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15/06/2016 | FRANCE | N°15/08253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 15 juin 2016, 15/08253


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 15 Juin 2016



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08253



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 14/04987









APPELANTE

Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1951 à

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me David VAN DER VLIST, avocat au barreau de PARIS, W04







INTIMEE

SAS BIEN A LA MAISON

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 489 375 691

représenté...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 15 Juin 2016

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08253

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 14/04987

APPELANTE

Madame [D] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me David VAN DER VLIST, avocat au barreau de PARIS, W04

INTIMEE

SAS BIEN A LA MAISON

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 489 375 691

représentée par Me Laurent PARRAS, avocat au barreau de PARIS, C0684

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président de chambre

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Anne DUPUY, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [D] [K] a été engagée le 4 octobre 1990 en qualité d'aide ménagère par l'association d'Aide à Domicile aux Personnes Agées (A.A.D.P.A.) dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Son contrat de travail a été transféré à l'association ATOUT AGE le 26 mai 2003, puis à l'association SAM AREPA le 31 octobre 2003, et enfin à la SAS BIEN A LA MAISON à compter du 1er août 2012.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 avril 2014.

Par jugement rendu le 19 juin 2015, le conseil de prud'hommes a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] aux torts exclusifs de la SAS BIEN A LA MAISON,

- condamné la SAS BIEN A LA MAISON à payer Mme [K] les sommes suivantes:

' 741,36 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2012,

' 74,07 € à titre de congés payés afférents,

' 2 900,56 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2013,

' 288,92 € à titre de congés payés afférents,

' 4 298,15 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2014,

' 429,81 € à titre de congés payés afférents,

' 4 813,08 € à titre d'indemnité de licenciement,

' 3 913,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 361,24 € à titre de salaire pour le mois de novembre 2014 et congés payés,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date d'envoi, à la partir défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

' 11 739,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

- condamné la SAS BIEN A LA MAISON à remettre à la salariée les documents légaux conformes à décision,

- rappelé qu'en vertu de l'art. R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,

- condamné la SAS BIEN A LA MAISON aux dépens.

Mme [K] a relevé un appel limité de cette décision le 7 août 2015 et, aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 6 avril 2016, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris concernant les demandes non satisfaites ou partiellement satisfaites, et l'indemnité de licenciement, et statuant à nouveau, de :

- condamner la SAS BIEN A LA MAISON à lui verser :

' 3 913 € (deux mois) à titre de dommages et intérêts pour non-paiement des salaires en 2012, 2013 et 2014 et retards de paiements du salaire de juillet 2014,

' 2 465 € à titre de rappel de salaire entre novembre 2014 et juillet 2015 et 247 € au titre des congés payes y afférents,

' 1 957 € (un mois) à titre de dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi non conforme,

' 3 913 € (deux mois) à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution d'engagements unilateraux : mutuelle prise en charge à 100 %, remboursement à 100% de la carte orange, tickets restaurant,

' 1 957 € (un mois) à titre de dornmages et intérêts pour défaut de versement de la prime d'assiduité,

' 2 559 € au titre du demi-treizième mois,

' 11 739 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement des articles L. 8221-5 et L. 8221-3 du code du travail,

' 332 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour mars 2015 et 33 € au titre des congés payes y afférents,

' 310 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour juin 2015 et 31 € au titre des congés payes y afférents,

' 13 533 € à titre d'indemnité de licenciement sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail,

' 58 696 € (30 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail,

- dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêt au taux legal à compter de la saisine du conseil et ordonner la capitalisation,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme, d'un certificat de travail conforme mentionnant une ancienneté au 4 octobre 1990 et de bulletins de paie conformes de juillet 2012 à juillet 2015 fixant son ancienneté au 4 octobre 1990 et faisant état des rappels de salaire, dans un delai de 15 jours sous astreinte de 50 € par jour de retard dont la cour se réservera la liquidation,

- condamner la SAS BIEN A LA MAISON aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels,

- condamner la SAS BIEN A LA MAISON à lui verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 800 € au titre de la procédure d'appel et la somme de 5 037 € au titre de la procédure de première instance.

