RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 23 Juin 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/12154
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° F14/8643
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [Y] [U]
Chez Me Emmanuel RUCHAT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Emmanuel RUCHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1367 substitué par Me Déborah WILLIG, avocat au barreau de PARIS, toque : G0836
DEFENDERESSES AU CONTREDIT
SA FCC CONSTRUCCION
C/ [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Delphine CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0740
SA SETEC TPI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Florence ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R088 substituée par Me Delphine CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0740
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.
Statuant sur le contredit formé le 2 octobre 2015 par [Y] [U] à l'encontre du jugement rendu le 21 juillet 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a reçu les Sa Fcc Construction et Sa Setec Tpi en leur exception d'incompétence matérielle et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par [Y] [U] qui demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que seul le conseil de prud'hommes de Paris est compétent pour connaître de la demande et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction pour connaître de la demande ;
Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par la Sa Fcc Construction, société de droit espagnol, qui demande à la cour de :
- le déclarer irrecevable en son contredit pour cause de tardiveté
- confirmer le jugement déféré
En tout état de cause,
- dire qu'elle n'a jamais été l'employeur de dont [Y] [U] et la mettre hors de cause
- condamner [Y] [U] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement par la Sa Setec Tpi qui demande à la cour de :
- le déclarer irrecevable en son contredit pour cause de tardiveté
- confirmer le jugement déféré
En tout état de cause,
- condamner [Y] [U] au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties
SUR CE LA COUR,
La Sa Setec Tpi, filiale du groupe Setec qui assure des missions de conception, de maîtrise d'oeuvre, d'assistance à maîtrise d'ouvrage, de diagnostic et d'expertise, a conclu un contrat de prestation de service avec le consortium Fas pour la réalisation du métro de [Localité 1];
C'est dans ce contexte que [Y] [U] a été embauché par la Sa Setec Tpi prise en sa succursale saoudienne, en qualité de 'senior project reporter' selon une lettre d'engagement, rédigée en anglais, signée le 6 novembre 2013, le lieu d'exécution du contrat étant fixé à [Localité 1], moyennant une rémunération en monnaie locale.
Par lettre du 30 avril 2014, la succursale saoudienne de la Sa Setec Tpi a mis fin à cette mission.
C'est dans ces conditions, que [Y] [U] a, le 25 juin 2015saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
MOTIFS
Sur la recevabilité du contredit :
Aux termes de l'article 689 du code de procédure civile, les notifications sont faites au lieu où demeure le destinataire s'il s'agit d'une personne physique.
Toutefois, lorsqu'elle est faite à personne la notification est valable quel que soit le lieu où elle est délivrée y compris le lieu de travail.
La notification est aussi valablement faite au domicile élu lorsque la loi l'admet ou l'impose.
Les Sa Setec Tpi et Sa Fcc Construction font valoir que [Y] [U] a régularisé son contredit plus de deux mois après le prononcé du jugement, que lors de l'audience de plaidoiries ce dernier était présent et assisté de son avocat, qu'il a été avisé de ce que le jugement serait prononcé le 21 juillet 2015, que le point de départ du délai de quinze jours ouvert pour former contredit a couru le lendemain, 22 juillet, pour expirer le 5 août, que [Y] [U] ne peut invoquer les dispositions des articles 643 et 644 du code de procédure civile qui prévoient une augmentation du délai de quinze jours dans l'hypothèse où le demandeur au contredit demeure à l'étranger dès lors que depuis le début de la procédure il a fait élection de domicile chez son avocat.
[Y] [U] expose qu'en l'absence de dispositions expresses, l'augmentation des délais en raison des distances, prévue aux articles 643 et 644 du code de procédure civile s'applique en matière de contredit de compétence et que le délai du contredit le concernant, dès lors qu'il réside au Liban, doit être augmenté de deux mois.
Dans ses écritures de première instance, [Y] [U] a mentionné tout à la fois qu'il demeurait [Adresse 4] et qu'il faisait élection de domicile au cabinet de son conseil, avocat au barreau de Paris.
