RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 21 Juin 2016
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02687
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/11334
APPELANT
Monsieur [B] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
comparant en personne,
assisté de Me Gentien HOANG, avocat au barreau de PARIS, toque : C1140
INTIMEE
SAS SOCIETE NOUVELLE D'ETUDES, D'EDITIONS ET DE PUBLICITE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 572 214 591 00057
représentée par Me Brigitte PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0104
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE (SNEEP) , société de plus de 11 salariés, éditrice de l'Argus de l'automobile, a engagé Monsieur [K] par contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 avril 2003 en qualité de responsable Grands Comptes. Par avenant du 12 mars 2007, celui ci a été nommé directeur Grands Comptes, la moyenne mensuelle de ses 12 derniers mois de salaire s'établissant à 7717,08 euros.
Monsieur [K] a fait l'objet d'un licenciement par lettre du 29 juillet 2011 ainsi rédigée :
'Monsieur,
Je fais suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 8 juillet 2011 en présence de [D] [D], chargée de mission RH et de Monsieur [S] [E] qui vous assistait. Cet entretien n'a apporté aucun élément nouveau à votre dossier.
Je vous rappelle ci-après les termes de cet entretien.
Vous avez été embauché au sein du groupe l'Argus le 14 avril 2003 en qualité de responsable grands comptes et depuis le 1er mars 2007 vous exercez les fonctions de directeur grands comptes.
Au cours de ces huit années, nous avons eu parfois l'occasion de travailler ensemble et de confronter nos points de vue, souvent différents, notamment sur la stratégie à mener au sein du groupe et les moyens à mettre à la disposition de la direction grands comptes.
En février 2011, le Comex a pris la décision d'aménager à la marge l'organigramme de l'entreprise dans le but d'être plus efficace, plus créatif et plus réactif. Au moment où commence cette réflexion, les débriefings des entretiens annuels ont lieu comme chaque année.
Vous venez le 8 mars avec [X] [N], votre supérieur hiérarchique de l'époque, nous faire le retour des entretiens annuels de votre équipe (vous managiez alors 2 personnes). Cet exercice est un moment privilégié où s'échangent parfois des propos qui dépassent le simple quotidien. À ma grande surprise et à celle de [U] [L], responsable RH, qui m'accompagne dans ces moments importants pour l'entreprise, vous faites part de votre démotivation dont vous dites qu'elle dure depuis 18 mois. Vous critiquez dans le désordre votre rattachement hiérarchique, votre manque de moyens, le peu de crédit qui vous est fait. La liste est longue et [U] [L] et moi-même tombons des nues.
À cette époque, les aménagements de l'organigramme du groupe n'étaient pas encore figés et notre conversation résonne dans ma tête. Vous êtes directeur grands comptes, vous gérez de l'ordre d'un million et demi d'euros de chiffre d'affaires ; la relation que vous entretenez avec les constructeurs automobiles installés en France est importante pour notre société.
Je décide, avec l'appui du Comex et l'accord de votre supérieur hiérarchique ([X] [N]) et du directeur des Valorisations ([Y] [X]) de modifier nos projets d'organisation dans l'espoir de répondre à vos attentes et critiques : concrètement, il s'agissait de vous accorder un nouveau rattachement hiérarchique (celui que vous aviez entre 2003 et 2010 et que vous n'avez jamais critiqué) et surtout les moyens de développer des produits innovants en créant sous votre autorité hiérarchique deux nouveaux postes de responsable marketing (appelés un temps chef de produit dans les différentes versions du projet d'organisation d'organigramme aménagé)
Nous nous voyons en tête-à-tête. Je vous demande si vous souhaitez quitter l'entreprise ; à mon grand soulagement, vous m'assurez du contraire. Je vous parle alors de ce projet de renforcer les moyens donnés aux Grands comptes et susceptibles de renouveler votre motivation.
Vous êtes sur le moment indécis et vous demandez à réfléchir. Une nuit passe et vous revenez dans mon bureau en me disant que, je vous cite, je vous ai remis en selle et que vous êtes d'accord. Nous sommes en avril ; le temps de passer devant les instances élues du personnel (lesquelles donnent un avis favorable à ce projet à l'unanimité) et d'éditer les organigrammes, la nouvelle organisation est en place le 1er juin 2011. Les postes de responsable marketing ne sont, à cette époque, toutefois pas encore pourvus (la création de nouveaux postes obéit à certaines procédures et notamment l'ouverture en interne pour permettre à ceux de nos collaborateurs qui le souhaitent et en ont les compétences de poser leur candidature).
