Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 03 JUIN 2016
(n° , 09 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/00306
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/13633
APPELANT
Monsieur [X] [W] chirurgien dentiste venant aux droits de la SCP DE CHIRURGIENS DENTISTES [W]
Né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Michèle ARNOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0155
INTIMÉE
SARL CAROLINE EXCELSIOR HOTEL prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 094 479
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant
Assistée de Me Philippe COLAS DE LA NOUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1453, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Anne-Marie GALLEN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La Reynerie, greffier présent lors du prononcé.
**********
Faits et procédure :
Par acte sous seing privé du 2 mars 1989, Mme [X] aux droits de laquelle se trouve la société Caroline Excelsior Hôtel a donné à bail à la société [W] [S] un appartement situé au 3ème étage de l'immeuble situé [Adresse 3], à compter du 1er janvier 1989 à usage de «commerce de produits de beauté et de produits dentaires et pour profession de chirurgien dentiste», toute sous-location étant interdite
La société Caroline Excelsior Hôtel qui avait donné congé à la société [W] [Z] venant aux droits de la société [W] [S], a, par acte extrajudiciaire, le 11 janvier 1999 exercé son droit de repentir et le bail s'est trouvé renouvelé à cette date.
Suivant acte extrajudiciaire du 23 décembre 2008, la société Caroline Excelsior Hôtel a fait délivrer congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 30 juin 2009 à la société [W] et en tant que de besoin à M. [X] [W], puisqu'il est apparu que la société [W] [Z] avait été dissoute le 2 novembre 2002.
La société Caroline Excelsior Hôtel a dénié le droit à l'indemnité d'éviction au Dr [W] au motif d'une cession irrégulière de son bail, en raison de son défaut d'immatriculation au registre du commerce et enfin pour avoir consenti une sous-location prohibée.
Par acte du 3 septembre 2009, la société Caroline Excelsior Hôtel a fait citer M. [X] [W] en validation de congé et expulsion.
Par un jugement du 20 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté la société Caroline Excelsior Hôtel de ses demandes tendant à dénier à M. [X] [W] le droit au statut des baux commerciaux pour cession irrégulière et défaut d'immatriculation au registre du commerce,
- dit que la pièce située au troisième étage droite de l'immeuble situé [Adresse 3] est comprise dans l'assiette du bail dont M. [X] [W] est titulaire,
- dit la société Caroline Excelsior Hôtel bien fondée à refuser à M [X] [W] le renouvellement du bail pour motif grave et légitime, .
- dit que le bail dont M. [W] était titulaire a pris fin le 30 juin 2009 par l'effet du congé du 23 décembre 2008,
- ordonné en conséquence son expulsion des locaux situés [Adresse 3] ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance du commissaire de police et d'un serrurier, si besoin est,
- condamné M. [X] [W] à payer à la société Caroline Excelsior Hôtel, jusqu'à la libération des lieux, une indemnité d'occupation d'un montant égal au loyer contractuel,
- condamné M. [X] [W] à payer à la société Caroline Excelsior Hôtel la somme de 2.000 euros (deux mille Euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] [W] aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
M. [W] a relevé appel de cette décision le 6 janvier 2012.
Par un arrêt du 26 juin 2013, cette cour d'appel a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société Caroline Excelsior Hôtel de ses demandes tendant à dénier à M. [X] [W] le droit au statut des baux commerciaux pour cession irrégulière et défaut d'immatriculation au registre du commerce ainsi qu'en ce qu'il a dit que la pièce située au troisième étage droite de l'immeuble situé [Adresse 3] est comprise dans l'assiette du bail dont M. [X] [W] est titulaire,
- sursis à statuer pour le surplus et invité les parties parties à formaliser leurs demandes et moyens au regard de l'article L. 145-17 du code de commerce
Par un arrêt du 5 octobre 2014, la cour a, statuant sur sa saisine résiduelle, infirmé le jugement sur le surplus de ses dispositions, débouté la société Caroline Excelsior de sa demande tendant à voir dire qu'elle justifie de motifs graves et légitimes de refus de renouvellement, sans paiement d'une indemnité d'éviction ainsi que de sa demande de résiliation judiciaire, débouté la société Caroline Excelsior de ses demandes subséquentes, avant dire droit sur l'indemnité d'éviction et sur l'indemnité d'occupation réciproquement dues, tous droits et moyens des parties réservés, désigné M. [E] en qualité d'expert afin de rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation réciproquement dues.
