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20/05/2016 | FRANCE | N°12/12218

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 20 mai 2016, 12/12218


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 20 Mai 2016

(n° 434 , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12218

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/11581





APPELANT

Monsieur [O] [U] né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1](MAROC) (99)

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Olivier ELBAZ, av

ocat au barreau de PARIS,

toque : C0183





INTIMEE

SARL ALPHA MATH N° SIRET : 449 52 2 2 91

[Adresse 2]

représentée par Me Michel AZOULAY, avocat au barreau de PA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 20 Mai 2016

(n° 434 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/12218

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/11581

APPELANT

Monsieur [O] [U] né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1](MAROC) (99)

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Olivier ELBAZ, avocat au barreau de PARIS,

toque : C0183

INTIMEE

SARL ALPHA MATH N° SIRET : 449 52 2 2 91

[Adresse 2]

représentée par Me Michel AZOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : R277

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [O] [U] a exercé pendant 30 ans les fonctions de directeur et chef d'établissement des collège et lycée [Établissement 1] lorsqu'il a été licencié pour cause économique le 1er septembre 2008 par Maître PHILIPPOT, administrateur judiciaire.

ALPHA MATH est une société à responsabilité limitée ayant pour activité l'enseignement secondaire général dispensant des cours particuliers et disposant d'un lycée destiné aux élèves en difficulté souhaitant obtenir leurs brevet et baccalauréat.

En mars 2009, le rectorat de [Localité 2] informe les dirigeants de la SARL ALPHA MATH de la possible suspension du lycée de la liste des établissements agréés par l'État au motif que l'un des gérants ne disposait pas d'une ancienneté de 5 ans et que l'assistance d'une personne justifiant de 5 années d'expérience au sein de l'équipe d'encadrement d'un lycée permettrait le maintien dudit agrément.

Les dirigeants de la SARL ALPHA MATH et Monsieur [O] [U] sont convenus que ce dernier sera proviseur du lycée et enseignant de langue.

Les parties contestent la date d'embauche effective de Monsieur [O] [U] qui estime avoir pris ses fonctions dès mars 2009 tandis que l'employeur considère que le salarié n'a exercé ses fonctions qu'à partir d'octobre 2009.

Un contrat de travail à temps partiel signé par les parties est versé aux débats et stipule que le salarié est embauché à compter du 1er octobre 2009 en qualité de proviseur du lycée JCOURS moyennant une rémunération mensuelle nette de 1.590 €.

Par courrier du 23 juillet 2010, la SARL ALPHA MATH a licencié Monsieur [O] [U] pour faute grave.

Monsieur [O] [U] saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS le 7 septembre 2010 pour contester son licenciement et solliciter la condamnation de la SARL ALPHA MATH au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire notamment.

Par jugement du 27 novembre 2012, le conseil de prud'hommes de PARIS a :

Débouté Monsieur [A] [A] de l'intégralité de ses demandes,

Débouté la SARL ALPHA MATH de sa demande reconventionnelle,

Condamné Monsieur [A] [A] aux dépens.

L'affaire est venue devant la cour, lors de l'audience du 11 février 2016, date à laquelle les conseils des parties ont soutenu leurs conclusions visées à l'audience par le greffier.

Monsieur [O] [U] demande à la cour de :

Vu les articles L.1221-10, L.1332-4, L.3123-14, L.3123-15, L.3123-19, L.3171-3, L.3243-2, L.8221-5, L.8223-1 et R.4264-10 du code du travail,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

Vu les articles 4.1.1, 5.1.2, 5.1.3, 5.4 de la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 étendue,

Vu l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 étendue,

Vu les pièces versées aux débats,

Réformer le jugement déféré et statuant à nouveau,

Constater que la société ALPHA MATH ' JCOURS est un établissement d'enseignement mixte « agréé par l'Education Nationale » mais hors contrat d'association avec l'Etat.

Dire et arrêter que la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 (brochure n°3351 ' IDCC 2691) étendue par arrêté du Ministre du travail du 21 août 2008 est applicable dans les relations entre la société ALPHA MATH et Monsieur [O] [U].

Dire et arrêter que, par application de l'article 6.3 de la convention collective applicable, l'emploi de Monsieur [O] [U] relève de la catégorie cadre niveau 3 (C3) et lui attribuer la qualité de cadre.

En conséquence,

Requalifier le contrat de travail à temps partiel daté du 17 septembre 2009 en contrat de travail à temps plein avec toute conséquence de droit.

Constater que la société ALPHA MATH ne peut justifier d'aucun fait fautif antérieur au 20 mai 2010.

Condamner la société ALPHA MATH à verser à Monsieur [O] [U] les sommes suivantes :

Rappel de salaire du 01.10.2009 au 23.07.2010 : 6.385,83 € brut

Congés payés afférents (10%) : 638,58 € brut

Rappel de salaire du 24.07.2010 au 27.07.2010 : 382,48 € brut

Congés payés afférents (10%) : 38,25 € brut

Rappel d'heures supplémentaires jusqu'à 151,67 H du 01.10.2009 au 27.07.2010 :

Octobre 2009 à juin 2010 : 19.611,63 € brut

Juillet 2010 (du 1er au 27) : 1.897,90 € brut

Congés payés afférents : 2.150,95 € brut

Indemnité compensatrice de congés payés acquis (30 j) : 4.140 € brut

Subsidiairement : 2.070 € brut

Rappel de salaire du 01.03.2009 au 30.09.2009 : 25.620,00 € brut

Congés payés afférents (10 %) : 2.562,00 € brut

Subsidiairement : 2.625,97 € brut

Congés payés afférents (10 %) : 262,60 € brut

Indemnité pour travail dissimulé (article L.8223-1 du code du travail) : 28.840 € net

Dommages et intérêts pour absence de visite d'embauche auprès du médecin du travail : 4.140 € net

Dire et arrêter que le licenciement notifié par la société ALPHA MATH à Monsieur [O] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamner la société ALPHA MATH à verser à Monsieur [O] [U] les sommes supplémentaires suivantes :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 28.840,00 € net

Indemnité compensatrice de préavis (3mois) : 12.420 € brut

Congés payés afférents (10%) : 1.242 € brut

Subsidiairement : 6.210 € brut

Congés payés afférents (10%) : 621 € brut

Indemnité de licenciement : 1.408,40 € net

Condamner la société ALPHA MATH à payer les cotisations AGIRC au titre de la retraite complémentaire afférentes à tous les salaires versés depuis le 1er mars 2009, à défaut depuis le 1er octobre 2009.

Condamner la société ALPHA MATH à remettre à Monsieur [O] [U] les bulletins de paie de mars 2009 à octobre 2010, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt à intervenir, tous ces documents sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Dire et arrêter que toutes les condamnations ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de la convocation de la société ALPHA MATH devant le bureau de conciliation.

Condamner la société ALPHA MATH à verser à Monsieur [O] [U] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société ALPHA MATH aux dépens.

La SARL ALPHA MATH demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondée la société ALPHA MATH en ses conclusions d'appel.

Confirmer la décision de première instance en toutes ses dispositions.

Débouter Monsieur [U] de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent à l'encontre de la société ALPHA MATH tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Condamner Monsieur [U] à payer à la société ALPHA MATH la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive ainsi que la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens.

SUR CE :

Sur la convention collective applicable :

En application de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur.

Monsieur [O] [U] sollicite l'application de la convention collective de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 arguant que la SARL ALPHA MATH n'entre dans aucune des exceptions visées à l'article 1.1 de cette convention ; qu'elle n'est ni un « établissement » de formation professionnelle relevant de la loi « DELORS » du 16 juillet 1971, ni un « établissement » d'enseignement privé à distance et ne gère ni n'administre aucun établissement d'enseignement technique, de formation d'apprentis ou d'enseignement supérieur.

L'appelant ajoute que la convention collective de l'enseignement privé à distance du 21 juin 1999 revendiquée par l'intimée n'a pas à s'appliquer puisque la SARL ALPHA MATH ne se présente pas comme un établissement d'enseignement privé à distance et n'applique pas la convention revendiquée, que les bulletins de salaire portent comme mention pour la convention applicable « soutien scolaire » ce qui ne correspond à aucune convention collective.

L'appelant expose que l'intimée n'a pas pour activité l'enseignement privé à distance puisqu'elle reconnaît prodiguer à titre principal des cours particuliers, qu'elle met en présence des professeurs et des élèves pour des cours individuels ou collectifs soit à domicile soit dans ses établissements et qu'elle ne justifie pas avoir déclaré son activité d'enseignement à distance conformément dispositions du code de l'éducation.

