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19/05/2016 | FRANCE | N°13/04373

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 mai 2016, 13/04373


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 19 MAI 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04373



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° F 11/00058









APPELANT

Monsieur [F] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959

à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095







INTIMEE

SA TANG FRERES

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 306 243 83...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 19 MAI 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04373

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° F 11/00058

APPELANT

Monsieur [F] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095

INTIMEE

SA TANG FRERES

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 306 243 833

représentée par Me Agnès BRAQUY POLI, avocat au barreau de PARIS, toque : R226, en présence de M. [C] [X] en vertu d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrice LABEY, Président de chambre

M. Philippe MICHEL, Conseiller

Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [F] [S] a été engagé par la SA TANG FRÈRES par contrat écrit à durée indéterminée à compter du 21 juin 2005 en qualité de préparateur.

Les relations contractuelles entre les parties sont régies par la Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

L'entreprise emploie plus de 11 salariés.

À la suite d'un avis d'aptitude partielle à son poste avec une restriction permanente sur le travail en chambre froide rendu le 28 août 2008 par le médecin du travail et de l'avis d'aptitude au poste de cariste sous la même restriction du 25 novembre 2008, Monsieur [F] [S] a été affecté à un poste de cariste.

Invoquant une inégalité entre son salaire et celui des autres caristes, dont certains venaient d'être embauchés, Monsieur [F] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL le 21 septembre 2010 afin d'obtenir la condamnation de la SA TANG FRÈRES, avec exécution provisoire, à le rétablir dans un salaire de base fixé à 1 469,90 € à compter du 1 janvier 2012, et à lui payer la somme de 7 000 € à titre de dommages et intérêts, outre celle de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La SA TANG FRÈRES a conclu au débouté de Monsieur [F] [S] et à la condamnation de celui-ci-ci au versement de la somme de 1 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie d'un appel interjeté par Monsieur [F] [S] contre le jugement du conseil de prud'hommes de CRÉTEIL du 8 avril 2013 qui l'a débouté de ses demandes.

Par conclusions déposées le 25 février 2016 au soutien de ses explications orales, Monsieur [F] [S] demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris

- Juger qu'il existe une violation du principe travail égal/salaire égal à son détriment,

- Condamner la société TANG FRERES à lui payer les sommes :

'10.000 € à titre de dommages-intérêts pour violation du principe travail égal/salaire égal,

'8.370,28 € à titre de rappel de salaire sur temps de pause,

'837,28 € à titre de congés payés afférents,

'3 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la Convention Collective Nationale et obligation de santé et de sécurité,

'2 500 € à titre de dommages-intérêts pour absence de document unique des risques,

'2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'Ordonner la remise d'un bulletin de paie conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard.

À l'audience, Monsieur [F] [S] précise renoncer à sa demande en dommages-intérêts pour absence de document unique des risques

Par conclusions également déposées le 25 février 2016 au soutien de ses explications orales, la SA TANG FRÈRES demande à la cour de :

- Déclarer Monsieur [F] [S] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes,

- Dire que Monsieur [S] n'a pas subi de discrimination salariale;

- Débouter Monsieur [S] de sa demande de rémunération des temps de pause, et dommages et intérêts pour non respect de la Convention collective et obligation de santé et de sécurité;

- Constater que Monsieur [S] a été rémunéré au titre de ses temps de pause effectivement pris,

Subsidiairement,

- Rejeter toute demande à ce titre antérieurement au 16 janvier 2010 et ramener le montant de la demande de Monsieur [S] à 5 149,49 €,

- Constater que la Société TANG FRERES n'a pas manqué à son obligation de santé et de sécurité,

- Constater que la Société TANG FRERES dispose d'un document unique d'évaluation des risques,

En conséquence.

- Débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Condamner Monsieur [F] [S] à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la discrimination salariale

Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal », dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités. Cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.

Pour infirmation du jugement entrepris, Monsieur [F] [S] rappelle qu'il exerce les fonctions de cariste à compter du 1er septembre 2008, comme mentionné sur sa fiche de paie depuis le 1er janvier 2009 avec une qualification 2 B.