Le 27 juin, vous demandez à me parler, c'est pour m'interroger sur l'évolution de votre rémunération. Je vous indique alors que cette question ne peut être d'actualité compte tenu de votre niveau de rémunération actuelle. Vous êtes le quatrième salaire de l'entreprise, comité exécutif compris. Je n'étais pas en revanche opposée à revoir cette question après que vous ayez fait la démonstration que nous avions eu raison de tenir compte de vos critiques et suggestions en vous confiant des moyens supplémentaires et notamment le management de deux personnes de plus, portant ainsi à quatre le nombre de vos collaborateurs.
À ce stade de nos échanges, j'étais persuadée que l'ensemble des questions que vous aviez soulevées avait trouvé une solution et que nous étions parvenus ensemble à relancer votre motivation. Or voilà que le lendemain 28 juin, vous me transmettez par courriel (par courriel !), votre refus de prendre en charge la totalité de votre mission ; alors même que vous reconnaissez son intérêt stratégique et la pertinence des moyens mis à votre disposition pour la remplir, vous précisez que ce refus a pour unique motivation le fait que vous estimez votre rémunération insuffisante, position d'autant plus déconcertante pour moi que vous avez bénéficié d'une hausse de votre rémunération 2010 et que, grâce au travail accompli, vous avez touché 120 % de votre rémunération variable.
Et vous faites aussi cette chose incroyable consistant, de votre propre initiative, à retourner au service RH les fiches de définition de fonction des 2 postes de responsables marketing créés pour renforcer votre direction grands comptes jugeant bon d'indiquer que le rattachement hiérarchique mentionné sur les fiches est désormais à revoir puisque vous refusez que ces postes vous soient rattachés ! Non content d'être pour le moins cavalier et peu respectueux de votre hiérarchie et de vos collègues de travail, ce comportement est d'autant plus inadmissible que vous ne détenez ni le pouvoir de direction ni d'organisation de l'entreprise.
Ce refus inattendu et votre comportement cavalier me conduisent à m'interroger sur votre bonne foi dans l'exercice de votre mission et sur votre réelle volonté de continuer à travailler pour notre groupe.
Pour essayer de comprendre votre position, j'ai de nouveau regardé votre description de fonctions et vérifié ce qui se pratique à l'extérieur du groupe pour les postes de directeur grands comptes : j'ai pu évidemment constater que l'ensemble des missions qui vous sont confiées relève bien de votre poste. Quant au management de 2 nouveaux collaborateurs, il entre naturellement et dans le cadre de vos fonctions et dans celui de vos compétences. Au surplus, vous ne managiez jusqu'à présent que deux personnes alors même que tous les cadres de votre niveau encadrent plus d'une dizaine de collaborateurs et certains même plus de 50 personnes.
Ces réflexions m'ont ainsi conduit à vous convoquer à l'entretien préalable du 8 courant au cours duquel vous avez affirmé être de bonne foi et que, si vous aviez remis les fiches de poste au service RH, c'est parce qu'il n'y avait pas de négociation possible sur votre rémunération et que, dans ces conditions, vous refusiez d'exercer la mission qui vous est assignée.
Vous avez également précisé que si vous aviez transmis votre réponse par courriel, c'est parce que vous n'aviez pas réussi à me voir : il vous aurait pourtant suffi de demander à mon assistante de fixer un entretien qu'elle n'aurait pas manqué de vous donner ou même de passer la tête comme vous savez le faire quand vous avez besoin de me voir. J'étais à mon bureau et vous pouvez le constater en permanence en regardant par la fenêtre, votre bureau étant pratiquement en face du mien !
Vous avez également déclaré que vous n'étiez pas d'accord sur le contenu de votre description de fonction.