L'expert a déposé son rapport le 26 juin 2015 et a conclu à :
- une indemnité d'éviction s'élevant à
en cas de transfert de fonds avec plafonnement 62.500 euros
en cas de transfert de fonds avec déplafonnement 44.500 euros
en cas de perte de fonds 90.500 euros
- une indemnité d'occupation d'un montant de 65.000 euros HT-HC pour la période du 01/07/2009 au 15/05/2012
Par ses dernières conclusions signifiées le 2 février 2016, M. [W] demande à la cour de:
- constater que l'arrêt rendu le 5 février 2014 par le Pôle 5, Chambre 3 de la cour d'appel de Paris étant définitif, le principe de l'octroi d'une indemnité d'éviction à son profit est établi,
- dire et juger que l'éviction, dont il a été l'objet le 16 mai 2012, n'a pas entraîné la perte de son fonds de commerce, sa clientèle ayant être transférée en partie au sein du cabinet d'un confrère où il sous-loue actuellement de manière précaire un bureau comportant un emplacement de fauteuil dentaire et l'utilisation d'une salle d'attente,
- fixer à une somme de 151.556 euros le montant de l'indemnité d'éviction qui lui est due en principal tenant compte de la perte d'un loyer réduit,
- fixer le coût de la participation du bailleur à ses travaux de réinstallation à une somme globale en principal de 150.000 euros TTC, honoraires d'architecte et de maîtrise d''uvre inclus,
- dire et juger que le coût global des autres postes indemnitaires incluant les frais de réparation du trouble commercial, de déménagement ainsi que les frais de changement de siège social s'élèveront à 30.000 euros,
- fixer à une somme de 65.000 euros, conformément au rapport déposé par l'expert [E], le montant de l'indemnité globale d'occupation hors Taxes et hors Charges, sur laquelle s'imputera le montant total des loyers et charges qu'il a réglés sur la période du 1er juillet 2009 au 15 mai 2012, soit sur 1049 jours une somme de 47.756 euros, ainsi que le montant de son dépôt de garantie équivalent à 6 mois de loyers,
- dire et juger que la Société Caroline Excelsior Hôtel devra établir l'état récapitulatif des charges locatives se rapportant aux lieux loués pour les années 2009, 2010, 2011 et ce jusqu'à son éviction des lieux en date du 16 mai 2012, de manière à ce qu'il puisse apprécier l'existence d'un éventuel trop-perçu de charges au profit de sa bailleresse qui devra lui être remboursé,
- ordonner que les comptes soient faits entre les parties,
- condamner la société Caroline Excelsior Hôtel à lui régler une somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la brutalité de l'éviction dont il a été l'objet,
- condamner la société Caroline Excelsior Hôtel à lui régler une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront le paiement de la totalité des frais d'expertise,
- dire et juger que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.
Par ses dernières conclusions signifiées le 8 mars 2016, la société Caroline Excelsior Hôtel demande à la cour de:
- fixer l'indemnité principale d'éviction au montant de 4000 euros subsidiairement au montant de 10 000 euros ou, plus subsidiairement, au montant de 28 000 euros ;
- fixer les indemnités accessoires au montant global de 10 381 euros ;
- fixer l'indemnité d'occupation due sur la période du 1er juillet 2000 9 au 15 mai 2012 inclus au montant de 65 000 euros HT et hors charges ;
- dire que le solde d'indemnité d'occupation, après déduction des seules sommes versées équivalentes au montant du loyer sur la période susvisée, se compensera à due concurrence avec l'indemnité d'éviction en principal et accessoires ;
- déclarer M. [W] irrecevable au premier chef en ses demandes nouvelles relatives à l'établissement d'un décompte des charges locatives et des comptes entre les parties ;
- constater qu'elle a néanmoins communiqué nombre de pièces justificatives sous les n° 22 à 31 ;
- déclarer M. [W] irrecevable et à tout le moins mal fondé en toutes ses demandes plus amples ou contraires et l'en débouter;
- le condamner aux entiers dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur l'indemnité d'éviction :
Concernant l'indemnité principale :
Les deux parties s'accordent sur le fait que l'éviction de M [W] n'a pas entrainé la perte totale de la clientèle mais celle de la valeur du droit au bail . Elles s'opposent cependant sur son montant.
