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19/05/2016 | FRANCE | N°14/16654

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 19 mai 2016, 14/16654


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 19 MAI 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16654



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CRETEIL en date du 15 Juillet 2014 - RG n° 13/00247





APPELANTE



SA [W]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège >
ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]



Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant Me MONDOLONI Dominique,...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 19 MAI 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16654

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CRETEIL en date du 15 Juillet 2014 - RG n° 13/00247

APPELANTE

SA [W]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant Me MONDOLONI Dominique, du cabinet WILLKIE-FARR-GALLAGHER, avocat au barreau de PARIS, toque : J003

INTIMÉE

SCI [W]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

ayant pour avocat plaidant Me Thierry LEVY et Me Laurent SCHRAMECK, de l'AARPI THIERRY LEVY ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R507

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président et Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre Chambre afin de compléter la Cour

Qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine ROSSI, Conseillère, dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.

*

La sci [W], dont monsieur [M] [W] est gérant et détient 70% des parts, est propriétaire d'un immeuble sis [Adresse 2].

La société [W] SA, anciennement dénommée [W] Antiquité, a pour activité l'achat, la vente, la location d'objets d'antiquités et en particulier de meubles meublants, la majorité de ses actions appartient depuis 1992 au groupe GL Events, 15% étant restés la propriété de monsieur [M] [W], président directeur général de [W] SA jusqu'au 22 févier 2013, date à laquelle il est devenu directeur salarié jusqu'à son départ en retraite en janvier 2014.

La sci donnait à bail à la société [W] Location, société soeur de [W] SA, des bureaux d'une superficie de 200 mètres carrés. Le droit de jouissance ayant été cédé par acte sous seing privé du 4 juin 1992 par le preneur à [W] Antiquités qui s'engageait à respecter les clauses du bail et était subrogé dans tous les droits de la société [W] Location au titre du bail.

Le 17 novembre 2011, un incendie a détruit l'immeuble du [Adresse 2]. Les bureaux de 200 mètres carrés loués à la société [W] SA, mais également un entrepôt de 4 000 mètres carrés loué à cette même société aux termes d'un bail distinct, où était conservé son stock, ont été détruits.

Suite à cet incendie, un accord transactionnel relatif à des compensations financières a été signé entre la sci [W] et [W] SA le 5 décembre 2011. C'est dans ces circonstances, que la sci [W] assignait [W] SA devant le tribunal de commerce de Créteil en vue de l'annulation du protocole transactionnel au motif qu'il ne comportait ni concessions réciproques, ni cause et qu'il était entaché de vices du consentement.

Dans un jugement contradictoire du 15 juillet 2014, le tribunal de commerce de Créteil a accueilli la demande formée par la sci [W] en annulant le protocole transactionnel du 5 décembre 2011, pour défaut de mandat du signataire du protocole, monsieur [Q] [E], signataire, ne détenant aucun pouvoir pour représenter la société [W] SA, en sa qualité de directeur général délégué, dès lors que les mentions requises par le code de commerce au procès-verbal de nomination faisaient défaut. Le tribunal a également condamné la société [W] SA aux dépens et à payer à la sci [W] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La société [W] SA a interjeté appel de cette décision.

