Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 15 JUIN 2016
(n° 306 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04362
Décision déférée à la Cour : Décision du 05 Février 2015 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS
APPELANTE
SELARL STC PARTNERSS
[Adresse 2]
[Adresse 3]
SIRET : [T]
Représentée par Me Jack DEMAISON de la SELARL SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0411
INTIME
Monsieur [I] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Hervé CHEMOULI de la SELARL CHEMOULI DALIN STOLOFF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
A compter de juillet 2008, M. [K] a exercé son activité d'avocat en qualité d'associé dans l'association à responsabilité professionnelle individuelle dénommée [B], devenue en 2010 la SELARL [B].
Il a quitté la société pour intégrer la SELARL [Z] société d'avocats au mois de juillet 2013.
Les associés restants ont procédé à une réduction du capital de la société par voie d'annulation des 4 000 parts détenues par M. [K].
Saisi sur le fondement de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 par M. [K] d'un différend relatif au rachat de ses parts sociales, le bâtonnier du barreau de Paris a rendu le 5 février 2005 une sentence aux termes de laquelle il a :
- constaté que la juridiction du bâtonnier n'est pas régulièrement saisie de la demande de la SELARL [B] à l'encontre de la SELARL [Z],
- déclaré irrecevables les demandes formées à l'encontre de cette société,
- ordonné une expertise,
- désigné M. [F] avec mission de procéder à l'évaluation de la valeur des parts sociales de la SELARL [B] détenues par M. [K] en application de l'article 15.4 des statuts de ladite SELARL,
- dit que le délai pour statuer sera suspendu pendant la durée de l'expertise,
- dit que les parties reviendront devant le Bâtonnier à la suite du dépôt de son rapport par l'expert.
La SELARL [B] a formé appel de cette décision par lettre recommandée du 19 février 2015.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, la SELARL [B] demande à la cour de déclarer recevable son appel de la décision de désignation d'un expert, d'infirmer la décision du bâtonnier, de dire que la valeur des 4 000 parts détenues par M. [K] doit être fixée à la somme de 64 440 € en application de l'article 15-2 des statuts, de dire que les profits exceptionnels d'un montant de 2 004 052 € réalisés au cours de l'exercice 2013 n'entrent pas dans l'assiette de calcul du prix de cession des parts sociales en application des articles 15-2 et 15-3 des statuts; à titre subsidiaire, si la cour confirmait la désignation de l'expert, de dire que celui-ci ne prendra pas en considération les profits exceptionnels qui n'entrent pas dans la définition de l'article 15-3 et dans tous les cas, de condamner M. [K] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, M. [K] demande à la cour de déclarer l'appel de la SELARL [B] irrecevable et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 € pour appel abusif et 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
M.[K] soutient que l'appel de la SELARL [B] est irrecevable en application des article 380 et 272 du code de procédure civile et déclare que la sentence arbitrale ayant prononcé un sursis à statuer et ordonné une expertise, la SELARL [B] disposait d'un mois à compter du 5 février 2015 pour saisir le 1er président de la cour d'appel d'une demande d'autorisation de faire appel, ce qu'elle n'a pas fait.
Pour répondre au moyen tiré de l'article 1844-3 du code civil, M.[K] fait valoir que le bâtonnier a agi conformément à l'article 15 des statuts et dans le cadre de ses pouvoirs définis par la loi du 31 décembre 1971.Il ajoute que les relations contractuelles sont régies par le droit applicable au jour de la conclusion du contrat.
Enfin, M. [K] s'oppose à la demande de la SELARL [B] tendant à voir modifier la mission de l'expert.
La SELARL [B] réplique qu'en l'espèce, l'expertise n'est pas une mesure avant dire droit mais tranche une partie du litige, en application de l'article 1843-4 du code civil. Elle soutient également que l'ancienne version de l'article 1843-4 du code civil qui interdisait tout recours, n'est pas applicable et qu'il faut faire application de la nouvelle version datant d' août 2014, laquelle ne prévoit pas le recours à un expert lorsque la valeur des parts est déterminée ou déterminable. La SELARL [B] ajoute qu'en l'espèce, ses statuts contiennent une formule simple de détermination de la valeur des parts sociales en cas de démission d'un associé. Elle critique la position de M.[K] tendant à prendre en considération des profits exceptionnels comptabilisés dans l'exercice 2013.
Le délégué du Bâtonnier a ordonné une expertise en reprenant les termes de l'article 1843-4 du code civil et en visant les articles 15-1,15-2 et 15-3 des statuts de la SELARL [B] ainsi que l'article 21al 3 d la loi du 31 décembre 1971.
L'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que le bâtonnier, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions des sociétés d'avocats.
L'article 15 des statuts de la SELARL [B] fixe un mode de détermination de la valeur des parts sociales et termine en stipulant 'toutefois s'il naît des contestations, le cédant ou les héritiers et ayants droit de l'ancien titulaire des parts sociales ont la faculté de demander la désignation d'un expert dans les conditions prévues par l'article 1843-4 du code civil.'
Il ressort de la combinaison de ces différentes dispositions que la sentence arbitrale en cause a désigné un expert en application de l'article 1843-4 du code civil. La décision entreprise n'est ainsi pas une décision avant-dire droit même si le bâtonnier a dit que le délai pour statuer sera suspendu pendant la durée de l'expertise et que les parties reviendront devant lui à la suite du dépôt de son rapport par l'expert.
Les dispositions des articles 272 et 380 du code de procédure civile n'ont donc pas lieu à s'appliquer au présent recours.
Néanmoins, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, l'article 1843-4 du code civil excluait toute voie de recours.
En revanche, l'article 1843-4 du code civil tel qu'il résulte de l'ordonnance du 31 juillet 2014 publiée le 4 août suivant, réduit le champ de l'expertise aux cas où les statuts prévoient la cession ou le rachat des droits sociaux sans que le prix des parts ou actions soit ni déterminé ni déterminable.
Les statuts fixant une règle de détermination de la valeur des parts sociales, il s'en déduit que la procédure de désignation d'un expert organisée par l'article 1843-4 dans sa version antérieure, n'aurait plus lieu de s'appliquer.
Néanmoins, l'article 15 des statuts en renvoyant expressément à l'article 1843-4 du code civil l'a fait entrer dans le champ contractuel.
En outre, l'article1843-4 du code civil ne peut être considéré comme une simple règle de procédure de désignation d'un expert alors qu'il détermine le mode de fixation de la valeur des parts sociales ou des actions en ce que l'article 1843-4 applicable à la date à laquelle les statuts ont été adoptés, donnait pouvoir à l'expert de procéder à l'évaluation des droits sociaux selon les critères qu'il estimait les plus appropriés, sans être lié par la convention ou les directives des parties, alors que l'article nouveau fait au contraire
prévaloir les dispositions contractuelles, l'expert étant tenu d'appliquer les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toutes conventions liant les parties.
Ainsi les dispositions de l'article 1843-4 du code civil qui fixent le mode d'évaluation des droits sociaux sont entrées dans le champ contractuel et la modification intervenue postérieurement à l'adoption des statuts par les associés ne peut affecter leurs relations.
Ainsi il y a lieu de retenir que seul l'article 1843-4 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014 est applicable dans les rapports entre la SELARL [B] et M.[K] et en conséquence que la sentence du Bâtonnier ayant désigné un expert selon ces règles, ne peut faire l'objet d'un recours.
L'appel formé par la SELARL [B] doit donc être déclaré irrecevable.
La question posée par cet appel étant la conséquence de l'entrée en vigueur d'une loi récente, la SELARL [B] a pu se méprendre sur les conséquences de son application et son appel ne peut être qualifié d'abusif. M. [K] sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts.
Il sera alloué à M. [K] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable l'appel formé par la SELARL [B],
Déboute M.[K] de sa demande en dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne la SELARL [B] à payer à M. [K] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SELARL [B] aux dépens.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,