Monsieur [O] [U] soutient que lorsque des salariés exercent une activité nettement différenciée dans un centre d'activité autonome, une convention collective différente de celle applicable en vertu de l'activité principale peut s'appliquer aux salariés affectés dans ce centre, ce qui est le cas de la SARL ALPHA MATH puisqu'elle propose trois services distincts ; le soutien scolaire, le lycée JCOURS et les prépas JCOURS.

Le salarié estime que si la convention collective applicable est généralement celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur, il appartient à ce dernier de communiquer les documents permettant de circonstancier l'activité principale soit en terme de chiffre d'affaires soit par le nombre de salariés employés.

Ce dernier fait valoir que pour l'année 2009, aucune information n'est donnée sur la nature des autres activités et leurs chiffres d'affaires ou sur le nombre de salariés répartis entre les diverses activités et de plus, que les cours particuliers ou de soutien scolaire dispensés dans le lycée ne peuvent être considérés comme une activité distincte et doivent nécessairement être intégrés dans le chiffre d'affaires réalisé par le lycée.

La SARL ALPHA MATH rétorque qu'elle relève de la convention collective de l'enseignement privé à distance puisqu'elle a pour activité majoritaire les cours particuliers, pour activité minoritaire le lycée et que le poste à mi-temps de proviseur et d'enseignant en langue n'était pas prévu par la convention collective de l'enseignement privé hors contrat.

L'employeur ajoute sans le justifier que son activité principale au moment des faits correspondait à du soutien scolaire à hauteur de 78 %, il produit l'attestation de son expert comptable constatant que le chiffre d'affaires réalisé par le lycée représentait 9 % en 2007, 22 % en 2008 et 45 % en 2009 ainsi qu'un extrait de son site internet démontrant les différentes activités de la société.

S'agissant d'une activité commerciale, ce qui est le cas en l'espèce, l'activité principale est celle dont le chiffre d'affaires est le plus élevé. Or, la SARL ALPHA MATH ne justifie pas de son activité principale mais se limite à indiquer que le chiffre d'affaires réalisé par le lycée correspond à moins de la moitié du chiffre d'affaires global, 45 % en 2009.

En outre, la cour relève qu'il résulte de la pièce produite par le salarié extraite du site internet de l'entreprise que JCOURS ne délivre aucun enseignement à distance, que s'agissant du soutien scolaire celui-ci est dispensé par un enseignant présent auprès de l'élève, dès lors la convention collective de l'enseignement privé à distance proposée par l'employeur n'est pas applicable en l'espèce.

En l'absence de justification par l'employeur de son activité principale et de la répartition du chiffre d'affaires global entre les activités de l'entreprise, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur [O] [U].

En conséquence, la cour considère que la convention collective de l'enseignement privé hors contrat du 27 novembre 2007 étendue par arrêté du Ministre du travail du 21 août 2008 est applicable à la relation contractuelle liant la SARL ALPHA MATH et Monsieur [O] [U].

Sur la requalification du statut de cadre :

Monsieur [O] [U] revendique le statut de cadre niveau 3 (C3) définie par la convention collective de l'enseignement privé hors contrat à son article 6.3 disposant qu'un des emplois repères correspond à « directeur de centre, d'établissement ».

Le salarié précise que la catégorie de le niveau d'emploi ne figure pas sur ses bulletins de paie et qu'il n'a pas bénéficié du régime de prévoyance et de retraite auquel ont droit les cadres conformément à l'article 4 de la convention collective étendue de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947.

Monsieur [O] [U] ajoute que la qualification de cadre a une incidence directe sur la durée du préavis et sollicite la condamnation de la SARL ALPHA MATH à payer les cotisations AGIRC afférentes à tous les salaries versés depuis le 1er mars 2009, à défaut depuis le 1er octobre 2009.

La SARL ALPHA MATH répond que le salarié ne justifie d'aucun préjudice pour fonder sa demande estimant qu'il a bénéficié d'une prévoyance au même titre que tous les salariés de la société.

L'employeur ajoute que le poste à mi-temps de proviseur et d'enseignant en langue n'est pas prévu par la convention collective de l'enseignement privé hors contrat et qu'il ne peut relever d'un statut cadre à mi-temps puisqu'il était enseignant en langue.

La cour, ayant statué sur l'application de la convention collective de l'enseignement privé à distance, considère que Monsieur [O] [U] ayant exercé les fonctions de proviseur de lycée et d'enseignant de langue peut prétendre au statut de cadre défini par l'article 6.3 de ladite convention.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [O] [U] quant à sa qualification au statut de cadre et de condamner la SARL ALPHA MATH à verser les cotisations AGIRC afférentes aux salaires versés depuis le 1er octobre 2009.

Sur le rappel de salaire du 1er mars 2009 au 30 septembre 2009 :

Monsieur [O] [U] sollicite 25.620 € à titre de rappel de salaires sur la période du 1er mars 2009 au 30 septembre 2009.

Le salarié argue qu'il a exercé ses fonctions de directeur du lycée JCOURS à compter du 1er mars 2009 en procédant aux commandes de spécimens de manuels le 26 mars 2009, d'annonce publicitaire le 1er avril 2009, d'ouvrages le 23 avril 2009, en se rendant à une réunion pour l'affectation d'un centre sportif pour l'établissement le 28 mai 2009, en signant les affectations des enseignants le 2 juin 2009, en animant la réunion de pré-rentrée le 1er septembre 2009 et la rentrée des élèves le 3 septembre 2009.

En réplique, la SARL ALPHA MATH fait valoir que Monsieur [O] [U] a simplement déclaré, par courrier du 5 mars 2009 que lui a adressé le rectorat de [Localité 2], son intention de prendre la direction du lycée JCOURS et produit un courrier du recteur de l'Académie de [Localité 2] du 24 octobre 2011 rédigé comme suit : « Monsieur [O] [U] avait fait part, à ce moment là, de la demande qu'il adresserait à son futur employeur de ne prendre effectivement, les fonctions de directeur qu'à une date ultérieure et pas avant le début du mois d'octobre suivant, ayant des soucis de santé et se trouvant en congés de maladie de ce fait.

Cette reconnaissance par le ministère de tutelle qui est dans le cas présent celui de l'Education Nationale, ne vaut que pour sanctionner le droit à diriger un établissement privé hors contrat d'enseignement et n'est pas un contrat de recrutement ; celui-ci étant un document différent établi et signé par l'employeur privé ».

L'employeur ajoute que le salarié se trouvait en arrêt maladie du 1er mars 2009 au 16 juin 2009, qu'il était pris en charge par les ASSEDIC du 1er mars 2009 au 16 septembre 2009 et qu'ainsi il ne pouvait valablement travailler pour la SARL ALPHA MATH.

La SARL ALPHA MATH ne conteste pas que Monsieur [O] [U] a travaillé pour son compte durant cette période mais considère qu'il s'agissait de prestations ponctuelles n'ayant pas dépassé 3 jours de travail durant les 7 mois consistant en des prises de rendez-vous, que le salarié n'avait durant cette période que des fonctions honorifiques et que ni les élèves ni les professeurs n'étaient au courant de sa présence dans l'établissement durant ce temps.

Or, Monsieur [O] [U] n'a jamais sollicité auprès de son employeur une rémunération sur cette période, n'a effectué que des prestations ponctuelles ne dépassant pas une durée de travail de 20 heures selon la SARL ALPHA MATH et qu'il se trouvait en arrêt maladie du 1er mars 2009 au 16 juin 2009.

En conséquence, en l'absence d'éléments justifiant d'un travail continu et en raison du faible volume des prestations accomplies pour le compte de la SARL ALPHA MATH, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes et de débouter Monsieur [O] [U] de cette demande.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

Monsieur [O] [U] sollicite la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et un rappel de salaire à hauteur de 151,67h de travail exposant qu'aucune des mentions prévues à l'article L.3123-14 du code du travail ne figure sur son contrat de travail et qu'il est donc présumée avoir été conclu à temps plein.

Le salarié fait valoir que l'employeur ne produit pas de décompte des heures effectuées, qu'il précise travailler 42h30 par semaine (les lundi, mardi et mercredi 8h45 à 18h30, le jeudi de 11h à 18h30 et le vendredi de 8h45 à 14h30), que la mention de 151,67h est indiquée sur ses bulletins de paie et qu'il verse aux débats de multiples attestations des professeurs, élèves et parents d'élèves déclarant qu'il était présent et à la disposition de l'employeur tous les jours aux heures mentionnées.

La SARL ALPHA MATH s'oppose à cette demande indiquant que Monsieur [O] [U] a signé le contrat de travail à temps partiel en toute connaissance de cause et l'a exécuté durant une année sans émettre la moindre protestation écrite ou verbale.

L'employeur produit à son tour 12 attestations de professeurs, élèves et parents d'élèves déclarant qu'il n'était pas présent qu'à temps partiel au sein de l'établissement ainsi qu'un document intitulé fiche de suivi mentionnant le nom de Monsieur [O] [U] et faisant état de 62 heures mensuelles travaillées.

Mais la durée mensuelle travaillée indiquée sur ce document ne concerne que les heures de cours de langue qu'enseignait Monsieur [O] [U] et non ses heures travaillées en tant que directeur d'établissement.

Or, la non conformité du contrat de travail à temps partiel en ce qu'il ne précise ni la durée du travail ni sa réparation, comme tel est le cas en l'espèce, entraine une présomption simple de temps complet ; l'employeur peut apporter la preuve de la réalité du travail à temps partiel.

En l'absence de justifications des heures travaillées par l'employeur tenant à un décompte précis et détaillé de la durée du travail du salarié, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [O] [U].

En conséquence, le contrat de travail à temps partiel de Monsieur [O] [U] doit être requalifié en contrat de travail à temps plein à compter du 1er octobre 2009 et jusqu'à la date de son licenciement le 23 juillet 2010 et la SARL ALPHA MATH condamnée au paiement de la somme de 6.385,83 € à titre de rappel de salaire sur cette période et 638,58 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de paiement d'heures supplémentaires :

Monsieur [O] [U] sollicite la condamnation de la SARL ALPHA MATH au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires d'un montant de 19.611,23 € et justifie sa demande par la production de multiples attestations.

La SARL ALPHA MATH conteste les témoignages apportés par Monsieur [O] [U] et demande à la cour de les écarter au motif que trois des attestants déclarent avoir été contraints de témoigner en faveur du salarié.

Les attestations produites par l'employeur contrebalancent celles apportées par le salarié, de sorte qu'il convient de débouter Monsieur [O] [U] de sa demande relative au rappel d'heures supplémentaires.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Le salarié demande la condamnation de la SARL ALPHA MATH à lui verser 4.140 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés acquis estimant que le décompte opéré est inexact puisque Monsieur [O] [U] en tant que professeur de langue bénéficiait de 6 semaines de congés payés plus 5 jours ouvrés et 2 jours de congés en raison du décès de son père intervenu le 29 juin 2010 conformément à la convention collective applicable, soit au total 29,16 jours de congés.

La SARL ALPHA MATH est taisante dans ses conclusions s'agissant de cette demande.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [O] [U] à hauteur de 4.024,08 € à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, sans qu'il n'y ait lieu d'arrondir à une somme supérieure comme l'a fait le salarié.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l'article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable d'embauche ; soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II de livre Ier de la troisième partie.

Monsieur [O] [U] sollicite la condamnation de la SARL ALPHA MATH au versement de la somme de 28.840 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Le salarié considère qu'il a été recruté à compter du 1er mars 2009 et qu'à cette date, l'employeur n'a procédé à aucune déclaration d'embauche ni versé de salaire jusqu'au 30 septembre 2009.

Or, la cour ayant considéré que Monsieur [O] [U] n'a commencé à travailler pour la SARL ALPHA MATH qu'à compter du 1er octobre 2009, il convient ainsi d'écarter ce moyen.

Monsieur [O] [U] justifie sa demande également par le fait qu'il réalisait des prestations de travail à plein temps alors qu'il n'était déclaré et payé qu'à temps partiel.

La SARL ALPHA MATH s'oppose à cette demande considérant que le salarié réalisait des horaires de travail à mi-temps conformément à son contrat de travail et aux attestations produites.

Mais, le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.

Or, la cour relève qu'à compter de janvier 2010 jusqu'à la fin de la relation contractuelle, les bulletins de paie indiquent un horaire de 151,670 heures ce qui correspond à un temps plein.

En conséquence, le travail dissimulé n'est pas établi, M. [U] doit donc être débouté de sa demande d'indemnité.

Sur l'absence de visite d'embauche auprès de la médecine du travail :

Conformément à l'article R.4624-10 du code du travail, le salarié bénéfice d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

Monsieur [O] [U] demande la condamnation de la SARL ALPHA MATH au versement de la somme de 4.140 € pour absence de visite d'embauche arguant qu'il n'a jamais refusé de se rendre à cette visite puisqu'il n'a jamais été convoqué et que l'absence de visite auprès du médecin du travail lui a nécessairement causé un préjudice puisqu'il a été privé d'un contrôle et d'une protection essentielle.

En réplique, la SARL ALPHA MATH rétorque que le salarié ne s'est pas conformé à une telle visite estimant être en bonne santé suite à son arrêt maladie.

En l'absence de justification du préjudice subi par Monsieur [O] [U], il convient de le débouter de cette demande et confirmer le jugement du conseil de prud'hommes.

Sur le licenciement :

S'agissant d'un licenciement pour faute grave, Monsieur [O] [U] rappelle qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, que la procédure disciplinaire est engagée au jour de la tenue de l'entretien préalable du 20 juillet 2010 et qu'ainsi la SARL ALPHA MATH ne peut se prévaloir que de faits survenus entre le 20 mai et le 20 juillet 2010.

Sur le grief relatif au renvoi d'élèves à l'extérieur de l'établissement :

La SARL ALPHA MATH soutient que le salarié se permettait d'exclure quotidiennement les élèves et de les laisser seuls dans la rue en produisant des attestations d'élèves et professeurs et qu'il a été convoqué tous les mois par les dirigeants pour être mis en garde sans le justifier.

Monsieur [O] [U] précise qu'il n'existe au sein de l'établissement aucune structure, ni surveillant, ni CPE, ni cour de récréation, qu'il a respecté les procédures en place, que sur 11 élèves inscrits en cours d'année, 5 ont été renvoyés et au moins 2 étaient consommateurs de drogue et que les dirigeants en leur qualité de professeurs renvoyaient également les élèves à l'extérieur.

Le salarié ajoute que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas datés et ne sont donc pas vérifiables et qu'il n'a jamais laissé aucun élève seul dans la rue, les éléments perturbateurs étant maintenus dans les locaux de l'établissement.

La cour relève que les éléments versés par l'employeur mettent en évidence qu'il était d'usage au sein de l'établissement que les élèves sortent quand ils le souhaitaient et qu'aucune des attestations ne permet de dater avec précisions les éventuelles exclusions litigieuses, de sorte que si les éléments versés mettent en évidence un manque d'encadrement général des élèves, ce reproche ne peut être retenu pour qualifier une faute grave

Sur le livret scolaire de l'élève [C] :

L'employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement ce qui suit : « vous n'avez pas renseigné le livret scolaire pour le baccalauréat de l'élève [L] [C] inscrit dans notre établissement en terminale s. Celui-ci a été recalé à l'examen du baccalauréat, après avoir passé le rattrapage. Si vous aviez veillé à ce que le livret soit rempli, peut-être que le jury aurait accordé le ou les points nécessaires à Monsieur [C] qui a raté son examen ».

Monsieur [O] [U] conteste ce grief arguant qu'il était absent du 15 au 23 juin 2010, qu'il avait préparé tous les dossiers des élèves avant son départ et qu'il n'a pas été alerté d'un dossier manquant lorsqu'il a repris son travail du 24 au 28 juin 2010.

La SARL ALPHA MATH rétorque que le défaut de remplir le livret scolaire de l'élève [C] par Monsieur [O] [U] a causé son échec au baccalauréat, mais une telle affirmation qui ne constitue qu'une hypothèse n'est pas probante et le grief ne peut qu'être écarté.

Sur l'absence de suivi des programmes pédagogiques :

La lettre de licenciement du 23 juillet 2010 indique que : « le suivi des programmes n'a pas été assuré dans beaucoup de matières. En géographie, le professeur de terminale ES n'avait pas étudié toutes les cartes sans que vous interveniez. La préparation des épreuves de TPE n'a pas été assurée comme l'atteste le proviseur adjoint du lycée [Établissement 2] ».

Monsieur [O] [U] explique par la production d'attestations d'anciens professeurs que le faible niveau des élèves, leur indiscipline ainsi que leur absentéisme n'a pas permis aux professeurs de combler leurs lacunes.

Mais la cour rappelle que Monsieur [O] [U] avait des fonctions de proviseur et avait précisément été embauché pour remplir des fonctions allant bien au-delà de celles des professeurs, qu'il entrait donc dans ses missions d'encadrer les professeurs et les élèves et de veiller au respect des programmes.

Si les fait reprochés ne sauraient être qualifiés de faute grave imposant le départ immédiat du salarié, la cour estime que c'est à juste titre que la SARL ALPHA MATH fait valoir qu'il incombait à Monsieur [O] [U] de contrôler le suivi des programmes par les professeurs, qu'il aurait dû veiller à adapter les méthodes pédagogiques aux élèves en difficulté et que sa présence était de plus en plus aléatoire.

En conséquence, le défaut d'encadrement ressortant des différentes attestations et des éléments du dossier, le licenciement de Monsieur [O] [U] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de licenciement :

Monsieur [O] [U] sollicite la condamnation de la SARL ALPHA MATH au paiement de la somme de 1.408,40 € à titre d'indemnité de licenciement.

La SARL ALPHA MATH s'oppose à cette demande considérant que le licenciement du salarié est fautif.

La cour ayant jugé le licenciement pour cause réelle et sérieuse, il est fait droit à la demande d'indemnité de licenciement de Monsieur [O] [U] à hauteur de 1.408,40 €.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

Monsieur [O] [U] formule une demande à titre de l'indemnité compensatrice de préavis en qualité de cadre correspondant à 3 mois par application de l'article 3.9 de la convention collective de l'enseignement privé hors contrat.

La SARL ALPHA MATH s'oppose à cette demande au motif qu'est stipulé sur le contrat de travail qu'en « cas de faute grave le licenciement prendra effet sans préavis ».

La cour ayant écarté la faute grave, elle fait droit à la demande d'indemnité compensatrice de préavis de Monsieur [O] [U] à hauteur de 12.420 € correspondant à trois mois de salaire à temps plein et 1.242 € de congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive :

Monsieur [O] [U] étant licencié pour cause réelle et sérieuse, sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive est rejetée.

Sur la demande de remise de documents :

Au vu des dispositions du présent arrêt, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes à la décision tout en rejetant la demande d'astreinte dont la nécessité n'est nullement prouvée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par la SARL ALPHA MATH :

La SARL ALPHA MATH sollicite la condamnation de Monsieur [O] [U] au versement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive.

Le caractère abusif de l'appel n'étant pas démontré, il convient de débouter la SARL ALPHA MATH de cette demande au motif qu'elle n'est pas justifiée et que cette dernière a succombé en appel.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Au vu des circonstances et des situations respectives des parties, il est équitable de prévoir que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles et les dépens exposés par elle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 27 novembre 2012 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la convention collective de l'enseignement privé hors contrat est applicable à la relation contractuelles entre la SARL ALPHA MATH et Monsieur [O] [U],

Dit que par application de l'article 6.3 de cette convention, Monsieur [O] [U] avait la qualité de cadre niveau 3,

Condamne la SARL ALPHA MATH au paiement des cotisations AGIRC au titre de la retraite complémentaires afférentes à tous les salaires versés depuis le 1er octobre 2009,

Déboute Monsieur [O] [U] de sa demande de rappel de salaire du 1er mars 2009 au 30 septembre 2009,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel de Monsieur [O] [U] en contrat de travail à temps plein,

Condamne la SARL ALPHA MATH au paiement des sommes suivantes :

6.385,83 € à titre de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2009 jusqu'au licenciement,

'638,58 € au titre des congés payés afférents,

4.024,08 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation soit le 22 février 2011,

Déboute Monsieur [O] [U] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires,

Dit le licenciement de Monsieur [O] [U] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL ALPHA MATH au paiement des sommes suivantes :

1.408,40 € à titre d'indemnité de licenciement,

'12.420 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1.242 € à titre de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation soit le 22 février 2011,

Ordonne à la SARL ALPHA MATH de remettre à Monsieur [O] [U] des fiches de paye, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt,

Déboute Monsieur [O] [U] du surplus de ses demandes,

Rejette la demande de la SARL ALPHA MATH à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

Dit que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles et les dépens exposés par elle en première instance et en appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 12/12218
Date de la décision : 20/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°12/12218 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-20;12.12218 ?
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