***

La société [W] SA, appelante, demande à la cour, dans ses conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées le 18 août 2015 par voie électronique, de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement rendu le 15 juillet 2014 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a prononcé la nullité du protocole transactionnel du 5 décembre 2011 et en conséquence de débouter la sci [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; statuant à nouveau, de dire irrecevable le moyen tiré de la nullité du protocole transactionnel du 5 décembre 2011 à raison de la prétendue absence de pouvoir du signataire, pour le compte de la société [W] ; subsidiairement, le dire mal fondé ; dire irrecevable le moyen tiré de la nullité du protocole à raison de la prétendue absence de concessions réciproques ; dire irrecevable le moyen tiré de la nullité du protocole pour erreur sur l'objet de la contestation ; subsidiairement, rejeter tous autres moyens de nullité comme mal fondés ; en conséquence, constater la validité du protocole transactionnel conclu le 5 décembre 2011 entre la sci [W] et la société [W] SA ; condamner la sci [W] à payer à la société [W] SA la somme de 500.000 euros en exécution de ses obligations contractuelles, la condamner à lui restituer la somme de 50.163,27 euros correspondant aux loyers payés par la société [W] SA en exécution de la transaction du 5 décembre 2011, la condamner aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La sci [W], intimée, demande à la cour, dans ses conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées le 28 août 2015 par voie électronique, de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Créteil du 15 juillet 2014 en vertu des articles 1111, 1112, 1131, 1722, 2044 et suivants du code civil, et en toute hypothèse de constater la nullité du protocole transactionnel du 5 décembre 2011, de condamner la société [W] SA à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2015.

***

Sur le défaut de pouvoir du signataire du protocole transactionnel

Le tribunal de commerce a annulé le protocole conclu entre les parties au motif que le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration, qui relate la décision du conseil de donner à monsieur [Q] [E] le pouvoir de signer le protocole pour le compte de la SA [W], est irrégulier pour ne comporter que la seule signature de ce dernier, alors qu'aux termes des dispositions de l'article R. 225-23 du code de commerce, il devait comporter également la signature du président du conseil d'administration ou à défaut celle de deux administrateurs.

L'appelante fait valoir que cette irrégularité est imputable à monsieur [M] [W] qui, regrettant l'accord intervenu, a refusé de signer le procès-verbal en cause.

Elle oppose dans tous les cas que l'action en nullité pour défaut de pouvoir du signataire qui engage la société est ouverte à elle seule et que loin de réclamer l'annulation de la convention elle en a au contraire exécuté volontairement les termes.

En effet, et après avoir observé en tout état de cause que la fraude alléguée n'est pas établie, la sci [W], co-contractante, ne peut valablement opposer l'absence de pouvoir du signataire du protocole du 5 novembre 2011 pour le compte de la SA [W], alors et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, que seule cette dernière pouvait se réclamer de la nullité relative ou de l'inopposabilité de l'acte à son égard dans l'hypothèse d'un dépassement du pouvoir confié ou de l'inexistence de celui-ci.

Sur l'absence de concessions réciproques

- sur la recevabilité

La SA [W] conclut à l'irrecevabilité de ce moyen, au motif qu'il viserait en réalité à l'exercice par la sci d'actions qui, en application des dispositions de l'article 2052 du code civil, ne lui sont pas ouvertes, à savoir l'action en nullité pour cause de lésion, son seul argument étant celui d'une disproportion de valeur entre les concessions respectivement octroyées, et, l'action en nullité pour erreur de droit, la sci [W] prétendant tirer parti de ce que les prétentions de la société [W] seraient vouées à l'échec en droit.

Elle ajoute, que dans les faits, les concessions réciproques correspondaient à la renonciation au procès, qui est une concession même si elle est affectée d'un aléa.

Il convient cependant de juger recevable le moyen opposé par la sci [W] tiré de l'absence de concessions réciproques, les arguments avancés par la sa [W] au soutien de l'irrecevabilité touchant au fond même du débat opposant les parties.

- sur le fond

Le régime de la transaction est défini par les articles 2044 à 2058 du code civil.

Ainsi, aux termes de l'article 2044 alinéa 1er 'La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.'

Aux termes de l'article 2052 'Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion.'.

L'article 2053 dispose : 'Néanmoins une transaction peut être réscindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence.'

Il importe encore de rappeler que si les concessions consenties doivent être réciproques et non dérisoires, elles n'ont pas à être équivalentes en valeur.

Pour soutenir le caractère dérisoire de la concession consentie par la sa [W], la sci [W] entend opposer qu'était vouée à l'échec l'action que l'appelante prétendait pouvoir mener dans le seul but de simuler consentir une concession.

Ainsi, le protocole contesté exposait un litige entre les parties relatif à 'la relation contractuelle des bail de locaux', suite à l'incendie. L'acte indiquait que la bailleresse estimait que les locaux avaient été totalement détruits et que le bail était donc résilié de plein droit sans indemnité, tandis que la preneuse estimait que les locaux n'ayant été détruits que partiellement, ils n'avaient pas été rendus impropres à leur usage et que 'nonobstant les dispositions du bail', la faculté de mettre fin au bail était réservée à la société [W] SA. Ainsi, en application de la transaction, la sci [W] devait verser 500.000 euros et [W] SA s'obligeait à payer les loyers jusqu'au 31 mars 2012 soit la somme de 50.163,27 euros ; les parties s'engageaient par ailleurs à renoncer à initier toute procédure en vertu du bail.

Cependant, le bail contenait une clause stipulant qu'en cas de destruction totale comme partielle du bien le bailleur aurait la faculté de résilier le contrat sans indemnité due au preneur, ce, dans les termes suivants : 'Si les locaux viennent à être détruits en totalité par un événement indépendant de la volonté du bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit sans indemnité.

En cas de destruction partielle, le présent bail pourra être résilié sans indemnité à la demande de l'une ou l'autre des parties et ce par dérogation à l'article 1722 du Code Civil, mais sans préjudice, pour le bailleur, de ses droits éventuels contre le preneur si la destruction peut être imputée à ce dernier.'

Aux termes de l'article 1722 du code civil visé au protocole : 'Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résiliée de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun décommagement.'.

Ainsi, en application de ladite clause figurant au bail, l'appelante ne pouvait prétendre à aucune indemnité et ce, quelque soit la nature de la destruction, totale comme partielle. Mais plus encore, la clause permettait à la sci de rechercher la responsabilité de la sa [W].

De plus et comme le fait valoir la sci [W], à en supposer acquise la nullité, alors devait s'appliquer l'article 1722 précité aux termes duquel le preneur n'avait pas davantage droit à dédommagement.

Aussi, la renonciation par la société [W] SA à toute action en justice sur le fondement du bail était-elle dérisoire au regard de la contrepartie apportée par la sci [W] qui renonçait à agir en justice mais s'engageait encore à acquitter par compensation la somme de 449.836,73 euros, ce qu'elle aurait pu éviter en vertu de la clause sus-mentionnée.

Dès lors, et si comme l'oppose la sa [W], il n'appartient pas au juge à l'occasion de l'examen de la transaction de trancher le litige que les parties en transigeant n'ont pas entendu soumettre au procès, il lui revient néanmoins de s'assurer de la réalité des concessions prétendument réciproques. Or, en l'espèce, il ne peut qu'être constaté l'absence de concession de la part de la sa [W] à renoncer à se prévaloir d'un droit qu'elle ne pouvait tirer ni du contrat ni en tout état de cause de la loi. Dès lors, la concession consentie par la sa [W] qui entend avancer à ce titre l'aléa judiciaire était dérisoire au regard de celle consentie par la sci [W].

Pour ces motifs, la transaction conclue entre les parties doit être annulée.

C'est donc par substitution de motifs que la décision déférée sera confirmée.

Sur la demande subsidiaire en remboursement des loyers

Il convient de condamner la sci [W] au remboursement de la somme de 50.163,27 euros acquittée par la sa [W] en exécution de la transaction présentement annulée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel

Il y a lieu de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

S'agissant de la procédure d'appel, il convient de condamner la société [W] SA à payer à la sci [W] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme, par substitution de motifs, le jugement rendu le 15 juillet 2014 par le tribunal de commerce de Créteil ;

Y ajoutant,

Condamne la sci [W] à payer à la société SA [W] la somme de 50.163,27 euros ;

Condamne la société SA [W] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de maître Francine Havet dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société SA [W] à payer à la sci [W] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Pauline ROBERT Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/16654
Date de la décision : 19/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°14/16654 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-19;14.16654 ?
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