La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2016 | FRANCE | N°15/04672

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 juin 2016, 15/04672


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 16 Juin 2016

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04672



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES RG n° F13/00682





APPELANTE

SNC SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SI

RET : 535 236 681

représentée par Me Michael DAHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0031





INTIME

Monsieur [W] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissanc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 16 Juin 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04672

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES RG n° F13/00682

APPELANTE

SNC SOCIETE D'AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS AVIATION (SASCA)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 535 236 681

représentée par Me Michael DAHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0031

INTIME

Monsieur [W] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

représenté par Me Jonathan DJENAOUSSINE, avocat au barreau de PARIS, toque : J002

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente

Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [S] a conclu avec la société de travail temporaire GTI des contrats de mission entre le 28 juillet 1997 et le 9 novembre 2001 en qualité d'avitailleur d'aéronefs et fait valoir que ces missions étaient effectuées pour le compte du GIE GAO (GROUPEMENT d'AVIATION d'ORLY), entreprise utilisatrice aux droits de laquelle est venue la société SASCA. Il a ensuite été embauché pour une durée indéterminée par la société TOTAL RAFFINAGE DISTRIBUTION, aux droits de laquelle la société SASCA (Société d'Avitaillement et de Stockage de Carburants Aviation) se trouve également actuellement.

Le 5 novembre 2013, Monsieur [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, demandé la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, formé diverses demandes afférentes, ainsi qu'une demande de prime d'habillage et de déshabillage relative à l'exécution du contrat à durée indéterminée.

Par jugement du 2 avril 2015 notifié le 4 mai 2015, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a condamné la société SASCA à payer à Monsieur [S] la somme de 5 006,26 € au titre de la prime d'habillage et de déshabillage, des congés payés et du treizième mois afférents, ainsi qu'une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et a déclaré ses autres demandes prescrites.

La société SASCA a interjeté appel de cette décision le 26 mai 2015.

Lors de l'audience du 10 mai 2016, la société SASCA demande la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur [S] irrecevable en une partie de ses demandes et son infirmation en ce qui concerne les condamnations prononcées. Elle demande également le remboursement des sommes qui lui ont été réglées, ainsi que sa condamnation à lui verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que les demandes de Monsieur [S] relatives aux contrats de mission sont prescrites depuis le 26 septembre 2007

- que Monsieur [S] ne peut demander la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée alors qu'il a travaillé pour le compte de nombreuses entreprises utilisatrices, autres que du GIE GAO

- que la demande de prime d'habillage et de déshabillage n'est pas justifiée car Monsieur [S] n'avait aucune obligation de s'habiller ou de se déshabiller sur son lieu de travail et qu'en tout état de cause, sa base de calcul est totalement fausse et surévaluée.

Monsieur [S] demande la confirmation partielle du jugement et la condamnation de la société SASCA à lui payer :

- 10 150,88 € à titre d'indemnité de requalification

- 4 702,24 € à titre de rappel de salaires sur prime d'ancienneté du 4 novembre 2010 au 4 décembre 2014 et de congés payés et de treizième mois afférents

- 1 711,48 € à titre de rappel de salaires sur prime d'ancienneté du 4 décembre 2014 au 10 mai 2016 et de congés payés et de treizième mois afférents

- une prime d'ancienneté 'tenant compte de [son] ancienneté reconstituée à compter du 10 mai 2016"

- 5 006,26 € à titre de rappel de salaires sur prime d'habillage et de déshabillage du 4 novembre 2010 au 4 décembre 2014 et de congés payés et de treizième mois afférents

-1 820,50 € à titre de rappel de salaires sur la prime d'habillage et de déshabillage du 4 décembre 2014 au 10 mai 2016

- une prime d'habillage et de déshabillage de 20 minutes par jour travaillé à compter du 10 mai 2016

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- une astreinte de 120 € par jour passé un délai de 10 jours francs à compter de la notification de la décision par montant dû, 'jusqu'à délivrance de la totalité des dus'.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [S] fait valoir :

- que sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée n'est pas prescrite, puisque c'est seulement après les actions en justice intentées par d'autres salariés qu'il a pris connaissance des faits lui permettant d'exercer son action,

- que les contrats de mission ont été conclus pour le compte du GIE GAO, entreprise utilisatrice, aux droits de laquelle la société SASCA se trouve actuellement, pour occuper un poste relevant de son activité normale et permanente et qu'il est donc fondé à percevoir l'indemnité de requalification, ainsi que des primes d'ancienneté,

- que la prime d'habillage et de déshabillage lui est due, ses fonctions l'obligeant à changer de tenue.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes relatives aux contrats de mission

Les faits litigieux, s'étant produits avant l'entrée en vigueur de la la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, étaient soumis à la prescription trentenaire prévue par les dispositions de l'article 2262 du code civil, le délai de l'action en requalification n'ayant pu commencer à courir avant le terme du dernier contrat de mission, soit le 9 novembre 2001.

L'article 2224 du même code, issu de la loi précitée, a réduit ce délai à cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Monsieur [S] fait valoir qu'il n'a pris pleinement conscience de son droit à demander la requalification des contrats de mission qu'au début de l'année 2013, lorsque certains de ses collègues ont engagé des actions en justice similaires contre les mêmes défendeurs et que des décisions ont été rendues par le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges puis par la présente cour.