Enfin, sur votre demande de revalorisation de votre rémunération, vous avez avancé certains arguments, notamment sur l'évolution de notre activité par rapport à votre équipe, et indiqué que, je vous cite, « les 90 % d'activités commerciales actuelles deviendraient 30% et que les 10 % d'activités marketings deviendraient 70 % » et qu'à ce titre, vous aviez déjà anticipé transférer vos dossiers notamment à l'un de vos collaborateurs actuels ; d'après vous, ceci mettrait en péril votre chiffre d'affaires commerciales et monopoliserait votre travail et votre énergie. Pour la petite histoire, avec [Y] [X], le directeur des Valorisations et des solutions professionnelles, nous avions esquissé un organigramme de votre direction où la partie commerciale était renforcée par une nouvelle recrue pour pallier le temps passé avec les équipes marketing'
Vous comprendrez que je ne peux être que stupéfaite par l'analyse que vous faites de la situation, d'autant que vous mettez directement en cause la pérennité du chiffre d'affaires (et donc celle de votre variable si j'ai bien compris) alors même que nous avons revu notre organisation et augmenté les moyens pour justement le développer davantage !
Finalement, lors de notre entretien, vous avez manifesté votre « incompréhension » face à la procédure engagée au motif que « ce n'est pas la première fois'que vous manifestez votre désaccord sur les modifications d'organisation, comme ce fut le cas en février 2010 lorsque vous aviez dans un premier temps refusé votre nouveau responsable hiérarchique ([X] [N]) pour finalement l'accepter.
Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entretien du 8 juillet dernier, les décisions d'organisation relèvent du pouvoir de direction et vous ne pouvez refuser une mission tant que celle-ci s'inscrit dans le cadre de votre définition de fonction, correspond à vos compétences et à votre expertise et que les moyens sont mis en 'uvre en conséquence.
Ce type de comportement est inacceptable au vu des fonctions que vous occupez au sein de l'entreprise. Il porte un préjudice considérable à la mise en 'uvre de notre stratégie et crée un climat social instable au sein de votre équipe et ne permet pas à ses membres d'évoluer et de s'épanouir correctement dans leurs fonctions.
Par votre attitude désinvolte et votre persistance à refuser de faire ce que l'entreprise est en droit de vous demander, vous faites preuve d'une extrême mauvaise foi dans l'exercice de votre contrat de travail ; il apparaît évident qu'aucun compromis ne peut être trouvé dans un délai raisonnable et, compte tenu de vos fonctions et de vos responsabilités, votre maintien au sein de l'entreprise ne pourrait que nuire à nos relations avec les grands comptes ainsi qu'au développement stratégique mis en 'uvre au sein du groupe depuis juin dernier.
Pour toutes ces raisons, nous vous notifions donc votre licenciement pour mésentente et perte de confiance.
De plus, les relations professionnelles dont vous êtes investi et le caractère stratégique des projets de développement dont vous avez la charge, ne nous permettent pas de vous maintenir dans l'entreprise pendant la durée de votre préavis ; en conséquence vous êtes dispensé d'effectuer ce préavis de trois mois qui commencera à courir à compter de la première présentation de cette lettre. Ce préavis vous sera payé aux échéances habituelles de salaire..'(...)
Par jugement rendu le 26 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes, la demande reconventionnelle de la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE étant rejetée.
