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18/05/2016 | FRANCE | N°15/03966

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 18 mai 2016, 15/03966


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 Mai 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03966



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/01209





APPELANTE

Madame [M] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

comparante en per

sonne, assistée de Me Monique PEYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0619







INTIMEE

GIE GIE RSM PARIS anciennement dénommé GIE EXPERTISE AUDIT CONSEIL

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N°...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 Mai 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03966

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/01209

APPELANTE

Madame [M] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Monique PEYRON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0619

INTIMEE

GIE GIE RSM PARIS anciennement dénommé GIE EXPERTISE AUDIT CONSEIL

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 510 75 7 2 55

représentée par Me Emilie BELS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0833

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [C] [Y] [Y]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 2] - MAROC (93300)

représenté par Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0257

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoit DE CHARRY, Président de chambre

Madame Catherine BRUNET, Conseillère

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, président et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [M] [D] a été engagée par le GIE EXPERTISE AUDIT CONSEIL RSM PARIS, dénommé depuis GIE RSM PARIS par contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 novembre 2010 en qualité d'employée professionnelle avec le statut du « personnel itinérant autonome » .

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et commissaires aux comptes.

Madame [M] [D] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 2750 euros bruts.

Le 24 juillet 2012, elle a été élue membre suppléant de la délégation unique du personnel.

Le GIE RSM PARIS occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 30 janvier 2013, Madame [M] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par lettre du 14 août 2013, elle a pris acte de la rupture du fait de l'employeur pour non-respect de ses obligations contractuelles.

Le conseil de prud'hommes de Paris, par un jugement en date du 12 janvier 2015 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a débouté Madame [M] [D] de l'ensemble de ses demandes.

Madame [M] [D] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 14 avril 2015.

Par acte du huissier du 14 octobre 2015, le GIE RSM PARIS a fait assigner en intervention forcée devant la cour d'appel Monsieur [C] [Y].

Madame [M] [D] soutient que la rupture du contrat de travail est imputable à son employeur qui, du fait du non-respect de l'obligation de sécurité qui lui incombe alors qu'elle était harcelée par Monsieur [C] [Y], du fait du harcèlement dont elle a été victime de la part du GIE RSM PARIS, du fait du non-paiement des heures supplémentaires et du non-paiement spontané du complément maladie ainsi qu'en raison de l'entrave apportée à l'exercice de ses fonctions de représentante du personnel, n'a pas respecté ses obligations contractuelles, ce qui a rendu impossible la continuation de la relation de travail.

En conséquence, elle demande à la cour de dire la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et sollicite la condamnation du GIE RSM PARIS à lui payer :

*13 026 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

*136 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents (selon le dispositif de ses dernières conclusions) ou

*1184,13 euros au titre des congés payés afférents (selon les calculs contenus dans le corps de ses conclusions),

*1597,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*20 329,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

*101 645,60 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur sur la période d'août 2013 à juillet 2016,

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Elle demande qu'il soit ordonné au GIE RSM PARIS de lui délivrer, sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard et par document, des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, une attestation de travail rectifiée et une attestation pôle emploi rectifiée et que soit ordonné l'anatocisme des intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Elle demande enfin la condamnation du GIE RSM PARIS à lui payer 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse, le GIE RSM PARIS fait valoir que Madame [M] [D] n'a été victime ni de harcèlement moral ni de harcèlement sexuel, qu'il a respecté ses obligations au regard de la situation dénoncée par la salariée, qu'il n'a eu à son égard aucun comportement relevant d'un harcèlement, que la prise d'acte est mal fondée.

En conséquence, il sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et, reconventionnellement, la condamnation de Madame [M] [D] à lui verser 5550 euros en indemnisation du préavis non exécuté, 10 000 euros pour dénonciation calomnieuse, 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il demande également que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à Monsieur [C] [Y] et que ce dernier soit débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [C] [Y] fait valoir que le GIE RSM PARIS est irrecevable en ses demandes d'intervention forcée et de déclaration d'arrêt commun. Subsidiairement, il conteste tout harcèlement sexuel ou moral à l'égard de Madame [M] [D].

En conséquence, il sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes, la condamnation de Madame [M] [D] à lui payer 6000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et celle du GIE RSM PARIS à lui payer 1500 euros sur ce même fondement.

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la fin de non-recevoir

Monsieur [C] [Y] fait valoir qu'en application des articles 554 et 555 du code de procédure civile, l'intervention, tant volontaire que forcée, ne peut concerner une personne ayant été partie en première instance, à moins que ce ne fût en une autre qualité.

Il rappelle avoir été partie à l'instance devant le conseil de prud'hommes.

Il demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes d'intervention forcée et de déclaration d'arrêt commun et opposable formulées par le GIE RSM PARIS.

