RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 28 Juin 2016
(n° , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08476
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/05900
APPELANT
Monsieur [C] [J]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Nadia BEN HADJ SLAMA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0459
INTIMÉE
SA INTERPARFUMS
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 350 219 382 00032
représentée par M. [E] [K] (Directeur des RH) en vertu d'un pouvoir spécial
assisté de Me Jean-Philippe BENISSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0257
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Marjolaine MAUBERT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [C] [J], engagé par la société INTERPARFUMS à compter du 2 janvier 2007, au poste recouvrement client, promu cadre le 1er février 2009, puis promu 'credit manager' le 1er avril 2009, au dernier salaire mensuel brut de 4250 euros, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire le 6 mai 2013, pour finalement prendre acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 11 mai 2013 énonçant le motif suivant :
'Malgré une collaboration enrichissante depuis maintenant 6 années au sein de votre Société, je ne peux que déplorer la discrimination dont je fais l'objet à deux niveaux.
Une discrimination sur le plan de la rémunération tout d'abord. Vous n'ignorez pas que cela fait plusieurs années que je réclame l'alignement de mon salaire sur les pratiques observées chez INTERPARFUMS. '
Après vous avoir présenté ma démission en 2008, vous avez reconnu que ni mon statut ni ma paie n'étaient en rapport avec le niveau des responsabilités qui m'étaient confiées. Vous avez voulu me retenir mais il a encore fallu me battre quelques mois pour enfin obtenir le statut de cadre et le titre de credit manager (sur ma seule fiche de paie. sans me prévenir ni même me faire signer d'avenant au contrat de travail...). Ce n'est que début 2009 que vous avez entrepris de revaloriser ma rémunération qui était encore de 40% inférieure à celle de mes collègues se trouvant dans une situation professionnelle comparable à la mienne : nous avons alors convenu d'un réajustement en deux temps, une 1ègère augmentation immédiate de 23% puis le complément au 1'" janvier 2010, ce dernier n'étant jamais venu.
Malgré mes sollicitations réitérées, vous n'avez pas cru devoir donner pleine satisfaction à ma demande, que j'estime légitime, en fonction notamment de la moyenne du secteur et de votre grille salariale.
Ma situation au sein de votre Société s'est ensuite dégradée après mon élection en qualité de délégué du personnel en 2011 et surtout après mon intervention, sous ce mandat, aux côtés de madame [G] [D] pour l'assister au cours de la procédure de licenciement à son encontre.
Ainsi, à la discrimination salariale, s'est ensuite ajoutée une discrimination à la promotion.
Lors d`une réunion de service en compagnie de la Responsable Comptable madame [E], de la Responsable Consolidation madame [T], de la Responsable du Contrôle de Gestion madame [I]-[G] et de l'Assistante de Direction madame [C], le Directeur Financier monsieur [V] m'a proposé le poste de Trésorier. Par la suite, nous avons tous deux échangé dans son bureau, et il m'a fait parvenir par mail un descriptif des fonctions actuelles du poste pour que je lui fasse part de mes commentaires et suggestions. Après réception de mes réponses, il m'a convoqué et m'a signifié que le poste n'était plus ouvert, pour seul motif que le Président Délégué monsieur [L] et le Gestionnaire des Ressources Humaines monsieur [K] s'y opposaient. Lorsque j'ai sollicité des explications, monsieur [K] m'a notamment indiqué que cet avancement m'avait été refusé eu égard au congé parental de droit que j'ai demandé en janvier 2012...
Nous avons eu plusieurs entretiens, pour trouver une issue à cette situation, qui dure maintenant depuis trop longtemps et que je ne peux plus supporter.
En vain.
Compte tenu de l'impasse dans laquelle je me trouve aujourd'hui et votre refus persistant de régulariser ma situation, je me vois contraint de prendre acte de la rupture de notre contrat de travail.'
Par jugement du 29 mai 2015, le Conseil de prud'hommes de PARIS a débouté Monsieur [J] de ses demandes.
Monsieur [J] en a relevé appel.
