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25/05/2016 | FRANCE | N°13/08099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 25 mai 2016, 13/08099


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 25 Mai 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08099



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN section RG n° 11/00611







APPELANTE

Madame [M] [F] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me

Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953







INTIMEE

SA CIC EST

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG






...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 25 Mai 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08099

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN section RG n° 11/00611

APPELANTE

Madame [M] [F] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

INTIMEE

SA CIC EST

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [M] [F] épouse [Y] a été engagée par la SNVB aux droits de la quelle vient la société CIC EST par contrat à durée indéteminée à effet au 3 novembre 1992 en qualité de chargée de clientèle classe IV-3ème échelon, coefficient 610 et a été titularisée le 1er novembre 1993.

Elle a accèdé au statut de cadre le 1er août 1994, classe V-1er échelon.

A compter du 2 juillet 1996, elle est passée chargée d'affaires professionnels et responsable de l'agence de [Localité 3].

Le 28 mai 2004 elle est nommée directrice de cette agence, poste qu'elle occupera jusqu'à son licenciement pour inaptitude le 27 octobre 2011.

Le 7 septembre 2011 elle a saisi le conseil de prudhommes de MELUN d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

Par jugement du 2 juillet 2013, auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de MELUN a débouté Madame [M] [F] épouse [Y] de l'ensemble de ses demandes.

Madame [M] [F] épouse [Y] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 29 mars 2016. Les parties ont soutenu oralement leurs conclusions visées ce jour par le greffier.

Madame [M] [F] épouse [Y] soutient que son employeur a commis des fautes graves dans l'exécution de la relation contractuelle et lui a appliqué un traitement discriminatoire à raison de son état de santé; qu'en conséquence sa demande de résiliation judiciaire est recevable et fondée et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.Elle rajoute, à titre subsidiaire, que le défaut de visite médicale de reprise à la suite de son arrêt maternité puis de son arrêt maladie, est à l'origine de son inaptitude de sorte qu'est sans cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur ce motif.

Elle demande en conséquence à la cour de condamner la société CIC EST à lui payer les montants suivants:

*150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non respect de l'obligation de sécurité

*15 000 euros pour traitement discriminatoire

*9 131,07 d'indemnité compensatrice de préavis,

*913,11 euros au titre des congés payés afférents,

*1 478,65 euros à titre de rappels de salaire sur retenues injustifiées,

*147,86 euros à titre de congés payés afférents,

*2 824,99 euros à titre de rappel de salaire sur dépassement du forfait de 203 jours annuels,

*282,25 euros de congés payés afférents,

*3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse la société CIC EST fait valoir que la demande de résiliation judiciaire n'est pas fondée et que le licenciement, pour inaptitude constatée par le médecin du travail et impossiblité de reclasser Madame [M] [F] épouse [Y], repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, elle conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement du conseil de prud'hommes de MELUN et au débouté de Madame [M] [F] épouse [Y] de l'ensemble de ses demandes.

La société CIC EST réclame en outre une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque.

En dernier lieu Madame [M] [F] épouse [Y] occupait le poste de directrice d'agence de DAMMRIE-LES-LYS, classée cadre H et percevait une rémunération mensuelle de 3 043,69 euros bruts.

La société CIC EST occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Il est référé pour de plus amples exposés des prétentions et demandes des parties aux conclusions des parties déposées et visées ce jour.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience

1) Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce Madame [M] [F] épouse [Y] a été licenciée le 27 octobre 2011 après avoir préalablement saisi le 7 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de MELUN d'une demande de résiliation judiciaire de sorte qu'il appartient à la cour d'apprécier si les manquements repochés par la salariée sont suffisament établis et graves pour justifier la rupture du contrat aux torts de l'employeur et donc pour fonder sa demande en résiliation judiciaire.

Madame [M] [F] épouse [Y] évoque au soutien de sa demande:

-le non respect des règles de sécurité,

-l'absence de progression salariale,

-le harcèlement moral.

Sur le non respect des règles de sécurité

Madame [M] [F] épouse [Y] reproche à son employeur, soit de ne pas avoir organisé les visites de reprise, les 24 mai 2002 à l'issue du congé maternité et 30 juin 2008, à l'issue d'un arrêt maladie supérieur à 21 jours, ni les visites annuelles en 2005, 2009 et 2010, soit de les avoir organisées avec retard de 6 mois s'agissant des visites périodiques de 2006 et 2008 et avec retard s'agissant de la visite après l'inaptitude prononcée par la caisse primaire d'assurance maladie le 1er juillet 2011 puisque la banque, avertie dès le 22 juin, n'a pris rendez-vous avec la médecine du travail que le 5 juillet de sorte que la visite n'a pû être passée que le 8 août.

Elle estime que ce comportement a eu pour effet de ne permettre qu'un suivi erratique de son état de santé au travail et est en lien de causalité avec la dégradation de celui-ci et son inaptitude.

La SA CIC EST répond que les griefs formulés pour la première fois en 2011 sont relatifs à des faits remontant pour les premiers à près de 10 ans auparavant et qu'il ne s'agit que d'un prétexte d'une salariée cherchant sur tous les fronts à obtenir une indemnisation de la part de la société ;

' que s'agissant de l'absence de visite de reprise après le congé maternité du 28 août 2001 au 1er juin 2012, les faits sont trop anciens pour que la société soit en mesure d'infirmer la réalité des dires de la salariée,

' que la salariée qui a contracté une sclérose en plaques, a été déclarée apte à la reprise de son travail à compter du 13 février 2003 après un arrêt maladie du 30 juillet 2002 au 12 février 2003,

'qu'elle a ensuite été absente du 30 juin 2005 au 31 juillet 2005 pour syndrome dépressif réactionnel en rapport avec cette sclérose en plaques et qu'à la fin de son arrêt de travail le 2 août 2005, le médecin de travail l'a déclarée apte à reprendre son poste,

' qu'elle a été hospitalisée en raison de sa maladie du 30 mai 2008 au 30 juin 2008 et a été vue par la médecine du travail au cours de l'année 2008 et a encore été déclarée apte,

' qu'elle a été en arrêt maladie du 9 avril 2010 jusqu'au 30 juin 2011 et que dès le 5 juillet 2011 la société l'a mise en contact avec la médecine du travail afin d'organiser une visite de reprise qui n'a pu avoir lieu que le 8 août 2011,

' qu'il apparaît ainsi qu'en dépit des multiples arrêts maladie de la salariée depuis 2002, celle-ci se fonde sur deux arrêts pour lesquels une visite de reprise n'aurait pas été organisée pour soutenir avec une parfaite mauvaise foi que la résiliation judiciaire de son contrat de travail en septembre 2011 serait justifiée.

Un ensemble d'actions et moyens des membres des équipes pluridisciplinaires du travail prévu aux articles L4624 '1 et R4624 ' 1 et suivants du codu travail, permet au médecin de santé au travail, saisi dans différents cadres et sur le fondement de l'article L4624 '1, d'être toujours habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutation et transformations de postes, justifiées par des considérations notamment relatives à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que l'employeur est tenu de prendre en considération sauf, en cas de refus, à faire connaître ses motifs. En cas de difficultés ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peuvent exercer un recours devant l'inspecteur du travail qui prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

Ainsi, dans le cadre du dispositif légal et au cours de l'exécution contactuelle Madame [M] [F] épouse [Y], reconnue travailleur handicapé pour une sclérose en plaques en juillet 2002, et classée en invalidité 2ème catégorie par décision de la caisse primaire d'assurance-maladie, devait bénéficier :

' de visites médicales périodiques, au moins tous les 24 mois (R4624-16),

' d'une surveillance médicale renforcée en raison de son handicap dont le médecin du travail était juge des modalités, selon une période n'excédant pas 24 mois (R 4624 ' 19 ). A ce titre, seul l'examen médical du mois de décembre 2008 préconise une durée raccourcie de la visite périodique à un an,

' de visites médicales à sa demande à tout moment (R4624-17),

' de visites de reprise, à l'issue de ses arrêts de plus de 21 jours et à son retour de congé maternité,

-d'une visite médicale de reprise réalisée dans les conditions de l'article R4624 ' 31 du code du travail à la suite de son classement en invalidité 2e catégorie et organisée sans délai à l'initiative de l'employeur dès lors que le salarié l'a informé de son classement sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail.

Le tableau récapitulatif des arrêts maladie depuis l'embauche de Madame [M] [F] épouse [Y] en octobre 1993 jusqu'à l'arrêt discontinu courant du 10 avril 2010 à son licenciement et son dossier médical contenant la date et la nature des visites médicales, démontrent de la réalité de certains manquements relevés par Madame [M] [F] épouse [Y] au regard des règles précitées soit:

-une absence de visite de reprise au retour du congé maternité de Madame [M] [F] épouse [Y] le 24 mai 2002,

' une absence de visite de reprise après un arrêt maladie de plus de 21 jours le 1er août 2008,

-une absence de visite périodique dans un délai supérieur à 24 mois courant du 18 novembre 2004 au 14 juin 2007,

-un retard de 4 mois courant de décembre 2009 au mois d'avril 2010 en violation avec les préconisation du médecin du travail dans le certificat médical du décembre 2008 qui a noté 'à revoir en décembre 2009'.

Ces manquements fondent une demande en résiliation judiciaire du contrat lorsqu'ils s'avérennt suffisament graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle ce qui suppose de prendre en compte l'ensemble du dossier médical de la salariée et d'apprécier les conséquences des violations constatées au regard du suivi médical dont elle a été privée et des conséquences sur son état de santé.

A ce titre la salariée ne justifie d'aucun lien de causalité sérieux entre sa demande de résiliation judiciaire et l'absence de visite de reprise après le congé maternité en ce que celui-ci remonte à près de 10 ans soit au mois de mai 2002, qu'une visite périodique a été organisée dès le 27 juin 2002 soit à peine un mois après son retour qui l'a déclarée apte, et en ce qu'il a été suivi par de nombreuses autres visites médicales concluant à son aptitude à son poste au cours des années postérieures.

La même conclusion s'impose quant à l'absence de visite de reprise le 1er août 2008 alors qu'elle a bénéficié d'une visite médicale périodique en juin 2007 puis en décembre 2008 au cours desquelles son aptitude a été constatée et qu'elle n'évoque pas un préjudice particulier né de cette absence pouvant fonder un manquement suffisament grave de l'employeur pour justifier sa demande de résiliation en septembre 2011.

Un retard de 4 mois est ensuite constaté dans l'organisation de la visite médicale à délai rapproché au mois de décembre 2009, préconisée par le médecin du travail dans son avis d'aptitude du mois de décembre 2008.