La SAS BIEN A LA MAISON a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et a demandé à la cour de :

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 741,36 € au titre de rappels de salaire pour l'année 2012 outre la somme de 74,07 € au titre des congés payés afférents,

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 2 900,56 € au titre de rappels de salaire pour l'année 2013 outre la somme de 288,92 € au titre des congés payés afférents,

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 361,24 € au titre de rappels de salaire pour le mois de novembre 2014 outre la somme de 36,12 € au titre des congés payés afférents,

- lui donner acte de ce qu'elle reconnaît être débitrice à l'égard de Mme [K] de la somme de 2 351 € à titre de rappel de salaire sur la période de novembre 2014 à juillet 2015, outre la somme de 235,10 € au titre des congés payés afférents,

à titre principal,

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] et l'a condamnée au paiement des sommes afférentes,

- débouter Mme [K] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- débouter Mme [K] du surplus de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- si la cour estimait devoir confirmer la résiliation judiciaire du contrat de travail, réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par Mme [K].

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

La durée du travail de Mme [K] a varié jusqu'à un avenant du 31 décembre 2003 aux termes duquel le contrat de travail à temps plein de la salariée a été modulé, la durée du travail convenue étant fixée à 1 820 heures annuelles.

Le 8 août 2012, la SAS BIEN A LA MAISON a écrit à ses salariés, dont Mme [K], pour leur indiquer que leurs contrats de travail, qui reposaient sur la convention collective du secteur associatif, étaient "privés de base légale" concernant la modulation du temps de travail qu'ils mettaient en oeuvre, que la société avait ainsi négocié avec les représentants du personnel un nouvel accord d'entreprise se substituant à l'ancienne convention collective permettant de passer de la modulation du temps de travail au temps partiel aménagé, reposant sur un temps de travail annuel au delà duquel l'employeur proposait au salarié, qui était libre d'accepter ou de refuser, des missions supplémentaires ("heures choisies"). Dans ce même courrier la société insistait sur la nécessité pour les salariés de signer le nouveau contrat de travail proposé afin de ne pas rester dans une "situation de blocage".

Bien que Mme [K] ait refusé de signer l'avenant modifiant son contrat de travail, la société intimée en a fait application en ne rémunérant que les heures de travail effectivement fournies à la salariée, ce qui n'est pas contesté.

En imposant une modification du contrat de travail dont il est résulté pour la salariée une baisse de salaire significative, comme il sera détaillé ci-après au titre des rappels de salaire qui lui sont dûs, la SAS BIEN A LA MAISON a commis un manquement dont la gravité a empêché la poursuite du contrat de travail ce qui justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts comme l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée.

Il est constant que le contrat de travail s'est poursuivi jusqu'au 17 juillet 2015 malgré la décision des premiers juges. En conséquence la date des effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail doit être fixée au 17 juillet 2015.

Considérant la rémunération mensuelle brute de référence de la salariée, s'élevant à 1 956,54 €, son âge (63 ans) et son ancienneté de plus de 24 ans à la date de la rupture, les transferts du contrat de travail de la salariée s'étant en effet effectués avec reprise de son ancienneté au 4 octobre 1990, les circonstances de la rupture et ses conséquences pour la salariée qui n'a pas retrouvé d'emploi et qui ne pourra percevoir une retraite à temps plein avant 2017, il est justifié de lui allouer, par infirmation du jugement déféré, une somme de 47 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement sera également infirmé quant au montant de l'indemnité de licenciement allouée, celle-ci devant être fixée, conformément à la demande de la salariée à laquelle la SAS BIEN A LA MAISON ne s'oppose pas, à la somme de 13 533 €.

