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29/06/2016 | FRANCE | N°13/09811

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 29 juin 2016, 13/09811


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 29 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09811



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/14502





APPELANT

Monsieur [Y] [N] [P] [U]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3] (56)

Keriel

[Adresse 2]>
[Localité 1]

comparant en personne





INTIMEE

Société DCNS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0081 substitué par Me Séver...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09811

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 10/14502

APPELANT

Monsieur [Y] [N] [P] [U]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 3] (56)

Keriel

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne

INTIMEE

Société DCNS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0081 substitué par Me Séverine FAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] a été embauché par la direction des constructions navales (DCN) puis par la société DCNS, créée en 2007, à compter du 1er octobre 2008 en qualité de responsable industriel, chef navire niveau 21 position II coefficient 130 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la Métallurgie et affecté sur le site de [Localité 3].

En 2008, il est parti au Koweit pour une durée de 2 ans et 10 mois, soit du 1er décembre 2008 au 30 septembre 2011, et le salarié a signé un avenant d'expatriation.

Alors qu'il était toujours au Koweit, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 18 novembre 2010 de diverses demandes à l'encontre de la société DCNS tels que des remboursements de prélèvements, de frais de repas, de frais de transport, de frais de déménagement et de cotisations CFE et le paiement d'indemnité de mission, de mobilité au départ, de restriction de libre circulation, de congé-retour avec voyage de reconnaissance de compensation pour mise en danger et d'heures supplémentaires soit environ 900.000 €, demandes par la suite modifiées.

A l'issue de sa mission, menée à terme, Monsieur [U] a réintégré le 1er octobre 2011 le site de [Localité 3] au poste de responsable Essais jusqu'au 1er septembre 2012, date à laquelle il est devenu responsable intégration physique adjoint SC BPC Egypte.

Par jugement rendu le 7 juin 2013, Monsieur [U] a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens.

Il a régulièrement interjeté appel le 15 octobre 2013 et demande à la Cour :

*de rejeter les pièces adverses « 26 » et « 27 » ainsi que les moyens soulevés par la société DCNS au motif que les conclusions ont été déposées « hors délai »,

*de condamner la société DCNS à lui payer les sommes de :

- 128.893,46 € au titre des points 1 à 4 avec les intérêts moratoires au taux légal à compter de la demande, soit le rappel de salaires au titre de la cotisation « expatrié », l'indemnité complémentaire de mission, l'indemnité au titre des frais de transport, l'annulation de la clause de suppression des RTT et le paiement de 47 jours de RTT,

- 100.000 € au titre des dommages exposés au point 5 soit les dommages subis pour avoir été trompé par l'employeur, pour harcèlement moral, pour refus de ses demandes à l'expatriation (Inde, Norvège, Arabie Saoudite, Egypte), pour la perte de chance de postes à l'international et pour l'absence d'augmentation salariale,

- 4.500 € HT plus TVA à 19,60 % au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société DCNS demande de débouter Monsieur [U] de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

SUR CE,

Sur le rejet des pièces et des conclusions

Monsieur [U] sollicite le rejet des conclusions au motif qu'elles lui ont été adressées 10 jours avant l'audience.

Toutefois, dans ses écritures du 7 mai 2016, soutenues à l'audience, Monsieur [U] apporte des répliques ou précisions aux dires de la société DCNS et de nouvelles pièces.

Considérant que le principe du contradictoire a été respecté puisqu'il a disposé du temps nécessaire pour présenter des observations et réunir des documents de nature à combattre les moyens soulevés, Monsieur [U] sera débouté de cette demande.

Par ailleurs, il demande le rejet des pièces 26 et 27 de la société DCNS au motif qu'elles sont absentes.

L'examen du bordereau de communication de pièces établi le 3 mai 2016 et du dossier remis à la cour révèle que seules de pièces numérotées de 1 à 24 sont communiquées en sorte que la demande de rejet de pièces non produites est sans objet.

Sur le rappel de salaire au titre de la cotisation d'expatrié

Monsieur [U] soutient qu'en avril 2009, cinq mois après son installation au Koweit, il s'est aperçu que figurait sur ses bulletins de paye un prélèvement intitulé « différentiel cotisation expatriation », prélèvement qu'il dit venir en déduction de l'indemnité d'expatriation contractuellement due et correspondant à 35% de sursalaire.

Or, après examen des éléments communiqués de part et d'autre, la cour retient que l'employeur ne peut utilement expliquer que sous couvert d'assurer l'égalité fiscale et sociale entre les salariés travaillant en France et les salariés expatriés, il pouvait opérer une retenue sur salaire, pour prétendument neutraliser l'impact du changement de régime de sécurité sociale et de statut fiscal provoqué par un changement de pays, alors qu'aucune clause claire ni un calcul précis n'ont été donnés au salarié avant son départ.

La retenue sur salaire ainsi opérée par l'employeur a donc été pratiquée à tort, l'employeur n'ayant donc pas communiqué au salarié les bases précises de calcul du prélèvement opéré, empêchant ainsi toute possibilité de vérifier qu'il a limité ce prélèvement à une part des cotisations sociales et fiscales qu'il s'est engagé par ailleurs à prendre en charge.

Le calcul du salarié qui s'appuie sur les fiches de paye produites sera, en l'absence d'élément pertinent sera accueilli et une somme de 17.951,24 € sera allouée à Monsieur [U].

Sur l'indemnité complémentaire de mission ou ICM

Monsieur [U] prétend que lors de son expatriation au Koweit, il n'a pas reçu l'ICM alors qu'elle lui était contractuellement due et qu'il en bénéficié dans la note de frais de novembre 2008, ce à quoi s'oppose l'employeur qui indique que le salarié mélange les situations et qu'à chaque situation de déplacement en France comme à l'Etranger correspondent des indemnités différentes et non cumulables, que le régime applicable en matière de mission ne peut être revendiqué lorsqu'il s'agit d'une expatriation.

Force est de constater que le salarié ne peut effectivement prétendre à la fois à des indemnités de mission qui sont des indemnités journalières et des indemnités d'expatriation qui sont mensuelles, la mission étant d'une durée limitée, inférieure ou égale à trois mois, et l'expatriation généralement pour un an et plus, ce qui est le cas de Monsieur [U] dont l'expatriation a duré près de trois ans.

Le salarié ne peut davantage fonder sa demande sur des frais de mission qu'il a reçus pour la période de novembre 2008, laquelle correspond à une mission ponctuelle effectuée du 6 au 30 novembre 2008, avant de signer un contrat d'expatriation en décembre 2008, peu important qu'il ait reçu cette somme en décembre 2008.

Monsieur [U] sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé à cet égard.

Sur l'indemnité des frais de transports

Monsieur [U] admet que la location et les frais relatifs au véhicule de location (entretien, carte grise') ont été pris en charge par l'employeur, mais il soutient qu'il n'a pas été indemnisé de ses frais d'essence dont il demande le remboursement de manière forfaitaire à raison de 140 km par jour au taux de 2,75 € ; il ajoute que les frais d'essence auraient dû lui être remboursés comme le prévoit l'accord d'entreprise dans le cadre de la mission, sur justificatif et après validation de la hiérarchie.

L'employeur s'oppose à cette demande, indique que les frais de transport correspondent à des frais indemnisables dans le cadre d'une mission et non d'une expatriation, cette dernière situation permettant de recevoir d'autres remboursements comme le coût de transport sur place, la mise à disposition d'un véhicule, la prise en charge des frais de déplacements professionnels mais non le trajet entre la résidence et le lieu de travail habituel.

L'accord d'entreprise sur lequel s'appuie Monsieur [U] pour fonder sa demande évoque les déplacements en France métropolitaine et les frais de mission, soit une situation totalement différente de celle de Monsieur [U] qui était sous contrat d'expatriation.

En tout état de cause, ces frais ne peuvent être remboursés que sur justificatif et après validation de la hiérarchie. Monsieur [U] se limite à procéder à un calcul forfaitaire, sans justificatif.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de cette demande.

Sur l'annulation de la clause de suppression des RTT et le paiement

Monsieur [U] renvoie à l'avenant d'expatriation qui en page 3 paragraphe IV prévoit qu'il perd le bénéfice des jours de RTT auxquels il avait droit en France.

Il conteste cette annulation de la clause de suppression des RTT qu'il estime abusive car l'employeur ne lui a proposé aucune compensation à l'allongement de la durée annuelle du travail.

Il appuie sa demande sur un document syndical d'information daté du 9 mai 2012 et sur le fait que ni l'accord d'entreprise, ni le document « Politique et règles Frais Déplacement étranger » n'évoquent cette suppression. Il ajoute que son consentement donné par la signature de l'avenant d'expatriation n'était pas car il ne s'agit pas d'une mesure légale mais d'une mesure unilatérale de l'entreprise et qu'un accord a été trouvé pour les expatriés au Brésil et en Malaisie en 2013. Il considère que la mesure est discriminatoire et sollicite le remboursement de 47 jours de RTT.

L'employeur répond que la loi koweitienne sur la durée du travail est impérative et que l'avenant d'expatriation indique précisément que les jours de repos liés à la réduction du temps de travail en France ne s'appliqueront pas à l'Etranger.

En l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles prévoyant expressément le bénéfice de l'application des jours d'RTT dans le cadre du contrat de travail soumis au droit koweitien, le salarié ne peut prétendre à l'application des dispositions légales françaises.

La cour relève que l'accord trouvé en 2013 pour les expatriés en Malaisie et au Brésil ne peut pas être utilement invoqué pour soutenir l'existence d'une inégalité de traitement, dès lors que le salarié est parti au Koweit pour une durée de deux ans et dix mois soit, du 1er décembre 2008 au 30 septembre 2011, antérieurement audit accord.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le harcèlement

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme faits laissant présumer un harcèlement, Monsieur [U] fait état :

- des libertés prises par l'employeur avec le contrat de travail, reçu un mois après son arrivée à tel point qu'il suspecte une volonté délibérée de sa part de le tromper,

- des man'uvres d'intimidation et qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral .

- le manque de valorisation de son travail malgré le contentement de ses supérieurs et de clients 

- le refus de l'affecter sur tout poste en expatriation,

- l'absence de toute augmentation salariale.

Il précise néanmoins souhaiter poursuivre sa carrière au sein de l'entreprise.

Les difficultés en lien avec le contrat d'expatriation ont été relevées et analysées précédemment.

Il n'est pas contesté que le salarié n'a pas été de nouveau affecté sur des postes en expatriation.

Ces faits ainsi établis laissent présumer l'existence d'un harcèlement.

L'employeur réplique que le salarié a bénéficié de bonnes conditions de travail au sein de la DCNS au point qu'il affirme vouloir y poursuivre sa carrière et repartir en expatriation, ce qui est contraire à l'idée d'un harcèlement moral qui supposent des actes répétitifs, une dégradation des conditions de travail et une atteinte à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel du salarié, tout élément dont le salarié ne fait pas état et alors qu'il a été démontré que les décisions de la société étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement .

l'employeur affirme être très satisfait du travail de son salarié régulièrement loué par la hiérarchie ainsi qu'en fait lui-même état de le salarié.

Il explique que les refus d'affectation sur des postes en expatriation sont motivés par une compétence qui n'était pas en adéquation avec la mission proposée.

Il ajoute que Monsieur [U] a bénéficié d'un avancement entre 2011 où il était responsable Essais et 2012 où il est devenu responsable intégration physique adjoint SC BPC Egypte, que sa rémunération a fait l'objet d'augmentation en 2013, 2014, 2016.

Il ressort des pièces produites et des affirmations des parties que s'il existe un désaccord entre l'employeur et le salarié depuis 2010, sur l'application de certaines mesures relatives au contrat de travail d'expatrié de la société DCNS, rien ne permet de retenir l'employeur ait cherché à tromper le salarié qui a reçu nombre de documents relatifs à l'expatriation, ni qu'il ait usé de man'uvres d'intimidation.

Après examen des documents et explications fournies, la cour retient que Monsieur [U] n' a pas été victime d'un harcèlement au sens des dispositions précitées, les décisions de l'employeur ayant été motivées par des éléments objectifs malgré le caractère erroné de la retenue de salaire la cour relevant que cette pratique avait été appliquée à l'ensemble des salariés expatriés. La cour note encore que le salarié affirme avec conviction qui'l a reçu de nombreux commentaires satisfaits de sa hiérarchie et qu'il souhaite poursuivre son activité au sein de l'entreprise.

En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point.

Succombant, au moins partiellement, la société DCNS sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisse à la charge de Monsieur [U] la totalité des frais qu'il a dû exposer pour se défendre ; il lui sera alloué à ce titre une somme de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formulées au titre de la cotisation d'expatrié,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [Y] [U] de sa demande de rejet de pièces et de conclusions,

Condamne la société DCNS à payer à Monsieur [U] les sommes de :

17.951,24 € pour rappel de salaires au titre de la retenue intitulée « différentiel cotisation expatriation »,

Cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt,

2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne la société DCNS aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/09811
Date de la décision : 29/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/09811 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-29;13.09811 ?
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