Monsieur [K] a interjeté appel de ce jugement
Par conclusions visées au greffe le 2 mai 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [K] demande l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, voir dire que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de La société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE à lui régler les sommes suivantes :
183'789,09 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
43'902 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail et exécution déloyale de la convention de forfait en jours,
43'902 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 2 mai 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, La société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [K] et sa condamnation à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIFS
-Sur le licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié . Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 29 juillet 2011 qui fixe les limites du litige, la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE fait grief à Monsieur [K] d'une mésentente et d'une perte de confiance dans la relation salariale , Monsieur [K] ayant refusé un nouveau projet d'organisation du travail interne visant concrètement à lui accorder' un nouveau rattachement hiérarchique (...)et les moyens de développer des produits innovants en créant sous son autorité deux nouveaux postes de responsable marketing';
la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE explicite dans la lettre que la décision d'aménager l'organigramme du groupe avait pourtant fait suite à un entretien annuel d'évaluation de Monsieur [K] en date du 8 mars, qu'elle avait fait l'objet d'un avis favorable des instances élues du personnel, qu'au mois d'avril, Monsieur [K] y avait donné son accord, que néanmoins, le 28 juin et alors que la direction lui avait fait part du défaut d'évolution de sa rémunération dans le cadre de ce projet, il avait refusé de prendre en charge la totalité de sa mission malgré son intérêt stratégique et la pertinence des moyens mis à sa disposition pour la remplir, l'intéressé retournant au service RH les fiches afférentes à l'embauche des deux responsables marketing;
Madame [J] [W], président-directeur général, précise que l'ensemble des missions qui étaient confiées à Monsieur [K] relevaient cependant de son poste de directeur Grands Comptes , que le management de deux nouveaux collaborateurs entrait dans le cadre de ses fonctions et de ses compétences, que son refus d'une mission s'inscrivant dans le cadre de ses fonctions, correspondant à ses compétences et à son expertise et malgré les moyens mis en oeuvre, n'était pas admissible au regard des décisions d'organisation relevant du seul pouvoir de la direction;
La cour rappelle que le pouvoir de direction de l'employeur s'exerce librement lorsqu'il ne se traduit pas par une modification unilatérale du contrat de travail, que si un tel pouvoir permet à l'employeur d'aménager la relation de travail en en modifiant les conditions , la modification durable du contrat portant notamment sur les fonctions exercées, la rémunération, le lien de subordination ne peuvent s'effectuer sans l'accord du salarié ;
L'adjonction de tâches nouvelles peut constituer une telle modification du contrat de travail si elle affecte la nature des fonctions, cette modification pouvant aussi résulter d'une aggravation des suggestions professionnelles du salarié et d'un accroissement de ses responsabilités;
En l'espèce, il se déduit des pièces produites aux débats qu'aux termes du contrat initial de travail en date du 14 avril 2003, Monsieur [K] exerçait les fonctions de responsable grands comptes au sein de la SNEEP telles que définis par annexe , qu'à compter de l' avenant signé le 12 mars 2007 et accepté par Monsieur [K] , celui ci assumait les fonctions de directeur Grands Comptes, toutes dispositions antérieures cessant leurs effets à la date du 12 mars excepté l'ancienneté du salarié fixée au 14 avril 2003;
Dans le cadre de cette nouvelle fonction, Monsieur [K] était rattaché directement au directeur des opérations, un salaire annuel brut forfaitaire d'un montant de 63'869 € lui étant versé en 13 mensualités auquel pouvait s'ajouter une part variable sous réserve de la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs transmis au salarié avant le 31 mars par la direction ;
Il résulte des pièces produites que par courriel du 4 avril 2011 adressé à Madame [W], Monsieur [K] a mentionné être dans l'attente de l'officialisation de ses propositions d'organisation et des moyens devant y être associés dans le cadre d'une nouvelle mission et de son rattachement à [Y] [X], le salarié sollicitant des précisions quant au périmètre commercial et marketing, les objectifs fixés, les conditions financières relatives à la rémunération et sa partie variable, l'organisation de l'équipe à composer. Il fait référence au protocole évoqué par la présidente devant être rédigé par [U] [L] et informe Madame [W] s'être rapproché de Monsieur [X] pour d'ores et déjà obtenir des informations sur les dossiers en cours et aborder une réflexion sur les stratégies à mener;
