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14/06/2016 | FRANCE | N°13/08403

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 juin 2016, 13/08403


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 14 Juin 2016

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08403



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/03424





APPELANT



Monsieur [Y] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1

]

comparant en personne, assisté de Me Olivier PARDO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170, Me Camille PIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170







INTIMEES



SAS LFPI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 14 Juin 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08403

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/03424

APPELANT

Monsieur [Y] [Q]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Olivier PARDO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170, Me Camille PIGNET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170

INTIMEES

SAS LFPI GESTION

[Adresse 2]

[Adresse 2]

SAS LA FINANCIERE PATRIMONIALE D'INVESTISSEMENT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Christine GUILLOT-BOUHOURS, avocat au barreau de PARIS P134

du cabinet ORRICK HERRINGTON ET SUTCLIFFE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Madame Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La cour est saisie de l'appel interjeté le 09.09.2013 par [Y] [Q] du jugement rendu le 31.07.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 1, qui a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES :

La SAS LFPI GESTION, filiale à 100% de la SAS LFPI , société de capital risque qui est son actionnaire majoritaire, a une activité de gestion de portefeuilles pour le compte de tiers, qui a été agréée par l'autorité des marchés financiers (A.M.F.) à partir du 13.02.2006; la SAS LFPI GESTION a été créée pour agir en tant que structure de conseil et comme intermédiaire pour la société mère ; elle appartient au Groupe LFPI.

[Y] [Q], né en 1972, a été engagé par contrat à durée indéterminée par la SAS LFPI SERVICES devenue la SAS LFPI GESTION le 29.07.2004, en qualité de chargé d'affaires, cadre niveau H.

L'entreprise est soumise à la convention collective de la banque ; elle comprend moins de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires s'établit à 14.416,67 €.

[Y] [Q] a été désigné pour 3 ans Directeur général de la SAS LFPI GESTION le 02.01.2006 avec maintien de son contrat de travail, et ce sans rémunération spécifique ; cette décision a été renouvelée le 03.03.2009 pour 5 ans ; il a été promu Directeur de participations en août 2008.

Le 09.02.2006 a été conclu un contrat de conseil en stratégie de gestion de trésorerie entre la SAS LFPI , investisseur, et la SAS LFPI GESTION, prestataire, portant sur une partie de sa trésorerie.

En avril 2007 est créée la société luxembourgeoise LFPI MEZZANINE ayant pour objet de réaliser des investissements dans des instruments de type 'mezzanine', l'associé gérant étant la société luxembourgeoise SARL LFPE, filiale à 100% de LFPI.

Le 03.08.2007, un contrat de prestation de services de conseil en investissements a été signé entre la société SARL LFPE et la SAS LFPI GESTION, pour conseiller et assister LFPE dans la gestion de LFPI SICAR, société d'investissements en capital risque.

O. [X] a été désigné co-Directeur général de la SAS LFPI GESTION le 03.01.2010.

Le 20.04.2010, G. [I], Président de la SAS LFPI , par courrier, a dénoncé auprès de F. [N], Président de la SAS LFPI GESTION, le comportement de [Y] [Q] ayant tenu des propos nuisant gravement aux intérêts des deux entreprises, et soulevant par ailleurs l'inquiétude des actionnaires de la SAS LFPI GESTION, ces propos ayant été entendus par ses collègues de bureau et rendus publics.

[Y] [Q] a été convoqué par lettre du 10.05.2010 à un entretien préalable fixé le 20.05.2010 avec mise à pied conservatoire ; il a contesté par LRAR du 14.05.2010 cette procédure engagée après qu'il ait soulevé dans des courriels en date des 28.04 et 04.05.2010 et destinés à G. [I], J. [W], Président du conseil d'administration de la SAS LFPI GESTION, et F. [N], des questions sur les modalités de fonctionnement de l'entreprise.

[Y] [Q] a été licencié par son employeur le 03.06.2010 pour faute grave ; il lui était reproché les faits suivants :

'A ce jour, vous cumulez donc votre mandat de Directeur Général et vos fonctions de Directeur de Participations.

De par ces dernières, vous êtes notamment chargé de conseiller le Gérant de LFPI

MEZZANINE.

Ce poste aux fortes implications stratégiques pour nos clients et pour notre Société, requiert l'adhésion de votre hiérarchie à vos recommandations, le respect de sa position, un contrôle de vos réactions de sorte de préserver une relation courtoise et respectueuse avec elle dans l'intérêt bien compris de tous, investisseurs, collègues et actionnaires.

Or, sur tous ces aspects, nous avons constaté des manquements graves, lesquels se sont accompagnés d'un désintérêt manifeste dans l'accomplissement de vos tâches.

Propos dénigrants et diffamatoires injustifiés

Dans certains de vos e-mails, vous m'accusez, ainsi que Monsieur [W] [I], Président de La Financière Patrimoniale d'Investissement, d'avoir exercé des pressions sur vous pour vous conduire à agir illégalement, s'agissant de la prise en charge d'une partie de votre bonus par la Société LFPE.

Vous avez également impliqué Monsieur [G] [W], ainsi que Monsieur [L] [U], Directeur Financier de LFPE.

La réalité est qu'il a été évoqué la possibilité de développer les activités de produits de taux par la Société LFPE, gérant de LFPI Mezzanine et de LFPE SCA SICAR.

Il a donc été envisagé la possibilité que cette structure vous rémunère à raison des

prestations que vous auriez pu lui fournir.

Il n'y avait rien de "contraire à la loi' dans ce projet.

Vos accusations sont injustifiées et diffamatoires à l'égard de ceux auxquels vous imputez, à tort, ces man'uvres et ces pressions.

Vous avez également mis gravement en cause notre position à l'égard de LFPI Mezzanine, en suggérant qu'elle ne respectait pas les dispositions réglementaires de l'AMF.

Or, l'organigramme de l'ensemble de nos structures et les modalités de gestion (chartes, prestations de service, etc.) a été porté à la connaissance de l'AMF, laquelle n'a relevé aucune irrégularité.

Aucun conflit d'intérêts n'a été recensé sur ces points et les lignes hiérarchiques sont parfaitement claires.

Et si cela n'avait pas été le cas, le Cabinet extérieur auquel nous faisons appel, Rigor, n'aurait pas manqué de nous signaler toute situation conflictuelle, sachant,.que de votre côté, vous ne l'avez pas sollicité comme vous auriez pu ou dû le faire si vous aviez eu le moindre doute à ce sujet.

De la même façon, vous n'avez jamais fait état, au moment de la réalisation des opérations, à l'interne, d'un problème quelconque de conflits potentiels.

Nous ne pouvons tolérer plus avant ces accusations qui mettent gravement en cause sans aucune raison légitime, nos méthodes de travail au sein de LFPI Gestion.

Agressivité et perte de contrôle

L'agressivité dont vous avez fait preuve, ces derniers temps, envers moi-même mais aussi envers vos collègues ainsi que nos actionnaires, a généré une dégradation des conditions de travail pour les uns et pour les autres d'autant plus marquée et inacceptable que notre structure est petite.

Cette agressivité vous a fait perdre le contrôle de vous-même.

Ainsi, le 16 avril 2010, (il s'agit d'un exemple parmi d'autres) alors que Monsieur [W] [I] était venu vous rencontrer dans votre bureau afin d'échanger sur l'intérêt que devraient porter des investisseurs sur un produit bien particulier, vous avez perdu le contrôle de vos propos en dénonçant violemment la manière dont étaient menées les affaires chez LFPI Gestion tout en reprochant, dans les termes les plus vifs, au Président de son actionnaire majoritaire, l'insuffisance de votre rémunération.

Pourtant, sachant que cette question était sensible chez vous, j'avais décidé quelques

semaines auparavant, de vous verser une prime exceptionnelle de 30.000 €, en pensant que ce versement serait de nature à satisfaire vos appétits et à vous remotiver.

Manque manifeste d'implication dans votre travail

En effet, corrélativement à votre attitude agressive et à la propagation de propos dénigrants, nous avons dû également déplorer un manque d'investissement de votre part dans votre travail (non participation à des réunions en nous prévenant au dernier moment, non réponse à certains de nos interlocuteurs, absence de démarche commerciale,...).

Ce qui a détérioré non seulement l'image de notre Société mais également et plus

généralement celle de notre Groupe et fait peser un risque pour l'ensemble de nos

actionnaires et investisseurs.

Ce manque d'investissement est d'autant plus incompréhensible que vous recevez une

rémunération importante et que, contrairement à vos assertions, encore une fois injustifiées, nous vous avons donné tous les moyens pour que vous puissiez accomplir vos fonctions, au mieux des intérêts de nos clients ; la présence d'un autre Directeur Général en la personne de Monsieur [O] [X] n'étant pas de nature à entraver le développement de vos activités.

A son sujet, et pour vous présenter à nouveau en "victime", vous avez prétendu que sa nomination serait intervenue à votre insu et que vous ne sauriez, encore aujourd'hui, quelle serait sa qualité exacte.

A votre double niveau, une telle ignorance confirmerait votre désintérêt pour la vie de la société qui vous emploie et que vous dirigez.

Mais la réalité est tout autre : vous aviez parfaitement connaissance de sa nomination, celle-ci ayant donné lieu à une modification des statuts de notre société, en septembre 2009, après avoir obtenu l'agrément AMF. Vous avez même signé tous les deux plusieurs courriers faisant apparaître votre fonction commune de Directeur Général de LFPI Gestion.

En fait, vous n'êtes plus du tout à ce que vous faites depuis plusieurs semaines.

Cette absence d'implication est nocive pour l'équipe, dangereuse pour nos investisseurs et inacceptable pour votre hiérarchie laquelle est en droit d'attendre de la part de l'un de ses cadres situé dans la grille au plus haut niveau, une collaboration loyale et totale.

Défaut de loyauté

Nous avons constaté que vous poursuiviez des objectifs personnels et non l'intérêt exclusif

de nos investisseurs actuels et potentiels dans la valorisation du portefeuille de LFPI Mezzanine, objet du contrat de conseil entre LFPI Gestion et LFPE SARL, les estimations que vous aviez faites et que j'ai dû reprendre ligne par ligne étant clairement survalorisées.

Monsieur [W], Président du Conseil d'Administration, vous a fait parvenir un e-mail le 1er mai 2010 pour vous rappeler tous ces manquements

La réponse que vous lui avez adressée ainsi qu'à moi-même et à Monsieur [I] montre

une agressivité persistante et la récurrence de la profération d'accusations injustifiées à l'égard de nous trois.

Cette agressivité a perduré lors de notre entretien au cours duquel vous vous êtes montré grossier : "vous voulez\queje me barre, je m'en contrefous'

Cet ensemble de faits graves dont vous êtes l'auteur ne me permet pas d'envisager la poursuite de nos relations contractuelles de travail, y compris même pendant une période de préavis.'

Le 07.06.2010, il a été mis fin au mandat de Directeur général d'[Y] [Q] après un entretien avec F. [N], le Président, qui a motivé cette révocation par les nombreuses divergences ayant opposé depuis plusieurs semaines le Directeur général aux actionnaires de la société et au Président, et par la perte de confiance qui en a résulté.

Dans un jugement rendu le 22.11.2013, le tribunal de commerce de Paris a débouté [Y] [Q] de ses demandes formées à l'encontre de G. [I] relatives à la cession des actions de classe C de LFPI MEZZANINE SCA SICAR acquises par lui entre 2007 et 2009.

Le CPH de Paris a été saisi par [Y] [Q] le 21.02.2011 en reconnaissance d'un contrat de travail avec la SAS LFPI et en contestation du licenciement avec indemnisation des préjudices subis.

[Y] [Q] demande à la cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de dire qu'il existait un contrat de travail non seulement avec la SAS LFPI GESTION mais aussi avec la SAS LFPI à compter du 01.09.2004, qu'il a fait l'objet d'un licenciement vexatoire et sans cause réelle et sérieuse de la part de la SAS LFPI GESTION mais également de la part de la SAS LFPI ; il a sollicité la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement des éléments de salaire correspondant à sa période de mise à pied et aux indemnités de rupture (préavis, congés payés et indemnité de licenciement) avec intérêts légaux, ainsi que de :

- 50.000 € à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire,

- 609.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- et 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la SAS LFPI a demandé sa mise hors de cause et la confirmation du jugement rendu ; la SAS LFPI GESTION a sollicité également de confirmer le jugement, le licenciement pour faute grave étant légitime, à titre subsidiaire elle a demandé de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, le salarié ne pouvant alors que recevoir l'indemnité de licenciement légale de 22.000 € en application de l'article 27-2 de la convention collective applicable, à titre infiniment subsidiaire, de dire qu'outre l'indemnité légale de licenciement, [Y] [Q] devrait justifier du préjudice subi, l'indemnisation devant alors être limitée toutes causes de préjudices confondues à la somme de 10.000 € ; la SAS LFPI a réclamé 3.000 € en vertu de l'article 700 CPC et la SAS LFPI GESTION 15.000 € sur le même fondement et pour procédure abusive et injustifiée.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur l'existence d'un contrat de travail conclu avec la SAS LFPI :