Le GIE RSM PARIS répond que Madame [M] [D] ayant sollicité le désistement d'instance et d'action à l'égard de Monsieur [C] [Y], elle a pris la précaution de l'assigner en intervention forcée afin d'éviter tout débat sur la qualité d'intimé de l'intéressé et qu'aux termes des dernières écritures cette qualité est reconnue par l'intéressé.

Vu les articles 547 549 et 550 codes de procédure civile, R 1461-1 du code du travail,

En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés. L'appel incident peut être relevé, sur l'appel principal qui le provoque, par toute personne ayant été partie en première instance. Nonobstant le principe de l'oralité de la procédure en matière prud'homale, l'appel incident peut être régulièrement formé par dépôt ou envoi au greffe de conclusions valant déclaration d'appel.

Au cas d'espèce, le GIE RSM PARIS, ayant la qualité d'intimé, est recevable à relever un appel incident à l'égard de Monsieur [C] [Y], partie en première instance et que l'appelante principale n'avait pas intimé. S'il l'a fait de façon erronée sous forme d'une assignation en intervention forcée, il a régularisé sa demande dans ses conclusions dont la régularité au regard des règles du contradictoire n'est pas contestée, prises à l'encontre de Monsieur [C] [Y] en qualité d'intimé, contenant des demandes à son égard et valant déclaration d'appel incident.

La demande d'irrecevabilité ne sera pas accueillie.

Sur la prise d'acte par la salariée

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte entraîne cessation immédiate du contrat de travail. Si la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement nul si le salarié est protégé. Dans le cas contraire elle produit les effets d'une démission. Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués devant eux par le salarié sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de rupture.

Par une lettre recommandée datée du 14 août 2013, adressée au GIE RSM PARIS, Madame [M] [D] a pris « acte de la rupture à vos torts exclusifs de mon contrat de travail pour non-respect de vos obligations à plusieurs titres, à compter de l'envoi du présent courrier ».

Sur le non-respect de l'obligation de sécurité imposée à l'employeur

Madame [M] [D] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement sexuel et de harcèlement moral de la part de Monsieur [C] [Y].

Le GIE RSM PARIS répond que Madame [M] [D] se contente de formuler des allégations de harcèlement dont elle impute la responsabilité à Monsieur [C] [Y], sans pour autant rapporter la preuve des faits de harcèlement qu'elle dénonce.

Monsieur [C] [Y] soutient qu'elle n'établit pas de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement sexuel ou moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1153-1 de ce même code, aucun salarié ne doit subir des faits :

1° soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Madame [M] [D] soutient qu'après avoir entretenu avec Monsieur [C] [Y] une courte relation sentimentale aux mois de juin et juillet 2011, ce collègue a, par la suite, eu à son égard des gestes constitutifs de harcèlement sexuel. Elle expose ce qui suit :

Au mois de décembre 2011, à l'issue d'un « pot de départ », Monsieur [C] [Y] lui a proposé qu'elle vienne chez lui, ce qu'elle a accepté ne soupçonnant pas qu'il tenterait de la forcer à avoir une relation sexuelle. Elle ajoute qu'elle n'a réussi à partir qu'en criant.

Pour établir la matérialité de ces faits, Madame [M] [D] se réfère à un document écrit établi par Madame [Q]. Celle-ci indique dans un message électronique qu'elle a adressé au GIE RSM PARIS : « [M] me relate qu'après le pot, elle est montée à l'étage de l'appartement d'[C] [Y] à sa demande. Elle me relate qu'arrivée chez lui, il lui a fait de l'intimidation et a été agressif (poussée contre le canapé et discours inapproprié). [M] m'a raconté qu'elle était sortie de l'appartement avec difficulté. [M] fut traumatisée et marquée par cette soirée ». L'auteur de cet écrit n'a personnellement constaté aucun des agissements que Madame [M] [D] impute à Monsieur [C] [Y], et elle se borne à rapporter des propos tenus par l'intéressée.

En conséquence, et à défaut de production de tout autre élément démontrant la commission des faits allégués, Madame [M] [D] n'établit pas leur matérialité.

Du 7 au 9 février 2012, Madame [M] [D] et Monsieur [C] [Y] ont été envoyés en mission à [Localité 3] par leur employeur. Selon Madame [M] [D], Monsieur [C] [Y] lui avait, dans le train, pris le sein, avait, dans une voiture de location, à plusieurs reprises tenté de lui toucher la cuisse, avait, à l'hôtel, insisté lourdement pour qu'elle vienne dans sa chambre ce qu'elle avait refusé, l'avait, le lendemain plaquée au mur dans un parking, puis, dans sa chambre, l'avait enlacée et lui avait fait des propositions douteuses du type : « on peut prendre un bain ensemble ».