L'appelant fait valoir que la valeur du droit au bail comprend la perte d'un loyer réduit ainsi que les frais de réinstallation, que le montant du loyer qu'il devra verser pour se réinstaller sera environ du double de celui qu'il a versé jusqu'à son expulsion dans la mesure où la valeur locative de marché pour l'arrondissement s'établit à 400 euros le m² selon les conclusions mêmes de l'expert judiciaire, que l'indemnité principale doit donc être estimée à la somme de 151.556 euros représentant la valeur de droit au bail de 88.984 euros additionnée de la valeur du cabinet si le loyer était au prix du marché soit 62 572 euros en tenant compte d'une capacité bénéficiaire retraitée multipliée par 2 ;
Il souligne que son éviction l'a placé dans une situation de précarité telle qu'il s'est résolu à sous-louer à l'année un bureau équipé d'un fauteuil de dentiste chez un confrère, et ce deux jours par semaine.
La société Caroline Excelsior Hôtel soutient que l'expert judiciaire n'a pas retenu une valeur locative de 400€ / m² pour l'arrondissement considéré mais s'est contenté de fournir les valeurs locatives pour différents locaux de boutiques et bureaux. Elle souligne que M. [W] a quitté les lieux le 16 mai 2012 et s'est réinstallé dès le 29 mai 2012 dans les locaux d'un autre chirurgien-dentiste [Adresse 4] où il loue un cabinet tout équipé avec utilisation d'une salle d'attente et que d'après ses déclarations de revenus, son chiffre d'affaires a été en hausse en 2012, année de son éviction, que son bénéfice s'est accru en 2013, que cette réinstallation rapide dans des locaux entièrement équipés lui a permis d'éviter les investissements liés à l'obsolescence de son matériel, que l'indemnité principale d'éviction n'est constituée essentiellement que des frais de déménagement et de ceux engagés pour prévenir la clientèle du changement d'adresse soit une somme qui ne saurait excéder 4000 €.
De façon subsidiaire, l'intimée rappelle que l'appartement où exerçait le Dr [W] était à usage exclusivement professionnel et non mixte et qu'il ne s'agissait pas d'un commerce traditionnel en pied d'immeuble, et que seule sa destination à usage de bureaux doit donc être retenue pour laquelle l'article R 145-11 du Code de Commerce écarte la règle du plafonnement, que le loyer en renouvellement n'étant pas été plafonné, l'indemnité principale ne saurait excéder la somme de 10 000 €.
De façon encore plus subsidiaire, au cas où il serait jugé que le loyer en renouvellement aurait été plafonné, la société Caroline Excelsior Hôtel sollicite, conformément aux recommandations de l'expert judiciaire, la fixation de l'indemnité principale à une somme qui ne saurait excéder 28.000 euros.
L'expert a souligné à bon escient que les parties ont opté pour la soumission au statut des baux commerciaux pour le bail qu'elles ont signé , étant observé que le bail n'est pas exclusivement à destination d'une activité de chirurgien dentiste qui n'est pas commerciale par nature mais également à usage de commerce de produits de beauté et de produits dentaires de sorte que le bail ne porte pas sur des locaux à usage de bureaux exclusivement et que les règles du déplafonnement trouvent à s'appliquer au cas de renouvellement ;
L'expert indique que pour sa part, il ne considère pas qu'il existe de motif de déplafonnement, en l'absence d'une modification des caractéristiques des locaux et des obligations des parties ainsi que des facteurs locaux de commercialité, la [Adresse 3] étant une rue où les enseignes nationales sont quasiment absentes, qui est composée de petits commerces, où l'offre commerciale du secteur n'a pas connu d'évolution majeure, où les nouvelles constructions sont peu nombreuses, où l'augmentation de la population est insignifiante, et où la modification de ses catégories socio professionnelles - augmentation des cadres et diminution du nombre des ouvriers- correspond à une évolution globale de la population dans la capitale.
L'expert a estimé la valeur locative de marché à une somme comprise entre 280€ ( loyer de bureaux en étage ) et 680-700€ ( loyer de commerce en pied d'immeuble après abattement de 60% pour tenir compte de la situation en étage).
Cette appréciation n'est pas utilement critiquée par M [W] qui suggère une évaluation non contradictoire de son expert amiable M [H] lequel propose des estimations de prix de marché non vérifiables dans différents quartiers dont la commercialité n'est comparable ni entre les différentes références ni avec les locaux de la [Adresse 3] s'agissant d'éléments de comparaison situés dans des rues plus prestigieuses et plus fréquentées soit rue [Adresse 5], rue [Adresse 6] ou encore rue [Adresse 7], boulevard [Adresse 8], rue [Adresse 9].
Il convient en conséquence des constatations de l'expert qui ne sont pas contredites par des éléments probants de dire qu'il n'existe pas de motif de déplafonnement du loyer et de se référer aux références de l'expert judiciaire quant à la valeur de marché des locaux.
Le différentiel des valeurs s'établit ainsi à la somme de :
27 200€ - 17 995€ = 9 205€ arrondie à 9 200€ auquel l'expert a appliqué un coefficient de capitalisation de 3 ( et non de 4 comme l'indique à tort M [W] ).
Il n'y a pas lieu d'y ajouter comme le sollicite M [W] sans qu'il s'en explique sérieusement la valeur du cabinet obtenue en multipliant les capacités bénéficiaires retraitées multipliées par 2,; le propre expert choisi par M [W] a en effet estimé lui-même que le préjudice de M [W] n' est constitué que de la perte du droit au bail ou plus exactement de la perte d'un loyer réduit outre les frais de réinstallation ;
La différence entre les deux estimations, celle de l'expert judiciaire et celle de M [H] l'expert choisi par M [W], résulte essentiellement du coefficient de capitalisation appliquée au différentiel des valeurs ;
M [H] propose en effet un coefficient financier de capitalisation de 7, 029 qui tient compte de la durée du bail et du coût de l'argent ;
Or le coefficient de capitalisation qui doit être appliqué est celui usuel, choisi en fonction de l'emplacement des locaux donnés à bail ; l'expert judiciaire a proposé un coefficient de 3 en retenant que la situation était satisfaisante mais les lieux sans caractère et la destination limitée, faisant le choix de ne pas se référer à la fourchette des coefficients habituellement retenus pour des boutiques ; le choix d'un autre coefficient de situation n'est pas argumenté et celui de 3 sera donc confirmé.
Il s'ensuit que la valeur de droit au bail s'établit à la somme de :
9 200€x 3 = 27 600€
S 'agissant des indemnités accessoires,
M [W] conteste le montant de la somme de 13 000€ retenue par l'expert judiciaire au titre de la participation du bailleur aux frais d'aménagement, alors que cette somme ne correspond aucunement au coût d'aménagement d'un cabinet dentaire similaire à celui dont il disposait au [Adresse 3]. Il sollicite la fixation de la participation du bailleur au coût de sa réinstallation à une somme qui ne saurait être inférieure à 150.000 euros.
La bailleresse rappelle que sa participation n'est pas due si le caractère définitif de la réinstallation actuelle de M. [W] est retenue . Dans la négative, elle considère que les estimations fournies par M. [W] et soumises à l'expert judiciaire, sont exorbitantes et injustifiées. Elle fait observer que les équipements professionnels de M [W] acquis en 1984-1986 avaient donc plus de vingt ans au moment de son éviction, que leur valeur comptable est nulle et que l'obsolescence et la vétusté du matériel doivent être prises en compte, que l'expert a retenu sur la base de 2 fauteuils ( alors que M [W] n'en utilisait qu'un seul ) un montant de participation de 32 000€ x 2 x 20% = 12 800€ arrondie à 13 000€ , l'expert considérant que le pourcentage de 20% constitue un maximum, alors que le pourcentage de la participation du bailleur ne saurait en réalité excéder 10 % soit 6400 euros.
Or il ne peut être considéré que l'installation actuelle de M [W] soit stable et définitive alors qu'il ne bénéficie que d'un bail de sous location établi par la selalrl Amoyel chirurgien dentiste au [Adresse 4] le 29 mai 2012 pour une activité exercée deux jours par semaine, d' une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction. Il convient en conséquence d'examiner la participation de la société Caroline Excelsior Hôtel aux frais d'installation de M [W] qui utilise actuellement l'équipement que la selalr a mis à sa disposition pour lui permettre l'exercice de sa profession mais qui devra à plus ou moins court terme en faire l'acquisition.
M [W] a produit entre les mains de l'expert une note de son architecte M [F] évaluant les frais d'installation (plomberie, électricité ) à la somme de 47 055€ HT non compris la fourniture de deux fauteuils, la fourniture et la pose des appareils nécessaires au fonctionnement du cabinet ( radio, informatique .. ) ainsi que les travaux d'aménagement ( peintures, carrelage...) ;
La société Caroline Excelsior fait observer que M [W] dont le cabinet comptait deux fauteuils n'en utilisait qu'un seul; elle a remis à l'expert une estimation du cabinet d'architectes Chambre et [I] proposant pour l'installation d'un fauteuil dentaire une évaluation de 32 000€.
