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07/06/2016 | FRANCE | N°14/10760

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 07 juin 2016, 14/10760


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 07 JUIN 2016



(n° 281 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10760



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2014 -Tribunal de première instance de PARIS - RG n° 12/06032



APPELANTS



Madame [C] [R] veuve [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Née le [Date naissance 1] 1938 à [Lo

calité 1] (Allemagne)



Représentée par Me Guillaume CADIX de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Ayant pour avocat plaidant Me Caroline GAUVIN de l'AARPI GALLICA, a...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 07 JUIN 2016

(n° 281 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10760

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2014 -Tribunal de première instance de PARIS - RG n° 12/06032

APPELANTS

Madame [C] [R] veuve [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 1] (Allemagne)

Représentée par Me Guillaume CADIX de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Ayant pour avocat plaidant Me Caroline GAUVIN de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Madame [L] [I] épouse [D] nationalité allemande et française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 2] (Allemagne)

Représentée par Me Guillaume CADIX de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Ayant pour avocat plaidant Me Caroline GAUVIN de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Monsieur [I] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 2] (Allemagne)

Représenté par Me Guillaume CADIX de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

Ayant pour avocat plaidant Me Caroline GAUVIN de l'AARPI GALLICA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0667

INTIME

Monsieur [H] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Né le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 3] MADAGASCAR

Représenté par Me Agathe CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Lydie SUEUR, greffier.

*****

Le 12 octobre 1979 les époux [W] et les époux [I] ont acquis conjointement et solidairement un terrain constituant le lot [Cadastre 1] dans un domaine situé à [Localité 4] dont le cahier des charges prévoyait une distance minimum de constructions aux limites des lots de 5 mètres. Un litige est né entre les deux couples, les époux [I] reprochant aux époux [W] d'avoir accolé leur maison à la leur. Le 3 mai 2004 un arrêté préfectoral a modifié le règlement du lotissement en remplaçant le lot [Cadastre 1] par deux lots distincts et la requête en annulation de cet arrêté déposée par les époux [I] a été déclarée irrecevable par une décision confirmative de la cour administrative d'appel de Marseille dont le pourvoi a été rejeté par le Conseil d'Etat le 25 octobre 2010.

Reprochant à leur avocat, maître [Y], d'avoir notifié tardivement leur requête en annulation de l'arrêté du 3 mai 2004 au préfet [Localité 5] et aux époux [W], ce qui leur aurait fait perdre le bénéfice de leur droit de préemption lié à leur statut initial d'indivisaires du lot [Cadastre 1] à la suite de la manifestation par les époux [W] de leur intention de vendre leur part dans l'indivision, Mme [C] [I] dont l'époux [I] [I] est décédé, et ses enfants Mme [L] [I] épouse [D] et M [I] [I] ont assigné leur conseil en responsabilité ainsi que son assureur la société COVEA RISKS pour obtenir l'indemnisation des préjudices suivants :

- 119 687,66 € au titre de la perte de la valeur foncière,

- 40 000 € au titre du trouble de jouissance,

- 20 000 € au titre du préjudice moral,

- 12 227 € en remboursement des frais de justice,

- 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 janvier 2014 le tribunal de grande instance de Paris a retenu la faute de maître [Y] pour ne pas avoir procédé aux notifications prescrites à peine d'irrecevabilité par les dispositions du code de l'urbanisme dans le délai de 15 jours applicable à l'arrêté du préfet [Localité 5], a rejeté les demandes en indemnisation au titre de la dépréciation du bien, du trouble de jouissance et du préjudice moral et a condamné l'avocat et son assureur la société COVEA RISKS à verser aux consorts [I] la somme de 1 900 € au titre des frais de justice ainsi que la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamnant l'avocat et son assureur aux dépens.

Les consorts [I] ont interjeté appel de cette décision et dans leurs conclusions notifiées par RPVA le 3 octobre 2015 ils demandent à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de leur préjudice à la somme de 1 900 € et de condamner in solidum maître [Y] et son assureur la société COVEA RISKS à leur verser les sommes de :

- 119 687,66 € au titre de la perte de la valeur foncière,

- 55 000 € au titre du trouble de jouissance, sauf à parfaire,

- 20 000 € au titre du préjudice moral, sauf à parfaire,

- 12 629,13 € en remboursement des frais de justice, hors dépens et frais exposés dans le cadre de la présente procédure, le tout assorti des intérêts depuis l'assignation du 17 avril 2012 et leur capitalisation,

