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22/06/2016 | FRANCE | N°13/11284

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 22 juin 2016, 13/11284


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 22 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11284 et 13/11360



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Octobre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/10970





APPELANT PRINCIPAL - INTIMÉ INCIDENT

S.A.R.L. UN MONDE A DEUX venant aux droits de la S.A.R.L. L'AGENCE DE COM.COM


N° SIRET : 435 041 363 00035

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Chrystelle DAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : K0037



INTIME PRINCIPAL - APPELANT INCI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11284 et 13/11360

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Octobre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/10970

APPELANT PRINCIPAL - INTIMÉ INCIDENT

S.A.R.L. UN MONDE A DEUX venant aux droits de la S.A.R.L. L'AGENCE DE COM.COM

N° SIRET : 435 041 363 00035

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Chrystelle DAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : K0037

INTIME PRINCIPAL - APPELANT INCIDENT

Madame [F] [M]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

INTIME

SASU KARAVEL

N° SIRET : 532 321 916 00027

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Chrystelle DAUB, avocat au barreau de PARIS, toque : K0037

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Chantal GUICHARD, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de la société KARAVEL et de la société UN MONDE A DEUX venant aux droits de la société l'AGENCE DE COM.COM et celles de Madame [F] [M] visées et développées à l'audience du 10 mai 2016.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [M] a été embauchée par la société « Un Monde à Deux » par contrat à durée indéterminée à compter du 4 octobre 2004 en qualité d'agent de comptoir. Elle a été transférée par nouveau contrat de travail le 1er juillet 2007, à la société l'Agence de Com.com, une des quatre filiales de la société « Un Monde à Deux », en qualité de déléguée ressources humaines, statut agent de maîtrise, la convention collective applicable étant celle des entreprises de la Publicité et assimilées. Son salaire mensuel brut était de 3.093 €.

En février 2010, la société KARAVEL a fait l'acquisition de la société « Un Monde à Deux » et de ses quatre filiales.

En novembre 2010, deux filiales, les sociétés Kit Tourisme et l'Agence de Com.com ont décidé d'un plan de réorganisation afin de sauvegarder leur compétitivité et de se séparer d'une partie de leur personnel. Elles ont finalement réduit le nombre de salariés à licencier, soit 5 pour l'Agence de Com.com et 4 pour la société Kit Tourisme.

C'est dans ces conditions que Madame [M] a été convoquée le 10 janvier 2011 à un entretien préalable fixé au 18 janvier suivant, et par lettre du 2 février 2011, elle a été licenciée pour motif économique, après proposition d'un poste au titre du reclassement par lettre du 16 décembre 2011 que la salariée a refusé.

Estimant que la société avait failli à ses obligations en ne mettant pas en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi et en ne justifiant pas de difficultés économiques, en ne respectant pas l'ordre des licenciements et en n'ayant pas satisfait de manière sérieuse à son obligation de reclassement, Madame [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 août 2011 aux fins d'obtenir la nullité du licenciement, et subsidiairement que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et la condamnation solidaire de la société l'Agence de Com.com et de la société KARAVEL à lui payer des dommages et intérêts.

Par jugement rendu en audience de départage le 23 octobre 2013, le conseil de prud'hommes a mis hors de cause la société KARAVEL, condamné la société l'Agence de Com.com à payer à Madame [M] la somme de 30.930 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté Madame [M] du surplus de ses demandes et condamné l'Agence de Com.com à lui payer une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société « Un Monde à Deux » a régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 novembre 2013 et demande :

A titre principal :

la confirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société KARAVEL, considéré qu'il n'y avait pas lieu à la mise en place d'un PSE, considéré que le licenciement pour motif économique n'était pas entaché de nullité et reposait sur une cause réelle et sérieuse,

l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée et l'a condamnée à payer des dommages et intérêts et une somme au titre des frais irrépétibles,

le rejet des demandes de Madame [M],

la condamnation de Madame [M] à lui payer une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

de constater que Madame [M] ne justifie pas du montant de son préjudice et limiter son indemnisation au minimum prévu par les textes, soit la somme de 18.558 €.

Madame [M] a interjeté appel le 28 novembre 2013 et demande à la cour de :

Fixer son salaire moyen à la somme de 3.093 €,

A titre principal,

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité,

Constater l'absence fautive du PSE et prononcer la nullité du licenciement survenu,

Condamner solidairement le groupe KARAVEL et la société « Un Monde à Deux », ayant absorbé la société l'Agence de Com.com, à lui payer la somme de 55.674 €,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'absence de recherche conforme de reclassement et l'absence de formation et dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Infirmer le jugement sur le montant des sommes retenues,

Condamner solidairement le groupe KARAVEL et la société « Un Monde à Deux », ayant absorbé la société l'Agence de Com.com, à lui payer la somme de 37.116 €,

En tout état de cause, condamner solidairement le groupe KARAVEL et la société « Un Monde à Deux », ayant absorbé la société l'Agence de Com.com, à lui payer la somme 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonner le paiement des intérêts au taux légal.

SUR CE,

Sur la jonction

La société « Un Monde à Deux » a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 23 octobre 2013 à l'encontre de Madame [M] le 26 novembre 2013 et Madame [M] a interjeté appel du même jugement le 28 novembre 2013 ; les deux dossiers ont été ouverts sous les numéros 13/11284 et 13/11360 ; il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux dossiers et de dire qu'ils porteront désormais le numéro 13/11284.

Sur le déroulé des licenciements

Il n'est pas contestable que l'UES « Un Monde à Deux » spécialisée dans la vente de voyages par internet détenait quatre filiales dont la société l'Agence de Com.com et que devant des difficultés financières ayant conduit à une procédure d'alerte en décembre 2009, les sociétés ont été rachetées par la société KARAVEL en février 2010 qui a augmenté le capital.

Le 16 novembre 2010, le comité d'entreprise de l'UES consulté, s'est prononcé favorablement à des licenciements économiques soit 7 postes au sein de la société Kit Tourisme et 9 au sein de la société l'Agence de Com.com ; mais devant la nécessité de mettre en place un PSE au regard de la double condition (effectif supérieur à 50 salariés et plus de 10 licenciements envisagés) indiquée par la DIRECCTE, il a été répondu le 8 décembre 2010 à la DIRECCTE que les licenciements envisagés se limiteraient à 9. Une nouvelle réunion du comité d'entreprise s'est tenue le 15 décembre 2010 aux fins d'information et de consultation sur la suppression de 4 postes au sein de la société Kit Tourisme et de 5 postes dans la société l'Agence de Com.com.

Une procédure de licenciement collectif pour motif économique a été mise en 'uvre par la société en janvier 2011 concernant neuf salariés sur les deux sociétés dont Madame [M].

Madame [M] conteste l'absence de PSE, la réalité du motif économique, l'ordre des critères de licenciement et le respect de l'obligation de reclassement.

La société « Un Monde à Deux » sollicite la mise hors de cause de la société KARAVEL et le rejet des demandes de la salariée.

Sur la mise hors de cause de la société KARAVEL

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas de lien de droit entre la société KARAVEL et Madame [M] ; cette société ne peut être confondue avec la société « Un Monde à Deux » bien qu'elles fassent partie du même groupe, elle n'a jamais été l'employeur de Madame [M] et aucun co-emploi n'est justifié en l'espèce, peu important les liens étroits avancés par la salariée qui sont habituels s'agissant d'un même groupe. La mise hors de cause de la société KARAVEL sera confirmée.

Sur le plan de sauvegarde de l'emploi dit PSE

La société « Un Monde à Deux » prétend qu'elle a consulté le 16 novembre 2010 le comité d'entreprise de l'UES « Un Monde à Deux » sur un projet de licenciement collectif pour motif économique visant à la suppression de 16 salariés, soit 9 dans la société l'Agence de Com.com et 7 dans la société Kit Tourisme, et qu'avec cet accord, elle a formalisé sa décision auprès de la DIRECCTE, mais devant l'obligation de mettre en place un PSE et vu sa capacité financière, elle a décidé de réduire le nombre de licenciements à 9 salariés dont 5 pour l'Agence de Com.com et 4 pour Kit Tourisme. Elle a informé le comité d'entreprise de ce changement le 8 décembre 2010 et l'a consulté le 15 décembre sur le nouveau plan social.

Elle prétend n'avoir eu aucune intention frauduleuse et ne pas avoir échelonné les licenciements pour contourner les effets de la loi et fait valoir que l'inspection du travail n'a pas fait d'observation particulière sauf à exprimer le fait qu'elle serait particulièrement vigilante sur les procédures de ruptures conventionnelles qui pourraient être mises en place, qu'elle n'a pas été pris en défaut.

Elle justifie que certains salariés ne peuvent faire partie de la liste de 10 salariés avancée par Madame [M] car il y a eu une rupture conventionnelle pour un projet personnel (Monsieur [J]) et la fin d'un contrat à durée déterminée (Monsieur [A]).

Les registres d'entrée et sortie du personnel de toutes les sociétés du groupe sont produits pour établir qu'il n'y a pas eu, postérieurement, de licenciements collectifs.

Madame [M] soutient que l'employeur a contourné la loi en réduisant artificiellement le nombre de licenciements, qu'il aurait dû mettre en place un PSE. Elle indique que ses pièces et les registres d'entrée et sortie du personnel produits par la société démontrent que d'autres licenciements sont intervenus, que pour déterminer la procédure applicable, il convient de tenir compte des licenciements intervenus sur une même période de 30 jours, ou sur trois mois ou sur l'année civile.

