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19/05/2016 | FRANCE | N°15/04981

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 mai 2016, 15/04981


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 19 Mai 2016

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04981



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Février 2004 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 03/07985





APPELANT

Monsieur [P] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Cél

ia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : J129





INTIMEE

SOCIETE ENDEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 438 277 030 00591

représentée par Me Christine PAQUELIER,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 19 Mai 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04981

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Février 2004 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS RG n° 03/07985

APPELANT

Monsieur [P] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de Me Célia DIEDISHEIM, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : J129

INTIMEE

SOCIETE ENDEL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 438 277 030 00591

représentée par Me Christine PAQUELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0450

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Marie-Liesse GUINAMANT, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère pour le Président empêchée et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [P] [O] a été engagé en qualité de plombier par la société MIEGE ET BULHER, aux droits de laquelle est venue la société SEM CANALISATIONS, puis la société ENDEL, suivant contrat à durée indéterminée du 22 septembre 1969. En dernier lieu, il exerçait les fonctions de chef de chantier.

Le 22 janvier 2002, M. [O] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande relative à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 24 février 2004, notifié le 8 août suivant, le Conseil de prud'hommes de Paris a condamné la société SEM CANALISATIONS au paiement des sommes suivantes :

- 1 234,80 euros à titre de rappel de prime de rendement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par lettre recommandée en date du 15 juin 2004, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 24 juin suivant. Par lettre recommandée du 7 juillet 2004, M. [O] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

M. [O] a interjeté appel du jugement précité du 24 février 2004.

Par ordonnance du 30 juin 2006, dont la date de notification à l'appelant ne résulte pas des pièces du dossier, l'affaire a été radiée du rôle dans l'attente de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale. Par arrêt en date du 31 mai 2012, la Cour d'appel de Paris a jugé que la pathologie dont souffrait M. [O] ne relevait pas des dispositions afférentes aux maladies professionnelles.

Par lettre en date du 16 décembre 2014, M. [O] a sollicité le ré-enrôlement de l'affaire, expliquant n'avoir eu connaissance que le 27 novembre 2014 de l'ordonnance de radiation.

Vu les conclusions déposées le 17 mars 2016, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par M. [O], qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris sur les primes de rendement, de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du harcèlement moral et de condamner la société ENDEL au paiement des sommes suivantes :

- 2 262,25 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 9 231 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 931,77 euros au titre des congés payés afférents,

- 73 848 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

avec compensation judiciaire des sommes allouées au salarié avec la somme de 2 594,08 euros due à la société en application de l'arrêt du 19 mai 2005 réformant l'ordonnance de référé du 3 mai 2004 ;

Vu les conclusions déposées le 17 mars 2016, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, excepté pour la péremption à laquelle elle renonce expressément, par la société ENDEL, qui demande à la Cour de débouter M. [O] de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner au paiement des sommes suivantes :

- 2 594,08 euros en remboursement du salaire payé à tort après la deuxième visite de reprise, avec intérêts de droit à compter du 17 juin 2004 et capitalisation des intérêts,

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'exécution du contrat

En ce qui concerne le harcèlement moral

Attendu qu'il résulte de l'article L.1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que M. [O] soutient avoir été victime de harcèlement moral ; qu'il explique que son employeur a cessé brutalement de lui verser la prime de rendement d'un montant moyen de 137,20 euros, au motif qu'il avait refusé de rédiger des rapports journaliers alors qu'il ne sait ni lire ni écrire le français, qu'il a dû saisir la juridiction prud'homale pour en obtenir le paiement, qu'il s'en est suivi une rétrogradation à un poste de maintenance et qu'alors qu'il était en congé maladie, le médecin conseil a effectué plusieurs contrôles, dont l'un s'est déroulé de manière particulièrement choquante ;

Attendu qu'au soutien de ses allégations, M. [O] fait valoir que la suppression de la prime de rendement n'est pas contestée et que la société ne demande pas du reste que le jugement entrepris, qui l'a condamnée au paiement de ladite prime, soit réformé sur ce point ; que l'attestation du salarié qui l'a assisté lors de l'entretien du 29 octobre 2001 relatif à ladite prime confirme que sa suppression était liée à son refus, légitime dès lors qu'il ne sait ni lire ni écrire en français, de rédiger des rapports journaliers ; que M. [O] verse également aux débats deux attestations de salariés selon lesquelles il était « puni » dans la cour, à effectuer des tâches sans intérêt ; qu'il produit une lettre de son fils critiquant le déroulement d'un contrôle médical ; qu'il justifie enfin de son hospitalisation pour un accident cardiaque ; que ces éléments concordants, pris dans leur ensemble, sont de nature à présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Attendu que, pour sa part, l'employeur fait valoir que le comportement du salarié s'est dégradé après que des observations lui ont été faites pour le non-respect des règles de sécurité, en décembre 2000, qu'un entretien a eu lieu s'agissant de la prime de rendement, au cours duquel M. [O] a confirmé refuser de respecter ses consignes, que si M. [O] n'a plus été affecté sur des chantiers, c'est en raison de la baisse d'activité de l'entreprise, qui a concerné plusieurs salariés, et du refus de l'intéressé de se rendre sur certains chantiers ;

Attendu que la Cour relève cependant que la suppression de la prime de rendement était fondée non sur une volonté de harcèlement, mais sur des faits objectifs, à savoir le refus du salarié de rédiger des rapports journaliers et l'absence de celui-ci à la convocation au permis piste, indispensable pour circuler sur l'aéroport [Établissement 1], lieu d'un chantier ; qu'il résulte de l'attestation du salarié qui a assisté M. [O] à sa demande lors de l'entretien du 29 octobre 2001 que l'intéressé a maintenu son refus de rédiger lesdits rapports et de se présenter au permis piste, menaçant de laisser son fourgon et son téléphone au dépôt le lundi suivant ; que s'il explique aujourd'hui que les demandes de son employeur étaient infondées dès lors qu'il ne sait ni lire ni écrire en français, tel n'est pas le cas dès lors, d'une part, que son employeur lui avait proposé l'aide d'une tierce personne pour rédiger les rapports en question, portant notamment sur le pointage des salariés présents, les travaux réalisés, les difficultés rencontrées et les éventuelles doléances des clients et que, d'autre part, l'obligation de se présenter au permis piste n'impliquait pas une obligation particulière de lecture ou d'écriture et encore moins une obligation de résultat ; que le seul grief pouvant être reproché à cet égard à l'employeur, alors que l'insubordination de son salarié aurait pu justifier son licenciement, est d'avoir cessé de lui verser une prime à titre de sanction disciplinaire ; que, par ailleurs, la société justifie avoir rencontré une baisse d'activité impliquant des affectations de plusieurs salariés à d'autres occupations que des chantiers, afin d'éviter leur licenciement, situation qui n'apparaît ainsi pas propre à l'intéressé ni liée à la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en outre, M. [O] ne conteste pas avoir refusé deux chantiers, à [Localité 2] et [Localité 3], au motif qu'ils étaient éloignés de son domicile ; qu'enfin, l'employeur était en droit de prévoir des contre-visites médicales dans le cadre d'un congé maladie, étant observé qu'aucun lien n'a été retenu entre la maladie de l'intéressé et son travail ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits énoncés par M. [O] ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Sur la rupture du contrat

Attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutive à une maladie non professionnelle le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre son emploi, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités en prenant en compte les indications du médecin sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; qu'il en résulte que l'inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé ; que le reclassement du salarié doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ;

Attendu que l'avis du médecin du travail en date du 12 février 2004 énonce que M. [O] est inapte au poste de chef de chantier, qu'il ne doit pas être affecté à un poste nécessitant des efforts physiques importants (effort violent répétitif ou intense et prolongé), des travaux en égouts, des travaux soumis aux intempéries et des travaux pouvant occasionnés un stress important ; que selon le même avis pouvait être envisagé un poste sédentaire de bureau ;

Attendu que M. [O] soutient que son employeur a manqué à son obligation de reclassement ; que, toutefois, les restrictions précitées étaient telles qu'aucun poste sur un chantier ne pouvait être proposé à l'intéressé ; qu'au demeurant M. [O] a, par lettre du 2 décembre 2003, indiqué qu'il était inconcevable qu'il retravaille sur un chantier avec la pathologie dont il souffrait, justifiant une invalidité de 2ème catégorie ; que, par ailleurs, le salarié ne sachant ni lire ni écrire ne pouvait occuper aucun poste de bureau, même en bénéficiant d'une formation d'adaptation au poste qui se serait révélée en toute hypothèses insuffisante ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement de M. [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il doit être débouté de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement ;

Attendu, en deuxième lieu, que M. [O] sollicite un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 2 262,25 euros ; que, toutefois, l'article 20 de la convention collective nationale du bâtiment précise que l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement est constituée par les appointements fixes et la moyenne arithmétique de la partie variable, à l'exclusion des remboursements de frais ; qu'en conséquence, les indemnités versées par la caisse des congés du BTP, qui doivent être prises en compte pour le calcul de l'indemnité légale, sont exclues de l'assiette de l'indemnité conventionnelle, de même que le remboursement de la carte de transport ; que, par suite, la demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement doit être rejetée ;

Attendu, en troisième et dernier lieu, que la société ENDEL sollicite la condamnation de M. [O] au paiement de la somme de 2 594,08 euros qu'elle lui a versée en exécution de l'ordonnance du 3 mai 2004, laquelle a été infirmée par un arrêt de la Cour d'appel de céans en date du 19 mai 2005 ; que, toutefois, ledit arrêt constituant un titre exécutoire, il ne peut être ordonné dans le cadre de la présente instance le remboursement de la somme en question ; que cette demande sera par conséquent rejetée ;

Sur les dépens et les frais de procédure

Attendu que M. [O] perdant à l'instance d'appel sera condamné aux dépens de celle-ci ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [O] aux dépens d'appel ;

REJETTE toute autre demande.

LE GREFFIER P / LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/04981
Date de la décision : 19/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°15/04981 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-19;15.04981 ?
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