RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 02 Juin 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05976
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'evry RG n° 14-01509
APPELANTE
EPIC RATP EN QUALITÉ D'ORGANISME SPÉCIAL DE SÉCURITÉ SO CIALE DÉNOMMÉE CCAS
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354
INTIMES
Monsieur [C] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de M. MICHEL VERNIER (Avocat)
CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA R.A.T.P
[Adresse 3]
[Localité 3]
défaillante
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 1]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Franck TASSET, lors des débats
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Vénusia DAMPIERRE, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [C] [I] a été embauché par la RATP en 1993 aux fonctions de pilote d'équipe de sécurité, il était affecté au « KHEOPS » de [Localité 5].
Le 21 octobre 2009 il a été victime d'un accident de travail : harcèlement par un agent de maîtrise, reconnu comme tel par la commission de recours amiable de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (la CCAS) le 3 mars 2011, à la suite duquel il a été arrêté jusqu'en 2010 pour dépression. Suite aux préconisations du médecin du travail qui demandait qu'il soit placé dans un service l'éloignant des auteurs du harcèlement, il a été affecté à compter du 20 octobre 2010 au KHEOPS de [Localité 6] en service grande nuit.
Le 30 août 2013 le responsable du KHEOPS de Paris a rédigé une déclaration d'accident de travail avec les élément suivants :
Date, heure et lieu : 29 août 2013 à 23h15, salle de briefing Kheops [Localité 6].
Circonstances détaillées : "à la lecture d'un courrier l'informant d'une mobilité à venir, Monsieur [I] se déclare psychologiquement choqué. Il précise à l'agent de maîtrise Monsieur [K] (qui lui a remis le courrier) que cette mobilité lui paraît impossible à assurer après 3 ans passés à travailler en horaires de nuit et qu'elle constitue une représaille à son accident de travail d'octobre 2009 et sa procédure contre l'entreprise ».
Le certificat médical initial en date du 30 août 2013 constate « traumatisme psychologique sur le lieu de travail et dépression réactionnelle ». Les arrêts de travail vont être renouvelés sans discontinuer jusqu'à ce jour.
La CCAS ouvrait une instruction à l'issue de laquelle elle notifiait le 20 novembre 2013 à Monsieur [I] un refus de prise en charge à titre professionnel.
La commission de recours amiable saisie confirmait cette décision de refus par un avis du 18 septembre 2014 contre lequel Monsieur [I] déposait un recours auprès du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry.
Cette juridiction dans un jugement en date du 26 mai 2015 a dit que Monsieur [I] avait été victime d'un accident du travail et que la Caisse devait le prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et a condamné la CCAS de la RATP à verser à Monsieur [I] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La CCAS de la RATP qui a fait appel de cette décision a fait soutenir oralement à l'audience des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer ce jugement et statuant à nouveau de confirmer le refus de prise en charge à titre professionnel de l'accident du 29 août 2013 et de condamner Monsieur [I] à lui payer 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la remise d'une lettre notifiant une affectation à un nouveau poste remise le 29 août 2013 à Monsieur [I] n'était pas une mesure inattendue puisque la réorganisation des services avait été annoncée depuis plusieurs mois, que Monsieur [I] avait été destinataire d'une lettre recommandée lui notifiant son changement de poste qu'il n'avait pas été chercher, qu'il avait rempli une feuille de desiderata en ne cochant qu'un seul poste alors qu'il aurait du en cocher plusieurs et qu'il n'ignorait pas le caractère temporaire de son affectation en service grande nuit dont il voulait imposer le maintien.
Elle fait valoir que l'intéressé a de son propre chef quitté son poste sans que la preuve d'un choc psychologique soit rapportée puisqu'il n'a fait aucun malaise.
Elle fait valoir que le salarié souffre depuis plusieurs années d'une dépression et que rien n'établit que le traumatisme psychologique serait brusquement apparu le 13 novembre 2013, date qui n'était pas mentionnée sur le certificat médical initial et alors même que Monsieur [I] se plaint en outre d'être victime de discriminations depuis des années.
Monsieur [I] dans des conclusions écrites soutenues oralement par son avocat demande la confirmation du jugement entrepris et sollicite 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient qu'il a été victime d'une discrimination de la part de la RATP, notamment suite à la procédure qu'il a engagé aux prud'hommes pour se faire payer en accident de travail son arrêt-maladie de 2010 et pour obtenir les jours d'arrêt enfant pour sa fille dont il a la garde, que le contexte de harcèlement moral a généré une forte fragilité psychologique mais que ses nombreux arrêts n'ont quasiment jamais été pris en charge au titre de maladie professionnelle, que le médecin du travail n'avait plus relevé aucune inaptitude découlant de l'accident de travail depuis 2012.
Il prétend que le 29 août 2013 alors qu'il venait prendre son service, son supérieur lui a remis une lettre lui notifiant la fin de son affectation faite sur les conseils de la médecine du travail et qu'il s'est alors effondré psychologiquement et a été victime de bouffées de chaleur et d'angoisse et estime donc que l'apparition d'une lésion soudaine sur le lieu du travail en raison d'un fait précis est rapportée et que le caractère professionnel de sa lésion doit être reconnu.
Il est fait référence aux écritures déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
MOTIFS
De la déclaration d'accident, du témoignage de Monsieur [K] et de la lettre envoyée par Monsieur [I] le 3 septembre 2013 il résulte que le 29 août 2013 lorsque son agent de maîtrise Monsieur [K] lui a remis la lettre lui notifiant sa nouvelle affectation, Monsieur [I] a déclaré à ce dernier être très choqué et ne pas être en état de travailler. Monsieur [K] n'a cependant remarqué aucun symptôme d'une pathologie particulière: tremblements, évanouissement, ou même seulement pleurs qui auraient justifié une consultation médicale et auraient été le signe d'une dépression, et Monsieur [I] était parfaitement capable de s'expliquer et de rentrer chez lui.
Monsieur [I] d'autre part prétend avoir été victime d'un choc brutal en raison du caractère inattendu de cette nouvelle affectation. Cependant , il n'ignorait pas les projets de changements annoncés à tous les employés de la RATP. Contrairement à tous les autres salariés travaillant dans son service, il n'avait pas, ainsi qu'il l'indique lui-même, reçu la confirmation de son maintien sur son poste. Il n'a pas été chercher la lettre recommandée qui l'avisait de sa prochaine affectation mais a eu dans sa boîte aux lettres l'avis de passage. Au vu de l'ensemble de ces éléments la preuve du caractère brutal et surprenant du non maintien sur son poste n'est pas rapportée.
Il résulte de l'ensemble des pièces du dossier que Monsieur [I] est une personne de santé fragile, qui a des problèmes psychologiques graves de dépression et de sentiment de persécution.
Entre septembre 2010, date de son affectation à son nouveau poste et le 23 août 2013, jour de la déclaration d'accident de travail, il a été absent environ 125 jours en plus des huit mois d'arrêt pour un nouvel accident de travail. Il a entamé une procédure prud'homale contre son employeur à qui il ne cesse de faire des reproches.
Par ailleurs même si Monsieur [I] a pu être désagréablement surpris de ne pas se voir maintenu sur un poste auquel il avait été temporairement affecté, la durée de son arrêt de travail et notamment l'incapacité à reprendre sur un poste qui n'est pas celui où il a été victime d'un harcèlement plus de 7 ans auparavant, démontre également l'existence de difficultés qui ne sont pas la conséquence de la simple réception de l'annonce de l'affectation sur un poste.
Monsieur [I] ne démontrant pas l'existence d'un fait brutal accidentel et de lésions immédiates et alors même qu'il souffre d'une pathologie antérieure, c'est à bon droit que la CCAS de la RATP a refusé de prendre à charge à titre professionnel son accident et le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale doit être infirmé.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et la RATP sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du TASS ;
Statuant à nouveau,
Confirme la décision de la CCAS de la RATP de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident de Monsieur [I] du 29 août 2013 ;
Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,