Cependant, même si les instances engagées par ses collègues ont pu lui permettre d'être mieux informé sur ses droits, Monsieur [S] ne pouvait ignorer, dès le terme du dernier des contrats de mission, tous les éléments de fait lui permettant d'en demander la requalification, de telle sorte que le délai de prescription avait commencé à courir à compter du 9 novembre 2001.

Aux termes de l'article 2222 du code civil, issu de la loi précitée, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, Monsieur [S] ayant introduit sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée le 5 novembre 2013, soit plus de cinq ans à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi, cette demande est prescrite.

Il en est de même des demandes d'indemnité de requalification, de primes d'ancienneté, de congés payés et de treizième mois afférents, qui sont les conséquences de cette demande de requalification.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les demandes de primes d'habillage et de déshabillage

Aux termes de l'article L 3121-3 du code du travail, les contreparties dont fait l'objet le temps nécessaire aux opérations d'habillage ou de déshabillage sont accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par les dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, la société SASCA ne conteste pas le fait que Monsieur [S] était contraint de porter une tenue de travail, mais fait valoir qu'il était libre de s'en vêtir ou de s'en dévêtir où bon lui semblait, que sa seule obligation consistait à remettre de temps en temps, lorsque cela était nécessaire, une des tenues fournies par l'employeur qui se chargeait alors de la faire nettoyer et d'en fournir une autre.

Au soutien de ces allégations, la société SASCA produit onze attestations de cadres, qui déclarent que les avitailleurs ne sont pas obligés par l'entreprise de s'habiller ou de se déshabiller sur le lieu de travail, la seule obligation étant de confier le nettoyage de leur tenue à l'entreprise, en général une fois par semaine ou par quinzaine et que certains d'entre eux arrivent et repartent en tenue de travail.

Elle produit également la photographie d'un avitailleur en tenue, laquelle est composée d'un pantalon, d'un blouson, d'un gilet réfléchissant et de gants de protection, manipulant un conduit et s'apprêtant à le connecter.

Il résulte ainsi des propres explications de la société SASCA et des pièces qu'elle produit que, dans le cadre de leurs fonctions, les avitailleurs sont en contact avec des hydrocarbures, que ce soit directement ou par imprégnation des vapeurs, raison pour laquelle ils ont pour obligation de confier le nettoyage de leurs tenues à l'entreprise.

Monsieur [S] produit d'ailleurs le procès-verbal d'une réunion du comité d'entreprise du 30 août 2012, lors de laquelle les représentants des salariés, sans être contredits sur ce point par la direction, déclaraient qu'il existait une 'forte probabilité pour un avitailleur de se tacher avec du jet au cours de son quart'.

Aussi, s'il apparaît que l'entreprise ne contraint pas les avitailleurs à se vêtir ou se dévêtir de leur tenue sur leur lieu de travail, les conditions d'insalubrité dans lesquelles il exercent leur activité leur imposent de le faire pour des raisons d'hygiène et de sécurité d'eux-mêmes et de leur entourage et le fait que certains d'entre eux arrivent et repartent en tenue relève de leur choix et ne peut être opposé à ceux qui se soucient davantage de leur sécurité.

Il résulte de ces considérations que Monsieur [S] est fondé à obtenir paiement d'une contrepartie au temps passé sur son lieu de travail, aux opérations d'habillage ou de déshabillage.

L'évaluation de ce temps à 20 minutes par jour apparaît conforme à la réalité et au vu des calculs de Monsieur [S] effectués d'après cette évaluation et exacts, le montant des contreparties pendant la période du 4 novembre 2010 au 4 décembre 2014, non couverte par la prescription, s'élève à 4320,65 euros, outre celle de 423,06 euros au titre des congés payés afférents et celle de 352,55 euros au titre du treizième mois afférent, soit au total la somme de 5006,26 euros.

Il convient donc de confirmer également le jugement sur ce point.

Au vu des calculs de Monsieur [S] qui sont exacts au titre de la période suivante, du 5 décembre 2014 au 10 mai 2016, le montant de cette contrepartie s'élève à 1 538,46 euros outre celle de 153,84 euros au titre des congés payés afférents et celle de 128,20 euros au titre du treizième mois afférent, soit au total la somme de 1820,50 euros.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande au titre de la période postérieure, celle-ci n'étant pas chiffrée.

Sur les autres demandes

Le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire

Il convient de condamner la société SASCA à payer à Monsieur [S] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel et qu'il y a lieu de fixer à 1000 euros et de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé cette indemnité en première instance à la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Confirme le jugement, sauf à préciser que la somme de 5 006,26 € au titre de la 'prime d'habillage et de déshabillage' doit se décomposer ainsi :

- 4 320,65 euros à titre de rappel de salaires du 4 novembre 2010 au 4 décembre 2014

- 423,06 euros au titre des congés payés afférents

- 352,55 euros au titre du treizième mois afférent ;

Y ajoutant, condamne la société SASCA (Société d'Avitaillement et de Stockage de Carburants Aviation) à payer à Monsieur [S] :

- 1538,46 euros à titre de rappel de salaires du 5 décembre 2014 au 10 mai 2016

- 153,84 euros au titre des congés payés afférents

- 128,20 euros au titre du treizième mois afférent

- 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Déboute la société SASCA de sa demande d'indemnité,

Condamne la société SASCA aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/04672
Date de la décision : 16/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/04672 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-16;15.04672 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award