Pour établir la matérialité de ces faits, Madame [M] [D] invoque l'écrit de Madame [Q] qui, là encore, ne fait que rapporter des propos téléphoniques de l'intéressée, ainsi que des courriels qu'elle a adressés à plusieurs correspondants, dont un seul fait état de façon explicite d'agissements d'ordre sexuel imputés à Monsieur [C] [Y] et qui, comme émanant de la plaignante, n'ont pas de valeur probante. Elle produit également l'enregistrement d'une conversation téléphonique qu'elle a eue le 11 mai 2012 avec Monsieur [C] [Y] ainsi que des attestations de personnes à qui elle a fait écouter cet enregistrement. Il n'est pas contesté que cet enregistrement a été réalisé à l'insu de Monsieur [C] [Y]. Or l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue. De même, est déloyal le fait de permettre à un tiers d'écouter une conversation téléphonique à l'insu de l'un des interlocuteurs afin de conduire ce tiers à établir une attestation relative aux termes de cette conversation, destinée à être produite à titre de preuve. Il ne peut être tenu aucun compte de cet enregistrement et des attestations relatives à celui-ci. Elle se réfère enfin à des conclusions adverses dans lesquelles l'employeur indique que Monsieur [C] [Y] a reconnu qu'en février 2012, il a tenté d'embrasser Mademoiselle [D] qui a repoussé ses avances. La lecture de ces écritures ne révèle nullement qu'à l'occasion de l'enquête menée au sein de l'entreprise et qui a consisté à entendre Madame [M] [D] et Monsieur [C] [Y], celui-ci a reconnu avoir tenté d'embrasser Mademoiselle [D] dans la mesure où il est seulement indiqué « de cette enquête il est ressorti que ' Mme [D] s'est lovée dans le train dans les bras de Monsieur [Y] puis, prise de remords compte tenu de la liaison qu'elle avait démarrée avec son compagnon, s'en est soudainement éloignée. Le soir même, Monsieur [Y] a tenté de l'embrasser mais Mlle [D] a repoussé ses avances », sans que soit consigné un quelconque aveu de la part de Monsieur [C] [Y].

En conséquence la matérialité des faits que Madame [M] [D] dit s'être produits au mois de février 2012 à [Localité 3] n'est pas établie.

Madame [M] [D] soutient qu'à l'occasion d'une mission du 17 au 21 septembre 2012, Monsieur [C] [Y] n'a plus tenté d'acte à caractère sexuel mais l'a harcelée moralement en lui disant notamment « la [D] ' la [D]ité ' t'es nulle ».

Pour établir la matérialité de ce comportement, Madame [M] [D] se réfère à une attestation établie par un stagiaire qui selon elle a été témoin de ces propos méprisants.

Ce stagiaire, Monsieur [X], indique dans son attestation : « j'ai assisté à une confrontation orale entre [C] [Y] et [M] [D] au cours d'une mission chez un client, dans un cadre professionnel. Cette explication n'a donné lieu à aucune forme de violence, physique, verbale ou même morale. Elle a permis à chacun d'avancer des arguments et d'expliquer les reproches qu'il/elle pouvait avoir sur l'autre en termes d'attitude professionnelle et/ou de la qualité du travail effectué lors de la mission. Cet échange a été strictement professionnel. Aucun propos de nature privée n'a été tenu. En aucun cas je n'ai constaté une quelconque forme de harcèlement dans les propos, qu'il soit moral ou même sexuel ». Cette attestation ne conforte nullement les allégations de Madame [M] [D] relatives à l'existence de propos méprisants à son égard tenus par Monsieur [C] [Y].

La matérialité de ces propos n'est donc pas établie.

Ainsi Madame [M] [D] échoue à établir la matérialité de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, aussi bien sexuel que moral, commis par un collègue.

En l'absence de harcèlement sexuel ou moral, le manquement à l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur n'est pas établi.

Harcèlement moral de la part de l'employeur

Madame [M] [D] fait ensuite valoir que son employeur l'a harcelée moralement en lui délivrant deux avertissements non justifiés, en prenant parti contre elle et en la « mettant au placard ».

-Sur les avertissements

Madame [M] [D] verse aux débats des avertissements qui lui ont été délivrés par son employeur les 10 octobre et 26 octobre 2012.

Le premier lui fait grief de s'être fait offrir des manteaux sans autorisation de son supérieur hiérarchique par un client de l'entreprise contrairement aux dispositions de l'article 4 de l'engagement d'indépendance qu'elle avait signée.

Madame [M] [D] conteste cet avertissement en faisant valoir qu'il est intervenu juste après qu'elle se soit plainte de harcèlement, qu'elle est la seule des personnes ayant reçu un vêtement en cadeau à avoir été sanctionnée, que les faits, à les supposer fautifs, était prescrits à la date de la sanction.

Le GIE RSM PARIS répond que Madame [M] [D] s'est engagée, aux termes de son contrat de travail, à prendre connaissance des règles déontologiques des professions d'experts-comptables et de commissaires aux comptes et que le manquement à ces règles constitue une faute, que le 31 janvier 2011, elle a signé un engagement d'indépendance stipulant qu'elle n'accepterait pas de produits ou de services d'une entité dont le groupe MBV & Associés ou les associés sont commissaires aux comptes, sauf à des conditions financières équivalentes à celles consenties aux tiers et qu'elle n'accepterait pas des cadeaux qui excèdent ce que prévoient les règles habituelles de courtoisie, que le responsable de mission avait autorisé les collaborateurs à accepter, sur l'offre du client, un vêtement de leur choix mais que Madame [M] [D] avait choisi d'en prendre deux, en plus d'un autre qu'elle avait accepté la semaine précédente, et que ce n'est que le 8 octobre 2012 que les faits ont été portés à sa connaissance ; elle réfute le fait qu'au 10 octobre 2012, Madame [M] [D] s'était plainte de harcèlement de la part d'un collègue.

Le 1er octobre 2012, Madame [M] [D] a demandé à rencontrer Mesdames [K], [A] et [W] dans un bar, ayant « besoin de (leur) parler en toute discrétion ». Ces personnes ont relaté la conversation qui s'est alors tenue dans des attestations produites aux débats, desquelles il découle que Madame [M] [D] a évoqué sa relation avec Monsieur [C] [Y], mais sans faire état de harcèlement.

Le 10 octobre suivant, Madame [M] [D] a eu un entretien avec Madame [C], associée, laquelle lui a adressé un compte rendu dans lequel il n'est pas fait mention de harcèlement mais seulement de ce que Madame [M] [D] avait fait part de sa liaison avec Monsieur [C] [Y] et des suites de cette liaison, et a exprimé une demande de ne plus travailler avec lui. Ce n'est qu'à l'occasion de l'évaluation du 26 octobre 2012, soit postérieurement à l'avertissement, que Madame [M] [D] indiquera dans ses commentaires « il est d'autant plus difficile de travailler avec ce même senior qui, quelques mois auparavant, vous a fait subir harcèlement moral et physique ».

Le GIE RSM PARIS justifie, par sa production aux débats, de l'existence de l'engagement du 31 janvier 2011 aux termes duquel la salariée n'accepterait pas de cadeau excessif au regard des règles habituelles de courtoisie. Madame [M] [D] admet, dans sa lettre du 12 novembre 2012, avoir reçu, au cours de la première semaine de la mission une première veste, puis deux autres le 27 juillet 2012, offertes par Monsieur [P], directeur financier de la société CUIRCO. Madame [M] [D] ne conteste pas qu'elle n'avait pas reçu l'autorisation de son employeur de déroger à la règle selon laquelle elle ne devait pas accepter de cadeaux excessifs, ce qui était le cas de trois vestes en cuir. Elle admet dans sa lettre du 12 novembre 2012 que deux autres des quatre personnes participant à la mission ont choisi un article le 27 juillet 2012, la quatrième n'ayant rien trouvé à son goût. Le GIE RSM PARIS justifie par une attestation de Madame [R] que celle-ci n'a appris l'existence d'un premier cadeau fait à Madame [M] [D] que le 8 octobre 2012, ce qui est confirmé par le courriel que lui a adressé Madame [M] [D] le 9 octobre 2012 dans lequel celle-ci lui écrit « je te prie de m'excuser de ne pas pas avoir transmis l'information. Je n'ai rien voulu te cacher, je n'ai juste pas pensé à t'en parler. Je ne savais pas qu'on ne pouvait pas accepter un cadeau d'un client. »

Ainsi l'avertissement du 10 octobre 2012 n'est pas postérieur à la date à laquelle Madame [M] [D] a relaté avoir été victime de harcèlement de la part d'un collègue ; le manquement imputé à Madame [M] [D] est établi ; contrairement à elle, ses collègues qui ont accepté un cadeau de la part de la personne chez qui se déroulait la mission l'on fait avec l'aval de l'employeur ; les faits n'étaient pas prescrits au jour de la sanction puisque parvenus à la connaissance de l'employeur moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire. Ce premier avertissement est justifié.

Le second lui fait grief d'avoir commis un manquement à ses obligations contractuelles lors de la mission Almathea, la semaine du 17 septembre 2012.

Madame [M] [D] fait valoir qu'elle n'a pas eu le temps matériel de travail sur cette mission et qu'elle n'avait pas des dossiers pour faire les conclusions demandées, ceux-ci étant chez Madame [K].

Le GIE RSM PARIS répond que l'avertissement concernait le manque de notes de travail, la transmission des mémos avec une semaine de retard et le non étaiement des tests réalisés et que Madame [M] [D] a admis que la mauvaise note qui lui a été attribuée à l'occasion de l'évaluation de fin de mission, D sur une échelle de A à E, était justifiée.

Cette évaluation mentionne notamment « très peu de notes de travail notamment sur une section un peu plus technique comme peut l'être les stocks », « les mémos de synthèse dans leur version définitive ont été transmis avec plus d'une semaine de retard et après relance », « les tests réalisés ne sont pas étayés ».

Dans ses observations mentionnées à la suite de cette évaluation, Madame [M] [D] a indiqué : « la note globale D est à mon sens effectivement méritée », et elle n'a pas contesté les carences dans son travail mentionnées par l'évaluateur, tout comme elle n'a pas fait état d'un manque de temps ou d'une indisponibilité des dossiers comme pouvant expliquer la réalisation insatisfaisante de sa mission. Ce second avertissement était justifié.

Les deux avertissements prononcés dans les circonstances rappelées ci-dessus ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral.

- Sur la « mise au placard »

Madame [M] [D] expose qu'il ressort clairement d'un planning d'audit qu'elle a été mise à l'écart

Le GIE RSM PARIS ne conteste pas qu'au cours du mois d'octobre 2012, Madame [M] [D] s'est retrouvée sans mission durant deux semaines. Elle explique cette situation par le fait que Madame [M] [D] avait demandé à ne plus travailler avec Monsieur [C] [Y], de sorte que les plannings ont dû être modifiés à la dernière minute et que la salariée s'est retrouvée sans mission le temps de la réaffecter, ce qui a été fait dès le mois de novembre ainsi qu'il résulte du planning versé aux débats.

Compte tenu des circonstances et des motifs pour lesquels elle a pu ne pas avoir reçu de mission durant quelques jours, Madame [M] [D] n'établit pas que ce fait constitue une mise à l'écart par son employeur.

- Sur le parti-pris

Madame [M] [D] fait valoir que son employeur a, dans deux courriers accusatoires des 5 et 28 novembre 2012 faisant suite à sa plainte pour harcèlement, délégitimé cette plainte et renvoyé la salariée à subir la situation.

Le GIE RSM PARIS fait valoir qu'elle a mis en place une procédure d'enquête, que Madame [M] [D] et Monsieur [C] [Y] ont été entendus, qu'elle a pris des mesures afin que les intéressés ne soient plus en contact l'un avec l'autre, notamment en proposant à Madame [M] [D] d'être affectée dans des locaux distincts du siège, qu'elle a saisi le CHSCT et la DUP, que le suivi de la plainte de la salariée avait été mis à l'ordre du jour de toutes les réunions du comité d'entreprise entre le 17 décembre 2012 et le 26 mars 2013, qu'elle a demandé au médecin du travail de recevoir l'intéressée.

À compter du 26 octobre 2012, Madame [M] [D] a porté explicitement à la connaissance de son employeur le fait qu'elle estimait être victime de harcèlement moral et physique de la part d'un collègue. Le 12 novembre 2012, Madame [M] [D] a réitéré dans une lettre adressée au GIE RSM PARIS et d'une façon détaillée, les faits qu'elle imputait à Monsieur [C] [Y], tant au cours de la mission de [Localité 3] qu'au cours de la mission Amalthea.

En réponse aux observations sur l'évaluation professionnelle du 26 octobre 2012, le GIE RSM PARIS a adressé le 5 novembre 2012 à Madame [M] [D] un courrier recommandé dans lequel il est écrit : « nous avons été très étonnés d'apprendre que vous auriez pu faire l'objet, dans le cadre de votre travail au sein de notre société, de faits pouvant constituer harcèlement moral ou physique. Il semble que de tels faits ne peuvent relever d'une situation de harcèlement moral ou physique. Les relations extra professionnelles que vous avez pu entretenir avec un collaborateur ayant 2 années d'expérience professionnelle de plus que vous, constituent une affaire d'ordre privé qu'il ne nous appartient ni l'apprécier, ni de juger, dès lors qu'elle n'interfère pas avec le domaine professionnel... D'une manière générale, vous faites une présentation tronquée des relations que vous pouvez avoir avec vos collègues, tentant sûrement ainsi de masquer vos lacunes dans l'exécution de vos tâches »

En réponse à la lettre du 12 novembre 2012, l'administrateur unique du GIE RSM PARIS a écrit à Madame [M] [D] le 28 novembre suivant : « je vous invite de votre côté à porter plainte afin que justice soit rendue. De mon côté, et tant qu'une décision de condamnation n'aura pas été rendue, il m'est difficile de prendre une sanction à l'égard de Monsieur [C] [Y] en vertu du principe essentiel que constitue la présomption d'innocence ».

L'employeur saisi d'une plainte et de faits de harcèlement est tenu d'enregistrer cette plainte de manière impartiale et de s'abstenir de préjuger des faits, d'informer la salariée des conséquences éventuelles de fausses accusations, d'organiser un traitement et une enquête équitable sur les faits dénoncés, d'entendre les salariés concernés en les informant de la possibilité de se faire assister d'une tierce personne et d'établir un compte rendu de ces auditions, de mettre en 'uvre les dispositifs de prévention et de saisir le CHSCT.