Il sera enfin relevé que la cour n'est pas saisie d'un appel portant sur les dispositions du jugement ayant condamné la SAS BIEN A LA MAISON au paiement d'une indemnité de préavis de 3 913,08 €, qui sont par conséquent devenues définitives.

Sur la demande de rappels de salaires

Devant la cour la SAS BIEN A LA MAISON reconnaît qu'en vertu de l'avenant du 31 décembre 2003, elle était tenue de fournir à Mme [K] 1 820 heures par an et ne conteste pas devoir à la salariée des rappels de salaire représentant les heures de travail non fournies et non rémunérées.

La SAS BIEN A LA MAISON demande ainsi la confirmation du jugement qui l'a condamnée au paiement des sommes de :

- 741,36 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2012 outre 74,07 € au titre des congés payés afférents

- 2 900,56 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 outre 288,92 € au titre des congés payés afférents.

S'agissant de l'année 2014, la SAS BIEN A LA MAISON reconnaît dans ses écritures devoir la somme de 4 298,15 € (outre 429,81 € pour les congés payés afférents), représentant les salaires dus jusqu'en octobre 2014 inclus, au paiement de laquelle elle a été condamnée par les premiers juges.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ses dispositions relatives aux rappels de salaires pour les années 2012, 2013 et 2014 à hauteur des sommes visées ci-dessus.

En cause d'appel, Mme [K] demande la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme de 2 465 € à titre de rappel de salaires pour la période de novembre 2014 au 17 juillet 2015 inclus, outre celle de 247 € pour les congés payés afférents. La société intimée acquiesce à cette demande sous réserve que soit déduite de la somme de 2 465 € celle de 111,91 € représentant les absences non rémunérées de la salariée, soit 38,70 € au titre de l'absence "activité partielle" du mois de mars 2015 et 75,21 € pour les absences non rémunérées du mois d'avril 2015. Mme [K] ne fait valoir aucune observation en réponse sur la déduction demandée.

La société intimée ne justifiant pas du bien fondé des déductions invoquées, il convient de la condamner au paiement de la somme de 2 465 € à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2014 au 17 juillet 2015, outre 247 € pour les congés payés afférents.

La somme allouée incluant le rappel de salaire au titre du mois de novembre 2014, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société BIEN A LA MAISON à payer à Mme [K] la somme de 361,24 € à titre de rappel de salaire et congés payés pour le mois de novembre 2014.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé du fait du non paiement des temps de déplacement

Mme [K] demande pour la première fois en cause d'appel la somme de 11 739 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

La salariée, se fondant sur la convention collective nationale des entreprises à la personne du 20 septembre 2012 prévoyant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre d'un lieu d'intervention à un autre constitue du temps de travail effectif lorsque le salarié ne peut retrouver son autonomie, et sur l'arrêté d'extension du 3 avril 2014 précisant que le temps de trajet est rémunéré comme du temps de travail effectif quelle que soit sa durée, soutient que pour la seule période d'octobre 2014 à juillet 2015, près de 133 heures d'intervention ne lui ont pas été rémunérées, qu'elle n'a formé toutefois une demande sur ce fondement que pour les mois de mars et juin 2015 [examinée infra], dans la mesure où la plupart du temps ce temps de travail effectif n'aurait pas eu pour effet de faire passer son temps de travail au delà du temps plein contractuellement, de sorte que le rappel de salaire à ce titre se confond pour l'essentiel avec celui opéré en raison du non-respect du temps de travail fixé contractuellement. La salariée fait valoir que l'élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé en l'espèce par le non-respect des dispositions susvisées de la convention collective dont l'employeur avait nécessairement connaissance à tout le moins le 1er décembre 2014, date à laquelle mention de la convention collective applicable a été portée sur les bulletins de paie, et a fortiori pour l'établissement du bulletin de paie de mai 2015 dans la mesure où le 3 juin 2015 il a écrit à l'ensemble de ses clients pour les informer qu'en conséquence du dédommagement des temps de trajet et d'attente entre deux interventions prévu par la convention collective, il était amené à créer un forfait d'intervention journalier de 1,95 €, qu'or la société BIEN A LA MAISON ne l'a pas rémunérée de ses temps de trajet pour mai et juin 2015, alors qu'elle était informée de l'illégalité de cette pratique.

La société BIEN A LA MAISON fait valoir que le décompte de ses temps de trajet établi par la salariée est erroné, qu'ainsi elle comptabilise des temps de déplacement équivalents à 1h45 lors d'interventions chez des clients pour lesquels, dans l'ordre d'interventions indiqué par la salariée, les temps de trajets ne représentent en réalité qu'1h15, que par ailleurs en application de la convention collective, seuls les temps de trajets inférieurs à 15 minutes, au delà duquel le salarié retrouve son autonomie, doivent être comptabilisés. La société intimée relève qu'en tout état de cause, Mme [K] ne formulant des demandes que pour les mois de mars et juin 2015, elle doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

*

L'article' L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article 'L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application erronée ou du non-respect par la SAS BIEN A LA MAISON de règles légales ou conventionnelles relatives à la rémunération du temps de trajet de la salariée, ou encore du non-paiement d'heures supplémentaires alléguées uniquement sur les seuls mois de mars et juin 2015. En conséquence Mme [K] doit être déboutée de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur les heures supplémentaires au titre des mois de mars et juin 2015

Mme [K] demande paiement pour la première fois en cause d'appel des sommes de:

' 332 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 33 € pour les congés payés afférents pour le mois de mars 2015 ;

' 310 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et 31 € pour les congés payés afférents pour le mois de juin 2015.

S'agissant du mois de mars 2015, elle soutient qu'elle a effectué 148 heures d'intervention, a été 3 heures en réunion des délégués du personnel le 7 mars, 1 heure en réunion des délégués du personnel le 30 mars et a effectué 20h15 de déplacement entre deux interventions, que son temps de travail était donc de 172,5 heures, soit 20,58 heures supplémentaires majorées à 25%, ce qui représente un rappel de salaire de 20,58 heures x 125% x 12,90 € = 331,85 €.

Pour le mois de juin 2015, elle affirme qu'elle a effectué 145 heures d'intervention, s'est rendue en agence entre 13 et 15h30 le 18 juin, soit 2h30, pour se voir informée de l'annulation de la réunion prévue des délégués du personnel, et a effectué 23h25 de temps de déplacement entre deux interventions, que son temps de travail était donc de 170,92 heures, soit 170,92 - 151,67 = 19,25 heures supplémentaires majorées à 25%, ce qui représente un rappel de 19,25 x 125% x = 310,41 €.

La société BIEN A LA MAISON s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [K] intègre dans sa demande des temps de déplacement calculés par ses soins dans un décompte dénué de valeur probante en raison des nombreuses erreurs y figurant, que les heures de délégation réalisées en mars 2015 ont été régularisées sur le bulletin de paie du mois d'avril, que la salariée mentionne un passage en agence le 18 juin entre 13het 15h30, que toutefois elle ne peut raisonnablement prétendre avoir été informée au bout de 2h30 de l'annulation de la réunion des délégués du personnel.

*

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En application de ces dispositions, le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [K] étaye sa demande en versant aux débats des décomptes d'heures de déplacement entre les interventions effectuées qui sont suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.

La société BIEN A LA MAISON invoque les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 (partie 2 statut professionnel, chapitre II organisation du travail, section 2 durée du travail, I définition des temps, article f) disposant que:

"les temps entre deux interventions sont pris en compte comme suit :

- en cas d'interruption d'une durée inférieure à 15 minutes le temps d'attente est payé comme du temps de travail effectif

- en cas d'interruption d'une durée supérieure à 15 minutes (hors trajet séparant deux lieux d'intervention), le salarié reprend sa liberté pouvant ainsi vaquer librement à des occupations personnelles sans consignes particulières de son employeur n'étant plus à sa disposition, le temps entre deux interventions n'est alors ni décompté comme du temps de travail effectif, ni rémunéré.

(...)".

Cependant l'arrêté d'extension du 3 avril 2014 est venu préciser que cet article f "est étendu sous réserve que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue bien un temps de travail effectif, et à ce titre rémunéré comme tel, quelle que soit sa durée, conformément à l'article L. 3121-4 du code du travail tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation ...".

En conséquence la salariée est bien fondée à comptabiliser comme du temps de travail effectif ses temps de trajet, quelle que soit leur durée, entre deux lieux d'intervention.

Au vu des pièces soumises à l'appréciation de la cour et ainsi les plannings d'intervention de la salariée avec les adresses des personnes chez lesquelles elle devait se rendre ainsi que l'estimation faite par chacune des parties des temps de distance entre chaque intervention, il est justifié de retenir un temps de trajet, comptabilisé en temps effectif de travail, pour le mois de mars 2015 de 16 heures, et pour le mois de juin 2015 de 17 heures.

Mme [K] justifie par ailleurs avoir été en réunion de délégués du personnel 3 heures le 7 mars et 1 heure le 30 mars 2015. Le bulletin de paie du mois d'avril 2015 montre que la régularisation invoquée par l'employeur n'a porté que sur deux heures, de sorte que deux heures restent dues à la salariée au titre du mois de mars 2015. Celle-ci justifie en outre de 2 heures 30 de délégation le 18 juin 2015.

En conséquence le temps de travail de la salariée s'établit ainsi :

- pour le mois de mars 2015 :

148 heures d'intervention (non contestées) + 2 heures de délégation + 16 heures de temps de trajet = 166 heures, soit un nombre d'heures supplémentaires que la cour estime établi à hauteur de 14,33 heures, au titre desquelles la salariée est bien fondée à se voir allouer la somme de 231,07 € outre 23,10 € pour les congés payés afférents ;

- pour le mois de juin 2015 :

145 heures d'intervention (non contestées) + 2h30 de délégation + 17 heures de temps de trajet = 164,30 heures, soit un nombre d'heures supplémentaires que la cour estime établi à hauteur de 12,63 heures, au titre desquelles la salariée est bien fondée à se voir allouer la somme de 203,65 € outre 20,36 € pour les congés payés afférents.

Sur la demande dommages-intérêts pour paiement tardif des salaires

Mme [K] demande paiement à ce titre de la somme de 3 913 € représentant deux mois de salaire, en exposant qu'elle n'a pu obtenir paiement des rappels de salaire qu'en juillet 2015, soit près de trois ans après le début des retenues indues, qu'en outre l'employeur n'a payé le salaire du mois de juillet 2014 que le 26 septembre 2014, que ces retards de paiement et la diminution brutale de sa rémunération l'ont placée dans une situation très difficile, que le paiement de l'équivalent de 6 mois de salaire sur une même année aura des répercussions sur le plan fiscal.

La société BIEN A LA MAISON fait valoir que Mme [K] ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué et conclut subsidiairement à la réduction du quantum sollicité.

La brutale et conséquente diminution de rémunération de la salariée puis le paiement tardif des salaires qui n'est intervenu que postérieurement à la saisine de la juridiction prud'homale ont causé un préjudice à Mme [K] qui n'a été réparé que partiellement par les intérêts moratoires, ce qui justifie en conséquence qu'il lui soit alloué à titre complémentaire une somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour remise non conforme de l'attestation Pôle emploi

Mme [K] demande paiement à ce titre de la somme de 1 957 € représentant un mois de salaire en soutenant qu'en dépit du jugement de première instance et de la reconnaissance par l'employeur du bien fondé des demandes de rappels de salaires, l'employeur a persisté à mentionner sur l'attestation destinée à Pôle emploi qu'elle était à temps partiel pour un salaire mensuel brut inférieur à celui correspondant à un temps plein, qu'il en résulte pour elle un préjudice dès lors que le montant des salaires reportés sur cette attestation conditionne le montant des indemnités de chômage qu'elle perçoit.

Ainsi que le précise la SAS BIEN A LA MAISON, si la rubrique 7.1 de l'attestation établie le 30 juillet 2015 indique les salaires des 12 derniers mois précédant le dernier jour travaillé correspondant aux bulletins de paie non "réactualisés" après la décision du conseil de prud'hommes, la rubrique 4 de l'attestation mentionne bien un horaire hebdomadaire de 35 heures et un horaire annuel de 1 820 heures, soit un temps plein, et à la rubrique 7.3 sont repris l'ensemble des sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail dont les rappels de salaire et l'indemnité de préavis au paiement desquels la société intimée a été condamnée. Il ressort donc clairement de l'attestation litigieuse que Mme [K] était à temps plein de sorte que le préjudice allégué n'est pas justifié. L'intéressée doit en conséquence être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur la demande en paiement du demi-treizième mois

Mme [K] affirme que dans sa lettre du 29 août 2012, la société BIEN A LA MAISON lui a écrit pour lui annoncer qu'un accord de participation avait été négocié lui permettant de toucher la moitié d'un treizième mois afin de compenser les temps de déplacement, qu'en dépit de cet engagement, l'employeur ne lui a jamais versé ce demi-treizième mois, qu'elle est donc fondée à demander à ce titre la somme de 2 559 € qu'elle sollicite pour la première fois en cause d'appel.

La SAS BIEN A LA MAISON s'oppose à la demande en faisant valoir que l'accord de participation n'a pas été conclu, la négociation n'ayant pas abouti.

*

Pour seule pièce Mme [K] verse aux débats une lettre de la société BIEN A LA MAISON datée du 29 août 2012 et adressée à tous ses salariés, dont Mme [K], les informant qu'un accord de participation avait été négocié "vous permettant de toucher la moitié d'un treizième mois afin de compenser les temps de déplacements".

Il n'est pas contesté que cet accord n'a en définitive pas été conclu et il ne peut être déduit de la lettre susvisée de l'employeur que celui-ci s'est engagé unilatéralement à faire bénéficier les salariés de l'avantage qui devait être institué par accord d'entreprise.

Mme [K] doit donc être déboutée de ce chef de demande.

Sur les dommages-intérêts pour défaut d'exécution des engagement unilatéraux et de paiement de la prime d'assiduité

Mme [K] demande, pour la première fois en cause d'appel, paiement :

- d'une part de la somme de 3 913 € représentant deux mois de salaire, en faisant valoir que par lettre déjà citée du 29 août 2012, l'employeur indiquait qu' "une fois que la SAMAREPA sera redressée financièrement (normalement début 2013) vous bénéficierez d'une mutuelle prise ne charge à 100%, d'un remboursement de 100% de votre carte orange, de tickets restaurant", que la SAMEREPA a été redressée comme l'illustrent les rachats successifs par la SAS BIEN A LA MAISON de diverses structures, qu'ainsi celle-ci aurait dû tenir ses engagements, pendant à tout le moins deux ans ;

- d'autre part de la somme de 1 957 € représentant un mois de salaire, en affirmant que par lettre du 18 février 2013, la société BIEN A LA MAISON s'est engagée à lui faire bénéficier d'une prime d'assiduité si elle réalisait les pointages par domiphone, qu'or elle a pointé par domiphone dès sa mise en place en octobre 2012 et n'a pourtant pas bénéficié de cette prime qui ne lui a jamais été versée.

La société BIEN A LA MAISON s'oppose à la demande en faisant valoir qu'elle n'a jamais pu mettre en oeuvre les avantages susmentionnés pour des raisons de gestion financière, ayant en effet fait le choix d'acquérir plusieurs entreprises de service en grande difficulté financière et ainsi d'intégrer dans ses effectifs des salariés menacés de licenciement. Subsidiairement la société BIEN A LA MAISON demande la réduction du quantum sollicité.

