Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 29 JUIN 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/08973
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 12/05369
APPELANT
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic, SEIFIC PIERGUI, SAS inscrite au RCS de CRÉTEIL, SIRET n° 302 219 852 00043, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Adresse 1]
Représenté et assisté à l'audience de Me Valérie ROSANO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0727
INTIMES
Monsieur [D], [C] [P]
Né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Monsieur [J], [Q] [P]
Né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [B] [P]
Née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 2]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Monsieur [Y] [P]
Né le [Date naissance 4] 1973 à [Localité 3]
[Adresse 5]
[Adresse 4]
Madame [M] [P] épouse [N]
Née le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 3]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Madame [V] [P] épouse [H]
Née le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 3]
[Adresse 7]
[Adresse 1]
Représentés et assistés à l'audience de Me Jérôme DOULET de la SCP A.K.P.R., avocat au barreau de PARIS, toque : C2316
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre,
Madame Claudine ROYER, Conseillère,
Madame Agnès DENJOY, Conseillère,
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Stéphanie JACQUET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, président et par Madame Stéphanie JACQUET, greffier présent lors du prononcé.
***
Le lot n° 1 de la copropriété dans l'immeuble sis [Adresse 1] (ancienne loge) est revendiqué par les consorts [P], co-indivisaires venant par succession aux droits d'[N] et [V] [P] épouse [S], comme étant une partie privative dépendant de l'indivision, et par le syndicat des copropriétaires dudit immeuble comme partie commune dès lors que s'y trouvent le compteur EDF, le boîtier du système digicode et qu'y sont rangées les bicyclettes des copropriétaires.
Suivant acte extra-judiciaire du 4 juin 2012, les consorts [P] ont assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à l'effet de le voir condamner à libérer le lot n° 1 de tous objets s'y trouvant et à déplacer le compteur électrique des parties communes ainsi que le système de digicode sous astreinte, à leur payer, en outre, une indemnité d'occupation de 54.000 € et une indemnité mensuelle de 900 € jusqu'à complète libération des lieux, en sus d'une somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Par jugement du 20 février 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a':
- dit que le lot n° 1 de l'état descriptif de division de l'immeuble était une partie privative appartenant à l'indivision [P],
- condamné, en conséquence, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à libérer le lot n° 1 de tout objet matériel, y compris les compteurs électriques et le dispositif de digicode, dans le délai de trois mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 150 € par jour de retard pendant deux mois,
- ordonné la publication du jugement à la Conservation des Hypothèques aux frais du syndicat,
- condamné le syndicat des copropriétaires à payer aux consorts [P] une indemnité d'occupation de 600 € par mois jusqu'à la complète libération des lieux,
- rappelé qu'en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 les consorts [P] étaient dispensés de participer aux frais de procédure,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer aux consorts [P] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] a relevé appel de ce jugement dont il poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 5 avril 2016, de':
au visa des articles 1156 du code civil et 3 de la loi du 10 juillet 1965,
- dire que le règlement de copropriété constitue un contrat dont les auteurs sont [N] et [V] [P],
- dire qu'aux termes du règlement de copropriété, ceux-ci ont clairement manifesté leur volonté de conférer à l'ancienne loge de la gardienne le caractère de partie commune,
- dire qu'ils ont renoncé à leur droit de propriété sur l'ancienne loge, au même titre que sur les WC communs, pour lui conférer la destination de partie commune,
- dire que, postérieurement à la mise en copropriété, [N] et [V] [P] ont, par leurs agissements multiples et répétés, manifesté leur volonté de conférer à l'ancienne loge de la gardienne le caractère de partie commune, notamment par l'adoption de la résolution n° 2 de l'assemblée générale des copropriétaires du 29 novembre 1985 et la répartition des charges du lot n° 1 entre tous les copropriétaires,
- dire que l'ancienne loge constitue un local de services communs à l'ensemble des copropriétaires, en conséquence, une partie commune,
