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22/06/2016 | FRANCE | N°13/01918

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 22 juin 2016, 13/01918


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 22 Juin 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01918



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 décembre 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/14681









APPELANTE

Madame [C] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Loc

alité 1]

comparante en personne, assistée de Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS, G0482





INTIMEE

SA CIC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Siren n° 542 016 381

représentée par Me Laurent PARLEANI, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 Juin 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/01918

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 décembre 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 10/14681

APPELANTE

Madame [C] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS, G0482

INTIMEE

SA CIC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Siren n° 542 016 381

représentée par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, L0036

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président de chambre

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Madame Anne DUPUY, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 17 décembre 2012 ayant débouté Mme [C] [Z] de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamnée aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de Mme [C] [Z] reçue au greffe de la cour le 25 février 2013';

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 février 2016 ayant ordonné la réouverture des débats à l'audience du 13 avril 2016';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 13 avril 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de Mme [C] [Z] qui demande à la cour':

' d'infirmer le jugement entrepris

' statuant à nouveau,

- à titre principal (demandes nouvelles),

.de juger son licenciement nul,

.et à l'audience du 13 avril 2016 comme expressément repris par le greffier au plumitif, ordonner en conséquence sa réintégration au même emploi qui était le sien de juriste contentieux au sein de la Division du Recouvrement de la Direction Juridique située à [Localité 1], ou un emploi équivalent , avec sa condamnation à lui payer un rappel de salaires de 334'844,30 € arrêté au 31 mars 2016 à parfaire

«ou, si la réintégration est refusée» par la SA CIC, de la condamner à lui régler les sommes de':

' 14'709 € d'indemnité conventionnelle de licenciement

' 16'179 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis avec incidence congés payés incluse

' 78'448 € d'indemnité pour licenciement illicite

' 334'844,30 € de rappel de salaires sur la période du 23 juillet 2010 au 31 mars 2016 «à parfaire»

- subsidiairement, si son licenciement n'est pas jugé nul,

.de dire qu'il est sans cause réelle et sérieuse, et condamner la SA CIC à lui payer les indemnités conventionnelles de rupture précitées ainsi que la somme de 78'448 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail

- très subsidiairement, si son licenciement est jugé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse,

.de dire non caractérisée la faute grave, et condamner la SA CIC à lui régler les mêmes indemnités conventionnelles de rupture

- en tout état de cause,

.de condamner la SA CIC à lui verser la somme de 6'306,13 € à titre de rappel de salaires sur la période du 20 mai au 28 juin 2010

.d'assortir les sommes lui revenant des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2010 avec leur capitalisation

.d'ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et des bulletins de paie conformes sous astreinte de 200 € par jour de retard

.d'ordonner l'affichage du dispositif de la décision à intervenir au sein des locaux de la SA CIC durant 30 jours consécutifs suivant sa notification sous astreinte de 500 € par jour de retard

.de condamner la SA CIC à lui régler la somme de 4'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 22 juin 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA CIC qui demande à la cour de confirmer le jugement querellé, et de condamner Mme [C] [Z] à lui payer la somme de 4'000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Mme [C] [Z] a été engagée pat la SA CIC en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2004 en tant que juriste contentieux au sein de la division du recouvrement, catégorie cadre-niveau 1 de la convention collective nationale de la banque, moyennant un salaire de 3'653,85 € bruts mensuels sur la base d'une durée conventionnelle forfaitaire de 202 jours annuels.

Mme [C] [Z] a été en arrêts de travail du 20 janvier au 20 mai 2010.

La Sa CIC lui a adressé un courrier daté du 28 mai 2010 en ces termes':'«Vous êtes absente de l'entreprise pour raisons de santé depuis le 20 janvier 2010. Le dernier certificat médical communiqué couvrait votre absence jusqu'au 20 mai 2010 inclus. Nous considérons que votre reprise de travail n'est pas intervenue à la date prévue sans que votre hiérarchie et nous-mêmes ayons reçu, à ce jour, de justificatif ' Nous attirons votre attention sur cette négligence ' Nous vous invitons ' afin de vous éviter les sanctions prévues à cet effet, à nous informer et nous fournir toutes pièces justificatives ' du motif réel de votre absence».

Par une lettre du 4 juin 2010, la Sa CIC a convoqué l'appelante à un entretien préalable prévu le 18 juin, avant de lui notifier le 23 juin 2010 son licenciement pour faute grave motivée par une «absence irrégulière et injustifiée depuis le 21 mai 2010» en violation de l'article 12 du règlement intérieur.

*

Mme [C] [Z] soulève à titre principal la nullité de son licenciement puisque reposant, selon elle, sur une discrimination liée à son état de santé, dès lors que fortement fragilisée en raison d'un épisode dépressif majeur depuis avril 2009 dont elle avait informé son entourage professionnel dès le mois de décembre de la même année, son employeur ne fera rien pour la préserver face à ses conditions de travail qu'elle dénonçait alors, qu'en janvier 2010 à l'annonce de son arrêt de maladie sa hiérarchie a pris la décision de «monter un dossier de licenciement», qu'à sa reprise du travail le 21 mai 2010 celle-ci n'a pas pu être effective puisqu'elle a été invitée à rentrer chez elle en lui faisant clairement comprendre que son état de santé ne devait pas poser de problème à l'entreprise, et que la visite médicale de reprise a été délibérément annulée par l'intimée qui a usé de procédés déloyaux en lui reprochant une absence injustifiée qui est un motif de pure circonstance.

En réponse, la Sa CIC indique que l'état de santé de Mme [C] [Z] est étranger à ses conditions de travail puisque seules des difficultés personnelles expliquent son état dépressif, que cette dernière n'était pas confrontée à une surcharge de travail, qu'elle n'a pas eu connaissance de l'état de santé de la salariée avant son arrêt de travail ayant débuté le 20 janvier 2009 sans donc avoir de mesures d'adaptation à prendre, qu'à l'issue de l'arrêt de travail de l'appelante le 20 mai 2010 rien ne s'opposait à sa reprise, qu'il n'a jamais alors été envisagé de la licencier, et que ne sont pas caractérisés le prétendu abus de faiblesse et l'utilisation à son initiative de prétendues man'uvres déloyales.

*

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu': «' aucun salarié ne peut être ' licencié ' notamment ' en raison de son état de santé».

L'article L.1134-1 du même code précise que': « ' le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ' (et qu') Au vu des ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination».

Dans la mise en 'uvre de cette règle probatoire, le dernier texte ainsi rappelé indique que': «Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles».

*

Au soutien de sa contestation par renvoi aux textes précités, Mme [C] [Z] produit aux débats':

- l'avis émis en interne par la commission paritaire de la banque CIC en formation de recours préalablement à toute sanction et devant laquelle ont été présentées certaines pièces médicales sur son état de santé';

- l'attestation d'un collègue de travail en la personne de M. [H] qui précise notamment : «Durant sa période d'arrêt, [C] était particulièrement vulnérable ' A cette période (fin avril 2010), j'ai annoncé à son supérieur hiérarchique direct que l'arrêt maladie de [C] prenant fin le 6 mai 2010, il était possible, sauf si son médecin souhaitait le prolonger, qu'elle reprenne le travail. Au cours de cette discussion, j'ai compris qu'il ne s'attendait pas à son retour et que cela allait poser problème '», outre le fait que ce même supérieur hiérarchique direct de l'appelante avait évoqué avec elle fin décembre 2009 l'hypothèse d'une rupture conventionnelle («Ce point m'a été confirmé dans le cadre d'une discussion que j'ai eu avec (ce supérieur hiérarchique)»';

- le témoignage d'une amie, Mme [B], qui indique : «Elle a cependant décidé de reprendre son emploi ' elle m'a appelée le jour même de sa reprise ' pour m'indiquer qu'elle avait été choquée par la DRH dès son arrivée, qui lui avait clairement précisé que son retour n'était pas souhaité si elle était incapable de s'investir à 100% dans sa fonction et l'avait invitée à faire un abandon de poste. Je lui ai précisé qu'il serait préférable qu'elle continue à se rendre à son emploi '»';

- un échange de courriels entre la gestionnaire des ressources humaines (Mme [D] [S]) et le responsable de l'administration du personnel (M. [A] [Q]) les 27 et 28 mai 2010, la première indiquant au second': «Il faut continuer, nous verrons ce qu'elle fait après le licenciement», laissant apparaître que la décision de rompre le contrat de travail était alors déjà prise en dépit de la situation à laquelle devait faire face l'appelante fragilisée depuis plusieurs mois par des problèmes de santé.

Ces éléments en eux-mêmes sont de nature à laisser supposer, au sens de l'article L.1134-1, que Mme [C] [Z] a été victime d'une «discrimination directe ou indirecte» liée à son état de santé.

*

Force est de constater que pour sa part, dans la mise en 'uvre de la règle probatoire, la SA CIC ne prouve pas que le traitement appliqué à Mme [C] [Z] a pu être justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, se contentant en effet de se retrancher derrière des «difficultés personnelles» de la salariée à l'origine de son état dépressif, d'affirmer qu'elle n'était pas confrontée à une surcharge de travail, de considérer qu'elle n'avait pas de mesures d'adaptation à prendre à l'égard de l'appelante, et de rappeler n'avoir ourdi aucun plan visant à la licencier par de prétendues man'uvres déloyales.

Pour illustrer ce positionnement, l'intimée produit aux débats deux attestations qu'il convient d'apprécier dans le contexte de cette affaire, la première du responsable contentieux au CIC (M. [L] [A]) qui conteste que l'on ait voulu «monter un dossier de licenciement» contre Mme [C] [Z], et la seconde du responsable recouvrement (M. [P] [I]) qui évoque pour l'essentiel ses relations professionnelles avec cette dernière sans aborder précisément le fond du présent litige.

*

Après infirmation de la décision critiquée, statuant à nouveau et y ajoutant, il convient en conséquence de juger nul pour discrimination liée à son état de santé le licenciement de Mme [C] [Z].

Il est de principe que la nullité du licenciement pour discrimination liée à l'état de santé entraîne de plein droit la réintégration dans l'entreprise du salarié qui en fait expressément la demande, que cette réintégration s'impose ainsi à l'employeur qui ne peut légalement s'y opposer, que dans cette hypothèse le salarié a droit au versement des éléments de rémunération non perçus entre son licenciement et sa réintégration effective, qu'en sollicitant sa réintégration non jugée matériellement impossible le salarié ne peut pas alors prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages-intérêts pour licenciement illicite d'un montant au moins égal à six mois de salaires, et que cette réintégration doit s'opérer dans l'emploi qu'il occupait avant son licenciement ou, à défaut, dans un emploi équivalent.

Il y a lieu ainsi d'ordonner la réintégration de Mme [C] [Z] dans son emploi ou un emploi équivalent - de juriste contentieux au sein de la Division du Recouvrement de la Direction Juridique située à [Localité 1], poste qu'elle occupait jusqu'à son licenciement remontant à juin 2010, réintégration n'apparaissant pas matériellement impossible.

L'intimée sera par ailleurs condamnée à régler à Mme [C] [Z] la somme de 334'844,30 € bruts à titre de rappel de salaires sur la période concernée du 23 juillet 2010 au 31 mars 2016 -décompte en page 15 de ses dernières écritures -, sauf à parfaire au-delà sur la base d'une rémunération en moyenne de 4'903,10 € bruts mensuels , avec intérêts au taux légal partant du 29 novembre 2010, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation, intérêts dont il sera ordonné la capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

*

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la réclamation de Mme [C] [Z] en paiement d'un rappel de salaires pour la somme de 6'306,13 € et les congés payés afférents, dès lors que sur la période visée du «20 mai au 28 juin 2010» elle ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle prétend, être de fait restée à l'entière disposition de l'employeur.

*

Il sera ordonné la délivrance par la SA CIC à l'appelante d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail ainsi que des bulletins de paie conformes au présent arrêt sans le prononcé d'une astreinte.

Mme [C] [Z] verra rejetée sa demande spécifique aux fins d'affichage sous astreinte du présent arrêt dans les locaux parisiens de la SA CIC.

La SA CIC sera condamnée en équité à payer à l'appelante la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS'

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris en ses seules dispositions sur le rappel de salaires au titre de la période du 20 mai au 28 juin 2010 ;

L'INFIRME pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT et juge nul et de nul effet le licenciement de Mme [C] [Z] pour discrimination liée à son état de santé;

En conséquence,

ORDONNE sa réintégration dans son emploi - ou un emploi équivalent - de juriste contentieux au sein de la Division du Recouvrement de la Direction Juridique située à [Localité 1];

CONDAMNE la SA CIC à lui payer la somme de 334'844,30 € bruts à titre de rappel de salaires sur la période du 23 juillet 2010 au 31 mars 2016, sauf à parfaire au-delà sur la base d'une rémunération de 4'903,10 € bruts mensuels, avec intérêts au taux légal partant du 29 novembre 2010;

ORDONNE la capitalisation des sommes allouées à Mme [C] [Z] dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

ORDONNE la délivrance par la SA CIC à Mme [C] [Z] d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail, ainsi que des bulletins de paie conformes au présent arrêt;

REJETTE la demande de Mme [C] [Z] aux fins d'affichage sous astreinte du présent arrêt dans les locaux parisiens de la SA CIC;

CONDAMNE la SA CIC à verser à Mme [C] [Z] la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA CIC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/01918
Date de la décision : 22/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/01918 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-22;13.01918 ?
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