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01/06/2016 | FRANCE | N°14/00688

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 juin 2016, 14/00688


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00688



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n°





APPELANT

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparan

t en personne

assisté de Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023





INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00688

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n°

APPELANT

Monsieur [B] [C]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Benjamine FIEDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

et par Me Maxime BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

en présence de M. [L] [S], juriste, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE 

M. [C] a été engagé par la société UPC, rachetée par la SAS NC Numéricable, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 2 mars 2006, en qualité de conseiller commercial, statut employé groupe B.

La rémunération moyenne mensuelle des 3 derniers mois travaillés ressortait à la somme de 5 377 euros.

Les relations commerciales étaient régies par la convention collective des télécommunications.

Malgré un avis défavorable du comité d'entreprise rendu le 18 mars 2008, la SAS NC Numéricable a, courant juin 2008, proposé à l'ensemble des conseillers commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur les modalités d'attribution de la part variable de la rémunération, modification que de nombreux salariés, dont la partie appelante, ont refusée.

Le 4 novembre 2008, plusieurs conseillers commerciaux ont déclenché un mouvement de grève.

Un protocole de fin de grève a été signé entre les parties, le 4 décembre 2008.

Plusieurs anciens grévistes, dont la partie appelante et la SAS NC Numéricable ont conclu des ruptures conventionnelles des contrats de travail lesquelles n'ont pas été homologuées par l'inspection du travail.

Le 9 janvier 2009, la SAS NC Numéricable a remis à la partie appelante une convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.

Par lettre du 22 janvier 2009, la société Numericable a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Une transaction a été signée par les parties, le 5 Février 2009.

Quelques mois plus tard, soit le 27 juillet 2009, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux afin de contester la validité de la transaction, de voir prononcer la nullité du licenciement et par suite, de voir ordonner sa réintégration. Il a sollicité un rappel de rémunération, des frais professionnels, des dommages et intérêts pour un préjudice moral et financier.

Par un jugement du 23 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

* annulé la transaction,

* ordonné la restitution de la somme prévue dans la transaction,

* annulé le licenciement,

* condamné la SAS NC Numéricable à verser à M. [C] les sommes suivantes :

- 67 971,89 euros en réparation de la nullité du licenciement et de la non réintégration tous préjudices confondus,

- 1528 € au titre du remboursement des frais professionnels,

- 900 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la compensation entre les créances,

* débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

Le salarié a relevé appel partiel de ce jugement, demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal d'ordonner sa réintégration, et de condamner l'employeur au paiement des salaires depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective sous astreinte de 500 € par jour de retard, les salaires s'élevant à la date des débats à la somme de 462 422 euros.

Subsidiairement, il réclame le paiement des sommes suivantes :

- 96 786 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 10 754 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 3026,94euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2509,26 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents.

Subsidiairement, il sollicite les mêmes sommes, les dommages-intérêts étant alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il réclame encore :

- 26 243,01 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 1910 € au titre des frais professionnels,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS NC Numéricable a également relevé appel incident du jugement déféré dont elle sollicite l'infirmation en ce que le licenciement a été annulé et en ce qu'elle a été condamnée à verser diverses sommes au salarié.

Elle ne remet pas en cause la nullité de la transaction et la condamnation au remboursement des frais professionnels à concurrence de la somme de 1528 euros.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la réintégration du salarié est matériellement impossible et par suite, de le débouter de la demande formée au titre de la réintégration et de la demande d'indemnisation associée.

Plus subsidiairement, elle propose que l'indemnisation soit limitée à la somme de 380 474,91 euros bruts.

En tout état de cause, elle s'oppose aux demandes formulées au titre des dommages-intérêts, et réclame une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que la nullité de la transaction n'est pas remise en cause. Le jugement déféré est définitif sur ce point.

Sur le licenciement ;

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement du 22 janvier 2009, qui circonscrit le litige, fait état des griefs suivants :

« Vous avez refusé de reprendre votre poste de travail dans les conditions contractuelles y afférentes.

Vous êtes absent de votre poste de travail depuis le 1er décembre 2008.

Malgré notre courrier en date du 30 décembre 2008 dans lequel nous vous avions mis en demeure de reprendre votre activité à compter du 6 janvier 2009 et dans lequel nous vous précisions que les termes de votre contrat de travail initial restaient inchangés donc applicables dès votre reprise d'activité au sein de la société, votre situation n'a pas évolué. Vous n'avez en effet pas repris votre activité depuis cette date.