- 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées le 28 janvier 2016 M [Y] et les MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS demandent à la cour de déclarer irrecevable et mal fondé l'appel des consorts [I], de donner acte à maître [Y] de ce qu'il n'entend pas remettre en cause le jugement déféré à la cour bien qu'il ait de justes motifs à contester la faute qui lui est reprochée, de confirmer le jugement et de condamner in solidum les consorts [I] à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Maître [Y] et son assureur n'ayant pas formé appel incident et concluant à la confirmation du jugement qui a retenu la faute de l'avocat pour ne pas avoir notifié dans le délai son recours contre l'arrêté préfectoral du 3 mai 2004, il n'y a pas lieu en cause d'appel de statuer sur la faute de l'avocat qui n'est pas contestée, l'appel étant limité à l'évaluation du préjudice en lien avec la faute retenue par le tribunal.

Maître [Y] et son assureur sollicitent que soient écartées des débats les pièces n° 33 à 39 dont ils soutiennent qu'elles ne leur ont pas été communiquées. Mais outre que les intimés n'ont pas formé incident devant le conseiller de la mise en état, il résulte du bordereau de pièces en date du 3 octobre 2015 que les consorts [I] ont bien communiqué les dites pièces et les intimés seront déboutés de leur demande tendant à voir écarter les pièces n° 33 à 39 régulièrement versées aux débats par les appelants et précédemment communiquées en première instance.

- Sur le préjudice :

Les consorts [I] soutiennent que l'échec du recours contre l'arrêté 04-0704 du 3 mai 2004 opérant division parcellaire, qui avait de grandes chances d'être annulé pour excès de pouvoir, les a privés du droit de préemption prévu à l'article 815-14 du code civil et qu'ils entendaient faire valoir puisque les époux [W] souhaitaient vendre leur bien, ainsi que de la faculté de mettre en oeuvre les droits accordés au propriétaire indivis par l'article 815-5 du même code lorsque l'intérêt commun est en péril, ce qui est le cas en l'espèce en raison de l'absence d'entretien de leur propriété depuis plusieurs années par les époux [W].

Ils font valoir que leur préjudice résulte de la dévalorisation de leur fonds de 20 % en raison de la mauvaise qualité de l'environnement par défaut d'entretien de la parcelle qu'ils auraient pu racheter et aménager correctement et des nuisances liées à la construction voisine qu'ils souhaitaient détruire ou rénover, outre le préjudice moral résultant des tracas liés à l'existence d'un conflit ancien entre voisins qui a perduré par la faute de l'avocat, sans oublier les frais de justice qui s'élèvent à 12 629,13 € et se décomposent en frais d'expertise immobilière, (1 794 € et 595 €), d'honoraires de maître [Y], (1 949,40 €), de traduction pour l'information des colotis, (105€), de frais irrépétibles à la suite de l'arrêt du Conseil d'Etat, (3 000€), et de constat d'huissier, (402,13€).

Maître [Y] et son assureur soutiennent que le préjudice allégué par les appelants et résultant de la dévalorisation de leur bien et de leur trouble de jouissance n'a aucun lien avec la faute retenue à l'encontre de l'avocat. Ils font valoir que les conditions d'exercice du droit de préemption tel que prévu à l'article 815-14 du code civil n'étaient pas remplies puisque la volonté des époux [W] de vendre leur bien n'est pas démontrée et qu'aucun acte extrajudiciaire n'a été délivré à cette fin; qu'en outre les époux [W] auraient été en mesure de contester ce droit et de s'y opposer compte tenu du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Ajaccio le 13 novembre 1989 qui a homologué le projet de partage du sol préconisé par l'expert judiciaire et n'imposant plus le respect d'une distance de 5 mètres entre les deux habitations; qu'enfin les chances de voir l'arrêté préfectoral annulé, notamment au motif que la décision du préfet du 19 août 2004 de rejet de leur recours gracieux serait entachée d'excès de pouvoir, ne sont pas démontrées par les appelants.

Il appartient aux consorts [I] de démontrer qu'ils avaient une chance d'obtenir l'annulation de l'arrêté préfectoral, à l'origine de la disparition de leurs droits d'indivisaires, que l'absence de recours régulier par leur avocat leur a interdit de solliciter utilement.

Ils soutiennent que l'arrêté préfectoral était entaché d'excès de pouvoir en l'absence de publication du jugement du 13 novembre 1989 affectant les limites de propriété et d'accord préalable de la majorité des colotis de tout le lotissement comme le prévoyait alors l'article L 315-3 du code de l'urbanisme et alors que cette subdivision n'était soumise qu'à une simple déclaration et non à une autorisation préfectorale.