En effet, il est patent que le code du travail impose la mise en 'uvre d'un PSE dès lors que le projet de licenciement économique envisagé dans une entreprise d'au moins 50 salariés, concerne 10 salariés ou plus sur une même période de 30 jours ou dès lors qu'il a procédé pendant 3 mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de 10 salariés sans atteindre 10 salariés sur une même période de 30 jours et qu'il envisage tout nouveau licenciement au cours des trois mois suivants. Il en est de même lorsque sur une année civile l'employeur a procédé à plus de 18 licenciements sans atteindre 10 licenciements sur la période de 30 jours, et qu'un licenciement économique est envisagé dans les trois premiers mois de l'année civile suivante (articles L. 1233-26 et L. 1233-27 du Code du travail). Enfin, c'est aussi le cas lorsqu'au moins 10 salariés ont refusé la modification d'une clause majeure de leur contrat pour cause économique et que leur refus engendre leur licenciement.

Par ailleurs, s'agissant des ruptures à inclure pour déterminer les obligations de l'employeur en matière de PSE, il est acquis qu'outre les licenciements économiques envisagés, doivent être prises en compte, les ruptures conventionnelles ayant une cause économique et s'inscrivant dans un processus concerté de réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités ainsi d'ailleurs que la mise en 'uvre de préretraites en raison de difficultés économiques.

Dans le cas d'espèce, le périmètre du PSE n'est pas discuté par les parties et il n'est pas contesté en l'espèce qu'il s'apprécie au niveau de l'unité économique et sociale puisque la décision de licencier a été prise au niveau de cette unité et qu'il s'agit d'un même plan de restructuration.

Même si le nombre initial de licenciements prévu était de 16, et a été réduit à 9, il résulte des documents produits que le nombre de départs de l'entreprise, qui s'apprécie à compter de la date de consultation du comité d'entreprise du projet contesté, soit du 15 décembre 2010 jusqu'au 14 février 2011, est de plus de 10 salariés sur les deux sociétés l'Agence de Com.com et Kit Tourisme, soit 5 salariés sur la première société et 7 salariés sur la seconde soit un total de 12 salariés, et ce, sans comptabiliser les salariés de la société « Un Monde à Deux ». IL peut aussi être relevé que le nombre de salariés ayant quitté l'entreprise dans les trois mois suivants soit, du 15 février au 14 mai 2011, est d'au moins deux personnes sur la société Kit Tourisme, soit Monsieur [B] et Monsieur [X].

Il appartenait à l'employeur de justifier que les licenciements pouvant être retenus, n'étaient pas dus à un motif économique ou qu'il s'agissait de contrats arrivant à expiration, ce qu'il a fait uniquement pour deux salariés concernés, Messieurs [J] et [A]. Il échoue donc dans l'administration de la preuve, la Cour relevant, au regard des documents produits qu'il y a eu de nombreux départs durant toute l'année 2011 de façon échelonnée avec un nouveau pic de 8 salariés en décembre 2011 sur les deux sociétés, de sorte qu'il ne restait plus aucun salarié sur la société l'Agence de Com.com qui en comptait 12 et sur la société Kit Tourisme qui en comptait 17 et que la société « Un Monde à Deux » n'occupait plus que 18 salariés sur 69 personnes que comptait la société. Il s'en déduit que l'employeur a contourné l'obligation de mettre en place un PSE en minimisant d'abord le nombre de licenciements, puis en procédant ensuite à des licenciements de façon échelonnée.

En conséquence, la nullité du licenciement sera retenue pour absence fautive de mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi conformément à l'article L 1235-10 du code du travail, sans qu'il soit besoin d'évoquer les autres moyens soulevés à titre subsidiaire.

Madame [M] ne sollicite pas sa réintégration mais l'allocation de dommages et intérêts. Il lui sera alloué une somme de 37.116 € correspondant à 12 mois de salaire.

Succombant, la société « Un Monde à Deux » sera condamnée aux entiers dépens. Il serait inéquitable de laisser à Madame [M] la totalité des frais qu'elle a dû supporter pour se défendre ; il lui sera accordé une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des dossiers enrôlées sous les numéros 13-11284 et 13-11360 et dit qu'ils porteront désormais le numéro 13/11284,

Infirme le jugement, sauf sur la mise hors de cause de la société KARAVEL et de la somme allouée au titre des frais irrépétibles,

Dit que le licenciement de Madame [F] [M] est nul,

Condamne la société « Un Monde à Deux » à verser à Madame [M] les sommes de :

- 37.116 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société « Un Monde à Deux » aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/11284
Date de la décision : 22/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/11284 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-22;13.11284 ?
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