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02/06/2016 | FRANCE | N°13/05883

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 02 juin 2016, 13/05883


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 02 Juin 2016



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05883



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 09-01328/C





APPELANT

Monsieur [K] [Y]

Chez Mr [B][I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assist

é de Me Nathalie ZAGURY BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0004



INTIMEES

[Adresse 3]

Division du contentieux

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Mme [N] en vertu d'un pouvoir géné...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 02 Juin 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05883

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 09-01328/C

APPELANT

Monsieur [K] [Y]

Chez Mr [B][I]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie ZAGURY BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0004

INTIMEES

[Adresse 3]

Division du contentieux

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Mme [N] en vertu d'un pouvoir général

S.A.R.L. DECOBAT

[Adresse 6]

[Adresse 7]

représentée par Me Rémy DOUARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505 substitué par Me Laurent VOVARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 8]

[Adresse 9]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président

Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Laïla NOUBEL, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Vénusia DAMPIERRE, Greffier stagiaire, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue après réinscription au rôle des instances en cours de l'appel régulièrement interjeté par M. [Y] d'un jugement rendu le 17 juin 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne et à la société Decobat.

Les faits, la procédure, les prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. [Y] a subi, le 4 décembre 2006, un traumatisme crânien entraînant de multiples fractures et un hématome extra-dural droit ; qu'invoquant l'origine professionnelle de cet accident qui serait survenu, selon lui, alors qu'il exerçait un travail salarié, sous l'autorité de la société Decobat, sur un chantier de construction, il a demandé, en novembre 2008, la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; que la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne a refusé cette prise en charge au motif que la preuve que l'accident invoqué se soit produit par le fait ou à l'occasion du travail n'était pas rapportée ; qu'il a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa réclamation ; qu'il a alors saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 17 juin 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a débouté M. [Y] de son recours.

M. [Y] fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à infirmer le jugement, reconnaître le caractère professionnel de l'accident dont il a été victime le 4 décembre 2006 et condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne ainsi que la société Decobat au paiement solidaire de la somme de 2 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens sous la même solidarité, ces condamnations étant directement recouvrées par son avocat.

Au soutien de son appel, il prétend en effet que le jour où il a fait une chute d'une hauteur de 4 mètres, il se trouvait sur un échafaudage en train d'effectuer des travaux de peinture, pour le compte de la société Décobat, sur un chantier situé à [Localité 1].

Il explique l'absence de déclaration d'accident aussitôt après les faits par son état de santé, faisant observer qu'il a été dans le coma durant les 4 premiers mois avant de subir de multiples opérations, et par sa méconnaissance de la langue française et du droit.

Il indique qu'en tout état de cause, sa déclaration est intervenue avant l'expiration du délai de deux ans suivant l'accident. Sur la matérialité du fait accidentel lui-même, il indique qu'à son arrivée en France au mois d'octobre 2006, un de ses compatriotes lui avait proposé de travailler comme peintre en bâtiment sur le chantier de [Localité 1] et qu'au moment de l'accident, il était au service de la société Decobat depuis le 15 novembre 2006 sans avoir fait l'objet d'une déclaration d'embauche.

Il invoque la présence au moment des faits d'un collègue de travail, M. [X] [R], qui a assisté au fait accidentel mais n'a pas voulu témoigner en raison de l'irrégularité de son séjour en France. Il indique qu'après sa chute, cette personne a prévenu l'employeur, lequel est arrivé sur place, lui a retiré sa combinaison de travail et l'a transporté ensuite à l'hôpital de [Localité 1] en déclarant faussement au service d'admission que la chute d'un arbre était à l'origine de ses blessures. Il se prévaut également de l'attestation remise par la propriétaire du pavillon où a eu lieu l'accident.

Selon lui, il existe donc des éléments précis et concordants établissant la réalité de l'accident dont il a été victime, le 4 décembre 2006, à l'occasion d'un travail salarié accompli sur le chantier de [Localité 1], sous l'autorité de la société Décobat.

Il invoque enfin l'ordonnance de renvoi de son employeur devant le tribunal de correctionnel de Versailles du chef de blessures involontaires et précise que cette ordonnance se réfère expressément à l'accident du travail survenu sur le chantier ouvert par cette société.