Écrire à la salariée qui avait exposé de façon circonstanciée avoir été victime de faits de harcèlement sexuel et moral, qu'il semblait que les faits ne pouvaient relever d'une situation de harcèlement moral ou physique, lui imputer d'une manière générale une présentation tronquée des relations qu'elle pouvait avoir avec ses collègues, l'informer qu'aucune sanction ne pourra être prise à l'encontre du mis en cause en l'absence de condamnation pénale, alors même que l'employeur dispose du pouvoir disciplinaire qui n'est pas lié à la reconnaissance éventuelle de la commission d'une infraction, revient à adopter une attitude partiale vis-à-vis de la plaignante et à délégitimer sa plainte.

La matérialité de faits de parti-pris, exprimés à deux reprises et donc répétés est établie. Ces faits ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de Madame [M] [D] en matière de protection contre le harcèlement ainsi qu'à sa dignité, dans la mesure où sa parole était clairement mise en doute.

Madame [M] [D] établit donc des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de son employeur, de sorte qu'il incombe à celui-ci de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le GIE RSM PARIS ne démontre pas que les courriers précités ne constituent pas un harcèlement ni que des éléments objectifs justifiaient leur rédaction et leur envoi à la salariée.

Le harcèlement moral de Madame [M] [D] par le GIE RSM PARIS est établi.

Ce harcèlement moral lui a causé un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Non-paiement des heures supplémentaires

Madame [M] [D] fait valoir qu'elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, soit en raison de sa charge de travail, soit à raison d'un temps de transport supérieur à celui nécessité pour aller de son domicile à la société quant elle se rendait en mission, soit parce qu'elle travaillait le week-end.

Le GIE RSM PARIS répond que le temps de travail de Madame [M] [D] était fixé non pas sur la base de 35 heures par semaine mais dans la limite d'un plafond annuel de 1607 heures, de sorte que cette durée fixe le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Elle conteste l'existence d'heures supplémentaires.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires. Le salarié doit étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Au soutien de sa demande Madame [M] [D] produit un récapitulatif des heures effectuées sur l'année 2012 appuyé sur la saisie informatique des temps de travail de l'année en question, arrêtée en novembre, faite avec le logiciel COALA de son employeur, totalisant 1797 heures. Elle ajoute que pour 2011, elle a au moins travaillé autant, et qu'elle a effectué 40 heures supplémentaires dans des trajets au-delà d'un temps usuel.

Le GIE RSM PARIS répond que le demandes en appel sont supérieures à celles présentées en première instance, que le logiciel de saisie des temps COALA a été paramétré pour une durée de 8 heures par jour quelque soit l'activité réalisée et qu'il ne distingue pas entre les journées d'absences et des journées de travail ordinaire et que Madame [M] [D] comptabilise des heures de travail pour des journées où elle était en congé.

S'agissant des heures de déplacement professionnels qu'elle dit avoir effectuées, Madame [M] [D] ne produit pas d'éléments étayant sa demande de façon suffisamment précise quant aux heures de ces déplacements pour permettre à l'employeur de répondre.

S'agissant des horaires de travail, Madame [M] [D] étaie sa demande par la production de documents intitulés « saisie des temps [M] [D] » dont l'employeur ne conteste pas qu'il s'agit de pièces provenant de son entreprise. Ces documents précisent jour par jour la mission, son libellé et le type d'activité de la salariée pour la période du 9 janvier au 14 septembre 2012. Le temps de travail quotidien y est mentionné et n'est pas systématiquement de 8 heures. À partir de ces éléments, Madame [M] [D] a dressé un tableau récapitulatif pour l'année 2012 totalisant un total d'heures travaillées de 1797. Si pour l'année 2011, Madame [M] [D] n'a pas établi un tableau récapitulatif de ses heures de travail effectué, il ressort des pièces produites aux débats qu'elle a demandé à son employeur de lui fournir les relevés COALA pour l'année en question et que ce dernier s'y est refusé. Elle fait valoir qu'elle a travaillé cette année-là au moins autant qu'en 2012.

Ainsi, Madame [M] [D] étaie sa demande de façon suffisamment précise pour permettre à son employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Le GIE RSM PARIS répond que Madame [M] [D] a comptabilisé la réalisation d'heures de travail alors qu'elle était en congés payés, RTT ou un arrêt maladie. Il produit aux débats les bulletins de salaire mentionnant les périodes d'absence.