Par conclusions visées au greffe le 9 mai 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [J] demande à la cour d'infirmer le jugement, de constater qu'il percevait une rémunération inférieure à celle de ses collègues effectuant un travail de valeur égale au sien et de juger qu'il a fait l'objet d'une discrimination.
Il demande à la cour de requalifier sa prise d'acte de son contrat de travail du 10 mai 2013 en licenciement nul et de condamner la société INTERPARFUMS à lui verser 61 800,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul (12 mois), 61 800,00 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination (12 mois), 6 609,17 euros à titre d'indemnité de licenciement, 15 450,00 euros bruts à titre d'indemnité de préavis (3 mois), outre 1 545,00 euros bruts à titre de congés payés sur indemnité de préavis, 139 050,00 euros bruts à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, 64 244,00 euros à titre de rappel de salaires sur la période de mai 2008 à avril 2013, 6 424,40 euros à titre de congés payés sur rappel de salaires de mai 2008 à avril 2013 et 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intéressé demande aussi à la cour d'ordonner la remise, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail) rectifiés, de dire que les intérêts au taux légal courent à compter de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, soit à compter du 10 mai 2013, d'autoriser la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière, de constater qu'il demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire, et de condamner l'employeur aux entiers dépens, y compris, le timbre de 35,00 euros.
Par conclusions visées au greffe le 9 mai 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société INTERPARFUMS sollicite la confirmation du jugement, la condamnation de Monsieur [J] à lui verser 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la discrimination salariale au regard du principe 'à travail égal, salaire égal'
En application du principe "à travail égal, salaire égal", énoncé par les articles L. 2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ; Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Monsieur [J] soutient que selon l'article L.3221-4 du code du travail, le principe d'égalité de traitement serait applicable à des fonctions qui ne seraient pas identiques mais de valeur égale. A ce titre, l'intéressé produit un tableau comparatif qu'il a établi, des situations professionnelles de cinq collègues, Madame [I], contrôleur de gestion, Madame [W], juriste confirmée, Monsieur [F], contrôleur interne, Monsieur [M], responsable des systèmes et réseaux et Monsieur [X], responsable des systèmes d'informations, avec la sienne. Il en déduit, sans le démontrer, que ces postes ont une valeur égale et que la charge nerveuse et les responsabilités découlant des six postes, sont très comparables.
En contradiction, la société INTERPARFUMS soutient qu'il ne saurait y avoir de situation identique pour des fonctions aussi différentes tant en terme de connaissances professionnelles que de niveau de responsabilité ou de charge nerveuse. La société verse au débat les curriculum vitae de Monsieur [J] et de Mesdames [I] ET [W], ainsi que les fiches de postes de credit manager, de contrôleur de gestion et de juriste, desquels il ressort que les situations professionnelles de ces trois personnes ne sont pas équivalentes. A titre d'exemple, le contrôleur de gestion comme la juriste participent de la stratégie de l'entreprise, le premier en contribuant à la définition des objectifs financiers de la société, le second en conseillant juridiquement les opérationnels de l'entreprise. En revanche, il est établit qu'en qualité de credit manager, Monsieur [J] ne participe pas à l'élaboration de la stratégie de l'entreprise. En effet, aux termes de la fiche de poste 'credit manager' son objectif principal est 'd'accélérer les encaissements clients et minimiser les pertes sur créances'.
En outre, il ressort des éléments produits, et en particulier de l'organigramme 2013 de la société, que les cinq salariés choisis par Monsieur [J] encadrent du personnel, responsabilité qu'il n'a pas.
Ainsi, il résulte de l'ensemble des pièces versées au débat que si le panel de salarié a une formation ou des durées d'expérience professionnelle du même ordre de grandeur, la société démontre que les fonctions ne sont pas d'égale valeur.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont conclu que la société INTERPARFUMS n'a pas violé l'obligation de respecter le principe 'à travail égal, salaire égal' en établissant des rémunérations de montants différents pour Monsieur [J], Madame [I] et Madame [W], ces personnes n'occupant pas des fonctions identiques et n'ayant pas une identité de responsabilité. La discrimination salariale n'étant pas caractérisée, le jugement du Conseil des prud'hommes sera confirmé sur ce point.