Cette absence perturbe fortement l'activité de l'équipe à laquelle vous êtes affecté[...] dernière constitue un abandon de poste manifeste caractéristique de la faute grave.[...] »

L'employeur soutient que le salarié n'était plus en grève en décembre 2008, qu'il a bénéficié d'une dispense de travail à compter du 1er décembre 2008, tout en étant rémunéré pendant la durée de la procédure de la rupture conventionnelle, laquelle dispense a pris fin après le refus d'homologation de la convention de rupture conventionnelle par l'inspection du travail.

Selon l'article L. 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.[...] Le licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit.

La nullité du licenciement d'un salarié gréviste n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève. Elle s'étend à tout licenciement d'un salarié prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève à laquelle il participe et qui ne peut être qualifié de faute lourde.

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur vise non seulement l'absence de reprise de son activité par le salarié postérieurement à la mise en demeure du 30 décembre 2008 de rejoindre son poste le 6 janvier mais également l'absence du salarié à compter du 1er décembre 2008.

Or, l'absence du salarié à son poste à compter du 1er décembre 2008 alors qu'il participait à une grève ne caractérise pas en soi une faute lourde et par suite, le licenciement prononcé notamment pour ce motif est entaché de nullité de plein droit non obstant les prétendues fautes commises ultérieurement dont se prévaut aussi l'employeur dans la lettre de licenciement et ce, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si elles sont matériellement établies ou non.

Le jugement ayant annulé le licenciement sera confirmé mais avec substitution de motifs.

Sur la demande de réintégration ;

D'après les dispositions légales en vigueur, lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, il doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est devenue impossible notamment du fait la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

L'impossibilité de réintégrer le salarié peut aussi résulter des comportements que celui-ci a adopté.

Dans le cas présent, pour s'opposer à la demande de réintégration de l'individu, la SAS NC Numéricable invoque le caractère artificiel et déloyal de la demande de réintégration, cette demande ayant pour objet selon l'employeur d'obtenir des conditions d'indemnisation plus favorables que celles qui sont réservées aux salariés qui ne sollicitent pas une telle réintégration.

Dans le cas d'espèce, il est avéré que M. [C] a, de façon réitérée à deux mois d'intervalle, soit lors de la signature de la convention de rupture conventionnelle en décembre 2008 et lors de la signature d'une transaction le 5 février 2009 dont la nullité au motif que la transaction aurait été signée alors que le salarié n'avait pas réceptionné la lettre de licenciement du 22 janvier 2009 n'est pas remise en cause par l'employeur, donné son accord exprès pour que soit posé le principe de la rupture de la relation contractuelle. Il n'a au surplus saisi le conseil de prud'hommes au fond et non en référé pour solliciter l'annulation du licenciement et sa réintégration que plusieurs mois plus tard soit en juillet 2009, alors que d'autres membres de l'équipe de commerciaux avaient aussi consécutivement à la notification de leur licenciement pour faute grave et à la signature de transaction remis en cause tout à la fois la transaction et la validité de leur licenciement devant le conseil de prud'hommes.

Il s'en déduit que le salarié s'est engagé à deux reprises, à deux mois d'intervalle, dans un processus de rupture de son contrat de travail, qu'il a ainsi manifesté une volonté non équivoque en ce sens. Compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment.

Par ailleurs, il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle actuelle.

La réintégration est manifestement impossible.

Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Outre le rappel de salaire pour la mise à pied, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas contestés par l'employeur, M. [C] peut obtenir une indemnisation qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire.

Compte tenu de son ancienneté de l'ordre de 3 années et 2 mois, de la perte de l' emploi avec les conséquences s'y attachant, des circonstances de la rupture, la cour allouera à la partie appelante la somme de 64 530 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait la nullité de son licenciement.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

Le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue. Cette demande ne peut pas prospérer.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

L'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives réalisées par les conseillers de vente à domicile, notamment de « fausses ventes ».

La réalité de dérives des pratiques de vente au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée.

Par ailleurs, les parties s'étaient accordées à la fin du conflit pour envisager des ruptures négociées de contrat.

La prétendue mauvaise foi de l'employeur à cet égard n'est pas établie.

Cette demande ne peut pas davantage prospérer.

Sur les frais ;

Le jugement avait alloué la somme demandée par le salarié à ce titre. Aucun élément ne justifie que cette somme soit portée à 1910 euros.

Le jugement sera confirmé.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [C] une indemnité de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SAS NC Numéricable, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Constate que la SAS NC Numéricable ne forme pas appel du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la transaction,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul, en ce qu'il a condamné SAS NC Numéricable à verser au salarié outre la somme de 1528 euros au titre des frais professionnels, la somme de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS NC Numéricable à verser à la partie appelante les sommes suivantes :

- 64 530 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 10 754 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 3026,94euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 2509,26 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents.

- 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS NC Numéricable aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/00688
Date de la décision : 01/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-01;14.00688 ?
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