Il est justifié que Monsieur [K] a adressé ensuite un courriel le 16 mai 2011 à Madame [W] lui faisant part de sa disposition pour discuter de la rémunération et travailler sur le protocole qu'il avait été envisagé ,de concert, de mettre en place. Il a réitéré ses demandes dans des courriels du 6 et 7 juin 2011 adressés à [U] [L] et à Madame [W] sollicitant des précisions sur les évolutions à venir soit ses titre, salaire, véhicule de fonction, aspects contractuels, organisation géographique des bureaux, création de postes;
Il est enfin produit le courriel que le salarié a adressé le 28 juin 2011 à la présidente directrice générale lui faisant part de sa déception quant aux conditions accordées s'agissant de la fonction complémentaire représentée par le Marketing 'Solutions' et de ce qu'il déclinait sa proposition, Monsieur [K] précisant avoir du mal à comprendre que ni son travail réalisé en 2010 ni la charge de travail supplémentaire relative à l'acceptation de cette nouvelle mission ne soit pas valorisée en retour, et de son regret de ne pas avoir pu se prononcer plus tôt, l'intéressé précisant que s'il avait disposé, comme il en avait fait la demande depuis trois mois, de la position de l'entreprise concernant ce poste, sa hiérarchie aurait pu mettre à profit ces semaines pour réfléchir à une solution alternative;
Le salarié informe précisément dans ce mail Madame [W] de ce qu'il a pris l'initiative de récupérer les deux demandes d'embauche et 'réalisé que le fait qu'elles mentionnent un rattachement hiérarchique au directeur grands comptes n'est plus en phase avec sa position';
Il est justifié parallèlement qu'une réorganisation interne du groupe a fait l'objet d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise le 12 mai 2011 pour une mise en place le 1er juin 2011, 8 pôles étant créés autour de la présidence du groupe, le nouveau service 'grands comptes et marketing solutions' étant rattaché à la direction 'valorisation et solutions professionnelles;
Les descriptifs des postes concernant les responsables marketing à recruter dans ce cadre visent un responsable 'valorisations' et un responsable 'solutions professionnelles' rattachés au directeur Grands Comptes et assurant la gestion d'un portefeuille d'indicateurs, de solutions de valorisation et d'études au niveau des composantes marketing s'agissant notamment de l'évolution de l'offre existante, du mix marketing, de son positionnement et de la création de nouveaux produits;.
Ces descriptifs visent notamment l'identification des indicateurs, des études ou des produits en général susceptible de répondre aux besoins des particuliers et des professionnels du commerce auto en cohérence avec le métier de coteur du groupe, la réalisation de toutes les études, analyses, panels et tests nécessaires à la bonne documentation des propositions d'évolution ou de création de nouveaux produits pour validation par la direction, la rédaction de cahier des charges concernant les évolutions de la création de nouveaux produits en lien avec les directions concernées par ces évolutions de ces nouveautés, l'organisation de la planification des mises en production et les lotissements éventuels en relation avec le développement et le support ainsi que la régie ou l'entité commerciale concernés, et plus précisément s'agissant du responsable 'solutions professionnelles', la définition des opérations de promotion des produits dans les phases de lancement et de soutien des ventes en relation avec les ventes et le service publicité du groupe;
Il ressort de ces éléments que le dialogue s'étant instauré entre la direction et Monsieur [K] à compter de mars 2011 portait sur une proposition faite à ce dernier visant à modifier le périmètre de son champ d'action dans le cadre d'une évolution de l'organigramme de la société validé par les institutions du personnel, le service de l'intéressé se voyant adjoindre des fonctions de marketing nécessitant l'embauche de deux responsables 'valorisations' et 'solutions professionnelles';
Cette mission complémentaire justifiait de modifier le rattachement hiérarchique de l'intéressé lequel était désormais rattaché à la direction des valorisations et solutions professionnelles;
Il ne ressort pas des éléments susvisés qu'il s'agissait de donner à Monsieur [K] les moyen marketing d'exercer au mieux sa fonction de directeur grands comptes comme mentionné par Madame [W] dans l'entretien préalable du 8 juillet 2011;
En effet, les descriptifs des responsables marketing susvisés, lesquels avaient vocation à être supervisés par Monsieur [K], se rapportent à des problématiques en matière de marketing en termes stratégiques et non plus opérationnels concernant une clientèle englobant non seulement les clients professionnels mais également des clients particuliers, comportant des activités d'études, de réflexion et de stratégie ce, en relation avec plusieurs autres services et directions de l'entreprise, le nouvel organigramme différenciant d'ailleurs cette fonction 'marketing' antérieurement rattachée à une autre direction 'contenus et marketing' de celle afférente aux 'grands comptes';
Les échanges entre parties tels que rapportés ci dessus justifient par ailleurs de ce que Monsieur [K] devait répondre dans le cas d'espèce à une proposition de modification de ses fonctions, un protocole d'accord étant à deux reprises, le 16 mai et le 7 juin 2011, évoqué par Monsieur [K] sans contestation de la hiérarchie sur la nécessité de son établissement;