Or, il relève que son salaire de base est de :

'1 342 € puis 1 359,45 (août 2009) en 2009,

'1 366,25 € en 2010 du 01/01/2010 au 30/03/2011,

'1 378,68 € depuis le 01/04/2011,

'1 400,74 € à compter du 01/07/2011,

'1 425,70 € à partir du 1/07/12

'1 500 € à compter du 1/09/12,

alors que Monsieur [M], cariste niveau 2 B était payé pour le même emploi et qualification et pour une ancienneté inférieure (1/08/2005):

'1 443,82 € jusqu'en juillet 2009

'1462,59 € de août 2009 à décembre 2009

'1469,90 € à compter de janvier 2010 à juin 2011

' 1493,42 € à compter de juillet 2011

et que Monsieur [T] était payé pour une ancienneté supérieure (27/10/2003):

'1 469,90 € en juin 2011

et que Messieurs [P] [V] [B] (16) et [V] [Y] étaient payés pour une qualification cariste 2 A avec une ancienneté au 01/07/2009 :

'1 400 €

'1 407 € à compter du 1 01 10

'1 429,51 € à compter du 1 07 11

'1 500 € à compter de septembre 12

Il estime ainsi avoir été payé à un salaire inférieur à des collègues de qualification et ancienneté inférieures (M. [B]) ou à qualification égale ([T], [M]) jusqu'à ce que la SA TANG FRÈRES décide de rémunérer tous les caristes de façon identique à 1 500 € par mois à compter du 1er septembre 2012.

Il ajoute que :

'tous les caristes sont placés dans une situation identique, le travail étant le même au sein de l'entrepôt pour les qualifications 2 B,

'il ne peut lui être opposé qu'il serait employé comme préparateur dans la mesure où il est cariste 2 B, fonction mentionnée dans les fiches de paie,

'la différence d'ancienneté ne saurait constituer la justification d'une inégalité de rémunération dès lors qu'il est constaté que des collègues avec une ancienneté inférieure et une qualification identiques sont mieux payés,

'le fait qu'il ait bénéficié d'une évolution de salaire de 6,032 % entre 2009 et le 1/07/11 alors que ces collègues caristes niveau B avaient une augmentation de salaire sur la même période de 3,435 % est indifférent puisque cette augmentation n'a pas conduit à ce qu'il soit payé au même niveau que ces collègues, et ne constitue donc qu'un rattrapage insuffisant d'une discrimination salariale,

'la différence objective de traitement n'est nullement justifiée, la fonction n'exigeant au demeurant pas de qualification particulière en dehors du permis de cariste.

Pour confirmation du jugement entrepris, la SA TANG FRÈRES indique ne pas contester que Monsieur [F] [S], à qualification égale II B depuis le 1er avril 2009, a un salaire inférieur à celui de certains autres caristes de la société, mais que cette situation s'explique par l'ancienneté de ces salariés dans cette fonction.

Cela étant, l'ancienneté dans l'entreprise ainsi que l'expérience professionnelle constituent, au même titre que la compétence, une justification positive d'une différence de rémunération pour un travail de valeur égale.

La situation de Monsieur [F] [S] doit être examinée au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise qui remonte à juin 2005 mais également de son ancienneté et expérience dans ses nouvelles fonctions de cariste (niveau IIB après 6 mois de fonction), différentes par leur nature et leur qualification de celles de préparateur (niveau IB après 6 mois de fonction) qu'il exerçait antérieurement.

Monsieur [F] [S] revendique une ancienneté en qualité de cariste au 1er septembre 2008. Cependant, les seules pièces objectives produites au dossier sont les bulletins de paie de Monsieur [F] [S] qui mentionnent la fonction de cariste à compter du 1er janvier 2009. Cette date sera donc retenue.

La SA TANG FRÈRES verse les dossiers de ses caristes d'où il ressort les éléments suivants :

'M. [T], qui au 1er janvier 2009 avait déjà un salaire de 1 443, 82 € contre 1 321,05 € pour Monsieur [F] [S], a été embauché en octobre 2003 comme cariste avec une ancienneté dans la profession de 20 ans. Ce salarié a donc une ancienneté dans l'entreprise et une expérience professionnelle dans la fonction de cariste supérieures à celles de Monsieur [F] [S].

'M.[M], qui perçoit le même salaire de M. [T], a été embauché en août 2005 en qualité de Préparateur-chauffeur. Il est devenu cariste en janvier 2006. Ce salarié a donc une ancienneté dans l'entreprise équivalente à celle de Monsieur [F] [S] mais une expérience professionnelle dans ses fonctions de cariste supérieure.