- subsidiairement, vu l'article 16, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1985 (1965), dire qu'[N] et [V] [P] ont renoncé à leur droit de propriété sur le lot n° 1 au bénéfice du syndicat des copropriétaires,
- en conséquence, dire qu'il est propriétaire du lot privatif n° 1,
- plus subsidiairement, vu les articles 2261 et 2272 du code civil, dire qu'il a acquis par prescription abrégée de dix ans l'ancienne loge, identifiée comme constituant le lot n° 1 de l'état descriptif de division,
- ordonner la publication du présent arrêt à la Conservation des Hypothèques,
- débouter les consorts [P] de leurs demandes,
- encore plus subsidiairement, condamner solidairement les consorts [P] à lui régler la somme de 17.687,07 € sauf à parfaire au prononcé du présent arrêt, en remboursement des charges et taxes afférentes au lot n° 1 acquittées par lui,
- dire les consorts [P] prescrits à agir du fait de l'action personnelle engagée,
- les dire prescrits à agir en contestation de l'assemblée générale du 29 décembre 1985 ayant décidé du maintien des compteurs dans le lot n° 1,
- dire que le déplacement des compteurs et du dispositif du digicode interviendra aux frais exclusifs des consorts [P],
- condamner les consorts [P] à lui payer la somme de 20.000 € de dommages-intérêts au titre de la suppression de la servitude d'emplacement des compteurs communs,
- infiniment subsidiairement, dire qu'il ne saurait être tenu au paiement d'une indemnité d'occupation supérieure à 150 € par mois,
- condamner les consorts [P] à lui payer une indemnité d'occupation de 150 € par mois et à restituer le local sous astreinte de 100 € par jour de retard,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
Les consorts [P] prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 6 avril 2016, de :
- dire nouvelles en cause d'appel et comme telles irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires d'allocation de dommages-intérêts pour suppression d'une prétendue servitude, d'une indemnité d'occupation et de restitution sous astreinte du local litigieux,
- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,
- dire qu'en application des dispositions d l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, ils seront dispensés de participer aux condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre du syndicat des copropriétaires.
L'ordonnance de clôture ayant été prononcée le 13 avril 2016, les consorts [P] ont conclu, le 13 mai 2016, à la révocation de la clôture et demandé à la Cour de constater que le mandat du syndic était nul de plein droit depuis le 31 septembre 2015 et que le syndicat des copropriétaires, dépourvu de tout organe de représentation, était irrecevable à agir et à appeler du jugement.
Le syndicat des copropriétaires a conclu le 17 mai 2016 au rejet de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
CECI ETANT EXPOSE, LA COUR
Sur l'incident de procédure
Suivant l'article 784 du code de procédure civile, la clôture ne peut être révoquée que pour cause grave depuis qu'elle a été rendue'; tel n'est pas le cas en l'espèce alors que le défaut de mandat du syndic invoqué par les consorts [P] pour justifier cette révocation était connue, selon leurs propres écritures, depuis le 30 septembre 2015 et qu'ils avaient tout loisir de soulever cette difficulté avant le prononcé de l'ordonnance de clôture du 13 avril 2016';
En conséquence, la demande de révocation sera rejetée et les conclusions signifiées le 13 mai 2016 par les consorts [P] rejetées comme tardives';
Sur le fond
En droit, le règlement de copropriété détermine la destination des parties privatives et communes';
Au cas présent, il apparaît du règlement de copropriété de l'immeuble du [Adresse 1] établi le 27 février 1984 et qui divise l'immeuble en 29 lots privatifs, que le lot n° 1 est une partie privative constituée d'un appartement d'une chambre-cuisine, affecté de 65 millièmes de copropriété'; si l'article 11 dudit règlement définit, par adoption d'une liste énumérative qualifiant de communs les « locaux des compteurs et des branchements d'égout », cette clause banale ne saurait avoir pour effet de contredire efficacement la nature privative du lot n° 1, n'étant que la reproduction de clauses-types non adaptées à la copropriété spécifique du [Adresse 1]'; le syndicat des copropriétaires ne peut invoquer pertinemment les dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 qui n'est supplétif de la volonté des copropriétaires et n'édicte des présomptions sur la nature commune de certains lots qu'en cas de « silence ou de contradiction des titres », alors que le règlement de copropriété qualifie ici clairement et sans équivoque le lot n° 1 de partie privative nonobstant la clause relative à la définition des parties communes'; enfin, le règlement ne mentionne pas l'existence de loge pour le gardien';
