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17/06/2016 | FRANCE | N°13/08423

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 17 juin 2016, 13/08423


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 17 Juin 2016

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08423

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 11/03947





APPELANTE

SARL HENG-HENG BOUCHERIE

[Adresse 1]

représentée par Me Dominique OZENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136 substitué par Me Martine VAN B

EEZEMA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0131







INTIME

Monsieur [Z] [S] né le [Date naissance 1] 1975 à BAMAKO

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 17 Juin 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08423

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° 11/03947

APPELANTE

SARL HENG-HENG BOUCHERIE

[Adresse 1]

représentée par Me Dominique OZENNE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136 substitué par Me Martine VAN BEEZEMA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0131

INTIME

Monsieur [Z] [S] né le [Date naissance 1] 1975 à BAMAKO

[Adresse 2]

comparant en personne,

assisté de Monsieur [M] [N] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller, et Madame Valérie AMAND, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Président de chambre

Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller

Madame Valérie AMAND, Conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Président et par Madame Ulkem YILAR, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Z] [S] a été engagé par la société HENG-HENG par contrat à durée indéterminée à compter du 2 avril 1998, en qualité d'hommes toutes mains moyennant un salaire moyen brut (douze derniers mois) de 1.485,83 €.

La société HENG-HENG est une petite entreprise de boucherie de moins de 10 salariés en l'occurrence 5 salariés.

La convention applicable était celle de la boucherie et de la charcuterie.

Le 16 avril 2010, l'Inspection du travail s'est rendue sur le site de la boucherie et a relevé plusieurs infractions notamment quant au respect de la durée du travail.

A compter du 1er novembre 2010, la société HENG-HENG a porté la durée de travail de Monsieur [Z] [S] à 39 heures par semaines, soit 4 heures supplémentaires et l'a nommé « boucher préparateur » en précisant que ses horaires étaient': du mardi au vendredi de 9h30 à 12h30 et de 14 h à 19 h et le samedi de 9h30 à 11h30 et de 14 h à 19 heures.

Le 28 septembre 2011, la société a modifié les horaires de travail du salarié et a ramené la durée du travail à 35 heures par semaine.

Le 5 octobre 2011 Monsieur [Z] [S] a saisi le Conseil de prud'hommes de BOBIGNY en paiement d'heures supplémentaires et de rappels de salaires pour travail les jours fériés entre 2005 et 2010.

Le 15 octobre 2012, Monsieur [Z] [S] a pris un congé sans solde autorisé du 15 octobre au 1er décembre 2012.

Par jugement en date du 25 mars 2013, le conseil de Prud'hommes de BOBIGNY a condamné la SARL HENG HENG Boucherie à payer à Monsieur [Z] [S], avec intérêts de droit à compter du 7 octobre 2011, les sommes suivantes :

34 976,18 € à titre d'heures supplémentaires du 1 er janvier 2007 au 31 décembre 2011;

3497,62 € à titre d'indemnité de congés payés incidente;

4311,45 € à titre des commissions sur jours fériés ;

431,15 € à titre d'indemnité de congés payés incidente;

Il a également condamné la société au paiement des dépens et de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 10 septembre 2013, la SARL HENG HENG Boucherie a interjeté appel de ce jugement notifié le 3 septembre 2013.

MOYENS ET PROCÉDURE

Par conclusions visées par le greffier le 24 mars 2016, la SARL HENG HENG Boucherie demande à la cour':

- vu la loi du 17 juin 2013, l'article 2222 du code civil, l'article L.3245-1 du code du travail,

- dire et juger irrecevable et mal fondé M. [S] en l'ensemble de ses demandes,

- dire et juger prescrit M. [S] en l'ensemble de ses demandes,

- dire et juger la décision attaquée injustifiée et infondée,

- infirmer le jugement du 25 mars 2013 entrepris en ce qu'il a attribué des sommes relatives aux heures supplémentaires et aux jours fériés à Monsieur [Z] [S], que celui-ci n'a pas effectuées,

- débouter Monsieur [Z] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [Z] [S] à rembourser à la société HENG-HENG les sommes versées en application de la condamnation de première instance soit 15.000 euros,

- condamner Monsieur [Z] [S] à payer à la société HENG-HENG la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [Z] [S] aux entiers dépens.

Par écritures visées par le greffier le 24 mars 2016, Monsieur [Z] [S] demande à la cour la confirmation du jugement, la condamnation de la société HENG-HENG au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 559 du code de procédure civile et celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience des débats, les parties ont soutenu oralement les écritures susvisées auxquelles la cour fait expressément référence pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

MOTIVATION

Sur la prescription

Le salarié réclame le paiement des heures supplémentaires du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2010 mais ne produit aucun calcul pour l'année 2005 commençant sa réclamation en fait à compter du 1er janvier 2006'; le jugement déféré se réfère donc à tort à des relevés produits entre 2007 et 2011 alors que le salarié verse bien des relevés entre 2006 et le 31 décembre 2010.

Invoquant les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail tel qu'issu de la loi du 17 juin 2013 édictant une prescription triennale et celles de l'article 2222 du code civil, la société HENG-HENG conclut à la prescription des demandes de rappels d'heures supplémentaires portant sur la période antérieure au 10 octobre 2007 et postérieure au 10 octobre 2010, date à laquelle le salarié a eu connaissance des irrégularités relatives à la durée du travail.

Mais contrairement à ce qu'indique la société HENG-HENG, du fait que l'instance prud'homale était en cours à la date de publication de la loi du 17 juin 2013, l'action doit être jugée conformément à la loi ancienne.

Par suite, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale le 5 octobre 2011, seules les heures supplémentaires et congés y afférents antérieurs au 5 octobre 2006 sont prescrits.

Ce n'est que dans cette seule mesure que la prescription est acquise, le salarié ne pouvant réclamer les heures supplémentaires et les rappels de salaires pour jours fériés antérieurs au 5 octobre 2006.

Sur les heures supplémentaires

Conformément l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce, il ressort du courrier du 5 juillet 2013 que ce n'est qu'à compter du 15 juillet 2013 qu'a été installée une pointeuse mécanique permettant le contrôle du temps de travail, en sorte qu'antérieurement l'employeur ne justifie pas avoir contrôlé la durée du travail de son salarié.

A l'appui de sa demande, le salarié produit:

- un document manuscrit où il a noté ses horaires d'arrivée le matin et de sortie le soir entre le 1er juin 2008 et le 21 octobre 2009 y ajoutant ses horaires de pause entre le 1er janvier 2009 et le 21 octobre 2009,

-un tableau pour chaque année du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010 portant un nombre d'heures de travail qu'il aurait effectuées chaque mois (environ 216 heures au maximum) dont il ressort l'existence d'un certain nombre d'heures supplémentaires auxquelles il applique la majoration de 25% puis le cas échéant celle de 50%'; il déduit de ces tableaux qui tiennent compte des heures supplémentaires qui figurent sur certains bulletins de paie, de son taux horaire en fonction de sa qualification et des temps de pause qu'il lui reste dû la somme de 34.976,18 euros ainsi que l'a jugé le jugement déféré.

Contrairement à ce qu'indique la société, ces documents manuscrits sont de nature à étayer la demande relative aux heures supplémentaires; il sont corroborés par la déclaration faite à l'inspection du travail par la société ainsi que cette dernière le précise dans son courrier du 5 mai 2010 et dont il ressort que les horaires d'ouverture et de fermeture de la boucherie sont de 8 heures à 19 heures tous les jours sauf le dimanche et que Monsieur [Z] [S] travaillait du mardi au dimanche de 9h à 19h, soit un durée hebdomadaire supérieure à 35 heures.

Vainement l'employeur se prévaut-il des retards récurrents de son salarié qui arriverait vers 10 heures ou 10 heures 30 le matin: les attestations versées aux débats émanant de clients ou de voisins qui indiquent n'avoir jamais vu le salarié avant 10 heures le matin, ni les jours fériés et précisent que la boucherie est fermée le dimanche doivent être prises avec une grande prudence dans la mesure où il ne peut être sérieusement retenu que les attestants étaient présents tous les jours pour se rendre compte de la présence ou non de M. [Z] [S]'; par ailleurs, vainement la société invoque-elle les courriers de mai et juin 2012 qui reprochent au salarié des retards en 2012, période non concernée par la demande de l'intimé'; en revanche, il ressort du relevé partiel d'horaires produit par le salarié lui-même qu'il arrivait le plus souvent après 9 heures et accusait des retards le matin qu'il convient de déduire du calcul opéré par l'intimé.

Enfin, la société intimée prétend à tort que le salarié ne peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires pendant son congé formation du 1er février 2011 au 28 octobre 2011'; en effet, les bulletins de salaire produits montrent le paiement d'heures supplémentaires au salarié pendant cette période.

En revanche, c'est à juste titre que l'employeur fait valoir que l'article 12 la convention collective de la boucherie dans sa version issue de l'avenant du 10 juillet 2006 prévoit que les heures supplémentaires réalisées dans les entreprises employant de 1 à 20 salariés sont majorées de 10% de la 35ème heure à la 39ème heure, puis de 25% de la 39ème heure jusqu'à la 43ème heure et de 50% au-delà de la 43ème heure.

Ce système de majoration dérogatoire a toutefois été supprimé à compter du 1er octobre 2007.

Le calcul opéré par le salarié qui a appliqué à tort la majoration de 25% sur la période allant du 10 juillet 2006 au 30 septembre 2007 est donc erroné.

En définitive, compte tenu de la prescription acquise sur partie de la période concernée, la réduction de la majoration entre le 10 juillet 2006 et le 30 septembre 2007, des différents retards non déduits, la cour est en mesure de fixer à 16.500 euros le montant restant dû au salarié au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 5 octobre 2006 et le 31 décembre 2010.

Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum des sommes allouées fixées par la cour à 16.500 euros d'heures supplémentaires et 1.650 euros à titre de congés payés.

Sur le paiement des jours fériés

Le jugement a fait droit à la demande du salarié en paiement de la somme de 4.311, 45 euros, correspondant à 10 jours fériés sur chaque année entre 2006 et 2010, et non pas à 6 jours fériés comme indiqué à tort dans le jugement critiqué dont le salarié demande la confirmation.

Or, les tableaux produits par le salarié ne permettent pas d'étayer sa demande en ce qu'ils ne permettent pas à la cour de savoir pendant quels jours fériés le salarié aurait travaillé et ceux pendant lesquels il n'aurait pas travaillé alors qu'au surplus il est établi par les bulletins de paie produits qu'il n' a été fait aucune déduction pour les jours fériés éventuellement travaillés.

Par suite, il convient d'infirmer le jugement déféré et débouter Monsieur [Z] [S] de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

Dans la mesure où il a été fait droit partiellement aux moyens et prétentions de la société appelante, son appel ne saurait être considéré comme abusif; la demande d'indemnité pour appel abusif est donc rejetée.

Dans la mesure où la somme allouée par la cour est supérieure à celle versée par la société appelante au titre de l'exécution provisoire, la société est déboutée de sa demande en remboursement.

La condamnation aux intérêts au taux légal non critiquée et conforme à l'article 1153 du code civil est confirmée.

L'issue du litige conduit à débouter la société HENG-HENG de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de faire droit à la demande de Monsieur [Z] [S] de ce chef à hauteur de 800 euros et de confirmer les dépens de première instance et d'y ajouter la condamnation de la société HENG-HENG aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme partiellement le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que les demandes en paiement de rappels d'heures supplémentaires, de salaires au titre des jours fériés et des congés payés y afférents antérieures au 5 octobre 2006 sont prescrites,

Déboute Monsieur [Z] [S] de ses demandes de rappel de salaires afférents aux jours fériés entre 2005 et 2010 et de sa demande de congés payés y afférents,

Confirme le jugement en sa condamnation de principe de la société HENG-HENG BOUCHERIE au paiement d'heures supplémentaires et de congés payés y afférents,

Mais le réformant sur le quantum,

Condamne la société HENG-HENG BOUCHERIE à payer à Monsieur [Z] [S] la somme de 16.500 euros à titre d'heures supplémentaires entre le 5 octobre 2006 et le 31 décembre 2010, outre la somme de 1.650 euros à titre de congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2011

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société HENG-HENG BOUCHERIE au paiement des dépens de première instance et de la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [Z] [S] de sa demande d'indemnité pour appel abusif,

Condamne la société HENG-HENG BOUCHERIE à payer à Monsieur [Z] [S] la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Déboute la société HENG-HENG BOUCHERIE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société HENG-HENG BOUCHERIE aux dépens d'appel,

Rejette toute autre demande.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/08423
Date de la décision : 17/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°13/08423 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-17;13.08423 ?
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