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24/05/2016 | FRANCE | N°14/04993

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 24 mai 2016, 14/04993


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 24 MAI 2016



(n° 242 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/04993



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05865





APPELANTS



Monsieur [N] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]



né le [Date naissance 1] 1967

à [Localité 2]



Représenté par Me Lucien FELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0467

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/002954 du 26/02/2014 accordée par le bureau d'aid...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 24 MAI 2016

(n° 242 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/04993

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05865

APPELANTS

Monsieur [N] [L]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2]

Représenté par Me Lucien FELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0467

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/002954 du 26/02/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [I] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 3]

Représentée par Me Lucien FELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0467

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/002948 du 26/02/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier

*****

A la suite d'un désaccord entre M [B] chargé des travaux de réfection de leur maison et M et Mme [L] M [B] a quitté le chantier le 9 mars 1995 et a assigné les époux [L] en référé-expertise le 16 mars suivant.

M [B] désigné en qualité d'expert a déposé un premier rapport le 21 décembre 1995 et un second rapport complémentaire le 28 octobre 1996.

M [B] a été débouté de sa demande de provision pour solde de travaux par ordonnance de référé du 13 décembre 1996.

Par jugement en date du 10 septembre 1998 il a été condamné à payer aux époux [L] les sommes de 10 000F et de 80 000F à titre de dommages-intérêts pour la reprise du chantier et pour trouble de jouissance, le tribunal de grande instance d'Evry imputant la rupture du contrat à la faute de M [B] et les époux [L] ont été condamnés à lui payer le solde des travaux soit 33 985,54 F. Cette décision a été confirmée le 21 mars 2002.

Les époux [L] ont également déposé plainte avec constitution de partie civile contre M [B] et l'expert judiciaire M [B] le 13 juin 1997 et contre M [A] le 6 mars 1998. Le premier a été mis en examen du chef d'escroquerie, faux et usage et travail illégal et le dernier du chef de complicité d'escroquerie et de travail illégal.

Le 20 octobre 1999 l'ordonnance de renvoi contre M [B] seul du chef d'escroquerie et contre MM [B] et [A] du chef de travail illégal a été rendue, confirmée le 30 novembre 2000 et cassée le 7 mai 2002 sur pourvoi de Mme [L] dont l'époux est décédé le [Date décès 1] 2000 pour non respect des dispositions de l'article 197 du code de procédure pénale.

L'arrêt sur renvoi confirmant le 19 juin 2003 l'ordonnance entreprise a été cassé le 30 juin 2004 pour le même motif.

Par arrêt en date du 17 juin 2005 l'ordonnance du juge d'instruction a été à nouveau confirmée, notamment en ce qu'elle a écarté le délit de faux en écriture publique ou authentique et usage reproché à M [B] expert judiciaire.

Le pourvoi contre cette décision a été déclaré non admis le 25 avril 2006.

Par jugement du 27 février 2007 M [B] a été déclaré coupable d'escroquerie et de recours aux services d'un travailleur clandestin et condamné à payer aux consorts [L] la somme de 5 000€ à titre de dommages-intérêts et M [A] a été renvoyé des fins de la poursuite.

Sur appel des parties civiles le jugement a été confirmé par la cour d'appel le 29 janvier 2009 et le pourvoi formé contre cette décision a été déclaré non admis le 17 juin 2009.

Mme [Q] [H] veuve [L], Mme [I] [L] et M [N] [L] ses enfants ont recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et sollicité la condamnation de l'agent judiciaire de l'Etat à leur verser la somme de 150 000 € à titre de dommages -intérêts outre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 novembre 2013 le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevable comme prescrite l'action formée au titre de la procédure engagée à l'encontre de M [B] devant le tribunal de grande instance d'Evry et a débouté les consorts [L] de leurs demandes au titre de la procédure engagée devant le tribunal correctionnel d'Evry à l'encontre de MM [B] et [A].

Les consorts [L] ont interjeté appel de cette décision et dans leurs conclusions notifiées le 10 février 2016 ils demandent à la cour d'infirmer le jugement, de constater que leur demande n'est pas prescrite et que l'Etat a commis un déni de justice et une faute lourde et de condamner l'agent judiciaire de l'Etat à verser à [C] [L] à titre post-mortem la somme de 50 000 € en réparation de l'ensemble de ses préjudices, à Mme [Q] [H] veuve [L] la somme de 150 000 €, à Mme [I] [L] et à M [N] [L] la somme de 150 000 € à chacun en réparation de l'ensemble de leurs préjudices outre la somme de 15 000 € à chacun des trois appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 16 février 2016 l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de constater la prescription de l'action intentée par les appelants et à titre subsidiaire de constater l'absence de faute lourde et de confirmer le jugement déféré ainsi que de condamner les consorts [L] aux dépens.

Le ministère public a conclu le 15 octobre 2015 à l'infirmation du jugement s'agissant du retard apporté dans la phase pénale de la procédure et à l'indemnisation du préjudice moral qui sera réduit à de plus justes proportions ainsi qu'à la confirmation du jugement pour le surplus.

- Sur la prescription :

Les consorts [L] soutiennent que c'est à tort que le tribunal a examiné séparément l'acquisition de la prescription dans la procédure civile d'une part et dans la procédure pénale d'autre part alors que ces procédures doivent être examinées dans leur globalité dans la mesure où était poursuivi un but unique: mettre en cause la responsabilité de M [B] et que c'est la décision de la cour d'appel confirmant le jugement du tribunal correctionnel devenue définitive le 17 juin 2009 qui constitue le point de départ de la prescription quadriennale qui n'était pas acquise quand les consorts [L] ont recherché la responsabilité de l'Etat par assignation du 30 mars 2012.

L'agent judiciaire de l'Etat soutient que l'action civile est prescrite puisque la procédure relative aux intérêts civils du litige est achevée depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 mars 2002 et qu'il s'est écoulé plus de dix ans avant l'assignation en responsabilité de l'Etat le 30 mars 2012.

En application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 les actions indemnitaires contre l'Etat se prescrivent par quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle le fait générateur s'est produit.

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu le caractère autonome des deux procédures, l'action civile tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de l'exécution défectueuse du contrat de construction confié à M [B] et l'action pénale visant à faire sanctionner les agissements qualifiés d'escroquerie et de recours au travail clandestin imputés à M [B].

Il convient d'ajouter que la demande de contre expertise suite à l'expertise judiciaire confiée à M [B] auquel il était reproché devant les juridictions civiles un manque d'impartialité et la plainte pour faux en écriture publique déposée à son encontre reposent sur des fondements juridiques différents.

C'est également à juste titre que le tribunal a jugé que l'action en responsabilité de l'Etat relative à la procédure civile était prescrite au 31 décembre 2006 en retenant comme fait générateur l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 21 mars 2002, date de l'achèvement de la procédure civile à laquelle les consorts [L] pouvaient apprécier les dysfonctionnements du service de la justice qu'ils entendaient faire valoir notamment quant au déroulement des opérations d'expertise et à la partialité de l'expert judiciaire.

- Sur la procédure pénale:

La recevabilité de l'action en responsabilité du fait de la procédure pénale qui a trouvé son terme le 17 juin 2009 n'est pas remise en cause devant la cour par l'agent judiciaire de l'Etat et c'est à juste titre que le tribunal a retenu cette date comme fait générateur.

Les consorts [L] invoquent au titre d'un déni de justice la longueur de la procédure soit douze années entre le dépôt de plainte avec constitution de partie civile et la décision de non admission de leur pourvoi, délai qu'ils qualifient de manifestement déraisonnable au regard de la difficulté du dossier.

Le déni de justice s'entend non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en l'état de l'être mais aussi plus largement tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable.

Il s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes.

Comme l'a relevé le tribunal, l'instruction proprement dite a duré deux ans et trois mois puisqu'après la première plainte déposée le 13 juin 1997 l'ordonnance de renvoi a été rendue le 20 octobre 1999 ce qui au regard de la complexité de l'affaire et de la plainte déposée contre M [A] le 6 mars 1998 ne peut être assimilé à un délai déraisonnable.

Les époux [L] contestant le non lieu concernant M [A] et M [B] ont usé des voies de recours à leur disposition et les délais écoulés durant cette phase qui a donné lieu de la part des consorts [L] à un appel puis à trois pourvois entre le 27 octobre 1999 et la citation du 12 décembre 2006 ne constituent pas un déni de justice puisque trois arrêts, (le 30 novembre 2000, le 19 juin 2003 et le 17 juin 2005) et trois décisions de la Cour de cassation, (le 7 mai 2002, le 30 juin 2004, le 25 avril 2006), ont été rendus pendant cette période d'un peu plus de sept ans qui s'explique uniquement par le nombre des recours intentés par les appelants.

Enfin le délai écoulé entre la citation du 12 décembre 2006 et le jugement du 27 février 2007 ne présente pas de caractère déraisonnable pas plus que celui intervenu entre l'appel interjeté contre ce jugement le 5 mars 2007 et l'audience du 4 décembre 2008 ou que celui qui s'est écoulé entre le pourvoi formé contre la décision de la cour d'appel du 29 janvier 2009 et la décision de non admission par la Cour de cassation du 17 juin 2009.

Aux termes de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, seule la faute lourde du service de la justice peut permettre de retenir la responsabilité de l'Etat.

Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

La faute lourde résultant de la gestion de l'expertise judiciaire qui aurait été confiée à un expert partial et partisan ne peut être examinée au regard de l'acquisition de la prescription retenue en ce qui concerne la responsabilité de l'Etat dans le cadre de la procédure civile.

Le non lieu confirmé à plusieurs reprises quant aux faits de faux en écriture publique ou authentique reprochés à l'expert M [B] ne permet pas de retenir l'existence d'une faute lourde, étant rappelé que le mal jugé ne constitue pas la faute lourde exigée par l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et qu'il n'a pas été interjeté appel de l'ordonnance du juge d'instruction en date du 1er juillet 1999 rejetant la demande d'expertise et de confrontation.

Il en est de même du refus par le bureau d'aide juridictionnelle de la Cour de cassation d'accorder l'aide juridictionnelle invoqué par les appelants.

La contestation systématique par les consorts [L] des décisions de la chambre d'instruction confirmant le non lieu concernant M [A] ne démontre pas en elle-même l'existence d'une faute lourde du service public de la justice d'autant que M [A] a finalement fait l'objet d'une relaxe confirmée en appel et devenue définitive.

Enfin les deux cassations intervenues dans un délai raisonnable pour non-respect des dispositions de l'article 197 du code de procédure pénale ont réparé les erreurs procédurales commises par la chambre de l'instruction.

En conséquence le jugement qui a débouté les consorts [L] de leurs demandes à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat dans le cadre de la procédure pénale sera confirmé et les consorts [L] qui succombent en leur appel seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Confirme le jugement du 20 novembre 2013 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamne Mme [Q] [H] veuve [L], Mme [I] [L] et M [N] [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/04993
Date de la décision : 24/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/04993 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-24;14.04993 ?
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