Il est observé que ce manquement se rajoute à ceux déjà observés et analysés et que des faits répétés fautifs de même nature sont ainsi à juste titre reprochés à l'employeur par la salariée mais surtout que le contexte est différent en ce que, contrairement aux manquements précédents, cette absence de suivi des préconisations du médecin du travail n'a pas été couverte par un avis d'aptitude postérieur puisque l'état de santé de la salariée ne lui a plus permis de réintégrer son poste à compter de l'arrêt du 14 avril 2009.

Aussi l'absence de l'existence d'un lien de causalité observée précédemment, entre le défaut de suivi médical ayant privé la salariée des préconisation du médecin du travail et l'arrêt maladie, ne peut plus être exclue de manière certaine.

En outre le classement en catégorie invalidité B dès l'année 2003 de Madame [M] [F] épouse [Y], pour une sclérose en plaque, créait des risques particuliers que l'employeur n'ignorait pas et énoncés clairement dès le certificat médical du mois de mai 2005 du docteur [P], médecin traitant de Madame [M] [F] épouse [Y] la déclarant apte à travailler à temps plein dans un contexte normal et rajoutant 'que par contre un surcroît de travail entraîne des phénomènes résurgeants de sa maladie et donc une détérioration de son état de santé'.

Or même si certaines difficultés sont imputées par Mme [W] dans un écrit à son employeur du 2 mai 2006 à Madame [M] [F] épouse [Y] en demandant sa mutation 'parceque les conditions de travail ne sont plus possibles (harcèlement moral de Madame [M] [F] épouse [Y])' , la réalité de difficultés particulières de sous effectifs et d'ambiance au cours des années 2005 et 2006 existaient et sont particulièrement développées par des attestations de salariés de l'entreprise dont Mme [O] [Y] embauchée en septembre 2005 et affectée à l'agence de DAMMARIE qui a démissionné en août 2006 'parce qu'elle n'avait plus le courage d'affronter tout cela ', Madame [H] qui décrit que lors de son arrivée le 3 août 2005 elle a constaté ' un manque cruel de personnel qui joue sur le moral et le physique des membres de l'équipe qui restent : stress quant aux résultats, agenda surbooking .. Dans cette situation le stress et la fatigue ne pourront qu'augmenter, la motivation baissait, les arrêts de travail à prévoir', Monsieur [Q] [K], délégué syndical qui expose qu'il a dû intervenir à plusieurs reprises lors de réunions syndicales sur les conditions de travail de plusieurs points de vente et bureau dont celui du nouveau responsable hiérarchique depuis 2005 de Madame [M] [F] épouse [Y], Monsieur [E] qui a suscité une pétition contre les conditions détestables de management dans son précédent poste et qui sont longuement décrites dans son attestation par madame [I] [G].

Dans ce contexte une réunion du 17 mai 2006 avec le responsable du marché grand public de la direction régionale, le directeur de la coopération et le chargé d'affaires professionnelles, afin de faire le point sur la situation et les mesures à prendre pour alléger les tâches de Madame [M] [F] épouse [Y], a été organisée et même si il estime que, 'seules des petites mesurettes ont été prises', Monsieur [K], délégué syndical, atteste que ces mesures ont quand même permis 'à Madame [M] [F] épouse [Y] de respirer quelques mois'.
Or si , ainsi que le soutient l'employeur, les problèmes rencontrés à cette période ont été partiellement règlés, il ressort néanmoins des pièces du dossier que la période courant de la dernière visite médicale de décembre 2008 jusqu'au départ de Madame [M] [F] épouse [Y], était à nouveau particulièrement stressante pour celle-ci.

En effet la lecture de quelques mails et des propositions de mutation démontrent que courant 2008-2009 la direction souhaitait que Madame [M] [F] épouse [Y], dans le même poste depuis plus de 14 ans, évolue vers d'autres horizons afin de lui redonner des éléments de motivation et qu'en conséquence il devenait urgent qu'une solution de sortie de poste soit envisagée. Or si cette volonté de la direction est légitime, correspond à un usage constant dans la banque et est conforme à sa stratégie commerciale et de développement, et si la proposition de mutation à l'agence de [Localité 4], située près du domicile de Madame [M] [F] épouse [Y] avec une augmentation salariale, réitérée à 2 reprises, en décembre 2008 et avril 2009, n'apparait pas abusive, l'employeur ne pouvait pas ignorer que ses demandes renouvellées avaient occasionné un stress particulier à la salariée qui a refusé celles-ci a deux reprises en développant longuement avec des motifs pertinents notamment 'que son handicap ne me permet plus d'assumer une mission quasi exclusivement commerciale, particulièrement basée sur la prospection, exercice difficile entre tous ; qu'il est évident que cette mission sera plus lourde au point de vue motricité que celles occupées actuellement... Je ne peux donc que vous répétez mes inquiétudes quant à ma capacité à assumer une telle mission, ainsi que ses conséquences éventuelles sur mon état de santé '.

En outre Madame [X] [E], chargée de clientèle particulier au CIC de DAMMARIE LES LYS à compter du mois de novembre 2007 et donc postérieurement à la période compliquée de 2005-2006 précitée, atteste que les relations étaient tendues entre autres Madame [M] [F] épouse [Y] et Monsieur [E] 'lors d'une réunion au cours de l'été 2009, alors qu'elle arrivait en retard en s'excusant et expliquant qu'elle avait dû attendre qu'une place handicapée se libére, celui-ci n'avait pu s'empêcher d'être désagréable envers elle devant les collaborateurs de l'agence et à forte voix..... En mars 2010 il a refusé de décaler une date de réunion contre l'avis de Madame [M] [F] épouse [Y] qui ne pouvait s'y rendre ..'.

Elle atteste surtout du mauvais climat qui régnait à l'agence en février 2010 et qui ressort de la lecture des mails échangés début février 2010 entre des membres de la direction du CIC EST.

Ainsi Monsieur [C] [J] écrit le 19 février 'notre assistante sociale vient de m'appeler car elle s'est rendue hier à DAMMARIE et comme [M] [F] était absente, elle a pu parler librement avec les collaborateurs qui lui ont fait part de leur ressentiment contre elle, qui les harcèle et fait régner un climat délétère... J'ai appris également avec beaucoup d'étonnement que tant Madame [D] que Madame [Q] étaient locataires de Madame [M] [F] épouse [Y]'.

Monsieur [T] [E] lui répond le 20 février 2010 'peut-elle louer ainsi ses appartements à ses collaborateurs sans nous en avertir '. Au-delà de prévoir le swap Melun-Dammarie après votre rencontre avec Monsieur [D], il faudra la convoquer pour un entretien remonté '.

Cet entretien aura lieu au cours d'une réunion du 1er avril 2010 portant sur l'étude marketing menée sur le secteur, l'implantation du crédit mutuel, la location d'appartements dont elle est propriétaire et l'information sur le harcèlement moral pratiqué dans son agence.

Le responsable des ressources humaines, [H] [J], en fait un résumé par mail du 8 avril 2010 à ses supérieurs hiérarchiques duquel il ressort que Madame [M] [F] épouse [Y], estimait infondée et incompréhensible, les critiques de sa direction quant à ses méthodes managériales présentes et passées qui pouvaient engager sa responsabilité et dont l'employeur devait être amené à tirer les conséquences.

De la lecture du mail de Monsieur [T] qui transmet en copie le précédent à d'autres interlocuteurs de la hiérarchie du CIC, il ressort clairement qu'à cette occasion, la salariée a été malmenée et accusée sur tous les fronts, déontologiques (location de ses appartements à ses collaborateurs), managériales (au-delà d'avoir posé le cadre, la définition, la responsabilité de l'employeur et les risques encourus par l'auteur des faits dans un cas de harcèlement moral, aucune remise en cause de Madame [M] [F] épouse [Y] pendant les 20 minutes portant sur cette partie... ), marketing (constat de la non exploitation chronique de son secteur), mais a contesté ceux ci points par points sans qu'à ce jour l'employeur n'apporte la preuve du bien-fondé de ces accusations virulentes envers une salariée qui dès cet entretien n'a jamais manifesté la moindre conscience ni reconnaissance des faits reprochés.

Quelques jours après Madame [M] [F] épouse [Y] sera mise en arrêt maladie de manière discontinue pour 'syndrome anxio dépressif réactionnel-SEP traitée mais mal équilibrée', jusqu'à son avis d'inaptitude définitif à son poste de directrice d'agence et à tout poste dans l'entreprise, après une seule visite en raison du caractère de danger immédiat du maintien à son poste retenu par le médecin du travail.

Il apparaît ainsi très clairement que depuis plusieurs années Madame [M] [F] épouse [Y] rencontrait des difficultés d'organisation, de sous effectifs chroniques et de positionnement dans son agence que n'ignoraient pas l'employeur induisant un état de stress facteur aggravant de sa maladie.

Dans ce cadre il appartenait à l'employeur tout au moins de s'assurer que le suivi médical de cette salariée était particulièrement respecté ce qui lui imposait de suivre les préconisations du médecin du travail et en dernier lieu celles visant à l'organisation de la visite médicale périodique avant la date de décembre 2009.

A défaut considérant cette défaillance, considérant les conditions particulièrement stressantes de l'exercice par Madame [M] [F] épouse [Y] de ses fonctions et encore plus particulièrement au début de l'année 2010 et lors de l'entretien du 1er avril 2010 après lequel elle a été en arrêt maladie de manière discontinue, il apparait que le manquement de l'employeur est suffisamment grave pour fonder sa demande en résiliation judiciaire.

2) Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Madame [M] [F] épouse [Y] pose que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclame à ce titre une indemnité de 150 000 euros sur la base d'un salaire mensuel moyen de 3 043,69 euros.

Elle développe qu'elle est âgée de 47 ans et ne peut plus travailler alors que sans les agissements répréhensibles de son employeur elle serait toujours en poste; que son préjudice professionnel est considérable, qu'elle occupait un poste de cadre intermédiaire d'une grande entreprise au sein de laquelle elle aurait pû gravir de nombreux échelons; qu'en résultent un fort préjudice matériel outre un préjudice moral notamment en raison des conditions dans lesquelles elle a dû quitter son lieu de travail après la réunion du 1er avril 2010, pour ne plus y retourner.

La SA CIC ESTI répond qu'outre que le licenciement de la salariée repose bien sur une cause réelle et sérieuse, la salariée ne justifie d'aucun préjudice particulier qui permettrait, sans justifier même de sa situation professionnelle actuelle, de lui accorder une indemnité correspondant à plus de 4 ans de salaire et conclut en conséquence au débouté de Madame [M] [F] épouse [Y] de ses prétentions.

Considérant alors notamment le salaire moyen de la salariée, son ancienneté, les circonstances particulières de la rupture du contrat et le préjudice moral en résultant particulièrement s'agissant d'une salariée qui malgré sa maladie a démontré qu'elle a cherché à se battre dans le monde du travail pour garder sa place et s'est vue opposer des reproches dont le caractère fondé n'est pas établi, considérant que le dossier ne porte pas trace de ses recherches d'emploi ni de sa situation actuelle, que son atteinte d'une sclérose en plaque en 2002, sans lien avec l'exécution de son contrat de travail est établi ainsi que l'attribution d'un titre de pension d'invalidité du 14 juin 2011 réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail et justifiant son placement dans la catégorie lui ouvrant droit au paiement d'une pension à compter du 1er juillet 2011, la cour trouve les éléments pour fixer l'indemnité réparant le préjudice matériel et moral résultant du licenciement à la somme de 80 000 euros.

-Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Madame [M] [F] épouse [Y] réclame une indemnité de préavis de 9 131,10 euros outre 913,11 euros au titre de l'indemnité de congés payées afférentes, sur la base d'une durée de préavis du personnel classé cadre dont elle dépend, de 3 mois.

La SA CIC ESTI répond que sauf dispositions conventionnelles plus favorables, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice et qu'en l'espèce l'inaptitude de Madame [M] [F] épouse [Y] l'a placée dans l'impossibilité d'exécuter celui-ci de sorte qu'elle doit être déboutée de ses prétentions à ce titre.

Mais un salarié privé de l'exécution de son préavis en raison des agissements de son employeur peut prétendre au paiement de celui-ci.

Considérant alors la classification de cadre profitant Madame [M] [F] épouse [Y] et les dispositions conventionnelles de la convention collective de la banque offrant à celle-ci le bénéfice d'un préavis de 3 mois et considérant son salaire moyen de 3 043,69 euros, il est fait droit à sa demande de condamnation de la société à lui verser les montants réclamés.

3) Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

-Sur l'absence de progression salariale

Madame [M] [F] épouse [Y] sollicite un montant de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination salariale dont elle a fait l'objet notamment en raison de son état de santé et matérialisée par un niveau de salaire inférieur à l'ensemble des responsables occupant un poste équivalent.

Elle explique que si en novembre 1997, alors qu'elle occupait le poste de chef d'agence, elle percevait un salaire mensuel brut de 1 786,39 euros et en avril 2010 un montant de 2 986,94 euros, cette augmentation substantielle ne saurait cacher que la progression de son salaire a été nettement freinée à compter de l'annonce de sa maladie et des incidents discriminatoires qu'elle reproche à Monsieur [E]; qu'ainsi une analyse plus fine permet de constater que :

- en 2000 elle percevait 28 812 euros bruts

-en 2005, 36 441 euros bruts soit une augmentation annuelle moyenne de 1 525 euros.

-en 2010, une somme de 39 640 euros soit une augmentation annuelle moyenne de 799 euros de presque moitié de la période précédente et constituée des seules mesures annuelles générales, alors qu'en sa qualité de directrice d'agence elle percevait une prime plafonnée selon l'effectif de l'agence et que donc son salaire ne dépendait pas d'une performance qui aurait été moindre.

La SA CIC EST conteste tout discrimination et explique que l'évolution salariale dont a bénéficié la salariée a été calculée d'une part sur la base d'une rémunération fixe en fonction d'un nombre de points acquis selon les règles conventionnelles sur 15 mois et d'autre part sur une partie variable, calculée en fonction des résultats de l'entreprise mais également des performances individuelles en sa qualité de directrice d'agence.

Le contrat de travail de Madame [M] [F] épouse [Y] conclu le 13 octobre 1992 prévoit qu'elle sera rémunérée en année pleine par :

' un traitement annuel brut calculé en fonction d'un total de 712 points répartis selon les règles conventionnelles sur 15 mois,

' une prime de bilan mobile versé au premier trimestre de chaque année et fonction des résultats de l'entreprise et des performances de l'intéressée au cours de l'année précédente.

Le 21 décembre 1995, Madame [M] [F] épouse [Y] a donné son accord pour le poste de CCPRO-Responsable du bureau de [Localité 3] sur la base des propositions remises le 14 décembre dernier soit la garantie du commissionnement commercial, garantie sur la moyenne des 2 dernières exercice et à raison de 100 % la première année, 75 % la 2ème année

Aucune anomalie ne résulte de la seule constatation par la salariée que son évolution salariale générale a été plus importante entre 2000 et 2005 qu'entre 2005 et 2010, dans la mesure où l'augmentation de la partie fixe dépend d'une valeur d'un point et donc de la politique générale de l'entreprise, et où d'autre part les éléments contractuels précités, et contrairement à ses allégations, démontrent qu'elle est soumise à une part variable qui dépend de son activité déployée.

S'agissant de la partie fixe, l'historique de l'évolution de la rémunération fixe de Madame [M] [F] épouse [Y] produit par l'employeur, de 1999 à son licenciement en 2011, démontre d'une part que la société a procédé à une augmentation de son salaire régulièrement chaque année sans ralentissement particulier après la déclaration de maladie de la salariée et conforme à 'l'augmentation générale' ou à 'incorporation des variables', décidée à compter de l'année 2009.

Il démontre d'autre part que des pics d'augmentations de la partie fixe apparaissent postérieurement à la déclaration de sa maladie de sclérose en plaques le 30 juillet 2012 et du premier arrêt maladie de Madame [M] [F] épouse [Y] pour ce motif de 194 jours jusqu'au 13 février 2012.

Ainsi notamment une augmentation de 4,59 % le 18 juillet 2003 et une autre de 3,87 %'mobilité géographique fonctionnelle' le 1er janvier 2004.

Ultérieurement dans la mesure ou la salariée est restée dans la même agence dans laquelle elle a été affectée dès 1996 et a notamment refusé des propositions de mutation en 2008 et 2009 au sein de l'agence de [Localité 4] avec une augmentation salariale, l'absence d'augmentation liée à une mobilité géographique fonctionnelle n'apparaît pas en lien avec une discrimination liée à l'état de santé d'un salarié mais comme étant le résultat d'un maintien dans la même agence depuis l'année 1996.

S'agissant de la partie variable, Madame [M] [F] épouse [Y] soutient à tort que son salaire ne dépendait pas de ses performances personnelles puisque tant son contrat de travail initial, que l'avenant du 21 décembre 1995 ou la proposition de mutation du 30 décembre 2008 y font référence. Ce dont il résulte que des variations interviennent forcément ce dont atteste l'historique de la rémunération variable qui passe notamment de 1 919 euros en 2009 à 810 euros en 2010 sur la base

Finalement Madame [M] [F] épouse [Y], qui a toujours exercé dans la même agence et a refusé à deux reprises une proposition d'évolution salariale liée à une mutation en 2008 et 2009 au sein de l'agence de [Localité 4] proche de son domicile, a été augmentée de plus de 30 % en 10 ans puisqu'elle était rémunérée 28 812 euros bruts en 2000 et 39 640 euros en 2010 sans qu'aucun lien de causalité entre cette évolution salariale et son état de santé ne soit établi.

En conséquence elle est déboutée de sa demande en réparation du préjudice résultant d'une discrimination salariale.

-Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que son comportement est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce Madame [M] [F] épouse [Y] fait valoir que la société n'a jamais procédé à un entretien individuel entre son retour de congé maternité à l'année 2009, date de son refus de mutation; qu'à compter de la fin de l'année 2008 la direction a tenté par tous les moyens de lui imposer une mutation; que ses fonctions ont été vidées de leur contenu à compter de 2005 sous couvert de la décharger pour partie et qu'aucun moyen ne sera mis à sa disposition pour assurer sereinement la gestion de l'agence en matière d'effectifs; que dès l'arrivées de Monsieur [E] elle devra systématiquement lui en référer et qu'il n'aura de cesse d'exercer une pression sur elle comme il en avait l'habitude à l'égard des collaboratrices des agences où il a été affecté; que plus particulièrement lors d'une réunion tenue le 1er avril 2010, ses responsables ont tenté d'obtenir sa démission en lui répercutant une fausse information relative à une plainte de harcèlement moral à son encontre par un salarié de l'agence, formellement démentie par celle-ci; que le harcèlement moral est systématiquement corroboré par des arrêts maladie successifs dont le 30 juin 2005 pour cause de syndrome dépressif réactionnel, et le 31 août 2008 à la suite d'une crise sclérose en plaques survenant en raison de la surcharge de travail continue subie depuis près de 3 ans ; qu'au titre de ce harcèlement moral et des manquements de l'employeur aux obligations de sécurité de résultat en ce qu'il n'a pas appliqué la législation relative aux visites médicales et qu'elle en a payé le prix fort, elle réclame une somme de 30 000 euros.

Madame [M] [F] épouse [Y] a contracté une sclérose en plaques à compter du 30 juillet 2002 et est absente jusqu'au 13 février 2003 pour ce motif. Déclarée apte à la reprise du travail au mois de février 2003, elle conserve son poste puis est promue en juin 2004 directeur d'agence au sein de l'agence qu'elle dirigeait déjà et restera affectée à ce poste jusqu'à son licenciement.

Pour fonder sa demande visant à voir constater l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime elle évoque :

' l'absence de visite de reprise à l'occasion de son retour le 1er août 2008 et de visite périodique en décembre 2009 qui a été analysée précédemment

' ses conditions de travail

' le comportement de Monsieur [E]

' l'absence d'évolution de sa carrière, le défaut d'entretien d'évaluation et les pressions pour obtenir sa mutation ou sa démission

-Sur les conditions de travail

Madame [M] [F] épouse [Y] explique qu'en juin 2004 elle est promue directeur d'agence et doit faire face à une charge de travail fortement accrue, que sa demande de recrutement d'un salarié lui est refusée, qu'au premier semestre 2005, deux salariés sur cinq sont absents pour cause de maternité et ne sont pas remplacées durant plusieurs mois alors que la médecine du travail a émis le 9 juin 2005 un avis 'recommandant l'évaluation de l'activité afin d'éviter tout surmenage', que son médecin traitant rappelle qu'un surcroît de travail entraîne des phénomènes résurgeants de sa maladie et donc une détérioration de son état de santé ; qu'ainsi à compter du 30 juin 2005 elle est en arrêt maladie pour syndrome dépressif réactionnel de 32 jours; que durant l'année 2009, sa charge de travail est toujours très importante ainsi qu'en attestent les fiches synthétiques fournies par la direction qui ne fait rien pour diminuer celle-ci si ce n'est lui proposer à plusieurs reprise une mutation totalement inadaptée et s'analysant en une rétrogradation.

Mais pour étayer ses propos elle ne produit que l'attestation précitée de Madame [B] [H] remontant au mois d'août 2005 qui fait un constat lors de son arrivée au sein de l'agence et celle de Madame [Y] [O], qui témoigne de faits aussi anciens puisqu'elle a démissionné en août 2006.

Et il a été vu précédemment que des mesures ont été prises lors d'une réunion du 17 mai 2006 que reconnait Monsieur [K] [Q] délégué syndical dans son attestation, alors que le 'mauvais climat dans l'agence relevé par Mme [E] [X] en février 2010 dont elle aurait parlé à l'assistante sociale' est sans lien établi avec des faits de harcèlement à des tiers.

-Sur l'absence d'évolution de sa carrière et des pressions exercées pour obtenir sa mutation sa démission

Il résulte de la lecture de quelques mails et des propositions de mutation, que courant 2008-2009 la direction souhaitait que Madame [M] [F] épouse [Y], dans le même poste depuis plus de 14 ans, évolue vers d'autres horizons afin de lui redonner des éléments de motivation et qu'en conséquence il devenait urgent qu'une solution de sortie de poste soit envisagée.

Néanmoins il a été vu précédemment que cette volonté de la direction correspond à un usage constant dans la banque et est conforme à sa stratégie commerciale et de développement et ne constituait pas un fait de harcèlement moral.

Madame [M] [F] épouse [Y] explique alors que bien que théoriquement directeur d'agence, elle se trouvait à compter d'avril 2005 sous la subordination de [H] [E], directeur de coopération des agences de [Établissement 1] et de [Localité 3] et que sa promotion a été de fait vider de son contenu par le retrait de ses attributions professionnelles et de la décision de la banque de transférer les bons clients à l'agence de [Établissement 1].

Mais des décisions d'organisation et de regroupement d'agence ressortent du pouvoir hiérarchique et la salariée n'allègue d'aucun élément qui permettrait de supposer même, que le regroupement d'agence et la mise en place d'un directeur de coopération auquel elle devait référer pour un ensemble de points qu'elle liste, lui ait fait perdre ses fonctions et sa place dans la hiérarchie au regard de la classification dont elle dépendait et constituaient dès lors une rétrogradation ou induisait une modification de ses conditions contractuelles. D'ailleurs la direction fait immédiatement droit à la seule contestation de Madame [M] [F] épouse [Y] de cette autorité et de sa place qui apparaît lors de la suppression du droit d'ouvrir des comptes sans accord préalable de Monsieur [E] courant janvier 2006, en lui gardant cette attribution.

En outre pour soutenir que sa promotion était de fait vider de son contenu, elle évoque que le transfert des bons clients à l'agence de [Établissement 1].

Néanmoins ce transfert a été décidé dans son propre intérêt et pour la décharger dans une période où elle se plaint de sa charge de travail et n'avait aucune conséquence sur les résultats de son agence et donc sur sa part variable puisque face ses inquiétudes et très nettement Monsieur [H] [E] répond 'D'ailleurs face à ses réticences à lâcher certains clients ceux -ci lui resteront attachés '.

-Sur le comportement de Monsieur [E]

Madame [M] [F] épouse [Y] explique que Monsieur [E] coutumier du fait, adopte un comportement inacceptable évoquant sa maladie auprès des clients lors de ses absences.

Elle produit une attestation de Madame [G] [I], qui a travaillé sous l'autorité de Monsieur [E] au sein d'une autre agence de janvier 1997 à avril 2002 qui n'est pas utile au débat en ce qu'elle ne peut témoigner d'aucun fait dont aurait été victime Madame [M] [F] épouse [Y] en raison du comportement de Monsieur [E].

Elle apporte également aux débats celle de Monsieur [X] [V], client de l'agence, qui évoque qu'à une occasion Monsieur [E] a évoqué devant lui la maladie de Madame [M] [F] épouse [Y] et ses inconvénients sur l'organisation du travail.

Mais il s'agit d'un incident remontant à avril 2005 qui au regard de son ancienneté et de son caractère isolé, ne révèle pas l'existence de harcèlement moral, d'autant plus que cette attestation est à prendre avec précautions dans la mesure où ce client, dans son attestation démontre qu'il était fortement mécontent du comportement commercial de Monsieur [E].

Elle produit enfin celle de Madame [E] [X] précitée qui atteste de l'absence de déplacement d'une réunion et d'une remarque désobligeante de Monsieur [E] au cours de l'été 2009, éléments isolés et assez insignifiants qui n'apparaissent pas harcelants.

En conséquence, les explications et les pièces fournies par Madame [M] [F] épouse [Y] pour étayer ses affirmations, ne permettent pas d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral pouvant fonder une demande en réparation.

Considérant en revanche que des dommages intérêts sont également réclamés au titre du manquement de l'employeur aux obligations de sécurité de résultat, et que un manquement de l'employeur à ses obligations d'appliquer la législation relative aux visites médicales a été démontré précédemment, cette demande en réparation est fondée et justifie la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

4) Sur le rappel de salaire pour retenue injustifiée

Madame [M] [F] épouse [Y] expose que des retenues des indemnités versées par la CPAM et la prévoyance, ont été indûment opérées sur les bulletins de salaires des mois de mars 2011 (104,14 euros), avril 2011 (403,13 euros), mai 2011 (416,57 euros), et juin 2011 (403,13 euros) soit une retenue totale de 1 326,97 euros.

La SA CIC ESTI répond à juste titre que la salariée devait être rémunérée en application de l'article 56 de la convention collective, à 100 % pendant les 12 premiers mois soit du mois d'avril 2010 au mois de mars 2011, puis à hauteur de 50 % les 12 mois suivants et qu'elle a parfaitement respecté ses engagements comme le montrent les fiches de paies produites.

Madame [M] [F] épouse [Y] soutient que le CIC EST se réfère à l'article 56 de la convention collective alors qu'elle démontre qu'elle est adhérente du contrat de prévoyance groupe qui prévoit le maintien du salaire à hauteur de 82 % durant 36 mois, en cas de maladie.

Mais la réalité d'une adhésion à un contrat de prévoyance groupe et ses conséquences sur le maintien du salaire ne repose sur aucun pièce produite de sorte qu'il ne peut être tiré aucun droit à paiement de ces allégations.

De même en est il de prétentions à un rappel d'indemnités sur une une base de cotisations de 86 % au lieu de 100 %.

En conséquence la preuve du bien fondé de ses prétentions en rappel de salaire pour un montant total de 1 326,97 euros n'est pas établie et Madame [M] [F] épouse [Y] est déboutée de ses demandes.

5) Sur le rappel de salaire pour travail au-delà du forfait

Madame [M] [F] épouse [Y] explique que l'outil de mesure de la charge de travail du poste occupé mis en place par le CIC, démontre qu'elle a travaillé plus qu'un équivalent temps plein de 2005 à 2009 et qu'en 2007 elle a travaillé 219 jours alors que son forfait cadre prévoit 203 jours soit un manque de 16 jours de RTT au titre de cet exercice qu'elle n'a pas pu prendre puisque la validation de ses congés dépendait entièrement du bon vouloir de Monsieur [E]; qu'elle a constaté que le défaut de prise de congés n'a pas basculé sur son compte épargne temps.

Elle réclame alors sur la base d'un salaire annuel de 35 842,17 euros pour 203 jours une somme de 2824,99 euros (35 842,17/203X16), outre congés payés afférents.

La SA CIC ESTI reproche à la salariée de ne pas apporter les fiches de paie de l'année 2007 pour seulement démontrer de l'exécution de ces jours supplémentaires au regard du forfait convenu. Elle observe de surcroît que, cadre autonome, elle bénéficiait d'une totale liberté dans la gestion de son emploi du temps et dans la prise de ses jours de repos et qu'en conséquence il lui appartenait de les prendre ou de démontrer qu'ils lui auraient été refusés.

Il incombe à celui qui entend obtenir paiement d'une créance salariale d'établir tout au moins la preuve de l'existence de celle-ci.

Or en l'espèce si les bulletins de paie mentionnent que la salariée était soumise à un forfait de 203 jours annuels pour un salaire brut mensuel de 3 043,69 euros, l'employeur observe à juste titre que Madame [M] [F] épouse [Y] qui réclame à son employeur un solde de RTT pour l'année 2007, n'apporte pas au débat les bulletins de paies afférents à cette période ni aucun élément démontrant d'un droit à ces jours de RTT qui ne lui aurait pas été accordés , ni même d'un quelconque refus de son supérieur hiérarchique Monsieur [E] de lui accorder ceux-ci mêmes si par un mail du 20 janvier 2009 elle entend démontrer qu'elle devait réclamer à celui-ci son accord pour poser ses congés.

En conséquence elle est déboutée de ses prétentions à ce titre.

6) sur la demande de rappel de salaire de la prime de rentrée scolaire

Madame [M] [F] épouse [Y] observe qu'elle n'a pas été payée de la prime scolaire annuelle usuelle de 100 euros en 2010.

La SA CIC ESTI répond que la salariée n'apporte aucun élément de nature à justifier le versement d'une prime de rentrée scolaire et devra donc être déboutée de ses prétentions.

Madame [M] [F] épouse [Y] n'évoque pas le fondement de sa demande en paiement de ces primes qui n'apparaît pas dans son contrat de travail.

Pour qu'une pratique dans une entreprise acquière la valeur contraignante d'un usage, il est nécessaire que les conditions d'attribution et de détermination de l'avantage, obéissent à des règles prédéfinies, constantes et reposant sur des critères suffisamment objectifs tant par rapport à l'employeur qu'au regard du comportement personnel des salariés et générales.

C'est au salarié qui invoque un usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.

Or en l'espèce Madame [M] [F] épouse [Y] qui évoque son droit au versement d'une prime au mois de septembre, ne produit pas le bulletin de salaire des mois de septembre des années précédentes permettant à la cour d'apprécier l'existence d'un usage en ce sens.

Par ailleurs elle produit en pièce 51 un document qui ne peut être relié d'aucune manière à l'exécution de son contrat de travail et qui ne peut dès lors servir à fonder des droits au versement d'une prime

En conséquence Madame [M] [F] épouse [Y] est déboutée de sa demande à ce titre.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les créances salariales seront assortie d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 4 octobre 2011 , et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'est pas inéquitable de condamner la SA CIC EST à payer à Madame [M] [F] épouse [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de ses prétentions à ce titre.

Partie succombante, la société sera sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur,

Condamne la SA CIC EST à payer à Madame [M] [F] épouse [Y] les sommes suivantes :

*80 000 euros à titre d'indemnité pour rupture de contrat aux torts de l'employeur,

*20 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de respect de la législation sur les visites médicales,

outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,

*9 131,07 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*913,10 euros à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2011,

Déboute Madame [M] [F] épouse [Y] de ses demandes en réparation d'un préjudice résultant d'un harcèlement moral ou d'un traitement discriminatoire,

Déboute Madame [M] [F] épouse [Y] de ses demandes de rappels de primes, d'indemnités journalières et de salaires pour RTT non pris,

Déboute Madame [M] [F] épouse [Y] du surplus de ses demandes,

Condamne la société CIC EST à lui payer à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CIC EST aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/08099
Date de la décision : 25/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/08099 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-25;13.08099 ?
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