Le rapprochement des éléments fournis de part et d'autre démontre que Madame [M] [D] a pris en compte comme retraçant ses heures de travail, la dernière ligne figurant sur chacune des feuilles de temps, alors que cette ligne comptabilise des heures même durant les jours d'absence. Pour déterminer le nombre total d'heures de travail effectuées par Madame [M] [D], il faut prendre en considération les seules heures revendiquées par celle-ci durant les jours effectivement travaillés. La différence est de 180. L'employeur ne fournit pas d'autre éléments justifiant des heures travaillées par la salariée. Il s'ensuit que Madame [M] [D] a en 2012, effectué 1617 heures de travail, et a donc effectué 10 heures de travail supplémentaire au-delà du seuil annuel de 1607 heures. En, l'absence de tout autre élément produit par les parties pour ce qui concerne l'année 2011, la cour retient le même nombre d'heures supplémentaires effectuées.

Au vu de la rémunération de Madame [M] [D] et de la majoration due pour les heures supplémentaires, il reste dû à la salariée un rappel de salaire de 541,75 euros ainsi que les congés payés afférents, 54,17 euros.

Non-paiement spontané du complément maladie

Madame [M] [D] fait valoir que son employeur n'a pas payé le complément de salaire alors qu'elle était en arrêt de maladie en novembre 2011, qu'il ne lui a pas remis de bulletin de paie et n'a pas payé ses tickets restaurant. Elle ajoute qu'elle les a réclamés par courrier recommandé du 14 janvier 2012 jusqu'au 4 septembre 2013.

S'agissant du non-paiement du complément maladie, le GIE RSM PARIS fait valoir qu'elle a invité Madame [M] [D] à justifier de la perception d'indemnités journalières du régime de la sécurité sociale le 18 décembre 2012, qu'elle a reçu les justificatifs le 11 janvier 2013 et qu'elle a immédiatement payé le complément de salaire. Le GIE RSM PARIS répond que le 18 décembre 2012, il a adressé à la salariée les 4 tickets restaurant restant dûs pour la période travaillée du mois de novembre 2012, et qu'il n'était plus redevable du moindre ticket restaurant au-delà dans la mesure où Madame [M] [D] n'a pas repris son activité jusqu'à sa prise d'acte.

Par application de la convention collective applicable, les salaires sont maintenus aux employés absents pour maladie, ce droit étant subordonné au bénéfice des indemnités journalières du régime général de la sécurité sociale.

Le GIE RSM PARIS justifie avoir versé le complément dû à Madame [M] [D] à partir du moment où celle-ci a justifié de la perception des indemnités journalières, tout comme il justifie avoir fait parvenir à sa salariée son bulletin de salaire de novembre 2012 ainsi que les tickets restaurant auxquels elle avait droit.

L'employeur a rempli ses obligations.

Sur l'entrave aux fonctions de délégué du personnel

Madame [M] [D] fait valoir que son employeur l'a mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions représentatives dans la mesure où il ne l'a plus convoquée aux réunions des délégués du personnel.

Le GIE RSM PARIS répond que depuis que Madame [M] [D] a été élue membre suppléant de la délégation unique du personnel, le 24 juillet 2012, elle l'a scrupuleusement convoquée à toutes les réunions par le biais d'un e-mail qu'elle pouvait consulter, y compris durant ses arrêts maladie, au moyen de son ordinateur portable, et qu'il appartenait à l'intéressée de consulter ses messages professionnels si elle souhaitait être avisée des réunions de la DUP dont elle était membre.

La maladie d'un représentant du personnel ne suspend pas son mandat. La convocation des membres de la DUP aux réunions incombe à l'employeur. Il appartient donc à ce dernier de faire en sorte que la convocation soit adressée de manière effective aux personnes concernées, de sorte qu'elle puisse en prendre connaissance. Il n'incombe pas à ces personnes de s'enquérir de savoir quand sont programmées les réunions.

Au cas d'espèce, alors que Madame [M] [D] a été absente pour maladie durant de nombreux mois consécutifs à partir du mois de novembre 2012 et qu'elle n'était donc pas physiquement à son poste de travail ni même dans l'entreprise, ce que son employeur n'ignorait pas, ce dernier lui a exclusivement adressé les convocations aux réunions mensuelles de la DUP au moyen de messages électroniques envoyés sur sa boîte professionnelle, jusqu'au mois d'avril 2013, époque à laquelle il a doublé ses courriels d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la résidence de l'intéressée. Du fait de son arrêt de travail, Madame [M] [D] n'avait pas à consulter sa messagerie professionnelle. En conséquence, entre le mois de novembre 2012 et le mois d'avril 2013, son employeur ne l'a pas convoquée effectivement, ce qui a eu pour effet de la priver de la possibilité d'accomplir ses fonctions de représentant du personnel.

Le manquement imputé à l'employeur est établi.

Le harcèlement moral à l'endroit de Madame [M] [D] commis par l'employeur et l'obstacle mis par ce dernier à l'accomplissement des fonctions de représentant du personnel par Madame [M] [D] constituent des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ces manquements justifient la prise d'acte par la salariée. Cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul à raison du mandat de représentant du personnel dont Madame [M] [D] était investie. La date de la rupture est celle de la prise d'acte, soit le 14 août 2013.