'M. [B] a été embauché le 1er septembre 2009, au salaire de 1 400,00 € contre 1 359,45 € pour Monsieur [F] [S] à la même date (soit une différence de rémunération de 40,55 € par mois soit 2,8 %. Néanmoins, selon son CV produit lors de son engagement, M. [B] exerçait les fonctions de cariste depuis 2000 chez PEUGEOT-CITROËN puis POINT P. S'il était nouvellement embauché au sein de la SA TANG FRÈRES, il disposait à la date de son engagement d'une expérience professionnelle de 9 ans contre 9 mois dans la fonction pour Monsieur [F] [S].

'M. [Y] a été embauché le 2 juin 2009, en qualité de magasinier-cariste, au même salaire de 1 400,00 € que M. [B], contre 1 359,45 € pour Monsieur [F] [S] à la même date. Néanmoins, selon son CV, lors de son engagement, M. [Y] exerçait les fonctions de cariste depuis 2004 dans le Groupe SOFTLOG-TELIS. S'il était nouvellement embauché au sein de la SA TANG FRÈRES, il disposait à la date de son engagement d'une expérience professionnelle de 5 ans contre 6 mois dans la fonction pour Monsieur [F] [S].

Par ailleurs, pour une comparaison plus fidèle des situations, la SA TANG FRÈRES verse également les dossiers des salariés suivants :

'M. [J], dont le salaire était plus élevé de 93,42 € par mois par rapport à Monsieur [F] [S] en juillet 2011,est entré en novembre 1990 dans la société MANUPREST en qualité de préparateur et est passé cariste avant son intégration dans la SA TANG FRÈRES en 1996. Ce salarié bénéficie donc d'une ancienneté dans l'entreprise et d'une expérience professionnelle dans la fonction de cariste supérieures à celles de Monsieur [F] [S],

'M. [Z], dont le salaire dépasse de 47,35 € par mois celui de Monsieur [F] [S] en juillet 2011, a été engagé le 1er octobre 2008, avec une expérience de 28 ans dans la profession et percevait au sein de la SCA PACKAGING FEGERSHEIM dont il était licencié économique, un salaire de 1 735,14 €. Ce salarié bénéficie donc d'une ancienneté dans l'entreprise inférieure à celle de Monsieur [F] [S] mais d'une expérience professionnelle dans la fonction de cariste supérieure.

'M. [Q] a un salaire équivalent à celui de M.[S], avec toutefois une différence de 7,14 € par mois qui s'explique par le fait qu'il est seul cariste sur un autre site à ALFORTVILLE.

Il apparaît ainsi que la SA TANG FRÈRES justifie la différence de rémunération au détriment de Monsieur [F] [S] par rapport à des collègues exerçant les mêmes fonctions par des éléments objectifs liés à l'ancienneté dans l'entreprise et à l'expérience professionnelle.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [S] de ses demandes au titre de la discrimination salariale.

Sur la rémunération du temps de pause

Sur le principe

En vertu de l'article L3121-2 du code du travail, les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis [temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles]. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail ».

L'article 5.4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 est ainsi rédigée :

On entend par « pause » un temps de repos - payé ou non - compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue.

La « coupure » interrompt la journée de travail de façon collective (fermeture de l'établissement) ou individuelle (temps imparti par roulement, pour le déjeuner par exemple).

Les pauses et coupures sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement en fonction de l'organisation du travail qui y est en vigueur.

Une pause payée est attribuée à raison de 5 % du temps de travail effectif.

Les conditions de prise des pauses sont fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement.

A défaut d'entente sur ce point, tout travail consécutif d'au moins 4 heures doit être coupé par une pause payée prise avant la réalisation de la 5e heure. Il est, en outre, rappelé qu'en application de l'article L. 220-2 du code du travail aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d'une pause d'une durée minimale de 20 minutes.

La durée des pauses et le paiement correspondant doivent figurer sur une ligne distincte du bulletin de paie.

Le système de pauses prévu ci-dessus n'est pas applicable aux chauffeurs-livreurs qui relèvent du règlement CE 561/2006 du 15 mars 2006 (...)

L'article 2 de l'Avenant « Salaires » n° 21 du 31 janvier 2008 précise :

« 2.1. La composition du salaire minimum mensuel garanti (SMMG)

Le salaire minimum mensuel garanti (SMMG) est composé de :

La rémunération du temps de travail effectif ;

La rémunération de la pause d'une durée de 5% du temps de travail effectif, soit 7,58 heures pour un travail effectif mensuel de 151,67 heures, en application de l'article 5.4 de la convention collective nationale.