Or, le fait qu' un seul des deux fauteuils était utilisé est indifférent dés lors qu'il n'est pas soutenu que l'autre était hors d'usage ; il s'ensuit que la société bailleresse qui est à l'origine de l'éviction s'oblige à indemniser le preneur du préjudice résultant de cette éviction, incluant l'installation à l'identique soit composée de deux fauteuils fonctionnels;
S'agissant de l'installation des appareils divers nécessaires au fonctionnement du cabinet (radio, informatique .. ), M [W] ne produit à cet égard aucun devis spécifique ;
Quant aux frais d'aménagement ( peintures, carrelages.. ), ils ont été évalués par M [F] dans une note estimative globale jointe au premier rapport de M [H] incluant les frais de plomberie et d'électricité, à la somme de 125 650€HT, ce qui représente pour les seuls travaux d'aménagement proprement dits une somme de 78 595€ HT ;
Il faut retenir en définitive que les équipements et notamment les deux fauteuils dentaires installés dans les années 1984-1986 étaient amortis et que devenus obsolescents, ils auraient du être remplacés à plus ou moins bref délai mais qu'ils étaient fonctionnels;
L'expert qui n'a pas visité les lieux totalement modifiés à la suite du départ de M [W] en a dressé une description d'après le procès verbal de constat du 26 novembre 2010 et le rapport de M [H]; selon la description qu'il en a faite et qui n'est pas sérieusement contestée, les locaux ne présentaient qu'un caractère sommaire et n'étaient pas d'un bon niveau de standing, les revêtements de sol et de murs auraient mérité d'être rafraîchis et M [W] n'avait fait aucun investissement récent, n'ayant apparemment fait aucun travaux dans les lieux ; les équipements sanitaires, points d'eau et chauffage, étaient vraisemblablement en bon état mais anciens; il n'y avait pas d'équipement informatique, de système de sécurité anti intrusion ou anti incendie récents, ni d'élément de confort particulier, de climatisation notamment.
Il s'ensuit que l'avis de l'expert suivant lequel la bailleresse ne saurait être tenue dans ces conditions de participer aux travaux d'aménagement rendus nécessaires par l'état médiocre des lieux sera suivi.
Il convient en revanche de mettre à la charge de la bailleresse partie des frais de l'installation de deux fauteuils en état de fonctionnement avec adaptation des réseaux d'eau et électriques suivant un devis qui n'est pas utilement critiqué, dans une mesure qui tenant compte de leur obsolescence sera fixée à 20 % soit 111 055 x20/100 = 22 211€,
Concernant les autres postes indemnitaires, les parties s'opposent sur l'indemnisation du trouble commercial évalué par l'expert à trois mois de bénéfice quand la bailleresse demande de la limiter à deux mois alors qu'il est usuel de retenir trois mois , sur les frais de déménagement évalués à 4000€ alors que selon la bailleresse, ils ne sauraient excéder 3000€ : l'expert a justement indiqué que seuls quelques meubles et mobilier professionnel léger étaient transportables et il a évalué le coût à 2984€ auquel s'ajoute celui du local existant vers le local définitif soit 4000€ au total qui sera retenue; les frais divers de transfert des abonnements hors toute modification du Registre du commerce, seront évalués à 1 500€ ;
En conséquence, les sommes suivantes seront allouées au titre des indemnités accessoires :
- frais d'agence : 6000€
-trouble commercial : 9 500€
-frais de déménagement : 4 000€
-frais divers : 1 500€.
L'indemnité d'éviction s'établit en conséquence à la somme totale de 70 811€ arrondie à 70 800€.
Sur les dommages-intérêts:
L'appelant se prévaut d'un dommage subi du fait de l'urgence dans laquelle s'est déroulé son départ des lieux. Il soutient que la totalité de son matériel, en ce y compris les deux fauteuils dentaires, ont dû être abandonnés sur place et n'ont pu dès lors être réutilisés dans le cadre de la réinstallation. En conséquence, il considère que la société Caroline Excelsior Hôtel doit être condamnée à lui payer la somme de 60.000 euros.
L'intimée objecte que l'expulsion de M [W] s'est faite plus de 7 mois après le jugement assorti de l'exécution provisoire signifié le 7 décembre 2011 et les commandement de quitter les lieux et itératif commandement, que par conséquent M [W] a largement eu le temps de reprendre ses meubles et son matériel, ayant été prévenu du passage de l'huissier de justice, ce qu'il a d'ailleurs fait ensuite ; que la demande de dommage-intérêts n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum.
Or en exécutant le jugement assorti de l'exécution provisoire alors qu'appel en avait été interjeté, la bailleresse a agi à ses risques et périls ; en privant le locataire du local dans lequel il exerçait son activité professionnelle alors qu'il était à jour de ses loyers, la bailleresse a agi dans des conditions qui caractérisent une éviction brutale ;
Le délai de sept mois qui a été imparti au docteur [W] pour se retourner, déménager d'un local ou il était installé depuis de nombreuses années et trouver dans l'urgence de nouveaux locaux professionnels fonctionnels doit être en effet considéré comme manifestement insuffisant, le risque étant compte tenu des circonstances de son départ de voir altérer sa réputation et de lui faire perdre sa clientèle, peu important qu'il ait ou non pu récupérer l'intégralité de son équipement et qu'il ait pu bénéficier de l'hébergement actuellement précaire offert par un confrère ;
La somme de 50 000€ sera allouée à M [W] en réparation de son préjudice.
Sur les autres demandes :
Les parties s'accordent sur le montant de l'indemnité d'occupation évaluée à la somme de 65 000€ pour la période comprise entre le 1° juillet 2009 et le 15 mai 2012 soit une valeur locative annuelle de 24 000€ affectée d'un abattement de 10 % ;
M [W] fait cependant valoir que pendant la période d'occupation, il a payé un loyer annuel de 16.613 euros dont il demande compensation avec le montant de l'indemnité d'occupation, ce qui n'est pas contesté, l'indemnité d'occupation ne pouvant se compenser en revanche avec les charges dans la mesure ou elle est évaluée HT et HC ;
M [W] sollicite la justification des charges des années 2009, 2010 et 2011 jusqu'au 16 mai 2012, date de son expulsion et réclame en outre, le remboursement du dépôt de garantie versé à son entrée dans les lieux.
L'intimée fait observer qu'elle n'est pas débitrice du dépôt de garantie lequel n'est pas selon elle cédé de plein droit à l'acquéreur par l'effet de la vente de l'immeuble loué de sorte que le preneur doit donc demander la restitution du dépôt de garantie à l'ancien bailleur. Elle demande le rejet de la demande de justification des charges, nouvelle en cause d'appel.
Or la bailleresse la société Caroline Excelsior est à l'égard du locataire substituée au vendeur dans l'intégralité des clauses et conditions du bail et de ses accessoires dont celle prévoyant de restituer le dépôt de garantie au preneur en fin de jouissance . Il s'ensuit que le docteur [W] est fondé à obtenir de la société Caroline Excelsior la restitution du dépôt de garantie qu'il a versé au moment de son entrée dans les lieux et correspondant selon les indications du bail du 2 mars 1989 à la somme de 35 000 francs soit six mois de loyer d'avance.
Quant à la demande de justification des charges, il s'agit d'une demande nouvelle en appel et qui est sans lien avec le litige dont la cour a été saisie, s'agissant de la contestation du congé déniant à M [W] tout droit au paiement d'une indemnité d'éviction et ses conséquences.
La société Caroline Excelsior supportera les entiers dépens et paiera à M [W] la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Vu les arrêts précédents de cette cour des 26 juin 2013 et 5 février 2014,
Fixe le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Caroline Excelsior Hôtel à M [W] à la somme de 70 800€ , toutes causes confondues,
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par M [W] à la société Caroline Excelsior Hotel à la somme de 65 000€ HT et HC pour la période allant du 12° juillet 2009 au 15 mai 2012, dont seront déduites les sommes versées à titre de 'loyers' par le preneur,
Condamne la société Caroline Excelsior Hôtel à restituer à M [W] l'équivalent de la somme de 35 000 francs représentant le dépôt de garantie versé lors de la signature du bail et son entrée dans les lieux et la condamne en outre à payer à M [W] la somme de 50 000€ à titre de dommages intérêts,
Dit que les créances respectives se compenseront à due concurrence,
Rejette comme nouvelle la demande de M [W] tendant à la justification des charges,
Condamne la société Caroline Excelsior Hotel aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à M [W] la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE