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17/05/2016 | FRANCE | N°14/12346

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 17 mai 2016, 14/12346


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 17 MAI 2016



(n° 235 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12346



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 30 Avril 2014 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° R 13-16557





APPELANTE



SA COVEA RISKS

[Adresse 1]

[Adresse 2]



N° SIRET : 378 716 419



Représen

tée par Me Agathe CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS,...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 17 MAI 2016

(n° 235 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12346

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 30 Avril 2014 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° R 13-16557

APPELANTE

SA COVEA RISKS

[Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : 378 716 419

Représentée par Me Agathe CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Pierre CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

INTIMEE

ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES PATRONS INDEPENDANTS agissant poursuites et diligences de son Président y domicilié en cette qualité.

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe STOCKER, avocat au barreau de PARIS, toque: E1104

PARTIE INTERVENANTE

Maître [I] [S] prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [W] [F]

[Adresse 5]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Sophie RICHARD, Présidente

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

M. Philippe JAVELAS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Sophie RICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

*****

En 2003, l'ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES PATRONS INDÉPENDANTS (APPI) a confié à maître [F], avocat au barreau de Paris, la mission d'obtenir de l'administration fiscale le remboursement d'une taxe sur les cotisations de ses adhérents, moyennant le versement d'un honoraire que maître [F] s'engageait à rembourser ' si le résultat n'était pas obtenu dans le délai de dix mois maximal '. Elle a versé au titre de ces honoraires la somme totale de 400 065,65 €.

Les négociations avec les services fiscaux ont échoué.

Maître [F] a été placé en redressement puis en liquidation judiciaire le 2 novembre 2006 et maître [S] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

En 2007, l'APPI a fait assigner maître [S] en sa qualité de mandataire liquidateur de maître [F] en vue de rechercher sa responsabilité professionnelle ainsi que son assureur, la société COVEA RISKS, devant le tribunal de grande instance de Paris. Par un jugement du 5 novembre 2008, le tribunal a déclaré irrecevable la demande dirigée contre maître [F] représenté par maître [S] en sa qualité de liquidateur et a condamné la société COVEA RISKS à payer à l'APPI la somme de 335 655 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision, a rejeté le surplus des demandes et a condamné la société COVEA RISKS au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un arrêt du 14 septembre 2010, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande dirigée contre maître [F] et statuant à nouveau, a déclaré irrecevable la demande nouvelle présentée par l'APPI et tendant à ce que la société COVEA RISKS soit condamnée à lui verser une somme correspondant au montant des honoraires que maître [F] aurait dû lui restituer et a débouté l'APPI de ses demandes en dommages-intérêts.

Par un arrêt du 17 novembre 2011, la Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi alors qu'en 1ère instance, l'APPI avait demandé à l'assureur de maître [F] le paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour inexécution de l'obligation de l'avocat de restituer les honoraires perçus et en cause d'appel, celui d'une somme correspondant à l'exécution par maître [F] de l'obligation de restituer les honoraires perçus de sorte que cette dernière demande qui tendait aux mêmes fins, n'était pas nouvelle, la cour d'appel avait violé l'article 565 du code de procédure civile et elle a cassé et annulé l'arrêt du 14 septembre 2010 sauf en ce qu' il a déclaré irrecevable la demande de maître [S] en sa qualité de liquidateur de maître [F] et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Par un arrêt du 20 février 2013, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement déféré, en ce qu'il a condamné la société COVEA RISKS à payer à l'APPI la somme de 333 655 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et statuant