Enfin, il précise que la décision de la cour d'appel de Versailles le déboutant de sa demande prud'homale n'empêche pas que l'accident dont il a été victime soit reconnu au titre de la législation professionnelle.

La caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne fait déposer et soutenir oralement des conclusions de confirmation du jugement attaqué. Après avoir rappelé que la déclaration d'accident établie directement par l'intéressé lui était parvenue le 1er décembre 2008 pour des faits remontant au 4 décembre 2006, elle estime que l'origine professionnelle de l'accident ne peut être reconnue en raison de l'absence d'une justification d'une relation de travail au moment des faits.

Elle précise en effet que la société Decobat a contesté sa qualité d'employeur au jour de l'accident et a obtenu une décision de la cour d'appel de Versailles retenant que la preuve de la qualité de salarié de M. [Y] n'était pas rapportée avant le 20 avril 2007, date de la signature de son contrat de travail.

Elle ajoute que la personne censée avoir assisté à l'accident survenu à M. [Y] n'a jamais pu être entendue. Dans ces conditions, elle estime que l'appelant n'établit pas que l'accident dont il a été victime s'est produit à l'occasion d'un travail accompli sous l'autorité de la société Decobat comme il le prétend. Elle relève également l'absence d'élément objectif permettant de reconnaître la matérialité du fait accidentel déclaré par M. [Y] et rappelle que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime.

Dans ses conclusions soutenues par son conseil à l'audience du 2 mars 2016, la société Décobat s'associe aux observations de la caisse et demande à la cour de condamner M. [Y] à lui verser la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Elle indique en effet être totalement étrangère à l'accident dont a été victime M. [Y] le 4 décembre 2006 avant son engagement selon un contrat de travail en date du 20 avril 2007. Elle se prévaut essentiellement de l'arrêt du 16 février 2011 ayant jugé que l'intéressé ne rapportait pas la preuve de sa qualité de salarié avant cette date.

Elle rappelle également que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, le demandeur doit rapporter la preuve de la réalité de cet accident aux temps et lieu du travail, ce que M. [Y] ne peut démontrer dès lors qu'il ne faisait pas partie du personnel de la société avant le 20 avril 2007.

Elle fait observer que la déclaration tardive de l'accident du travail fait douter de la réalité de cet accident. Selon elle, les propriétaires du pavillon de [Localité 1] ne lui ont pas confié de travaux de peinture et la présence de M. [C] sur le chantier, le 4 décembre 2006, n'est confirmée par aucune pièce justificative.

Elle relève aussi que les autres attestations produites aux débats émanent de personnes qui n'étaient pas présentes le jour de l'accident et ne font que reprendre les allégations de l'intéressé.

Elle ajoute que l'URSSAF n'a relevé aucune anomalie à l'occasion du contrôle de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Enfin, sur le plan pénal, elle indique à la cour qu'aucune décision de justice n'est encore intervenue et que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel invoquée par l'appelant n'emporte pas reconnaissance de l'origine professionnelle de l'accident allégué.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

Motifs :

Considérant qu'il résulte de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que, pour bénéficier de la présomption d'imputabilité, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail de rapporter la preuve d'un fait accidentel survenu au temps et sur le lieu du travail ; que cette preuve ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs matériellement vérifiables ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort du compte-rendu d'observation médicale des urgences de l'hôpital de [Localité 1] que, le 4 décembre 2006, M. [Y] a été amené au service pour un "traumatisme crânien important avec scalpe important et trouble de la conscience : glasgow 11 à la suite d'une chute de 3 mètres" ; qu'il a été ensuite transporté à l'hôpital [Établissement 1] où il a subi une opération chirurgicale ;

Considérant que les médecins ont relevé, dans leur compte-rendu, que le patient avait été amené en voiture, "à la hussarde", par un ami reparti peu après ; que le compte-rendu opératoire de l'hôpital [Établissement 1] évoque quant à lui des "circonstances floues, chute d'un arbre '" ;

Considérant qu'il est également établi, par l'attestation des propriétaires et les comptes-rendus de chantier de l'atelier d'architecture SECC, qu'à l'époque des faits, la société Décobat réalisait des travaux dans un pavillon situé à [Localité 1] ; qu'il avait été notamment confié à cette société la réalisation de bandes enduites à l'étage et au sous-sol ;