Il résulte des pièces versées aux débats et notamment du mémoire déposé par maître [Y] devant la cour administrative d'appel que le jugement définitif du 13 novembre 1989, rendu au contradictoire des époux [I], a homologué une nouvelle ligne de séparation des deux fonds objet du lot [Cadastre 1] n'imposant plus le respect de la distance de 5 mètres entre les deux propriétés et il convient de relever que l'existence d'un accord de la majorité des colotis du lotissement sur la modification du lot [Cadastre 1] n'était alors pas contestée par les époux [I] qui se contentaient de mettre en cause le consentement éclairé des dits colotis sans faire valoir au demeurant qu'une telle modification était soumise à une simple déclaration, (p3 du mémoire en appel).

En outre le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 22 janvier 2015 mentionne que par décision définitive du 4 décembre 1986 qui n'est pas versée aux débats mais est visée par l'arrêté préfectoral litigieux, le même tribunal avait ordonné le partage par moitié de la parcelle formant le lot [Cadastre 1].

Il résulte de ces éléments que les consorts [I] ne démontrent pas qu'ils avaient une chance raisonnable de voir annuler l'arrêté préfectoral litigieux rendu au visa de décisions judiciaires définitives et de l'accord de la majorité des co-lotis du lotissement, étant précisé que la discussion portant sur la publication du jugement du 13 novembre 1989 ne concerne pas l'existence du partage et le principe de la disparition de l'indivision qui résultent de la décision définitive du 4 décembre 1986 mais uniquement les modalités de ce partage selon le découpage préconisé par l'expert.

En conséquence, le préjudice résultant de l'impossibilité de faire valoir leurs droits de co- indivisaires pour obtenir l'entretien de leur parcelle par les époux [W], comme le préjudice moral résultant des tracas occasionnés par les procédures découlant de cette impossibilité ne peuvent être retenus en l'absence de chance de voir l'arrêté préfectoral du 3 mai 2004 annulé.

Au surplus, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu le caractère hypothétique du préjudice résultant de la perte du droit de préemption en l'absence de preuve par les consorts [I] de la possibilité pour eux d'exercer ce droit puisque l'intention de vendre des époux [W] n'a pas été établie par la seule production de documents établissant l'intention des époux [I] de se porter acquéreurs du bien de leurs voisins.

Et devant la cour cette preuve n'est pas davantage rapportée par les appelants qui n'ont versé aucune pièce nouvelle de nature à démontrer l'intention de vendre de leurs co indivisaires antérieurement à l'arrêté préfectoral et à l'irrecevabilité du recours seule imputée à faute à l'avocat.

Les frais de justice exposés par les consorts [I] qui sont en lien avec la faute de l'avocat sont uniquement les honoraires de maître [Y] dans le cadre de la procédure devant les juridictions administratives. Les consorts [I] qui ne réclament pas le paiement des honoraires réglés à l'avocat au Conseil mais uniquement les frais irrépétibles à hauteur de 3 000 € devant le Conseil d'Etat dont il n'est pas justifié en raison de la production incomplète de la décision de cette juridiction, seront déboutés de leur demande en paiement de la somme de 3 000 € réclamée de ce chef et il convient de condamner in solidum maître [Y] et son assureur les MMA IARD, qui ne conteste pas sa garantie, au paiement de la somme de 1 949,40 € en réparation du préjudice en lien avec la faute de l'avocat.

En effet le surplus des sommes réclamées pour les frais d'expertise immobilière et de constat d'huissier est relatif à la présente procédure et il n'est pas justifié du lien des frais de traduction avec la procédure administrative.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais de la procédure d'appel et il leur sera alloué à chacun la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Les consorts [I] qui succombent en leur appel seront condamnés aux dépens de la présente procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire:

- Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les pièces n° 33 à 39 telles que figurant sur le bordereau de communication de pièces des appelants ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M [Y] et la société COVEA RISKS à payer aux consorts [I] la somme de 1 900 € à titre de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- Condamne in solidum M [Y] et la société MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS à payer à Mme [C] [I], à Mme [L] [D] et à M [I] [I] la somme de 1 949,40 € à titre de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

- Condamne in solidum Mme [C] [I], Mme [L] [D] et M [I] [I] à payer à M [Y] et à la société MMA IARD à chacun la somme de 2 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum Mme [C] [I], Mme [L] [D] et M [I] [I] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/10760
Date de la décision : 07/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/10760 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-07;14.10760 ?
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