Dans ses écritures, [Y] [Q] demande la condamnation solidaire de la SAS LFPI GESTION et de la SAS LFPI eu égard à la 'confusion évidente' existant entre ces deux sociétés qui, dès lors, doivent être considérées comme employeurs. Il relève que depuis le début de son contrat de travail il a été 'mis à disposition' de la SAS LFPI par la SAS LFPI GESTION, en travaillant indistinctement pour les deux entités dans le cadre du contrat de conseil signé entre elles, sous l'autorité de F. [N] ; il a ainsi proposé des investissements bénéficiant aux fonds gérés ou conseillés par les deux sociétés, la convention de gestion de trésorerie de janvier 2006 ne recouvrant qu'un nombre limité d'instruments financiers et ne comprenant pas les obligations privées, ses prestations n'ayant donné lieu à aucune facturation à la société mère ; il constate qu'il figurait dans le rapport annuel de la SAS LFPI comme membre de l'équipe, ce qui ressort de ses cartes de visite ; il fait valoir un lien de subordination avec la SAS LFPI dans l'exécution de sa mission et c'est ainsi que G [I] son Président lui a donné des ordres d'investissements et était chargé de la détermination de son bonus.

De son côté la SAS LFPI rappelle que la SAS LFPI GESTION, société filiale, a agi en qualité de simple prestataire de service dans le cadre d'un contrat de conseil en stratégie signé entre les deux sociétés le 09.02.2006 ; [Y] [Q] s'est borné à exécuter ses missions dans le cadre du contrat de travail signé avec la SAS LFPI GESTION et les éléments mentionnés ne peuvent à eux seuls démontrer l'existence d'un contrat de travail avec la SAS LFPI ; elle précise qu'il était notamment d'usage dans le groupe de faire figurer sur les cartes de visite des salariés des sociétés filiales l'appartenance au groupe LFPI et le logo pour des raisons de communication extérieure, mais aussi de mentionner les salariés travaillant dans le groupe dans les documents intéressant la vie du groupe ; il s'agit de sociétés distincts en dépit du fait qu'elles sont situées à la même adresse et qu'il existe des prises de participation financières.

Si les deux sociétés en cause étaient et sont toujours domiciliées à la même adresse, si leurs dirigeants entretenaient des liens étroits dans la gestion du Groupe LFPI, et si enfin il n'est pas contesté que la société mère possédait des actions de sa filiale, il n'est pas pour autant établi que [Y] [Q] ait été rémunéré par la SAS LFPI ou encore que ce dernier travaillait sous la subordination juridique de la SAS LFPI .

En effet, les missions confiées à la société prestataire dans le contrat signé entre ces deux sociétés comprenaient non seulement l'analyse des opportunités générales d'investissement sur les marchés actions, obligations et produits structurés mais aussi la réalisation d'un reporting régulier ; ce contrat a régularisé les interventions antérieures de la société filiale pour le compte de la société mère ; ainsi le calcul d'avoirs fiscaux des actionnaires de LFPI pouvait rentrer dans ces missions ; il en est de même des conseils donnés en investissements dans les sociétés cotées ; [Y] [Q] conteste que certains conseils en investissements dont a bénéficié LFPI aient pu rentrer dans le cadre du contrat de prestations signé, les instruments financiers concernés en ayant été exclu, sans cependant qu'il démontre que les instructions lui aient été données en ce sens par la SAS LFPI et non par son employeur ; enfin le logo du groupe LFPI figurant sur les cartes de visite imprimées au nom de [Y] [Q] n'a pas de portée significative si ce n'est que le salarié exerçait ses activités dans le cadre du groupe. [Y] [Q] produit un échange de courriels avec G. [I], F. [N] et J. [W] relatif un investissement GECINA qui a été approuvé par G. [I] en sa qualité de Président de la SAS LFPI mais en concertation avec le Président de la SAS LFPI GESTION, supérieur hiérarchique du salarié. [Y] [Q] ne justifie pas de l'intervention de G. [I] dans la détermination de son bonus si ce n'est par le courriel du 28.04.2010 qui est contesté par ce dernier. En dernier lieu des menaces de licenciement ne constituent pas une sanction exercée dans le cadre disciplinaire et ne peuvent prouver l'existence d'un lien de subordination.

Par suite, [Y] [Q] ne démontre pas la réalité de la réalisation d'une prestation de service dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de la SAS LFPI alors qu'il agissait en réalité au sein d'un groupe, dans une équipe réduite, dédiée à une activité support nécessairement en contact étroit avec la société mère. Il n'y a pas à reconnaître un contrat de travail avec la SAS LFPI ; la décision rendue doit être confirmée sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement prononcé par la SAS LFPI GESTION :

Le CPH de Paris a estimé dans sa décision rendue le 31.07.2013, qui a qualifié les faits reprochés de faute grave, que la série de griefs énumérés dans la lettre de licenciement du 03.06.2010 étaient justifiés 'par les pièces de la Direction pour les propos dénigrants, diffamatoire et agressifs (pièces 8, 11, 14, 15, 22, 23, 44, 45), pour le manque d'implication (pièces 6,7, 39 à 43), pour le défaut de loyauté (pièces 26, 36, 37), mais également par les pièces de Monsieur [Q] lui-même (pièces 25, 26, 29)' ; il a constaté que le salarié qui était tenu de par ses fonctions de dirigeant à un devoir de réserve ne l'a pas observé, et que son comportement s'est dégradé vis à vis de la SAS LFPI GESTION dans les premiers mois de 2010 par des déclarations intempestives et incontrôlées et par son manque d'implication ; il en conclut que 'ses propos dénigrants et diffamatoires prononcés dans divers lieux et auprès de divers interlocuteurs ont contraint légitimement la Direction à interrompre brutalement la relation contractuelle pour éviter d'autres débordements préjudiciables à la bonne marche de l'entreprise'.

La SAS LFPI GESTION a en effet reproché à son salarié des propos dénigrants et diffamatoires injustifiés.

Le contrat de travail d'[Y] [Q] prévoyait le versement d'une rémunération fixe annuelle brute à laquelle s'ajoutait 'un bonus éventuel lié aux résultats de l'entreprise et à sa contribution personnelle' ; il s'agissait d'un bonus discrétionnaire ; c'est dans ces conditions que des bonus lui ont été versés par son employeur en janvier 2006 (20.000 €), janvier 2007 (120.000 €), janvier 2008 (175.000 €) ; en janvier 2010 lui a été versé un bonus de 43.000 € qui a été complété en mars 2010 d'une prime exceptionnelle de 30.000€. [Y] [Q] a dénoncé les 04 et 14.05.2010 le fait que G. [I] lui ait proposé qu'une partie de son bonus lui soit versé par la société LFPE ce qu'il a refusé pour des raisons déontologiques ; or dans son courriel du 28.01.2010 G [I] suggère que les 30.000 € complémentaires soient financés par la SAS LFPI GESTION ou 'une structure (lui) appartenant' ; la nature de ce versement n'est pas un bonus mais une prime exceptionnelle qui a été versé par l'employeur, même s'il avait été envisagé qu'[Y] [Q] intervienne directement au sein de LFPE sans que cela se concrétise.

La SAS LFPI GESTION démontre avoir communiqué à l'AMF en 2007 et 2009 les justificatifs de son activité ; un rapport a été rédigé en 2009 par le cabinet RIGOR relatif à la conformité et au contrôle des activités de gestion de cette société pour le compte de tiers et a constaté la régularité de l'application de la réglementation par l'entreprise, conforme aux usages de la profession ; il en a été de même en 2010 ; il était en outre relevé dans le rapport que 'l'analyse des situations particulières a permis de conclure à l'absence de conflits d'intérêts pouvant porter préjudice aux porteurs.' ; il est constant au surplus que la CA de Paris dans son arrêt du 04.12.2014 a constaté que l'AMF n'avait pas été conduite à sanctionner le fonds ou son dirigeant ou la société de gestion ou son dirigeant tout en observant qu'[Y] [Q] était pour le régulateur un des deux garants du respect de la conformité ; sur le rapport CID CONSULTING, la cour s'est étonnée de ce que, rédigé à la demande du Directeur général, il n'ait pas été communiqué à l'AMF à laquelle il était pourtant destiné, et [Y] [Q] oppose tardivement le respect de son obligation de loyauté ; l'employeur relève à juste titre son manque de caractère contradictoire qui le rend inefficace à justifier les affirmations du salarié.

Les manquements à la déontologie reprochés à l'employeur ne sont dès lors pas démontrés; le bon fonctionnement de l'entreprise était compromis en interne par la remis en cause de l'activité de la Direction par le Directeur général.

Dans ces circonstances, [Y] [Q] a formulé dans les courriels du 28.04 et 04.05.2010 des accusations graves à l'encontre des dirigeants de la SAS LFPI GESTION dont le fondement n'est pas étayé par les documents produits et qui justifient à elles seules son licenciement pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire que ces propos, nécessairement dénigrants, aient été tenus en public.

