Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 26 MAI 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/26016
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 18 Novembre 2014 - RG n° 2012027866
APPELANTE
SAS LE CLUB FRANCAIS DU LIVRE
immatriculée au RCS de PARIS sous le n°672 019 809
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0049
ayant pour avocat plaidant Me Georges JOURDE, de la SCP VEIl-JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06
INTIMÉE
SAS LBO FRANCE GESTION
immatriculée au RCS de PARIS sous le n°418 354 502
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
ayant pour avocat plaidant Me Christophe AYELA, de l'AARPI SZPINER-TOBY-AYELA-SEMERDJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R049
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président et Madame Christine ROSSI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président
Madame Christine ROSSI, Conseillère
Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre Chambre afin de compléter la Cour
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Michèle PICARD, Conseillère, dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT
MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, conseillère faisant fonction de président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.
*
La société LBO France Gestion est une société de gestion de portefeuilles agréée par l'AMF.
M. [P] est un de ses associés fondateurs, il est actionnaire majoritaire et président du Club Français du Livre, lequel détenait 25% du capital de LBO France Gestion et des participations dans divers fonds gérés par celle-ci.
Le 17 octobre 2000 un plan de sortie de Club Français du Livre et de Monsieur [P] du capital de LBO France Gestion était négocié entre les parties. Cet accord comportait des dispositions à effet immédiat telle que le rachat par LBO France Gestion de la participation de Club Français du Livre ainsi que diverses dispositions sur la durée desquelles les parties s'opposent à ce jour.
L'Accord prévoit notamment que 'en tant qu'associé fondateur, toi-même (M. [P]) comme le Club Français du Livre, pour autant qu'il soit contrôlé directement ou indirectement par la famille [P] et que tu en soit personnellement actionnaire bénéficierez des mêmes conditions d'investissement que nous dans les fonds que nous gérons, au regard des charges occasionnées par le 'carried interest' et les 'management fees'....'.
LBO France Gestion considérant qu'il ne résulte de la rédaction de cet accord aucun terme précis ni déterminable, en conclut qu'il s'agit d'un engagement à durée indéterminée résiliable à tout moment. Aussi LBO France Gestion y mettait fin le 4 juillet 2011. Monsieur [P] et Club Français du Livre devenaient donc des investisseurs traités comme les autres.
M. [P] et Club Français du Livre contestant cette décision et estimant que l'accord doit être analysé comme une convention à durée déterminable, que la rupture de LBO France Gestion est fautive, cette rupture étant à l'origine d'un préjudice trouvant sa source dans le fait qu'ils ne bénéficient plus de conditions d'investissement privilégiées, ont assigné LBO France Gestion devant le tribunal de commerce de Paris.
Dans son jugement rendu le 18 novembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevable l'intervention de la société Arno Capital, recevable l'intervention de monsieur [P], a débouté la SAS Club Français du Livre et Monsieur [P] de leurs demandes, a débouté LBO France Gestion de sa demande reconventionnelle et a condamné la Sas Club Français du Livre à payer à LBO la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a considéré qu'aucun terme ni déterminé ni déterminable ne résultait de la rédaction de l'article 8 de la convention et que celle ci devait donc s'analyser comme un engagement à durée indéterminé.
La Sas Club Français du Livre a interjeté appel de cette décision le 21 décembre 2014.
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Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 7 janvier 2016, la Sas Club Français du Livre demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 novembre 2014 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- Condamner la société LBO France Gestion à payer à la société Le Club Français du Livre la somme de 9,6 millions d'euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- Condamner la société LBO France Gestion à payer à la société Le Club Français du Livre la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hinoux avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile
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Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 septembre 2015 la société LBO France Gestion demande à la cour d'appel de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Constater que les stipulations des articles 7 et 8 de l'Accord ne contiennent aucune limitation de durée ;
- Constater que les autres stipulations de l'Accord ont été exécutées ou sont devenues sans objet ;
- Constater dès lors que l'Accord conclu le 17 octobre 2000 est à durée indéterminée ;
-Constater que LBO France Gestion dispose d'une faculté de résiliation unilatérale ;
- Constater que LBO France a exercé son droit de résiliation unilatérale de manière non abusive;
En conséquence,
- Juger l'absence de résiliation fautive imputable à LBO France Gestion de l'Accord en date du 17 octobre 2000 ;
- Débouter le Club Français du Livre de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre incident,
- Déclarer abusive l'action du Club Français du Livre à l'encontre de LBO France Gestion ;
- Condamner le Club Français du Livre à verser une somme de 100.000 euros à LBO France Gestion à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
A titre subsidiaire,
- Constater que le Club Français du Livre ne subit aucun préjudice certain ;
- Déclarer irrecevable les demandes formulées par le Club Français du Livre au titre du prétendu préjudice subi par Monsieur [P] et la société ARNO Capital ;
En conséquence,
- Débouter de plus fort le Club Français du Livre de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre plus subsidiaire si par extraordinaire la cour venait à dire fautive la résiliation de l'article 8 de la convention,
- Sur signification de l'arrêt à intervenir, donner acte à la société LBO France Gestion de ce qu'elle se réserve d'exécuter l'arrêt ou de réintégrer la société Club Français du Livre dans ses privilèges de l'article 8 de l'accord du 17 octobre 2000 et dire en ce cas sans effet la résiliation signifiée par LBO France Gestion le 4 juillet 2011 .
En tout état de cause,
- Condamner le Club Français du Livre à verser à la société LBO France Gestion la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
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L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2016.
SUR CE
Le Club Français du livre fait valoir que les engagements pris par LBO au profit de Monsieur [P] et du Club Français du Livre sont des engagements à durée déterminée. Ils ne pouvaient donc faire l'objet d'une résiliation car toute convention à durée déterminée doit être exécutée jusqu'à son terme. Il en résulte que la résiliation notifiée le 4 juillet 2011 est fautive et que Le Club Français du Livre et Monsieur [L] [P] doivent donc être indemnisés du préjudice qu'ils ont subi de ce fait.
Ils soutiennent que les engagements souscrits ont tous pour terme un événement de réalisation objectivement certaine ' le décès de Monsieur [L] [P] puisque les engagements souscrits l'ont été en sa qualité d'associé fondateur de LBO et en sa qualité d'actionnaire de Club Français du Livre ' LBO France ne disposant d'aucune faculté de résiliation unilatérale. Dès lors la convention aurait due être exécutée jusqu'au terme convenu.
Ils ajoutent que les conditions préférentielles d'investissement octroyées au Club Français du Livre et à Monsieur [P] étaient la contrepartie d'obligations souscrites par eux le même jour, soit un investissement ou le maintien d'un investissement d'une somme minimale de 20 millions d'euros.
La société LBO soulève l'irrecevabilité des demandes formées pour le compte de la société Arno Capital et de Monsieur [P].
Elle fait valoir que l'accord ne contient aucune limitation de durée et constitue donc un contrat à durée indéterminée. Aucune clause ne prévoit expressément des droits que ce soit pour Club Français du Livre ou pour Monsieur [P] liés à la durée de vie de Monsieur [P], la qualité d'actionnaire de ce dernier ne pouvant être assimilé à sa durée de vie.
La cour note en premier lieu que la société Club Français du Livre ne forme dans le dispositif de ses conclusions aucune demande au nom de monsieur [P] ou de la société Arno Capital. La demande d'irrecevabilité est donc sans objet.
La cour rappelle que les contrats à durée déterminé sont ceux qui ont une limite temporelle fixée par la loi ou les parties et au delà de laquelle la relation contractuelle cesse.
Un contrat est à durée indéterminée lorsqu'il n'existe aucun terme et qui continuera à être exécuté tant qu'une partie n'y mettra pas fin. Les engagements perpétuels sont prohibés, principe auquel il a été donné valeur constitutionnelle sur le fondement de l'article 4 de la Constitution. Chacune des parties peut donc mettre fin au contrat à la condition de respecter éventuellement des préavis.
En l'espèce l'article 8 de la convention stipule que 'En tant qu'associé fondateur, toi-même comme le Club Français du Livre, pour autant qu'il soit contrôlé directement ou indirectement par la famille [P] et que tu en soit personnellement actionnaire, bénéficierez des mêmes conditions d'investissement que nous dans les fonds que nous gérons...'
La cour constate que les termes de cet accord ne mentionnent aucune limitation de durée et ne comportent aucun terme déterminé ou déterminable. Il n'y est notamment pas indiqué que l'engagement serait lié à la durée de vie de monsieur [P] et continuerait à produire ses effets jusqu'à son décès. La perte de qualité d'actionnaire ne constituant pas un terme extinctif mais une condition de validité de l'engagement, il convient de confirmer le jugement entrepris en jugeant que la résiliation de l'accord du 17 octobre 2000 notifiée par LBO le 4 juillet 2011 est valide.
Sur la procédure abusive
La société LBO France Gestion sollicite le paiement de la somme de 100.000 eurods à titre de dommages et intérêts estimant que cette procédure est abusive.
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. En l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelante n'est pas suffisamment caractérisé. La demande sera donc rejetée
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La société LBO France Gestion sollicite le paiement de la somme de 50.000 euros à ce titre.
Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 10.000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 novembre 2014,
Déboute la société LBO France Gestion de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la société Club Français du Livre à payer à la société LBO France Gestion la somme de 10.000 euros surle fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Club Français du Livre aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Pauline ROBERT Michèle PICARD