Sur la discrimination à la promotion
Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de promotion professionnelle en raison de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes.
Monsieur [J] soutient, sans l'établir, que le poste de trésorier qui lui avait été proposé au mois d'avril 2012 ne lui a pas été attribué en raison du congé parental qu'il a pris cette année-là. Il évoque à ce titre des propos qu'aurait tenus Monsieur [E] [K], responsable des ressources humaines de la société INTERPARFUMS, lors d'une réunion du 12 juin 2012. Le salarié communique un 'message texte' adressé à son épouse le 12 juin 2012, indiquant 'supposés reproches de PS/PB', insuffisant pour étayer sérieusement cette allégation qui se trouve contredite par une attestation de Monsieur [K]. En effet, ce dernier affirme 'ne pas avoir dit à M. [C] [J] que l'obtention du poste de Trésorier lui a été refusée du fait de son congé parental'.
Le responsable des ressources humaines ajoute que 'le poste a évolué en raison (...) du versement de l'indemnité pour l'arrêt d'exploitation de la marque (BURBERRY)' s'élevant à 180 millions d'euros, ce dont Monsieur [J] était informé. Ainsi, l'intéressé écrivait au directeur général délégué, Monsieur [L], dans un émail du 23 janvier 2013, 'je trouve le besoin de recruter de suite, en cette période de transition, un directeur de trésorerie un peu précipitée, mais respecte pleinement ta conviction stratégique'.
Il ressort de ce même e-mail que Monsieur [J] estime que l'impasse dans laquelle il se trouve, après le refus qui lui a été fait d'accéder au poste de trésorier, 'vient de propos tenus et de malentendus qui laissaient supposer (qu'il) puisse être un incompétent et un mercenaire'et non de sa situation familiale à laquelle il ne fait pas référence.
La discrimination à la promotion tirée de la situation familiale est an l'espèce d'autant moins sérieuse qu'il résulte des éléments produits que le poste de trésorier avait été proposé à l'intéressé par la société INTERPARFUMS quatre mois après qu'elle ait accordé à Monsieur [J] le congé parental de onze mois qu'il souhaitait.
L'argument de Monsieur [J] tiré d'une prétendue diminution de ses primes ne permet pas davantage de caractériser la discrimination dont il se dit victime, aucun lien n'étant démontré entre la baisse évoquée et la situation de famille du salarié. De plus, cette variation ne peut sérieusement étayer la demande de l'intéressé compte tenu du fait qu'elle est très légère ainsi que l'ont relevé les juges de première instance. En effet, il ressort du tableau comparatif que l'intéressé a élaboré, et de ses fiches de paie, que la variation des primes est trop faible pour qu'il a perçu 5 400 euros de primes sur objectif (hors primes exceptionnelles) en 2012 contre 5 500 euros en 2010.
C'est donc à juste titre que le Conseil des prud'hommes a considéré que la décision prise par l'entreprise n'était pas motivée par le fait que Monsieur [J] a demandé un congé parental, aucun lien entre ces faits n'étant établi. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail
En application de l'article L. 1231-1 du code du travail, la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail ; si les manquements sont établis, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une démission dans le cas contraire.
La lettre de prise d'acte ne fixant pas les limites du litige, le juge est tenu d'examiner tous les manquements évoqués par le salarié devant lui.
En l'espèce, Monsieur [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 11 mai 2013. Celle-ci est motivée par la discrimination dont il estime faire l'objet à deux niveaux: sur le plan de la rémunération et à la promotion. Cependant, il ressort de l'ensemble des éléments versés au débats qu'aucun de ces deux griefs n'est établi de sorte que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Monsieur [J] sera donc débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour discrimination, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité pour violation du statut protecteur, de rappel de salaires sur la période de mai 2008 à avril 2013 et des congés payés afférents, et de remise sous astreinte des documents de fin de contrat rectifiés.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [J] à verser à la société INTERPARFUMS la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [C] [J].
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT