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20/05/2016 | FRANCE | N°14/24780

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 20 mai 2016, 14/24780


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 20 MAI 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24780





Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 21 Octobre 2014-Cour de Cassation de Paris - N° 1275-F-D

Arrêt du 08 Juin 2012- Cour d'appel de Paris- Pôle 4- Chambre 6- RG n° 10/18362

Jugement du 03 Août 2010- Tribunal de grande instance de Melun-

RG n°08/04610





SAISINE SUR RENVOI APRÈS CASSATION





DEMANDERESSE À LA SAISINE



SCA EMMANUEL CROUX agissant en la personne de ses représentants légaux

RCS de M...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 20 MAI 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24780

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 21 Octobre 2014-Cour de Cassation de Paris - N° 1275-F-D

Arrêt du 08 Juin 2012- Cour d'appel de Paris- Pôle 4- Chambre 6- RG n° 10/18362

Jugement du 03 Août 2010- Tribunal de grande instance de Melun- RG n°08/04610

SAISINE SUR RENVOI APRÈS CASSATION

DEMANDERESSE À LA SAISINE

SCA EMMANUEL CROUX agissant en la personne de ses représentants légaux

RCS de Melun : 325 275 188

Dont le siège social est

[Adresse 1]

[Adresse 1])

Représentée par : Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140

Assistée par : Me Philippe FROGET, avocat au barreau de MELUN

DÉFENDEURS À LA SAISINE

Monsieur [I] [H] exerçant sous l'enseigne EMTS

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2])

Représenté par : Me Clothilde CHALUT-NATAL, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, toque : R295

Assisté par : Me Laure BUREAU, avocat au barreau de MELUN

SA H.T.P EST prise en la personne de ses représentants légaux

RCS DE Melun : 328 187 653

Dont le siège social est

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée et assistée par : Me Richard VALEANU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0516

SA ACTE IARD prise en la personne de ses représentants légaux

RCS DE Strasbourg : n° B332 948 546

Dont le siège social est

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par : Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Assistée par : Me Alain LACHKAR, avocat au barreau de PARIS, toque : C247

COMPOSITION DE LA COUR :

En a pplication des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre et Madame Valérie GERARD, Conseillère chargée du rapport .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Madame Valérie GERARD, Conseillère

Madame Madeleine HUBERTY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, présidente de chambre et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffier auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCA EMMANUEL CROUX a confié à M. [I] [H], exerçant sous l'enseigne EMTS, la réalisation de travaux de création d'une plateforme destinée à recevoir des serres pour son exploitation horticole.

M. [I] [H] a sous-traité la réalisation du revêtement bitumineux à la société AVA devenue la SA HTP EST, qui était assurée par la SA ACTE IARD.

La SCA EMMANUEL CROUX n'a pas réglé le solde du marché de travaux en invoquant des malfaçons et des non façons.

M. [I] [H] a obtenu, par ordonnance de référé du 24 mai 2006, la désignation de M. [Y] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 30 novembre 2007.

Saisi par M. [I] [H], en paiement du solde des travaux, le tribunal de grande instance de Melun a statué en ces termes par jugement du 3 août 2010':

Fixe le solde des travaux dus par la SCA CROUX à M. [H] exerçant sous l'enseigne EMTS à la somme de 127 746,31€ HT,

Fixe le coût des travaux de réparation à la somme de 66 817,41€ HT,

Condamne in solidum M. [H] exerçant sous l'enseigne EMTS et la société HTP EST à payer à la SCA CROUX la somme de 66 817,41€ HT, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, indexée sur la variation de l'ndice INSEE du prix de la construction à compter du 4ème trimestre 2007,

Condamne la société HTP EST à garantir intégralement M. [H] exerçant sous l'enseigne EMTS du chef de cette condamnation et la dit irrecevable à appeler en garantie son assureur ACTE IARD,

Condamne la SCA CROUX à payer à M. [H], exerçant sous l'enseigne EMTS la somme de 60 928,90€ HT, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2003 (sic), capitalisables annuellement,

Fait masse des dépens, incluant le coût de l'expertise et dit qu'ils seront répartis à raison d'un tiers à la charge de la SCA CROUX et des deux tiers à la charge de la société HTP EST,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne in solidum la SCA CROUX et la société HTP EST à payer à M. [H] la somme de 6 000€ et la société HTP EST à payer à ACTE IARD celle de 1500€ à titre d'indemnité de procédure,

Dit que la charge ultime des montants dus à M. [H] à ce titre sera répartie à raison d'un tiers à la charge de la SCA CROUX et des deux tiers à la charge de la société HTP EST.

Par arrêt du 8 juin 2012, la cour d'appel de Paris a statué en ces termes':

Infirmant pour partie le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

Condamne la SCA CROUX à payer à [I] [H] la somme de 151.483,42€ HT, augmentée de la TVA applicable au jour de la présente décision et des intérêts calculés au taux légal à compter du 22 novembre 2003, avec capitalisation selon les règles de l'article 1154 du code civil

Condamne Monsieur [H] à payer à la SCA CROUX la somme de 66.817,41€ HT, augmentée de la TVA applicable au jour de la présente décision, augmentée des intérêts calculés à compter du 30 novembre 2007,

Condamne la société HTP EST à payer et garantir M. [H] de la somme de 66.817,41€ HT, augmentée de la TVA applicable au jour de la présente décision, et des intérêts calculés à compter du 30 novembre 2007

Rejette toutes autres ou plus amples demandes

Condamne la SCA CROUX à payer à [I] [H], à la société HTP EST et à la Cie ACTE IARD la somme de 3000€ chacun, soit 9.000€ au total, sommes s'ajoutant aux condamnations prononcées de ce chef par les premiers juges,

Condamne la SCA CROUX aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats de la cause.

Par arrêt du 21 octobre 2014, la Cour de Cassation a statué en ces termes':

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Croux à payer la somme de 9 655,78 euros à M. [H] au titre des travaux hors devis, en ce qu'il condamne M. [H] à verser à la société Croux la somme de 66 817,41 euros HT, augmentée de la TVA applicable au jour de la décision, augmentée des intérêts calculés à compter du 30 novembre 2007, en ce qu'il déboute la société Croux -de sa demande en paiement contre la société HTP Est, et en ce qu'il dit irrecevable l'action directe de la société Croux contre la société Acte IARD, l'arrêt rendu le 8 juin 2012, entre-les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [H], la société HTP Est et la société Acte IARD aux dépens;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [H], la société HTC et la société Acte IARD à payer à la société Croux la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes.

La SCA EMMANUEL CROUX a saisi la cour de renvoi le 5 décembre 2014.

Vu les conclusions de la SCA EMMANUEL CROUX du 29 février 2016,

Vu les conclusions de M. [I] [H] du 26 janvier 2016,

Vu les conclusions de la SA HTP EST du 22 février 2016,

Vu les conclusions de la SA ACTE IARD DU 16 février 2016.

MOTIFS

- Le montant des travaux hors devis':

Les travaux hors devis sont les suivants':

- Pompage d'eaux de ruissellement latéraux': 2'500 F HT

- Drainage le long de la serre': 14'760 F

- Prolongement du collecteur général': 6'640 F HT

- Pose de deux gaines TPC':9 100 F HT

- Pompage avant la mise en service du bassin': 4'000 F HT,

- Piquage de la descente de gouttière sur le collecteur': 2'640 F HT,

- Tranchées diverses et sondages': 13'318 F HT

La SCA EMMANUEL CROUX ne conteste pas devoir la somme de 6'640 F HT au titre du pompage avant la mise en service du bassin et du piquage de la descente de gouttière sur le collecteur et soutient que le total des sommes restant dues à Monsieur [I] [H] s'établit à 151'483,42 ' 9'655,78 + 1'012,26 (6640 F) = 142'839,90 €.

Monsieur [I] [H] soutient au contraire que tous les travaux étaient nécessaires, de par leur nature même et qu'ils ont été retenus par l'expert judiciaire.

La seule constatation de la réalisation des travaux ne préjuge pas de leur caractère indispensable. Monsieur [I] [H], qui a la charge de la preuve, n'apporte aucun élément technique sur le caractère indispensable de ces travaux, non prévus aux devis, à l'exception de ceux concernant les sondages pour repérage des canalisations et réseaux divers existant avant la réalisation de la serre, ce repérage étant à l'évidence nécessaire à l'implantation des poteaux de la serre.

Ces travaux de repérage étaient d'ailleurs prévus par le géomètre comme un préalable à l'établissement de son plan comme l'a relevé l'expert judicaire.

La somme de 13'318 F soit 2'030,32 € est donc due par la SCA EMMANUEL CROUX qui doit être condamnée à payer': 151'483,42 ' 9'655,78 + 1012,26 + 2'030,32 = 144'870,22 € HT. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

- Les désordres et la responsabilité des intervenants':

Devant la cour, la SCA EMMANUEL CROUX demande à la fois la confirmation du jugement déféré du chef de la condamnation in solidum de M. [H] et de la Société HTP EST à lui payer des dommages intérêts au titre de la réparation des malfaçons, cette condamnation ayant été fondée par les premiers juges exclusivement sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [H] et sur la responsabilité délictuelle de la SA HTP EST, et l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'avait pas retenu son action directe dirigée contre la SA ACTE IARD, sollicitant devant la cour la condamnation in solidum de Monsieur [H] et de la SA HTP EST avec la SA ACTE IARD aux mêmes dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au visa des articles 1792 et 1382 du code civil.

Les travaux de réalisation de la plateforme destinée à recevoir une serre , par leur ampleur et les techniques de construction mises en 'uvre, constituent un ouvrage.

Cependant, aucune réception n'a été formalisée entre les parties. Il n'est pas contesté que la SCA EMMANUEL CROUX a pris possession de l'ouvrage, mais elle a constamment dénoncé les désordres affectant les travaux et refusé de payer, au-delà d'une simple retenue de garantie, les travaux réalisés. La prise de possession des lieux par la SCA EMMANUEL CROUX est donc équivoque et n'équivaut pas à une réception, aucune volonté du maître d'ouvrage d'accepter les travaux n'étant caractérisée. Au surplus, ces désordres n'ont pas rendu la plateforme impropre à sa destination, la serre ayant été exploitée sans interruption depuis la fin des travaux et l'expert n'a évoqué qu'une simple gêne dans l'exploitation.

Seule la responsabilité contractuelle de Monsieur [I] [H] peut être engagée comme l'a exactement énoncé le tribunal de grande instance de Melun qui sera confirmé sur ce point.

La responsabilité de la SA HTP EST à l'égard de la SCA EMMANUEL CROUX ne peut être engagée que sur le fondement de l'article 1382 du code civil et nécessite la démonstration d'une faute en relation avec le préjudice subi. Les développements de la SA HTP EST sur l'existence de la réception et l'expiration du délai biennal sont sans pertinence dès lors que la responsabilité du sous-traitant ne peut être engagée à l'égard de la SCA CROUX que sur le fondement délictuel et à l'égard de l'entreprise principale que sur le fondement contractuel.

Les désordres sont constitués par des déformations localisées du profil altimétrique du sol de la serre entraînant des flashes et la stagnation d'eau ainsi que la mauvaise tenue du revêtement de sol qui se fragmente, se décolle et se décompose.

Il n'est pas discuté que la cause des désordres réside dans la mauvaise exécution des travaux par la SA HTP EST qui a utilisé des engins trop lourds pour réaliser le revêtement entrainant la création des tassements, des enfoncements de la forme, des contrepentes et des flashes dans lesquelles les eaux d'arrosage stagnent. L'expert a précisé qu'il était évident que les règles de l'art n'avaient pas été respectées en l'espèce, ce qui n'est contesté par aucune des parties.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur [I] [H], tenu d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage, et de la SA HTP EST.

Les fautes commises par Monsieur [I] [H], et par la SA HTP EST ayant concouru à la survenance de l'entier dommage subi par la SCA EMMANUEL CROUX, Monsieur [I] [H] et la SA HTP EST doivent être condamnés in solidum à réparer le préjudice subi et le jugement sera également confirmé sur ce point.

S'agissant du montant des travaux de reprise, la SCA EMMANUEL CROUX sollicite la réfection complète de la plateforme sur la base d'un devis EUROVIA produit en cours d'expertise.

L'expert a estimé au vu des pièces qui lui étaient produites que les travaux de réparation devaient consister en des réfections de forme (reprofilage) et de surface.

Les dégradations sont localisées et l'expert amiable consulté par la SCA EMMANUEL CROUX (pièce 92) préconise principalement un reprofilage en affirmant que «'les réparations locales, même réalisées avec beaucoup de soin ne pourront probablement jamais supprimer totalement les flaques d'eau (')'». Toutefois, il ne s'agit que d'un avis, émis sous la forme conditionnelle et rien ne permet de confirmer techniquement que les réparations des seules surfaces atteintes ne permettront pas de réparer intégralement le préjudice subi.

C'est donc par des motifs tout à fait pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges, en considération de la technicité des travaux à accomplir, ont retenu le prix au m² issu du devis EUROVIA et, en considération de la surface atteinte de désordres, soit 1'800 m², fixé le montant des travaux de reprise, avec indexation, et le jugement doit être confirmé sur ce point.

- Sur l'action de la SCA EMMANUEL CROUX dirigée contre la SA ACTE IARD':

Il n'est pas discuté par la SA ACTE IARD que devant les premiers juges la SCA EMMANUEL [H] avait sollicité sa condamnation «'solidaire'» avec Monsieur [I] [H] et la SA HTP EST. La demande de condamnation d'un assureur du responsable ne pouvant être fondée que sur l'action directe dont dispose la victime, la demande formulée explicitement sur ce fondement devant la cour n'est donc pas nouvelle.

Si la loi du 17 décembre 2007 a consacré l'action directe de la victime, avant son entrée en vigueur la victime disposait de ce même droit d'agir à l'encontre de l'assureur à qui il était interdit de payer à un autre que le tiers lésé par l'article L124-3 du code des assurances dans sa rédaction antérieure.

La SA ACTE IARD soulève la prescription de cette demande présentée plus de 5 années après le fait dommageable.

L'action directe se prescrit dans le même délai que l'action en responsabilité, soit 10 ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008. Aux termes de l'article 26 de cette loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Le fait dommageable est la réalisation des travaux par la SA HTP EST et ceux-ci ont été réalisés en 2000 comme en atteste la facture de travaux de la SA HTP EST du 31 juillet 2000 qui constitue la pièce 29 de Monsieur [I] [H]. Au jour de la demande formée contre la SA ACTE IARD par la SCA EMMANUEL CROUX (2009) le délai de prescription n'était pas expiré et la demande est recevable.

La SA HTP EST était titulaire de deux contrats':

- Un contrat d'assurance de responsabilité décennale des entrepreneurs de génie civil n°2 646597 RD garantissant «'les dommages matériels à l'ouvrage visés à l'article 1792 du code civil, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée pour les travaux garantis (') exécutés par l'assuré au titre d'un contrat de louage d'ouvrage ou au titre d'un contrat de sous-traitance'»';

- Un contrat d'assurance des responsabilités professionnelles du bâtiment n°2'611'490.

Les dommages ne relèvent pas de l'article 1792 du code civil en ce qu'aucune réception n'a eu lieu et qu'au surplus, ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne constituent pas plus une atteinte à sa destination. Le contrat d'assurance responsabilité décennale est donc inapplicable.

Les parties conviennent que le contrat d'assurance des responsabilités professionnelles du bâtiment a été résilié le 13 septembre 2001.

Il comportait la clause suivante': «'les garanties de la présente convention spéciale portent exclusivement sur les réclamations formulées entre les dates de prise d'effet et de cessation de la présente garantie mettant en cause la responsabilité de l'assuré pour les dommages survenus pendant la même période ou pendant la période de 5 ans qui précède la date d'effet de la présente convention spéciale.'»

La loi du 1er août 2003 instaurant l'article L124-5 du code des assurances, ne peut être qualifiée d'interprétative et ne contient aucune disposition quant à son éventuelle rétroactivité elle ne saurait donc régir les effets des contrats conclus et résiliés antérieurement à son entrée en vigueur.

Il résulte de la combinaison des articles 1131 du code civil, L. 124-1 et L. 124-3 du code des assurances et, en l'absence d'autorisation législative spécifique applicable en la cause, que le versement des primes, pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration, a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période et que toute clause qui tend à réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause, comme telle illicite et réputée non écrite

En l'espèce l'origine du dommage se trouve dans les travaux réalisés par la SA HTP EST. La preuve de leur date est rapportée par le devis émis par la SA HTP EST le 30 mars 2000 et sa facture de travaux du 31 juillet 2000 qui constituent les pièces 28 et 29 de Monsieur [I] [H], régulièrement produites aux débats.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la SA ACTE IARD, le fait dommageable s'est produit pendant la période de garantie et elle doit indemniser la SCA EMMANUEL CROUX.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

- Les demandes relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile':

La cassation partielle intervenue s'étend nécessairement aux condamnations prononcées par la décision cassée au titre des dépens et de l'art. 700 puisque la SCA EMMANUEL CROUX voit son appel accueilli. En revanche, les effets de la cassation ne s'étendent pas aux dispositions du jugement de première instance au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 juin 2012 n'ayant pas été cassé en ce qu'il a confirmé partiellement, et notamment sur les dispositions au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement du tribunal de grande instance de Melun du 3 août 2010.

La SA HTP EST et la SA ACTE IARD succombent à titre principal et doivent en conséquence supporter la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 août 2010 en ce qu'il a fixé le montant des sommes restant dues à Monsieur [I] [H] à la somme de 127'746,31 euros HT et en ce qu'il a rejeté l'action de la SCA EMMANUEL CROUX dirigée contre la SA ACTE IARD,

Statuant à nouveau,

Condamne la SCA EMMANUEL CROUX à payer à Monsieur [I] [H] la somme de 144'870,22 euros HT, augmentée de la TVA applicable au jour de la présente décision et des intérêts calculés au taux légal à compter du 22 novembre 2003, avec capitalisation selon les règles de l'article 1154 du code civil,

Condamne in solidum M. [I] [H] exerçant sous l'enseigne EMTS, la SA HTP EST et la SA ACTE IARD à payer à la SCA EMMANUEL CROUX la somme de 66 817,41€ HT, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, indexée sur la variation de l'indice INSEE du prix de la construction à compter du 4ème trimestre 2007,

Confirme pour le surplus,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la SA HTP EST et la SA ACTE IARD à payer à la SCA EMMANUEL CROUX la somme de 5'000 euros,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [I] [H],

Déboute la SCA EMMANUEL CROUX du surplus de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SA HTP EST et la SA ACTE IARD aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/24780
Date de la décision : 20/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°14/24780 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-20;14.24780 ?
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