Seul le montant du SMMG tel que fixé par l'article 3 en fonction du niveau de hiérarchique est à comparer avec le salaire réel mensuel brut versé au salarié.

Le SMMG est proratisé lorsque la durée mensuelle du travail effectif est inférieure à 151,67 heures. Cette proratisation s'effectue sur la base du rapport entre la durée du travail

effectif et 35 heures. »

Sur le fondement de ces textes, Monsieur [F] [S] soutient que la rémunération de tous les salariés de la SA TANG FRÈRES, dont lui-même, doit être calculée sur la base de 35 heures de travail, tel que le prévoit chacun de leur contrat, augmentée de 5 % au titre des temps de pause. Il précise que le temps de pause ne constitue pas un temps de travail et qu'en conséquence, la rémunération du temps de pause doit s'ajouter à celle pour les 35 heures conventionnellement et contractuellement prévues qui constituent un temps de travail minimal devant être rémunéré à part entière.

Il ajoute qu'en incluant le temps de pause dans la durée hebdomadaire du travail, la SA TANG FRÈRES rémunère ses salariés pour 33h33 de travail effectif au lieu de 35h, ce qui diminue de facto leur rémunération, et les fait passer d'un contrat à temps complet à un contrat à temps partiel, le tout sans leur accord.

Il relève que l'inspection du travail a mis en exergue sans être contestée que la pause n'est pas organisée dans l'entreprise ce qui a entraîné la condamnation pénale de la SA TANG FRÈRES suivant jugement du Tribunal de Police du 24 janvier 2014 confirmé par un arrêt du 12 mai 2015 de la Cour d'Appel de PARIS.

La SA TANG FRÈRES réplique que la loi n'exclut pas de pouvoir considérer les temps de pause comme du temps de travail effectif, ni de les rémunérer en tant que tel.

Elle explique, alors, que ses salariés, dont Monsieur [F] [S], travaillent en réalité 33h33, la pause de 20 minutes par jour, soit lh40 par semaine, étant assimilée à du temps de travail effectif et rémunérée comme telle et que cette solution, plus favorable aux salariés que ne l'est la loi ou la convention collective, ne saurait ouvrir droit à réparation, dès lors qu'elle ne cause aucun préjudice aux salariés.

Elle ajoute que cette organisation ne constitue aucunement une modification unilatérale du contrat de travail de Monsieur [F] [S], mais bien de son application pure et simple : les salariés sont embauchés et rémunérés pour 35 heures hebdomadaires de travail effectif, leur temps de pause étant assimilé à du temps de travail effectif.

Elle soutient enfin que la rémunération du temps de pause étant incluse dans celle du temps de travail effectif, il n'y a pas lieu d'y ajouter une seconde fois la rémunération du temps de pause, sauf à payer deux fois la même créance.

Cela étant, il résulte de l'article 5.4 de la Convention Collective Nationale applicable que les salariés du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire bénéficient d'une pause rémunérée qui doit être prise dans les conditions fixée au niveau de chaque entreprise ou établissement, à défaut, après un cycle de 4 heures de travail effectif.

Il ne peut pourtant être déduit de ce texte que ce temps de pause rémunérée doive augmenter le temps de présence du salarié dans l'entreprise ou se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération.

Ce principe ne saurait être confondu avec celui selon lequel les primes rémunérant des temps de pause - qui correspondent à un repos obligatoire durant lequel les salariés ne sont plus à la disposition de leur employeur, non à un travail effectif au sens de l'article L.3121-1 du code du travail ni à un complément de salaire de fait - sont exclues du calcul du salaire minimum garanti légal ou conventionnel. C'est pour cette raison que les différents avenants à la Convention Collective Nationale applicable portant sur les salaires établissent les barèmes des salaires minima mensuels garantis (SMMG) en distinguant la rémunération minimum du travail effectif selon la durée légale et la rémunération au titre de la pause.

Or, Monsieur [F] [S] est rémunéré au delà des minima conventionnels puisque son salaire de base est versé sur 13 mois. Ainsi, à titre d'exemple, Monsieur [F] [S] a perçu, à compter du 1er avril 2011, une rémunération mensuelle de 1 378,68 € sur 13 mois, soit une moyenne de 1 493,57 € sur 12 mois alors que le salaire minimum fixé par l'avenant N° 38 du 8 décembre 2010 relatifs aux salaires minima au 1er mars 2011 était de 1 378,68 € pour le niveau II B et 68,90 € au titre de la pause, soit 1 447,58 €.