Sur les demandes indemnitaires en suite de la prise d'acte

Indemnité pour licenciement nul

Madame [M] [D] sollicite une indemnité calculée sur la base de 7 mois de salaire moyen soit 20 329,12 euros.

En cas de licenciement nul, le salarié victime d'un tel licenciement a droit au versement, à la charge son employeur, d'une indemnité au titre du caractère illicite du licenciement dont le montant ne peut être inférieur à 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [M] [D], de son âge, 28 ans, de son ancienneté, 2 ans et 9 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, une somme de 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Indemnité pour violation du statut protecteur

Madame [M] [D] faisant valoir qu'elle bénéficie d'une protection jusqu'au 24 juillet 2016, soit 35 mois, sollicite une indemnité de 101 645,60 euros.

Le GIE RSM PARIS répond qu'en raison de l'absorption d'une nouvelle entité en octobre 2013, les institutions représentatives du personnel ont sollicité de l'employeur qu'il mette un terme de façon anticipée au mandat des membres de la délégation unique du personnel et que soient organisées des élections afin d'élire des délégués du personnel ainsi qu'un comité d'entreprise, ce qui a été fait le 27 janvier 2014, ainsi qu'il en justifie. Il demande que l'indemnité au titre de la violation du statut protecteur soit réduite en conséquence.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui n'est pas réintégré a droit à une indemnité au titre de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur dont le montant est égal à la rémunération brute qui aurait dû être perçue entre la date de la rupture et l'expiration de la période de protection.

En conséquence, sur la base de la rémunération que Madame [M] [D] aurait perçu si l'intéressée était restée dans l'entreprise entre sa prise d'acte et la date d'expiration de sa période de protection, il lui est dû 33 914,07 euros.

Indemnité conventionnelle de licenciement

Sur le fondement de l'article 6.2.1 de la convention collective, Madame [M] [D] sollicite, à raison de son ancienneté, 2 ans et 9 mois à l'expiration du préavis, une indemnité de 1597,28 euros.

Le GIE RSM PARIS estimant que la prise d'acte de Madame [M] [D] produit les effets d'une démission, juge infondée cette demande.

L'indemnité conventionnelle de licenciement se calcule sur la base de 2/10ème de mois de salaire par année d'ancienneté, celle de Madame [M] [D] étant de 2 ans et 9 mois.

Compte tenu de cette ancienneté et de la rémunération brute due à la salariée, le montant de l'indemnité de licenciement s'élève à 1512,37 euros.

Sur le cours des intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, l'indemnité conventionnelle de licenciement, le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 8 février 2013, et l'indemnité pour licenciement nul, l'indemnité pour violation du statut protecteur et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

Sur la remise de documents

Il sera ordonné au GIE RSM PARIS de remettre à Madame [M] [D] un certificat de travail rectifiée, une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur les demandes reconventionnelles de le GIE RSM PARIS

La prise d'acte de Madame [M] [D], justifiée, ne saurait produire les effets d'une démission. Dès lors, Madame [M] [D] n'est pas redevable envers son employeur d'une indemnité correspondant au préavis qu'elle n'a pas exécuté.

Si Madame [M] [D] n'a pas été en mesure d'établir qu'elle a été victime d'agissements fautifs de la part d'un de ses collègues de travail, il n'est pas démontré que la dénonciation des faits dont elle s'estimait victime a été faite dans un but malicieux ou avec une légèreté blâmable. En conséquence, le GIE RSM PARIS ne peut obtenir la condamnation de Madame [M] [D] à réparer un préjudice que lui aurait occasionné cette dénonciation.

Le GIE RSM PARIS sera débouté de ses demandes reconventionnelles.

Sur les frais irrépétibles

Partie succombante, le GIE RSM PARIS sera condamné à payer à Madame [M] [D] la somme de 3000 euros et à Monsieur [C] [Y] celle de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de Monsieur [C] [Y] fondée sur ces dispositions et dirigées contre Madame [M] [D], sera rejetée en raison de ce que, comme il sera précisé, celle-ci n'est ni partie tenue aux dépens ni partie perdante.

Sur les dépens

Partie succombante, le GIE RSM PARIS sera condamné au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et ajoutant,

Rejette la demande d'irrecevabilité présentée par Monsieur [C] [Y],

Dit que la prise d'acte de Madame [M] [D] produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne le GIE RSM PARIS à payer à Madame [M] [D] les sommes de :

*541,75 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

*54,17 euros à titre de congés payés afférents,

*1512,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013,

* 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 33 914,07 euros en réparation de la violation du statut protecteur,

* 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du harcèlement moral,

avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Condamne le GIE RSM PARIS à payer à Madame [M] [D] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le GIE RSM PARIS à payer à Monsieur [C] [Y] 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne le GIE RSM PARIS aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/03966
Date de la décision : 18/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/03966 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-18;15.03966 ?
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