Enfin, il doit être relevé que cette nouvelle organisation avait vocation à modifier les responsabilités et la charge de travail de Monsieur [K] lequel prenait la responsabilité d'un nouveau service jusqu'alors attachés à une autre direction et se voyait attribuer le management de collaborateurs supplémentaires ;
Étant d'autre part observé que la rémunération de Monsieur [K] était, jusqu'alors, composée d'une part variable dépendant de la réalisation d'objectifs commerciaux, il doit être retenu que cette part était susceptible de varier au regard de l'investissement induit en temps et en travail par l'ajout d' activités d'études, de réflexion et de stratégie qui n'étaient pas pareillement rémunératrices;
Ces éléments conduiront à retenir que les modifications de son contrat de travail telles que proposées au salarié par sa direction nécessitaient de sa part son accord, que le refus opposé dans ces conditions par Monsieur [K] ne pouvait être sanctionné par un licenciement n'étant constitutif ni d'une insubordination vis-à-vis de sa hiérarchie ni d'une mauvaise foi dans l'exécution de son contrat de travail;
Sachant par ailleurs que Monsieur [K] explicite dans son courriel du 28 juin 2011 les raisons pour lesquelles le rattachement hiérarchique des deux responsable marketing à sa personne n'apparaît plus fondé dans ce contexte, il ne peut être constaté de ce fait un comportement cavalier et peu respectueux de sa hiérarchie dans les termes retenus à son encontre par la lettre de licenciement;
La cour retient dès lors que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse;
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (moyenne de 7317€), de son âge, de son ancienneté depuis le 14 avril 2003 , de sa perception des allocations chômage puis de son retour à l'emploi en mars 2014 dans des conditions salariales moindres et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il lui sera alloué une somme de 65 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
En application de l'article L 1235-4 du code du travail, l'employeur sera tenu de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié licencié dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.
-sur la convention de forfait en jours et le travail dissimulé
Aux termes de l'avenant au contrat de travail en date du 12 mars 2007, Monsieur [K] était soumis à une convention annuelle de forfait jours conformément aux dispositions conventionnelles applicables, le salarié déclarant organiser son travail afin de se conformer au forfait ainsi défini, toute dérogation devant faire l'objet d'une autorisation préalable écrite de la direction générale;
L'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail en date du 23 décembre 1999 produit aux débats vise ici qu'une commission du suivi veille à ce que l'absence de contrôle horaire ne se traduise pas par une surcharge de travail et propose à la direction le cas échéant les solutions permettant de remédier aux difficultés constatées, que par ailleurs le temps de travail est contrôlé au moyen d'une déclaration mensuelle établie par la hiérarchie si le salarié le demande;
Il est observé qu'aucun élément n'est ici produit justifiant de la mise en place de la commission de suivi pourtant indispensable au regard des impératifs de protection de la santé de la sécurité et du droit au repos des salariés; que par ailleurs, la convention individuelle de forfait dont fait l'objet Monsieur [K] ne comporte ni l'indication du nombre de jours travaillés, ni leurs modalités de décompte; qu'enfin, il n'est pas justifié de la mise en place à son profit de mode d'évaluation de sa charge de travail;
Il sera fait droit dans ces conditions à la demande d'annulation de sa convention de forfait jours, la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE étant condamnée à lui régler la somme de 30'000 € compte tenu des carences ici relevées et du préjudice en découlant sur la santé et la sécurité du salarié;
Étant observé que l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié n'est pas cependant caractérisé, l'accord du 23 décembre 1999 n'ayant, depuis cette date, jamais été remis en cause et le salarié n'apparaissant pas avoir établi de déclarations mensuelles de son temps de travail depuis 2007, la demande indemnitaire au titre du travail dissimulé sera ici écartée.
Il est rappelé que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE à payer à Monsieur [K] les sommes suivantes
- 65'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-30'000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail et nullité de la convention de forfait jours,
Rejette la demande de Monsieur [K] à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Ordonne le remboursement par la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite du licenciement de Monsieur [K] dans la limite de 3 mois,
Dit que les condamnations au paiement de créances indemnitaires portent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ,
Vu l'article 700 du code de procédure civile
Déboute la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE à payer à Monsieur [K] en cause d'appel la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société NOUVELLE ETUDES EDITIONS PUBLICITE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT