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01/06/2016 | FRANCE | N°13/08621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 01 juin 2016, 13/08621


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 Juin 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08621



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX RG n° 09/00939





APPELANT

Monsieur [Z] [Z]

né le [Date naissance 1] 1979

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par

Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023





INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 Juin 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08621

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX RG n° 09/00939

APPELANT

Monsieur [Z] [Z]

né le [Date naissance 1] 1979

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Aïcha CONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0023

INTIMEE

SAS NC NUMERICABLE venant aux droits de la SAS NUMERICABLE

N° SIRET : 400 461 950 00034

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Benjamine FIEDLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

et par Me Maxime BAILLY, avocat au barreau de PARIS, toque : R255

en présence de M. [K] [M], juriste, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 26 novembre 2015

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE 

M. [Z] a été engagé par la SAS NC Numéricable, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 7 janvier 2008, en qualité de conseiller commercial, statut employé groupe C.

La rémunération moyenne mensuelle ressortait à la somme de 3 179,38 euros.

Les relations commerciales étaient régies par la convention collective des télécommunications.

Malgré un avis défavorable du comité d'entreprise rendu le 18 mars 2008, la SAS NC Numéricable a, courant juin 2008, proposé à l'ensemble des conseillers commerciaux une modification de leur contrat de travail portant sur les modalités d'attribution de la part variable de la rémunération, modification que de nombreux salariés, dont la partie appelante, ont refusée.

Un premier mouvement de grève a été déclenché par plusieurs conseillers commerciaux entre le 4 novembre 2008 et le 4 décembre 2008.

Considérant que les engagements pris n'avaient pas été respectés, des conseillers commerciaux se sont mis en grève du 5 janvier 2009 au 20 mars 2009, date à laquelle a été signé un protocole de fin de grève.

Le 23 mars 2009, la SAS NC Numéricable a remis au salarié en main propre une convocation à un entretien préalable fixé au 30 mars suivant, avec mise à pied conservatoire pour la durée de la procédure, puis l'a licencié pour faute grave, par une lettre recommandée du 2 avril 2009.

Une transaction a été signée par les parties, le 14 avril 2009.

M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux afin de contester la validité de la transaction, de voir prononcer la nullité du licenciement et par suite, de voir ordonner sa réintégration. Il a sollicité un rappel de rémunération, des frais professionnels, des dommages et intérêts pour un préjudice moral et financier.

Par un jugement du 31 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Meaux a :

* annulé la transaction,

* ordonné la restitution de la somme prévue dans la transaction,

* annulé le licenciement,

* condamné la SAS NC Numéricable à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

- 5000 euros en réparation de la nullité du licenciement et de la non réintégration tous préjudices confondus,

- 6 358,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

- 741,84 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1282,23 euros au titre du rappel de salaire outre les congés payés afférents,

- 2292 € au titre du remboursement des frais professionnels,

- 400 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la compensation entre les créances,

* débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

Le salarié a relevé appel partiel de ce jugement, demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur au paiement des salaires depuis son éviction jusqu'à sa réintégration effective sous astreinte de 500 € par jour de retard, les salaires s'élevant, à la date des débats, à la somme de 273 426,68 euros.

Subsidiairement, il réclame le paiement des sommes suivantes :

- 38 152,56 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 6 358,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,

- 741,84 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1165,67 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents.

Subsidiairement, il sollicite les mêmes sommes, les dommages-intérêts étant alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il réclame encore :

- 28 106,82 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- 2292 € au titre des frais professionnels,

- 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS NC Numéricable a également relevé appel incident du jugement déféré dont elle sollicite l'infirmation en ce que le licenciement a été annulé et en ce qu'elle a été condamnée à verser diverses sommes au salarié.

Elle ne remet pas en cause la nullité de la transaction et la condamnation au remboursement des frais professionnels.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de juger que la réintégration du salarié est matériellement impossible et par suite, de le débouter de la demande formée au titre de la réintégration et de la demande d'indemnisation associée.

Plus subsidiairement, elle propose que l'indemnisation soit limitée à la somme de 236 173,27 euros bruts.

En tout état de cause, elle s'oppose aux demandes formulées au titre des dommages-intérêts, et réclame une indemnité de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que ni la nullité de la transaction et la restitution de la somme convenue, ni la condamnation au remboursement de frais professionnels ne sont remises en cause. Ces dispositions du jugement déféré sont définitives.

Sur le licenciement ;

La lettre de licenciement du 2 avril 2009, qui circonscrit le litige, fait état des griefs suivants :

« vous avez refusé de reprendre votre poste de travail dans les conditions contractuelles y afférentes.

Vous êtes absent de votre poste de travail depuis le 5 janvier 2009. Vous nous avez fait part de votre refus de reprendre votre poste car selon vous les termes de votre contrat de travail n'étaient pas respectés et que de ce fait, vous ne pouviez exercer votre activité dans ces conditions. Bien que nous ayons démenti ces faits en précisant que les termes de votre contrat initial restaient inchangés et donc applicables dès votre reprise d'activité au sein de la société, vous n'avez toujours pas repris votre activité depuis le 5 janvier 2009. Ces absences perturbent fortement l'activité de l'équipe à laquelle vous êtes affecté qui ne peut compter sur vous et atteindre ses objectifs. Cette dernière constitue un abandon de poste manifeste caractéristique de la faute grave ».

Selon l'article L. 2511-1 du code du travail, l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.[...] Le licenciement prononcé en l'absence de faute lourde est nul de plein droit.

La nullité du licenciement d'un salarié gréviste n'est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève. Elle s'étend à tout licenciement d'un salarié prononcé à raison d'un fait commis au cours de la grève à laquelle il participe et qui ne peut être qualifié de faute lourde.

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur vise non seulement l'absence de reprise de son activité par le salarié mais également l'abandon de poste entre le 5 janvier et le 20 mars 2009, alors qu'il participait au mouvement de grève.

Or, l'absence du salarié à son poste alors qu'il participait à une grève ne caractérise pas en soi une faute lourde et par suite, le licenciement prononcé notamment pour ce motif est entaché de nullité de plein droit non obstant les prétendues fautes commises ultérieurement dont se prévaut aussi l'employeur dans la lettre de licenciement et ce, sans qu'il soit nécessaire de vérifier si elles sont matériellement établies ou non.

Le jugement ayant annulé le licenciement sera confirmé mais avec substitution de motifs.

Sur la demande de réintégration ;

D'après les dispositions légales en vigueur, lorsque le juge prononce la nullité du licenciement, il doit ordonner la réintégration du salarié si celui-ci la demande sauf si la réintégration est devenue impossible notamment du fait la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

L'impossibilité de réintégrer le salarié peut aussi résulter des comportements que celui-ci a adopté.

Dans le cas présent, pour s'opposer à la demande de réintégration de l'individu, la SAS NC Numéricable invoque le caractère artificiel et déloyal de la demande de réintégration, cette demande ayant pour objet d'obtenir des conditions d'indemnisation plus favorables que celles qui sont réservées aux salariés qui ne sollicitent pas une telle réintégration.

Dans le cas d'espèce, il est avéré qu'au cours du mouvement de grève, les salariés concernés ont exigé en réponse aux propositions du médiateur auquel il avait été fait appel, qu'il soit intégré dans un accord de fin de grève, les conditions de mise en 'uvre d'un dispositif de rupture amiable des contrats de travail.

Le 20 mars 2009, aux termes de l 'accord de fin de grève, il avait été convenu entre les parties que tout processus de rupture amiable interviendrait dans un délai de trois mois pour les salariés impliqués dans le mouvement social de janvier à mars 2009.

Une transaction a été signée le 14 avril 2009. Elle a été annulée par le jugement déféré, à la demande du salarié.

Pour autant, le salarié gréviste s'est engagé aux côtés de ses collègues dans un processus de rupture de son contrat de travail; il a ainsi manifesté une volonté non équivoque en ce sens. Compte tenu de ce que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, la partie appelante ne peut plus se prévaloir d'une volonté réelle de poursuivre la relation contractuelle qu'il a déniée précédemment.

Par ailleurs, il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle actuelle.

La réintégration est manifestement impossible.

Sur les demandes de rappel de salaire pour la mise à pied, d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Outre le rappel de salaire pour la mise à pied, les congés payés afférents, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement dont les montants ne sont pas utilement contestés par l'employeur, M. [Z] peut obtenir une indemnisation qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire.

Compte tenu de son ancienneté de l'ordre de 15 mois, de la perte de l'emploi avec les conséquences s'y attachant, des circonstances de la rupture, la cour allouera à la partie appelante la somme de 38 152,56 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait la nullité de son licenciement.

Le jugement sera confirmé sur les condamnations prononcées au titre des indemnités de rupture.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour préjudice financier ;

Le préjudice financier lié à la perte d'emploi a été pris en compte dans l'évaluation précédemment retenue. Cette demande ne peut pas prospérer.

Sur la demande dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

L'employeur a proposé une modification des modalités de la rémunération de la part variable en raison des dérives dans les pratiques commerciales par des conseillers de vente à domicile au sein de l'équipe passant par l'établissement notamment de « fausses ventes ».

La réalité de dérives des pratiques de vente au sein de l'équipe n'est pas utilement déniée.

Par ailleurs, les parties s'étaient accordées à la fin du conflit pour envisager des ruptures négociées de contrat.

La prétendue mauvaise foi de l'employeur à cet égard n'est pas établie.

Cette demande ne peut pas davantage prospérer.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé au salarié une indemnité de 400 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par lui en cause d'appel.

La SAS NC Numéricable, qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Constate que la SAS NC Numéricable ne relève pas appel du jugement sur la nullité de la transaction, la restitution de la somme convenue et la condamnation au versement de frais professionnels,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement était nul, en ce qu'il a condamné SAS NC Numéricable à verser les indemnités de rupture et la somme de 400 euros à la partie appelante en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS NC Numéricable à verser à la partie appelante les sommes suivantes :

- 38 152,56 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 1165,67 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied outre les congés payés afférents,

- 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS NC Numéricable aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/08621
Date de la décision : 01/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/08621 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-01;13.08621 ?
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