à nouveau, a condamné la société COVEA RISKS à payer à l'APPI la somme de

400 065,65 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts aux taux légal à compter du 17 mars 2007, et y ajoutant, a condamné la société COVEA RISKS à payer à l'APPI la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un arrêt du 30 avril 2014, la Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi alors d'une part que la clause invoquée par l'assureur excluait de sa garantie 'le non versement ou la non-restitution des fonds, effets ou valeurs reçus à quelque titre que ce soit par l'assuré, ses collaborateurs ou ses préposés' d'autre part qu'elle était opposable à l'APPI, la cour d'appel avait violé l'article L112-6 du code des assurances et elle a cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Le 11 juin 2014, la société COVEA RISKS a effectué une déclaration de saisine de la cour d'appel de Paris.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 4 mars 2015, la société COVEA RISKS sollicite la réformation du jugement du 5 novembre 2008, en ce qu'il a accueilli la demande de l'APPI en paiement de taxes d'assurances légalement dues pour un montant de 225 635,88 € plus des intérêts pour un montant de 108 019,12 € , sa confirmation en ce qu'il a rejeté la demande de l'APPI en paiement de dommages-intérêts pour perte de ses adhérents, et le débouté de toutes ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées contre la société COVEA RISKS, la condamnation de l'APPI à rembourser les sommes reçues ou dues par elle en exécution du jugement, augmentées des intérêts depuis le 9 février 2009 outre la somme de 3 000 € allouée par l'arrêt du 30 avril 2014, soit la somme de 452 871,70€, le débouté de l'appel incident de l'APPI et sa condamnation à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 21 janvier 2015, l'APPI demande à la cour de confirmer le jugement du 5 novembre 2008 en ce qui concerne la responsabilité de maître [F] et l'obligation à garantie de la société COVEA RISKS, et de faire droit à son appel incident et de lui accorder au titre de la réparation de l'ensemble de ses préjudices la somme de 500 000 € à titre de dommages-intérêts et de condamner la société COVEA RISKS à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'APPI a fait assigner maître [S] es qualités de liquidateur devant la cour d'appel de Paris en lui signifiant ses conclusions et en lui dénonçant le calendrier par acte d'huissier du 31 mars 2015.

Maître [S] n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION :

La société COVEA RISKS rappelle que l'APPI qui agissait sur le fondement des articles 1146 et suivants du code civil, énonçait des griefs tenant non pas à l'inexécution de la convention d'honoraires mais à l'échec de la négociation avec l'administration fiscale. L'appelante conteste le bien fondé de ces griefs et fait valoir qu'il s'agissait en réalité d'obtenir la restitution des honoraires versés, conformément à la convention d'honoraires, dans le cas où les négociations avec l'administration fiscale échouaient. Elle soutient que l'avocat qui n'avait pas garanti la réussite de ces négociations, n'avait contracté qu'une obligation de moyen et qu'il peut seulement être tenu au remboursement des honoraires conformément à l'engagement souscrit dont l'examen relevait de la compétence du juge de l'honoraire en application de l'article 174 du décret du 27 novembre 1991.

La société COVEA RISKS conclut également à l'inexistence du préjudice alors que l'APPI ne justifie pas du paiement des taxes d'assurance qu'elle réclame et qui relèvent d'une obligation légale incombant aux assurés.

Enfin la société COVEA RISKS rappelle l'étendue de la garantie souscrite par le barreau de Paris et l'exclusion dont fait l'objet le non versement ou la non restitution des fonds, effets et valeurs reçus à quelque titre que ce soit par l'assuré. Elle conclut qu'elle ne pouvait être tenue à garantie tant au titre du remboursement des honoraires qu'au titre d'une indemnité correspondant à une faute et un dommage inexistants et que le paiement d'honoraires avant résultat, n'entre pas dans l'exercice normal de la profession dont le barreau de Paris doit répondre.

S'agissant de la demande formée par l'APPI dans le cadre de son appel incident, la société COVEA RISKS maintient qu'il s'agit toujours sous couvert d'une demande en dommages-intérêts, d'obtenir la restitution des honoraires versés alors que les conditions de la responsabilité civile ne sont pas réunies.

L'APPI expose qu'elle n'a pas saisi le juge de l'honoraire et qu'elle recherche la responsabilité de maître [F] à raison des fautes qu'il a commises dans l'exécution de ses engagements notamment en ne remboursant pas les honoraires perçus, et qui lui ont causé un préjudice. Elle fait valoir à ce sujet qu'elle ne réclame pas le paiement des taxes qu'elle a acquittées et que payant celles-ci pour le compte de ses adhérents, elle subit un préjudice personnel. Elle soutient que la condamnation de la société COVEA RISKS n'est pas incompatible avec l'arrêt de la Cour de cassation de 2014 puisqu'en l'espèce, il s'agit de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle d'un avocat dans l'exercice de sa profession.

L'APPI qui considérait que le non paiement de la taxe sur les cotisations de ses adhérents par un organisme concurrent constituait une situation de concurrence déloyale, a chargé maître [F] de négocier avec l'administration fiscale afin d' obtenir le remboursement de ce qu'elle-même avait payé.

L'APPI reproche à maître [F] de :

- ne pas avoir obtenu un résultat positif dans ses négociations avec l'administration fiscale malgré les termes impératifs de son contrat,

- d'avoir par son action, fermé pour l'avenir toute possibilité de transaction puisque l'administration a appliqué le texte à l'autre organisme concurrent,

- de s'être désisté au nom de l'APPI d'une action contentieuse engagée devant le tribunal de grande instance,

- de lui avoir fait perdre une chance de succès,

- d'avoir continué ses démarches alors qu'il était déchargé de sa mission,

- de ne pas l'avoir informé de ses difficultés financières et d'avoir refusé de faire une déclaration de sinistre.

L'échec de la mission confiée à maître [F] dans le délai de 10 mois devait donner lieu à restitution de ses honoraires et l'allocation de dommages-intérêts distincts ne peut donc être possible que si l'APPI démontre l'existence d'une faute et d'un préjudice autres que le seul échec des négociations.

Ainsi, l'absence de résultat positif qui est la cause même de la restitution des honoraires, ne constitue pas une faute ou un préjudice pouvant donner lieu à des dommages-intérêts distincts.

Le fait que les démarches entreprises aient abouti à l'application du même régime fiscal à l'organisme concurrent ne peut réaliser un préjudice puisque l'objectif de la négociation avec l'administration fiscale était de mettre fin à une distorsion de concurrence due à une imposition différente d'une même activité.

L'APPI verse aux débats une assignation en justice à l'encontre du directeur des services fiscaux délivrée le 7 juin 2002 en vue de voir annuler le rejet de sa demande de remboursement de la taxe d'assurance payée du 1er janvier 1998 au 31 janvier 2001. Mais elle ne justifie pas que maître [F] soit intervenu dans cette instance sans son accord ni que celle-ci avait une chance réelle et sérieuse d'aboutir à une solution favorable pour la demanderesse.

L'APPI a adressé une lettre à maître [F] le 10 avril 2006 dans laquelle elle déclare confirmer sa décision de mettre fin à son mandat qu'elle avait déjà exprimée le 3 juin 2005 ; néanmoins, dans une seconde lettre du 28 juin 2006, elle accuse réception de la nouvelle requête qui doit être présentée au ministre des finances de sorte qu'elle ne peut valablement reprocher à l'avocat d'avoir poursuivi sa mission au delà de l'année 2005.

S'agissant des difficultés financières de maître [F], l'APPI n'indique pas à quel moment elles sont apparues et quelles conséquences leur connaissance aurait eu sur le présent litige. Enfin le refus de déclarer un sinistre à l'assureur ne peut être constitutif d'une faute et d'un dommage qu'autant que l'assureur est tenu à garantie, ce qui est l'objet de la présente instance.

Ainsi l'APPI ne peut légitimement se plaindre que de la non-restitution par maître [F] des honoraires versés, malgré l'engagement souscrit par ce dernier de les rembourser en cas d'échec de sa mission.

Mais le remboursement des honoraires qui aurait dû intervenir dans le cadre de l'exécution de la convention souscrite, constitue une restitution de fonds exclue de la garantie de la société COVEA RISKS selon l'article 6.4 du contrat d'assurance civile professionnelle souscrit par le barreau de Paris et dont il n'est pas contesté qu'il est opposable à l'association.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 2008 en ce qu'il a fait droit à la demande de l'APPI à l'encontre de la société COVEA RISKS et de débouter l'association.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance, la présente décision réformant le jugement valant titre de restitution.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision exécutoire, n'en doit les intérêts qu'à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution

Il sera alloué à la société COVEA RISKS la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 2008, en ce qu'il a condamné la société COVEA RISKS,

Statuant à nouveau,

Déboute l'APPI de ses demandes,

Y ajoutant,

Déboute la société COVEA RISKS de sa demande en paiement d'intérêts sur les sommes à restituer par l'APPI à compter du 9 février 2009,

Condamne l'APPI à payer à la société COVEA RISKS la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'APPI aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la S.C.P CORDELIER & ASSOCIÉS, selon l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/12346
Date de la décision : 17/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/12346 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-17;14.12346 ?
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