes,

'a condamné la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à verser à Madame [G] [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'a condamné la société VEOLIA ENVIRONNEMENT aux dépens.

La société VEOLIA ENVIRONNEMENT a régulièrement relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 23 mai 2016. Les parties ont soutenu oralement leurs conclusions visées ce jour par le greffier.

La société VEOLIA ENVIRONNEMENT demande à la cour :

A titre principal :

- de dire et juger que le consentement de Madame [G] [L] à la rupture conventionnelle de son contrat de travail est parfaitement libre et éclairé,

- en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui verser des sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner Madame [G] [L] à rembourser à la société l'intégralité des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire, soit un montant net de 80'563 74 euros,

- de condamner Madame [G] [L] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les entiers dépens.

À titre subsidiaire :

- de constater l'absence de préjudice de Madame [G] [L] du fait de la rupture de son contrat de travail,

- en conséquence de limiter le montant des dommages intérêts alloué à la somme de 25'386 euros correspondant aux salaires des 6 derniers mois,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la compensation des condamnations avec la somme de 160'000 euros versés à Madame [G] [L] au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

En réponse Madame [G] [L] demande à la cour :

de confirmer le jugement du 10 septembre 2015 en ce qu'il a :

' prononcé l'annulation de la convention de rupture conventionnelle du 22 novembre 2012,

'dit que la rupture de contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence,

' condamné la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à lui payer les sommes suivantes :

*155'480 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

*16'539 euros à titre d'indemnité de préavis (3 mois),

*1 654 euros de congés payés sur préavis,

- ordonné la compensation avec la somme versée au titre de l'indemnité de rupture conventionnelle et préciser que celle-ci doit être prise en compte uniquement pour le montant net perçu par Madame [G] [L] soit 129'120 euros.

d'infirmer le jugement du 10 septembre 2015 en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués et statuant à nouveau,

'de condamner la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à lui payer les montants suivants:

*140'000 euros à titre d'indemnité nette de prélèvements sociaux pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L 1235 ' 3 du code du travail

*3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la demande et capitalisation des intérêts,

'd' ordonner l'établissement des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement,

'de condamner la société au paiement des dépens y compris les éventuels frais d'exécution de la décision,

'de débouter la société VEOLIA ENVIRONNEMENT de sa demande reconventionnelle.

Il est référé pour de plus amples exposés des prétentions et demandes des parties aux conclusions des parties déposées et visées ce jour.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience.

Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Le 22 novembre 2012, Madame [G] [L] a signé une rupture conventionnelle prévoyant la cessation de son contrat de travail au 31 décembre 2012 et le versement d'une indemnité de rupture conventionnelle de 160'000 euros bruts.

Madame [G] [L] explique que son consentement à la signature de la rupture conventionnelle a été vicié sous 2 angles tenant l'un au montant de l'indemnité qui a été négociée sur la base de fausses informations sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle données par l'employeur, et tenant l'autre à l'absence d'information sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui était en cours d'élaboration.

La société VEOLIA ENVIRONNEMENT répond que le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conditionnelle est lié à la décision de Madame [G] [L] à l'issue de celle-ci, de partir à la retraite ;

' que d'une part elle n'était pas informée de la décision de départ à la retraite de Madame [G] [L] puisque la salariée a rempli les dossiers de départ à la retraite les 27 novembre et 5 décembre 2012, soit postérieurement à la signature de la convention de rupture conventionnelle du 22 novembre 2012 et que son ancienneté (42 ans) et son âge (61 ans) lui laissait une option à ce titre, Madame [G] [L] exposant d'ailleurs dans le cadre de la procédure qu'elle aurait pu continuer à exercer ses fonctions jusqu'à l'âge de 65 ans,

' que d'autre part Madame [O] ne lui a pas donné de fausses informations sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture, le seul mail de Monsieur [J], supérieur hiérarchique de la salariée à Monsieur [C], directeur financement trésorerie du groupe du 27 décembre 2012 produit par la salariée pour le démontrer, se limitant à reprendre les allégations que la salariée lui a rapportées,

-que si elle avait souhaité être renseignée précisément sur le régime social et fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle, il lui appartenait de se rapprocher d'un conseil.

S'agissant du PSE, la société VEOLIA ENVIRONNEMENT explique que Madame [G] [L] qui connaissait les importantes difficultés financières de la société ne peut se plaindre d'une absence d'information sur un PSE tout en produisant au débat des articles de presse antérieurs à la date de signature de la rupture conventionnelle de son contrat de travail; qu'en outre celui-ci a été présenté aux institutions représentatives du personnel le 21 novembre 2012 soit avant la date d'expiration du délai de réflexion de la salariée le 7 décembre 2012 et qu'elle aurait parfaitement pû se rétracter à cette date; qu'enfin la société VEOLIA ENVIRONNEMENT n'avait pas d'obligation particulière d'information de la salariée du contenu du plan notamment au regard du montant proposé pour les indemnités de départ dans le cadre de celui-ci alors qu'à cette date la décision de supprimer son poste de travail n'avait pas été arrêtée.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, résulte d'une convention signée par les parties au contrat et est soumise aux dispositions des articles L 1237 ' 11 et suivants du code du travail.

Lorsque les parties conviennent du principe d'une rupture conventionnelle, celle-ci conclue, doit définir les conditions et le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure à celui de l'indemnité prévue à l'article L 1234' 9 du code du travail, doit fixer la date de rupture du contrat de travail qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation et offre ensuite aux parties, à compter de la date de sa signature, un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.

Ce n'est qu'à l'issue du délai de rétractation que la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture qui celle-ci dispose d'un délai d'instruction de 15 jours ouvrables pour s'assurer du respect des conditions prévues et de la liberté de consentement des parties et la validité de la convention est subordonnée à son homologation.

En l'espèce ces conditions de fond et de forme destinées à garantir la liberté du consentement de Madame [G] [L] ont été respectées.

Madame [G] [L] estime que son consentement a néanmoins été vicié parce que l'indemnité de rupture spécifique d'un montant de 160 000 euros bruts a été soumise à imposition et que la société aurait dû lui donner cette information.

Mais l'article 5 de la convention de rupture conventionnelle, démontre que la société a exactement informé la salariée de l'existence de cotisations sociales salariales pesant sur l'indemnité de rupture spécifique qu'il lui appartenait de précompter ce que Madame [G] [L] a accepté sans la moindre réserve mais en revanche dans la mesure où en France le régime d'imposition des particuliers n'est pas opéré par un prélèvement à la source, aucune obligation particulière de prélèvements ne pesait sur la société s'agissant de l'impôt sur le revenu.

Par ailleurs ne pèse sur l'employeur aucune obligation générale d'information sur les conséquences fiscales, au regard de sa situation personnelle, familiale, patrimoniale ou professionnelle du bénéficiaire, d'une rémunération fixe ou variable ou de remboursement de frais, qu'il accorde à un salarié.

Il appartient à tout salarié de s'enquérir de ces informations et répercussions en prenant conseil le cas échéant.

Un salarié supporte ainsi les conséquences d'une erreur dans l'appréciation du régime d'imposition applicable à une indemnité négociée et fixée qu'il aurait commise.

Ainsi l'erreur soulevée par Madame [G] [L] qui explique qu'elle ignorait que l'indemnité conventionnelle de rupture de 160 000 euros brutes était soumise à l'impôt sur le revenu lorsqu'un salarié part à la retraite n'est excusable que si elle établit l'existence d'un dol de la société et donc que celle-ci, informée de sa situation particulière lui aurait donné de fausses informations ou aurait retenu des informations dont elle disposait pour l'inciter à conclure.

Ainsi Madame [G] [L] qui travaillait à la 'direction de la trésorerie et du financement 'au sein de la société qui écrit par mail du 27 décembre 2012 à Monsieur [W] [J] 'je sors de chez [U] [O]. Surprise à la lecture de la feuille de paie de décembre. L'indemnité pour rupture conventionnelle de 160'000 euros est soumise aux charges sociales et impôts. Lors de la négociation, celle-ci avait été présentée comme étant soumise à CGS et RDS. [U] avait oublié que dans le cadre d'une rupture conventionnelle suivie d'un départ à la retraite, ce dispositif légal ne s'appliquait pas, était considéré comme un salaire normal soumis aux conditions générales. Elle s'en excuse. Il ne reste pas moins que l'écart du prévu réalisé reste conséquent. Soit 20'300 euros sur la rémunération du mois de décembre+ différentielle sur les impôts égal 48'400 euros soit 68'700 euros.

Qu'en penses-tu'. Merci de me faire part de ton avis', supporte la charge d'établir que lors de la négociation la société VEOLIA ENVIRONNEMENT, informée de sa situation particulière lui a donné de fausses informations ou a retenu des informations dont elle disposait.

Or le document de rupture conventionnelle rédigée sur 6 pages ne contient pas un mot des intentions de Madame [G] [L] à l'issue de la rupture conventionnelle et au contraire, article 8, il évoque même la faculté de conserver pendant la durée maximale de 9 mois le bénéfice des garanties de prévoyance dont elle bénéficie au sein de la société en cas de prise en charge par le régime de l'assurance-chômage.

Madame [G] [L] ne produit aucun document, aucun écrit démontrant qu'elle avait avant la signature de la rupture conventionnelle informée l'employeur de ses intentions quant à la poursuite de sa carrière ou quant à son intention, à 61 ans, de faire valoir ses droits à la retraite.

Cette volonté, certes existante lors de l'envoi du mail du 27 décembre 2012 précité, n'apparaît que dans un document postérieur à la signature de la rupture conventionnelle et daté du 5 décembre 2012 qu'elle a adressé à l'organisme de retraite complémentaire l'AGIRC qu'elle chargeait de contacter pour elle l'assurance retraite. Il peut être observé que cette information donnée à l'AGIRC dans le document du 5 décembre 2012 ne permet pas de donner date certaine à la 'demande de retraite personnelle' du 27 novembre 2012 mais qu'en tout état de cause même en retenant cette date du 27 novembre 2012 elle est encore postérieure à la rupture conventionnelle sans qu'aucun élément ne démontre qu'elle en ait informé la société.

En revanche à ce moment l'autorité administrative était saisie pour homologation de la convention de rupture et la salariée pouvait, dans le délai d'instruction, le cas échéant, s'enquérir des conséquences de sa décision de bénéficier de son droit à la retraite. Sur ce point d'ailleurs son écrit du 10 janvier 2013 adressé à la société dans lequel elle explique 'je n'ai pas souhaité spontanément prendre ma retraite avant mes 65 ans et n'ait accepté d'envisager cette hypothèse qu'au regard d'une promesse d'indemnisation exonérée d'impôt sur le revenu' ne reposent que sur de simples allégations et ne constituent en tout état de cause qu'une erreur sur le montant lui restant dû net d'impôt dont l'existence n'apporte pas en soi la preuve d'un dol de la société.

D'ailleurs aucun document ne permet de démontrer que Madame [G] [L], après avoir été informée des conséquences fiscales d'une prise de ses droits à la retraite, ait entendu y renoncer.

En outre alors qu'elle allègue dans ses courriers d'une erreur de Madame [O], DRH, la lecture des mails et courriers de celle-ci en réponse démontre qu'à aucun moment la DRH ne reconnaît celle-ci puisqu'elle écrit dans le mail du 28 décembre 2012 'qu'elle ne pense pas avoir commis d'erreur', lui répétant en février 2013 'que si elle a pu lui donner des informations relatives à la rupture conventionnelle d'un contrat de travail, c'était à titre indicatif et de généralité et en aucun cas comme le dit la salariée en matière fiscale, n'ayant pas de compétences particulières en la matière ; qu'il n'a jamais été question d'en déterminer les règles propres la concernant, pas plus que d'engager l'entreprise à ce titre; que Madame [G] [L] avait disposé de suffisamment de temps pour prendre sa décision...'

Le mail du 27 décembre 2012 qu'adresse Monsieur [J] à 12h55 à Monsieur [F] [C] pour 'objet TR : et encore une suite...' ne peut valoir preuve d'une reconnaissance par la société d'une erreur alors que Monsieur [J], supérieur hiérarchique de Madame [G] [L], n'était pas partie à la négociation et ne fait que reprendre les déclarations que lui adressait celle-ci par mail du même jour à 12h30. D'ailleurs il se trompe en écrivant dans un premier temps 'aux termes de la négo avec la DRH [G] devait recevoir 160 Keuros. Sur le bulletin de paie de décembre le compte n'y est pas 139,7 cas. L'écart de 20,3 KE constitue les retenues au titre de la CSG-RDS...la RH s'est trompé elle a considéré que la rupture conventionnelle n'était pas assujettie à la CSG-CRDS..' alors même qu'il a été vu précédemment que la convention de rupture informe exactement la salariée article 5 de l'existence de celles-ci.

Ainsi, s'il affirme dans un second temps 'elle s'est trompée en considérant que la rupture conventionnelle n'était pas assujettie à l'IRPP. C'est la règle générale sauf si la rupture est suivie d'un départ à la retraite', il ne démontre pas pour autant que l'employeur avait été informé de ce départ à la retraite, qu'il avait donné une fausse information et de l'importance que Madame [G] [L] attachait à cette information pour se déterminer à conclure, d'autant que celle-ci employée depuis des années au service trésorerie de cette grande entreprise était largement en position d'obtenir seule toutes les informations nécessaires si ce n'est encore en interrogeant ce supérieur hiérarchique, l'inspecteur du travail ou le service des impôts. La question était simple en ce qu'elle se limite à savoir si l'indemnité de rupture est soumise à IRPP lorsque le salarié part à la retraite.

Madame [G] [L] soutient également que le vice du consentement résulte de l'absence d'information sur l'existence d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui était en cours d'élaboration et de ses droits éventuels dans le cadre de celui-ci qui auraient pû être plus favorables que ceux obtenus dans le cadre de la signature de la rupture conventionnelle.

Si le premier entretien relatif à la rupture conventionnelle a été organisé le 24 octobre 2012, le second du 19 novembre 2012, était postérieur à la convocation du 15 novembre 2012 du comité entreprise à la réunion d'information qui s'est déroulée le 21 novembre 2012, soit avant la signature de la rupture conventionnelle du 22 novembre 2012.

Or l'ordre du jour de cette réunion soit 'première réunion d'information en vue de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation de l'entreprise et d'ajustement de ses effectifs, en application des articles L2323 '6 et L2323 ' 15 du code du travail' avait pour objet de consulter le comité d'entreprise ' sur le projet d'ajustement des effectifs, par voie de départs volontaires et de licenciement pour motif économique, et le projet de plan de sauvegarde l'emploi, en application des articles L 1233 ' 28 et L 1233' 61 du code du travail ' sur les conditions de mise en 'uvre du congé de reclassement, en application de l'article R 1233 ' 17 du code du travail, sur les critères d'ordre des licenciements en application de l'article L 1230 3 ' 5 du code du travail ..'.

La situation de Madame [G] [L] était donc directement affectée par ce projet de réorganisation en ce que employée depuis 42 ans, elle aurait pu être incluse dans un plan de licenciement dans le cadre duquel ses droits auraient pû être plus intéressants. En tout état de cause alors qu'aucun élément ne permet de laisser penser que la signature de la rupture présentait un intérêt ou une urgence particulière pour Madame [G] [L], au regard de la concomitance de celle-ci et du projet de réorganisation, l'employeur se devait de lui donner toutes les informations qu'il détenait sur ce point sans qu'il puisse sérieusement affirmer que des éléments étaient donnés dans la presse.

Certes si le projet de suppression d'une centaine de postes dont 90 de cadres sur les 500 du siège parisien du groupe évoqué dans ces articles de presse, n'en était ainsi qu'à ses débuts lors de la signature et si une note d'information du 8 mars 2013 évoque l'isssue de la période de consultation des instances réprésentatives du personnel et l'ouverture de la première phase du plan de sauvegarde de l'emploi, le processus n'en était pas moins pour autant engagé.

Ainsi même si le plan visait avant tout à faire jouer la mobilité interne ainsi que les départs volontaires et devait toucher en majorité les cadres et si donc rien ne permettait d'affirmer à cette date que Madame [G] [L] serait concernée par ces mesures, elle n'en aurait pas moins dû être informée de l'existence de celui-ci et des possibilités qu'il offrait notamment en terme d'accompagnement de qualité et de conseils personnalisés avec la mobilisation du réseau ressources humaines.

Le défaut d'information de Madame [G] [L] constitue une réticence dolosive qui vicie son consentement à la signature de la rupture conventionnelle et conduise à son annulation.

En conséquence la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 22 novembre 2012.

Sur les conséquences du licenciement

Madame [G] [L] demande la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité conventionnelle de licenciement de 155 464 euros, une indemnité compensatrice de 3 mois soit 16539 euros y ajoutant 1 654 euros de congés payés y afférent outre 140000 euros nette de tous prélèvements sociaux à titre de dommages et intérêts développant à ce titre les éléments de son préjudice.

Les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes statuant en départage concernant l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement ne sont pas contestées quant à leur montant et sont conformes au salaire et à l'ancienneté de la salariée de sorte qu'elles sont confirmées.

S'agissant de la réparation du préjudice résultant du licenciement sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail il convient de retenir que Madame [G] [L] a choisi de partir à la retraite après la rupture conventionnelle dans le cadre de laquelle elle pensait obtenir une indemnité proche de celle qu'elle obtient dans le cadre du licenciement de sorte qu'il peut en être déduit à défaut d'élément contraire, qu'âgée de 61 ans et disposant de 42 ans d'ancienneté, elle aurait, licenciée, fait le choix ce qui ne permet pas de retenir un lien de causalité entre ce licenciement et la baisse de revenus résultant de la différence entre la rémunération qu'elle aurait touchée en continuant à travailler et ses indemnité de retraite.

Par ailleurs si elle n'avait pas été licenciée et avait continué à travailler jusqu'à sa retraite elle n'aurait pas touché l'indemnité conventionnelle de licenciement particulièrement élevée au regard de son ancienneté.

Considérant alors notamment ces éléments la cour confirme la somme de 66 000 euros fixée par les premiers juges.

Sur la compensation

L'annulation de la rupture conventionnelle conclue entre les parties a pour conséquence la remise des parties dans la situation où elles se trouvaient avant la signature de celle-ci de sorte que la salariée est tenue au remboursement du montant net qu'elle a perçu, les cotisations et autres impositions ayant été retenues à la source par la société.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les créances salariales seront assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le5 mars 2013 , et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à payer à Madame [G] [L] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

La société sera condamnée en outre à lui payer la somme de 1 000 euros pour la procédure d'appel au même titre.

Partie succombante, la société sera déboutée de ses prétentions à ce titre et sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions':

Statuant à nouveau et ajoutant,

DIT que la société peut compenser les montants dus à Madame [G] [L] avec ceux qu'elle lui a versés en net dans le cadre de la rupture conventionnelle,

DIT que les intérêts au taux légal court à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter de la décision pour les dommages et intérêts,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus,

Condamne la société VEOLIA ENVIRONNEMENT à payer à Madame [G] [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société VEOLIA ENVIRONNEMENT aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/09068
Date de la décision : 29/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/09068 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-29;15.09068 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award