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01/06/2016 | FRANCE | N°14/00671

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 juin 2016, 14/00671


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00671



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 09/00975





APPELANT

Monsieur [M] [O]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1] (95)

[Adresse 1]

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comparant en personne

assisté de Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023





INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 000...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00671

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX RG n° 09/00975

APPELANT

Monsieur [M] [O]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1] (95)

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Benjamine FIEDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

et par Me Maxime BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

en présence de M. [F] [Q], juriste, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [O] a été engagé par la société UPC France aux droits de laquelle vient la SAS NC Numéricable, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 mars 2006 en qualité de conseiller commercial, statut employé groupe B.

La rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois travaillés avant son accident du travail ressortait à la somme de 5442,20 euros.

Les relations commerciales étaient régies par la convention collective des télécommunications.

Le 3 mai 3007, M. [O] a été victime d'un accident du travail et a été en arrêt sans discontinuer jusqu'au 26 décembre 2008.

A son retour, l'employeur lui a proposé de prendre ses congés.

Le 9 janvier 2009, la SAS NC Numéricable a remis à la partie appelante une convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 janvier 2010 avec mise à pied conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir.

Par lettre du 22 janvier 2009, la SAS NC Numéricable a notifié à la partie appelante son licenciement pour faute grave.

Une transaction a été signée par les parties le 6 février 2009.

M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux afin de contester la validité de la transaction, de voir prononcer la nullité du licenciement, ordonner sa réintégration.

Il a sollicité un rappel de rémunération, des frais professionnels, des dommages et intérêts pour un préjudice moral et financier.

Par un jugement du 26 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

* annulé la transaction du 6 février 2009,

* ordonné la restitution de la somme prévue dans la transaction,

* annulé le licenciement,

* condamné la SAS NC Numéricable à verser à M. [O] les sommes suivantes :

- 73 014,98 euros en réparation de la nullité du licenciement et de la non réintégration tous préjudices confondus,

- 900 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la compensation entre les créances,

* débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

Le salarié a relevé appel de ce jugement, et demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal sa réintégration, et paiement des salaires depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective sous astreinte de 500 € par jour de retard, les salaires s'élevant à la date des débats la somme de 468 029,20 euros.

Subsidiairement, il réclame paiement des sommes suivantes :

- 97 959,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 10 884,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 6 167,82 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 539,69 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents.

Subsidiairement, il sollicite les mêmes sommes, des dommages-intérêts étant alloués au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il réclame encore :

- 19 818,39 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS NC Numéricable a également relevé appel incident du jugement déféré dont elle sollicite l'infirmation en ce que le licenciement a été annulé et en ce qu'elle a été condamnée à verser diverses sommes au salarié.

Elle ne remet pas en cause la nullité de la transaction et la condamnation prononcée au titre des frais professionnels.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la réintégration du salarié est matériellement impossible et par suite, de le débouter de sa demande formée à ce titre ainsi que de sa demande d'indemnisation associée.

Plus subsidiairement, elle propose que l'indemnisation soit limitée à la somme de 407 286,41 euros bruts.

En tout état de cause, elle s'oppose aux demandes formulées au titre des dommages-intérêts, et réclame une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que la SAS NC Numéricable ne remet pas en cause la nullité de la transaction.

Sur le licenciement ;

La lettre de licenciement du 22 janvier 2009 est rédigée dans les termes suivants :

« vous avez été en arrêt de travail du 2 mai 2007 au 25 décembre 2008. Vous deviez reprendre votre activité en date du 26 décembre 2008. Or vous vous êtes présenté le 30 décembre 2008. De plus, vous avez stipulé que dans le cadre de votre reprise, les termes de votre contrat de travail n'étaient pas respectés et que de ce fait, vous ne reprendriez pas votre poste dans ces conditions.

Bien que nous ayons démenti ces faits en vous précisant que les termes de votre contrat de travail initial restaient inchangés et donc applicables des votre reprise d'activité au sein de la société vous vous êtes absents et de manière continue depuis le 6 janvier 2009. Votre absence perturbe fortement l'activité de l'équipe à laquelle vous êtes affecté qui ne peut compter sur vous et atteindre ses objectifs. Cette dernière constitue un abandon de poste manifeste caractéristique de la faute grave.[...] »

M. [O] soulève la nullité du licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-7 du code du travail, à titre subsidiaire, pour violation des dispositions de l'article L.1233-61 du code du travail.

Selon l'article L. 1226-7 du travail, le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail [...]est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident. L'article L.1226-9 dudit code dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail l'employeur ne peut rompre celui-ci que s'il justifie soit d'une faute grave, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident.

L'article L. 1226-13 du même code sanctionne la rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-9, par la nullité.

L'employeur ne peut utilement faire grief au salarié de n'avoir pas repris son travail avant le 30 décembre et de n'être pas venu travaillé entre le 6 janvier et le 9 janvier 2009, le contrat de travail étant encore suspendu à défaut pour l'employeur d'avoir organisé la visite médicale de reprise prévue par l'article R. 4624-22 du code du travail.

En l'absence d'une faute grave, le licenciement notifié alors que le contrat était toujours suspendu est nul.

Sur la demande de réintégration ;

D'après les dispositions légales en vigueur, lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, il doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est devenue impossible notamment du fait la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

L'impossibilité de réintégrer le salarié peut aussi résulter des comportements que celui-ci a adopté.

Dans le cas présent, pour s'opposer à la demande de réintégration de l'individu, la SAS NC Numéricable invoque le caractère artificiel et déloyal de la demande de réintégration, cette demande ayant pour objet d'obtenir des conditions d'indemnisation plus favorables que celles qui sont réservées aux salariés qui ne sollicitent pas une telle réintégration.

Dans le cas d'espèce, il est avéré que M. [O] a en signant une transaction le 6 février 2009 dont la nullité au motif que la transaction aurait été signée alors que le salarié n'avait pas réceptionné la lettre de licenciement du 22 janvier 2009 n'est pas remise en cause par l'employeur, donné son accord exprès pour que soit posé le principe de la rupture de la relation contractuelle. Il n'a au surplus saisi le conseil de prud'hommes au fond et non en référé pour solliciter l'annulation du licenciement et sa réintégration que plusieurs mois plus tard soit en juillet 2009, alors que d'autres membres de l'équipe de commerciaux avaient aussi consécutivement à la notification de leur licenciement pour faute grave et à la signature de transaction remis en cause tout à la fois la transaction et la validité de leur licenciement devant le conseil de prud'hommes.

Le salarié s'est, par conséquent, engagé dans un processus de rupture de son contrat de travail ; il a ainsi manifesté une volonté non équivoque en ce sens. Compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment.

La réintégration est manifestement impossible.

Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Outre le rappel de salaire pour la mise à pied, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité spéciale de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, M. [O] peut obtenir une indemnisation résultant de la nullité du licenciement.

Compte tenu de son ancienneté de l'ordre de 2 années et 10 mois, de la perte de l' emploi avec les conséquences s'y attachant, des circonstances de la rupture la cour allouera à la partie appelante la somme de 65 306,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait la nullité de son licenciement.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

Le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue. Cette demande ne peut pas prospérer.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

L'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives réalisées au sein de l'équipe des conseillers de vente à domicile passant par l'établissement, notamment, de « fausses ventes ».

La réalité de dérives des pratiques de vente au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée.

Par ailleurs, les parties s'étaient accordées à la fin du conflit pour envisager des ruptures négociées du contrat.

La prétendue mauvaise foi de l'employeur à cet égard n'est pas établie.

Cette demande ne peut pas davantage prospérer.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

Le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue. Cette demande ne peut pas prospérer.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

L'employeur a proposé au salarié une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives dans les pratiques de vente passant par l'établissement notamment de « fausses ventes » .

La réalité des dérives de ces pratiques de vente au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée.

La prétendue mauvaise foi de l'employeur n'est pas établie.

Cette demande ne peut pas davantage prospérer.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [O] une indemnité de 900 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe

Constate que le jugement est définitif en ce qu'il a annulé la transaction, ordonné la restitution de la somme visée dans la dite transaction, et en ce qu'il a accordé le remboursement de frais professionnels,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul et en ce qu'il a alloué une indemnité de 900 euros à la partie appelante en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS NC Numéricable à verser à M. [O] les sommes suivantes ;

- 65 306,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 884,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 6 167,82 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 2 539,69 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents.

- 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS NC Numéricable aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/00671
Date de la décision : 01/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/00671 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-01;14.00671 ?
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