Considérant que pour démontrer que la chute dont il a été victime est survenue à l'occasion des travaux d'aménagement de ce pavillon, M. [Y] produit une attestation de la propriétaire qui déclare "Celui-ci nous a décrit avec précision les travaux effectués dans notre maison d'octobre à décembre 2006. Il nous a rapporté une anecdote que seule une personne travaillant sur le chantier pouvait connaître" ; que cette personne précise également qu'à cette période "on accédait au 1er étage par une échelle et qu'à l'aplomb de cet étage, qui est en mezzanine, il y a 3 mètres de hauteur environ" ;

Considérant que l'appelant verse également aux débats l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du gérant de la société Décobat du chef de blessures involontaires dans le cadre d'une relation de travail ; qu'il est indiqué (p 3 avant-dernier §) que "les enquêteurs localisaient le point de chute de la victime, du haut de la mezzanine dépourvue d'escalier au moment des travaux sur l'escalier en béton donnant accès au sous-sol de la maison, ce qui représentait au moins 3 mètres de haut" ;

Considérant qu'il ressort aussi de la procédure pénale que M. [X] [R], qui était présent le jour de l'accident en qualité de chef de chantier, a confirmé "la chute de M. [Y] alors qu'il réalisait des bandes d'enduit au niveau des faux-plafonds depuis la dalle du premier étage" ;

Considérant que l'intéressé rapporte donc la preuve que l'accident dont il a été victime, le 4 décembre 2006, est survenu à l'occasion d'un travail accompli sur la chantier confié à la société Décobat ;

Considérant que les intimés s'opposent néanmoins à la prise en charge demandée par M. [Y] en soulignant le fait qu'il a attendu le 26 novembre 2008 pour déclarer des faits survenus le 4 décembre 2006 ;

Considérant toutefois que le caractère tardif de cette déclaration d'accident s'explique par les circonstances de l'espèce, l'état de santé et la situation personnelle de M. [Y] arrivé depuis peu en France l'ayant fait hésiter sur la conduite à tenir ; qu'il convient de noter que la déclaration a été transmise directement par l'intéressé peu après son licenciement par la société Décobat qui avait conclu avec lui un contrat de travail, à sa sortie de l'hôpital, malgré son mauvais état de santé ;

Considérant que la déclaration tardive de cet accident n'est donc pas ici de nature à jeter un doute sur la réalité des faits allégués par la victime ;

Considérant que pour contester le caractère professionnel de l'accident, les intimés font également état de l'arrêt rendu le 16 février 2011 par la cour d'appel de Versailles aux termes duquel "M. [Y] ne rapporte pas la preuve de sa qualité de salarié avant le 20 avril 2007, date de la signature du contrat de travail"

Considérant cependant que cette décision rendue dans un litige prud'homal opposant M. [Y] à la société Décobat ne fait pas obstacle à la reconnaissance, dans les rapports caisse/assuré, de l'origine professionnelle de l'accident ;

Considérant que les éléments réunis par l'intéressé prouve qu'au moment de sa chute, il exécutait un travail salarié sous l'autorité de l'entrepreneur chargé de l'aménagement du pavillon ;

Considérant qu'enfin, la circonstance que ce travail était accompli par la victime sans être déclaré n'a pas d'incidence sur son droit la protection de la législation sur les accidents du travail ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la réalité de l'accident aux temps et lieu de travail n'était pas suffisamment établie pour être pris en charge par la caisse primaire au titre de la législation professionnelle ;

Que le jugement sera donc infirmé et la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne devra prendre en charge l'accident dont a été victime M. [Y] au titre de la législation professionnelle ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il y a lieu de condamner la société Décobat à verser à M. [Y] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que les autres prétentions des parties à ce titre seront rejetées ;

Considérant que la procédure en matière de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; qu'elle ne donne pas lieu à dépens ;

Par ces motifs :

Déclare M. [Y] recevable et bien fondé en son appel ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Reconnaît l'origine professionnelle de l'accident dont a été victime M. [Y] le 4 décembre 2006 et dit qu'il devra être pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les accidents du travail ;

Condamne la société Décobat à verser à M. [Y] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les autres prétentions des parties à ce titre ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 13/05883
Date de la décision : 02/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°13/05883 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-02;13.05883 ?
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