*

Dans sa lettre du 29 août 2012 adressée à tous ses salariés, dont Mme [K], la société BIEN A LA MAISON a précisé:

"Une fois que la SAMAREPA sera redressée financièrement (normalement début 2013), vous bénéficierez :

'd'une mutuelle prise en chargé à 100%

'du remboursement de 100% de votre carte orange

'd'une augmentation de salaire en fonction de votre ancienneté et de votre entretien individuel annuel

'tickets restaurant".

Cette lettre s'analyse en un engagement unilatéral de l'employeur de faire bénéficier ses salariés d'une mutuelle, d'un remboursement de leurs frais de transport et de tickets restaurant, avantages qui n'ont en définitive pas été consentis par suite de choix de gestion de l'employeur comme il ressort de ses écritures.

La salariée qui a subi un préjudice, résultant de la privation de ces avantages, sera indemnisée par l'allocation d'une somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts.

Par ailleurs, par lettre datée du 18 février 2013, la société BIEN A LA MAISON a écrit à ses salariés pour leur confirmer le caractère obligatoire du système domiphone, permettant de contrôler les heures d'arrivée et de départ, et pour les informer que :

"vous bénéficierez dorénavant de 2 primes :

'prime d'assiduité, si vous avez 95% d'intervention pointée via domiphone de retard ou d'avance en avance moyenne sur le trimestre

'prime de remerciement, votre responsable d'agence pourra vous offrir une prime mensuelle si vous dépannez, si vos bénéficiaires sont satisfaits ...".

Il n'est nullement contesté par la société BIEN A LA MAISON que la salariée remplissait les conditions de pointage par le système domiphone pour bénéficier de la prime d'assiduité au paiement de laquelle l'employeur s'est engagé.

La salariée a subi un préjudice, résultant de la privation de cet avantage, qui sera réparé par l'allocation de la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les créances salariales produisent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes réclamées en première instance, à compter du 6 avril 2016 pour les sommes réclamées pour la première fois en cause d'appel, et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Conformément aux dispositions de l'article 1154 du même code, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

Il sera ordonné à la société BIEN A LA MAISON de délivrer à Mme [K] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire, mentionnant une ancienneté de la salariée au 4 octobre 1990, conformes au présent arrêt sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

La SAS BIEN A LA MAISON supportera les dépens et sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 3 000 € ne application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] [K] et en ce qu'il a condamné la SAS BIEN A LA MAISON au paiement des sommes suivantes :

' 741,36 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2012 outre 74,07 € au titre des congés payés afférents

' 2 900,56 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2013 outre 288,92 € au titre des congés payés afférents

' 4 298,15 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2014 inclus outre 429,81 € pour les congés payés afférents

INFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [D] [K] prend effet à la date du 17 juillet 2015;

CONDAMNE la SAS BIEN A LA MAISON à payer à Mme [D] [K] les sommes suivantes:

' 13 533 € à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS BIEN A LA MAISON de la convocation devant le bureau de conciliation

' 2 465 € à titre de rappel de salaire de novembre 2014 au 17 juillet 2015, outre 247 € pour les congés payés afférents

' 231,07 € à titre d'heures supplémentaires pour le mois de mars 2015, outre 23,10 € pour les congés payés afférents

' 203,65 € à titre d'heures supplémentaires pour le mois de juin 2015 outre 20,36 € pour les congés payés afférents

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2016

' 47 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse

' 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour paiement tardif des salaires

'1 500 € à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution des engagement unilatéraux et non paiement de la prime d'assiduité

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière;

REJETTE le surplus des demandes;

ORDONNE à la SAS BIEN A LA MAISON de délivrer à Mme [K] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt;

CONDAMNE la SAS BIEN A LA MAISON à payer à Mme [D] [K] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SAS BIEN A LA MAISON aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/08253
Date de la décision : 15/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/08253 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-15;15.08253 ?
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