Il en résulte que, dans le cas de Monsieur [F] [S], c'est à bon droit que la SA TANG FRÈRES soutient que le temps de pause du salarié doit être pris sur le temps de travail, et non s'y ajouter, et qu'il ne peut donner lieu à une rémunération supplémentaire s'il est utilisé par le salarié.

Cependant, comme relevé par Monsieur [F] [S], il ressort du jugement du tribunal de police de PARIS du 24 janvier 2014 qu'un contrôle effectué par l'inspection du travail le 7 novembre 2012 n'a pas permis de constater l'existence de documents attestant de la prise effective de ces repos par les salariés.

Les plannings horaires des caristes prévoyant un temps de pause de 10 minutes le matin et de 10 minutes l'après midi produits par la SA TANG FRÈRES ne débutent qu'à compter du 1er janvier 2013. Cette situation est conforme aux constats du tribunal de police qui, dans ses motifs, prend acte des dispositions prises dorénavant par la SA TANG FRÈRES à savoir l'installation d'un appareil de pointage, l'affichage d'un planning indiquant le temps de travail effectif et les temps de pause et la précision sur les bulletins de paie du temps de repos rémunéré.

En conséquence, Monsieur [F] [S] est légitime à réclamer la rémunération du temps de pause non pris à hauteur de 5 % du salaire mensuel brut jusqu'au 30 décembre 2012.

Sur le montant

La SA TANG FRÈRES fait valoir que la demande de rémunération du temps de pause de Monsieur [F] [S] est nouvelle car formée pour la première fois le 16 janvier 2015, et est donc irrecevable pour la période antérieure au 16 janvier 2010 car prescrite.

Cela étant, il convient de rappeler que, selon l'article R.1452-1 du code du travail, la saisine du conseil de prud'hommes, même incompétent, interrompt la prescription, qu'en vertu de l'article R.1452-6, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance et qu'enfin l'article R.1452-7 dispose que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.

Ainsi, il résulte de la combinaison de ces textes que, si en principe la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions au cours d'une même instance concernent l'exécution du même contrat de travail.

Dès lors, comme justement soulevé par Monsieur [F] [S], la saisine du conseil de prud'hommes le 21 septembre 2010 a interrompu la prescription pour toutes les actions qui se rattachent au contrat de travail, y compris pour sa demande nouvelle en rappel de salaire.

Le décompte produit par Monsieur [F] [S] est conforme aux dispositions de la convention collective applicable. Il sera toutefois arrêté au 31 décembre 2012.

En conséquence, la SA TANG FRÈRES sera condamnée à verser à Monsieur [F] [S] la somme de 5 642,03 € à titre de rappel sur temps de pause, outre la somme de 564,20 € au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la Convention Collective Nationale et obligation de santé et de sécurité

Monsieur [F] [S] ne précise ni la nature ni l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait du non-respect de la Convention Collective Nationale et de la violation de l'obligation de santé et de sécurité de la SA TANG FRÈRES résultant de l'absence de pause.

Au surplus Monsieur [F] [S] a été rempli de ses droits à rémunération par le rappel de salaire sur temps de pause accordé.

Il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts à ce titre.

Sur la remise des documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise d'un bulletin de paie est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.

Sur les frais non compris dans les dépens

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, la SA TANG FRÈRES sera condamnée à verser à Monsieur [F] [S], admis en un chef de prétention en appel, la somme de 2 500,00 €, au titre des frais exposés par celui-ci qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable l'appel de Monsieur [F] [S],

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA TANG FRÈRES à verser à Monsieur [F] [S] la somme de 5 642,03 € (cinq mille six cent quarante deux euros et trois centimes) à titre de rappel sur temps de pause, outre la somme de 564,20 € (cinq cent soixante quatre euros et vingt centimes) au titre des congés payés afférents,

DÉBOUTE Monsieur [F] [S] de sa demande en dommages-intérêts pour non-respect de la Convention Collective Nationale et obligation de santé et de sécurité,

ORDONNE à la SA TANG FRÈRES de remettre à Monsieur [F] [S] un bulletin de paie récapitulatif rectifié selon la présente décision dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la signification du présent arrêt sous une astreinte provisoire de 100,00 €par jour de retard passé ce délai,

CONDAMNE la SA TANG FRÈRES à verser à Monsieur [F] [S] la somme de 2 500,00 € (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA TANG FRÈRES aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/04373
Date de la décision : 19/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°13/04373 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-19;13.04373 ?
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