[Y] [Q] a été mis à pied conservatoire le 10.05.2010 ; le fait qu'il n'ait dû restituer son blackberry que le 14.06.2010 et qu'il n'ait été démis de ses fonctions de Directeur général que le 07.06.2010 ne prouve en aucune manière la perte de contrôle ou l'agressivité de la Direction à son égard ; dans sa lettre du 14.05.2010 contestant l'ouverture à son encontre d'une procédure de licenciement, [Y] [Q] fait état de pressions qui auraient été exercées à son encontre par G. [I] et sa mise à l'écart sans pour autant relever l'agressivité de son contradicteur.

De son côté, la SAS LFPI GESTION constate la ferme volonté de [Y] [Q] de progresser dans la hiérarchie du groupe en faisant état des échanges relatifs à l'intervention de [Y] [Q] au sein de LFPE, le salarié ayant mentionné sa désignation en tant que Président de cette entité ce que conteste G. [I] ; l'agressivité du salarié s'est manifestée lors du séminaire organisé pour le groupe à [Localité 2] en avril 2010 et M. [A], conseiller en investissement, a attesté de 'propos inappropriés par rapport à la direction du groupe soit notamment messieurs [I], [W], [N] et [X]', ce qui est confirmé dans l'attestation délivrée par ce dernier qui certifie les difficultés rencontrées avec [Y] [Q] dans le courant du premier trimestre 2010 alors qu'il avait été également nommé Directeur général de la SAS LFPI GESTION ; J. [W] pour sa part rapporte le 01.05.2010 le comportement et l'attitude inacceptable du salarié depuis 6 mois, pourtant mandataire social, dans des réunions LFPI GESTION qui se sont tenues à propos de LFPI MEZZANINE qui en était le commanditaire en citant : 'mauvaise humeur systématique, absences répétées, agressivité envers vos collègues et votre hiérarchie, dénigrement permanents, manque total d'ardeur et d'enthousiasme au travail'. Ces documents sont suffisamment explicites quant au caractère déplacé et excessif du comportement adopté par le salarié vis à vis de la Direction et de ses collègues de travail, ce qui est constitutif d'un abus dans l'exercice de la liberté d'expression.

Pour expliquer son attitude très critique, [Y] [Q] expose que, ayant dénoncé, avec vigueur, des faits constitutifs à son sens de manquements déontologiques et posant des problèmes de conflits d'intérêts majeurs traduisant un dysfonctionnement de l'entreprise, il a été sanctionné alors qu'il se bornait à respecter les termes de sa mission de Directeur général ; dès lors l'exercice abusif de sa liberté d'expression trouverait sa source dans l'attitude fautive de l'employeur.

Le cabinet CID CONSULTING a été missionné par [Y] [Q] pour analyser les activités des sociétés LFPI, la SAS LFPI GESTION, FPG, LFPE SARL, LFPE SA, appartenant au groupe LFPI, et a rédigé un rapport le 25.10.2010 soit postérieurement au licenciement du salarié ; un complément de rapport est en date du 27.09.2011. Ces rapports décrivent les différentes activités des entités, ainsi que les activités et positionnements respectifs des acteurs qui les dirigent. Or aucune indication n'est donnée sur les conditions dans lesquelles les documents annexés à ces rapports ont été transmis à ce cabinet d'expertise, dont les opérations se sont déroulées de manière totalement non contradictoire vis à vis de la SAS LFPI GESTION et alors que le salarié n'était plus dans l'entreprise ; les conclusions de ces rapports, qui n'ont pas été communiquées au régulateur, restent tempérées dans ce contexte, le rédacteur employant le terme 'semblent' ou le conditionnel. La cour ne peut se fonder sur des éléments ne répondant pas aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile.

En conséquence il convient de dire que le licenciement de [Y] [Q] pour faute grave est justifié et qu'il convient de confirmer le jugement rendu. Le salarié doit être débouté de toutes ses prétentions.

L'équité et la situation économique des parties justifient que soient laissés à la charge de chacune d'elles les frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens. La SAS LFPI GESTION ne démontre pas le caractère abusif de la procédure, [Y] [Q] n'ayant fait qu'user, même si c'est en se méprenant sur l'étendue de ses droits, de son droit de contester le licenciement dont il a été l'objet.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 31.07.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 1 en son intégralité, y ajoutant,

Rejette les autres demandes ;

Condamne [Y] [Q] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 13/08403
Date de la décision : 14/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°13/08403 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-14;13.08403 ?
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