Il est donc établi que ce dernier demeure effectivement à l'étranger.
La notification à un domicile élu en France métropolitaine d'un acte destiné à une personne demeurant à l'étranger ne fait pas obstacle à l'augmentation du délai à laquelle il n'est pas expressément dérogé dont bénéficie cette personne.
[Y] [U] est bien fondé à revendiquer le délai de deux mois prévu à l'article 643 du code de procédure civile.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Paris a été notifié le 25 août 2015 et le contredit déposé au greffe du conseil le 5 octobre 2015, dans le délai augmenté de deux mois en faveur des parties demeurant à l'étranger.
Le contredit est par conséquent recevable.
Sur le contredit :
Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce même code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.
Il règle les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.
Selon l'article R. 1412-1 du code du travail, l'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent.
Ce conseil est :
1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;
2° Soir lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement , celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.
Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu de l'engagement a été contracté ou celui du lieu ou est établi l'employeur.
Il est précisé à l'article R.1451-1 que, sous réserve du présent code, la procédure devant les juridictions prud'homales est régie par les dispositions du livre premier du code de procédure civile.
[Y] [U] invoque la violation des dispositions de
- l'article R.1412-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes ayant selon lui confondu compétence territoriale et loi applicable,
- l'article 75 du code de procédure civile, la partie adverse n'ayant pas proposé de tribunal compétent,
- l'article L.1411-1 et L.1411-3 du code du travail et 16 du code de procédure civile, les parties adverses n'ayant pas évoqué au cours des débats la question de la compétence matérielle,
- l'article 14 du code civil, tout recours en Arabie Saoudite étant illusoire.
Les Sa Fcc Construction et Sa Setec Tpi soutiennent que le conseil de prud'hommes de Paris n'est pas compétent territorialement dès lors que [Y] [U] effectuait son travail en Arabie Saoudite, que l'engagement n'a jamais été contracté en France, que l'erreur de plume alléguée, incompétence matérielle/territoriale, est inopérante, que c'est de manière tardive et pour les besoins de la cause que l'intéressé se prévaut de sa nationalité française, le rattachement de cette affaire à la France étant artificiel, que rien ne prouve que tout recours en Arabie Saoudite serait illusoire, qu'enfin elles ont fait référence à l'état dans lequel se trouve la juridiction compétente
Elles font observer qu'en invoquant l'incompétence, elles faisaient naturellement référence à la juridiction compétente et que le conseil de prud'hommes n'a pas soulevé d'office un moyen sans permettre aux parties d'en débattre.
- Sur la violation de l'article R.1412-1 du code du travail :
Selon l'article R. 1412-1 du code du travail, l'employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud'hommes territorialement compétent.
Ce conseil est :
1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;
2° Soit lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement , celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.
Le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu de l'engagement a été contracté ou celui du lieu où est établi l'employeur.
Force est de constater que la Sa Setec Tpi reconnaît être l'employeur, et même le seul employeur de [Y] [U], que le siège social de cette société est situé à [Localité 2] ainsi que cela resulte l'extrait Kbis versé aux débats, qu'il n'est pas soutenu que la "succursale" de [Localité 1] ait une autonomie juridique, le contrat de travail ayant été conclu avec le représentant de " Setec Group", [L] [A], directeur général et administrateur de la société selon l'extrait Kbis.
C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes de [Y] [U] fondé à se prévaloir des dispositions impératives ci-dessus rappelées, et à saisir le conseil de prud'hommes de Paris, lieu où est établi la Sa Setec Tpi, quand bien même la loi applicable ne serait pas la loi française.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré, de dire le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître des demandes de [Y] [U] et de renvoyer le dossier devant cette juridiction.
PAR CES MOTIFS
Accueille le contredit formé par [Y] [U]
Infirme le jugement déféré
Dit le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour connaître des demandes de [Y] [U]
Renvoie l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris pour qu'il soit statué sur les demandes
Laisse les frais du présent contredit à la charge des Sa Setec Tpi et Sa Fcc Construction.
LE GREFFIER LE PRESIDENT