La renonciation à un droit devant résulter d'actes manifestant sans équivoque ni ambiguïté la volonté de renoncer de son auteur et la propriété ne se perdant point pas le non-usage, le syndicat des copropriétaires ne peut invoquer utilement la résolution n° 2 de l'assemblée générale du 29 novembre 1985 comme manifestant la volonté des auteurs des consorts [P] de renoncer à leur propriété privative sur le lot n° 1, au motif qu'ils ont voté en faveur de cette résolution ainsi libellée':
« Destination de l'ancienne loge lot n° 1': ce local commun servira aux copropriétaires pour entreposer des objets de nettoyage, de bicyclettes ou voitures d'enfants et continuera d'abriter les compteurs. Les dix millièmes sont partagés par les soins du syndic entre tous les copropriétaires »,
alors qu'elle n'exprime aucune intention d'[N] et [V] [P] de renoncer de façon irréversible à la propriété du lot n° 1, de le céder à la copropriété ou d'en changer la destination, mais manifeste seulement une tolérance de leur part pour laisser la disposition de ce lot à la copropriété pendant un laps de temps non précisé'; quant au règlement des charges et des taxes afférentes audit lot par l'ensemble des copropriétaires, il est sans incidence sur la nature ou la propriété dudit bien qui servait, de fait, à la copropriété, jusqu'à ce que les consorts [P] le revendiquent comme leur appartenant';
C'est donc par des motifs exacts que la Cour approuve que le premier juge a dit que ledit local était privatif et appartenait aux consorts [P]';
C'est également par de justes motifs que le tribunal a écarté le jeu de la prescription acquisitive abrégée dont les conditions ne sont pas réunies au bénéfice du syndicat des copropriétaires qui ne détient aucun juste titre sur le lot litigieux, le procès-verbal d'assemblée générale du 29 novembre 1985 ne pouvant constituer un titre de nature à transférer la propriété du lot n° 1 au syndicat des copropriétaires';
De même, le syndicat ne peut se prévaloir d'une servitude quelconque alors qu'une tolérance ne peut fonder une servitude quelle que soit sa durée ou les circonstances l'accompagnant';
Les demandes reconventionnelles du syndicat sont recevables, n'étant que la conséquence de ses demandes initiales, mais elles sont mal fondées dès lors que le paiement des charges de copropriété et des taxes fiscales dont il requiert la restitution constituaient la contrepartie de l'usage du lot n° 1 dont il bénéficiait gratuitement ensuite de la tolérance manifestée par les auteurs des consorts [P]';
La demande de déplacement des compteurs n'est nullement prescrite en tant qu'action personnelle, alors qu'elle tend à faire respecter un droit réel de propriété et que la présence desdits compteurs et dispositifs de digicode ne peut être tolérée en l'absence de servitude correspondante, laquelle ne peut être imposée aux propriétaires titrés du lot n° 1'; par ailleurs, la présence du compteur antérieure à la mise en copropriété ne peut fonder une prescription trentenaire, du fait que la possession du syndicat n'a pu commencer avant la mise en copropriété de l'immeuble ';
Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a fixé à la charge du syndicat des copropriétaires une indemnité d'occupation de 600 € par mois, qui correspond à la valeur locative de ce petit appartement composé d'une chambre et d'une cuisine à [Localité 1]';
Les frais d'enlèvement du compteur électrique incombent au syndicat qui en est propriétaire ou gardien';
Les consorts [P] seront dispensés de toute participation aux frais de procédure incluant les condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile prononcées contre le syndicat par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, mais ils devront, comme tous les autres copropriétaires, participer aux charges induites par les autres condamnations prononcées contre le syndicat des copropriétaires, notamment relatives aux indemnités d'occupation et à la liquidation de l'astreinte, sauf décision contraire du juge de l'exécution';
En équité, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] sera condamné à régler aux consorts [P] une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
Ecarte comme tardives les conclusions des consorts [P] signifiées le 13 mai 2016,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant, dit les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] recevables mais mal fondées, l'en déboute,
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer aux consorts [P] ensemble la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Dit que les consorts [P] seront dispensés de toute participation aux frais de procédure par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, à l'exclusion des condamnations indemnitaires prononcées contre le syndicat des copropriétaires à l'occasion de la présente instance, sauf décision contraire du juge de l'exécution,
Rejette toute autre demande,
Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,